Les 775 films en DVD d'Isabelle
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film(s) relevant du genre : pauvre espèce humaine

334 réponses classées par dates


Blind Husbands - Maris aveugles

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Réalisé par : Erich von Stroheim (1885 - 1957)
En : 1919, USA
Acteurs principaux : Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 68 mn, NB

Critique perso :

Mme Armstrong accompagne son docteur de mari en vacances à Cortina d'Empezzo, aux pieds de leurs dolomites favorites. Un peu délaissée par son époux, elle tombe sur un officier autrichien très prévenant. Uniforme, monocle et sabre au clair, ce Don Juan des alpâges ne ménage aucun effort et aucun effet. Il a, paraît-il, escaladé toutes les montagnes du monde... Mais la belle résiste, le mari et le destin s'en mèlent. Tout culmine, comme il se doit, au sommet du Pinacle, d'où tout le monde ne descendra pas indemne... Un vieux film plein d'audaces et qui, bien que muet, ne manque pas de sous-entendus.

Kid (The)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1921, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977), Jackie Coogan (1914 - 1984), Edna Purviance (1895 - 1958)
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 50 mn, NB

Critique perso :

Les gosses, ça tombe toujours du ciel quand on ne s'y attend pas. C'est ce qu'a l'air de se dire une triste fille-mère, à la sortie de l'hospice où elle vient d'accoucher. C'est ce que se disent, ensuite, deux voleurs de voiture mal inspirés. C'est ce que se dit, enfin, un petit homme à moustaches et à grandes chaussures. Le petit de la fille-mère devient donc le petit du petit homme. Bientôt, il a acquis ses bonnes manières : il sait semer les policiers et faire cuire les pancakes. Il est presque aussi bon comédien que lui. Le petit homme, ça lui donne des ailes. Après, pour relancer l'histoire, d'autres personnages tombent du ciel : des travailleurs sociaux, une gentille marraine, une ange coquine. Premier long métrage venu de la galaxie Chaplin. Une bonne étoile, à suivre.

Foolish Wives - Folies de femmes

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Réalisé par : Erich von Stroheim (1885 - 1957)
En : 1922, USA
Acteurs principaux : Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 117 mn, NB

Critique perso :

Un soit-disant comte russe (qui se fait appeler Karamazin) est en villégiature près de Monaco, avec deux soit-disant cousines aussi aristocrates que lui. Il s'intéresse de près à l'ambassadeur U.S. -et à son épouse. Et à quelques autres, plus ou moins friquées. Boutonné et galonné dans les règles, il a toujours l'air en campagne militaire, Karamazin. Et il a toujours quelques chose à tripoter dans les mains : une arme, une canne, un gland de rideau, une main de femmes. Il fait confiance à son charme, à son regard et à son destin. La folie des femmes, c'est de faire confiance aux hommes de son genre. Mais à Monaco, c'est assez souvent que rien ne va plus.

Letzte Mann (Der) - Dernier des hommes (Le)

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Réalisé par : F. W. Murnau (1888 - 1931)
En : 1924, Allemagne
Acteurs principaux : Emil Jannings (1884 - 1950)
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 77 mn, NB

Critique perso :

En matière de portes, il s'y connaît, le bonhomme : il est portier à "l'Atlantik", le plus bel hôtel de la ville. Serviteur servile des riches, mais roi arrogant chez les gueux, avec son rutilant costume à boutons dorés. Sauf que les portes, elles sont faîtes pour être tournées : quand il est muté préposé aux lavabos, c'est la cata. La blouse blanche remplace les boutons dorés. Le ciel, la ville et les voisins (et même le happy-end) lui tombent sur la tête. Pas besoin d'un seul mot pour suivre, en toute subjectivité, la déchéance d'un homme. Pas besoin d'un seul intertitre pour en être ému.

Gold Rush (The) - Ruée vers l'or (La)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1925, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 98 mn, NB

Critique perso :

Un drôle de petit vagabond à baluchon, embarqué dans une mythique quète de l'or en Alaska. A vrai dire, on ne le verra pas beaucoup creuser ni fouiller. Le décor est surtout prétexte à ramener l'homme à sa plus simple expression, petit point noir dans un grand désert blanc où la survie au froid, à la faim et à la solitude est la principale préoccupation. Avec à peine deux cabanes, un saloon et un ours blanc, on y est, sur la banquise. Avec deux petits pains, on y est, à l'opéra. Chaplin reconstitue ainsi le rêve d'une époque, l'enfance d'un peuple, dont il est à la fois le messager et la victime. On a tous laissé un éclat de rire et une larme sur le décor d'opéra de cette banquise-là.

Sunrise: A Song of Two Humans - Aurore (L')

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Réalisé par : F. W. Murnau (1888 - 1931)
En : 1927, USA
Acteurs principaux : Janet Gaynor (1906 - 1984), George O'Brien (1899 - 1985)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire d'un mec qui hésite entre sa maîtresse et sa femme, entre la ville et la campagne, entre l'ombre et la lumière. C'est l'histoire d'un type pour lequel tout semble difficile, qui doit se battre sans arrêt contre les autres, contre la nature et surtout contre la sienne propre. C'est l'histoire d'un homme qui est toujours un peu largué, dépassé, lourd, étranger à lui-même et au monde. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? C'est l'histoire d'un acteur qui a toujours l'air de s'être trompé de plateau, de ne pas être dans le bon décor. C'est l'histoire d'un cinéaste qui a inventé l'art de faire du sens avec des images, et des images avec du sens.

Argent (L')

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Réalisé par : Marcel L'Herbier (1890 - 1979)
En : 1928, France
Acteurs principaux : Alfred Abel (1879 - 1937), Pierre Alcover (1893 - 1957), Antonin Artaud (1896 - 1948), Jules Berry (1883 - 1951), Yvette Guilbert (1865 - 1944), Brigitte Helm (1908 - 1996), Henry Victor (1892 - 1945)
Genre(s) : Paris /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 164 mn, NB

Critique perso :

Le Deus ex-Machina de cette histoire est invisible et immortel, et c'est le maître du monde. Il a son temple (la Bourse), son clergé (les banquiers) et ses adorateurs (les boursicotteurs et les cocottes). Il y a bien quelques bizarres excentriques qui prétendent ignorer son culte : cet aviateur Hamelin, par exemple. Mais, même lui, il lui doit quelques courbettes pour espérer réaliser sa traversée de l'Atlantique. Saccard est de ceux qui ont le pouvoir de réaliser ce genre de rêve. Quand sa banque prend l'eau, il spécule sur la vie des hommes et sur la corruptibilité des femmes. Le film est comme un grand monopoly grandeur nature (superbe plateau !) où les plus fidèles du Maître ont toujours un coup d'avance. Vous croyiez encore qu'il a fallu une bonne crise pour soupçonner que les dés du capitalisme sont peut-être un peu pipés ? Que la mondialisation du fric a attendu la fin du XXème siècle ? Les bonnes blagues...

Blaue Engel (Der) - Ange bleu (L')

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Réalisé par : Josef von Sternberg (1894 - 1969)
En : 1930, Allemagne
Acteurs principaux : Marlene Dietrich (1901 - 1992), Emil Jannings (1884 - 1950)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /en avant la musique /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

A l'Ange bleu, cabaret mal famé, il y a une fille sur un tonneau qui chante qu'elle est "faite pour l'amour de la tête aux pieds". Il suffit de la voir pour y croire. Débarqué là-dedans pour y traquer ses élèves les plus dissipés, un vieux et sévère professeur de collège se met soudain à y croire -à l'amour. Avec la fille sur le tonneau. Mais l'ange l'entraine en enfer, la poule le transforme en coq de (très) basse cour. Et le mauvais théatre où il s'était égaré sera aussi le témoin cruel de sa lamentable déchéance. Première victime identifiée de Marlène Dietrich (ce sera pas la dernière), le vieux prof est pitoyable est touchant. On se régale de son piteux spectacle, parce qu'il y a des moments où il vaut mieux être dans la salle que sur la scène.

Juno and the Paycock - Junon et le paon

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1930, Angleterre
Acteurs principaux : Sara Allgood (1879 - 1950)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 85 mn, NB

Critique perso :

Pour fêter le début du cinéma parlant, Hitchcock, déjà gros mais pas encore grand, se lance, comme il fera souvent, dans l'adaptation d'une pièce de théâtre contemporaine à succès... et oublie par la même occasion les règles les plus élémentaires de sa vraie langue, ce parler en images qu'il a commencé à inventer. C'est peu dire que la pièce a peu d'intérêts et que le film est raté : un mélo irlandais vaguement socio-politque, en huis clos sordide, chez des prolos au fond du trou, le tout à cause du manque de sens de responsabilité des hommes de la famille. Ca commence comme une comédie pas drôle et ça se termine en drame pas touchant. Quand il fait chanter ses personnages, c'est même pas sous la menace, c'est juste pour tester ses micros. Zéro mystère, pas un pence de suspense ni un gramme d'ambiguïté : qu'est allé faire Hitch dans cette absence de galère ?

City Lights - Lumières de la ville (Les)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1931, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Cela fait quelque temps déjà que le cinéma est devenu parlant. Et pourtant, un irréductible petit bonhomme à moustache résiste encore. Pire, il se permet de faire un film sur une aveugle qui retrouve la vue, en ignorant superbement qu'il pourrait, en plus, lui donner la parole. De quoi devenir schizo, comme ce milliardaire porté sur le whisky, dont l'amitié avec notre vagabond préféré est proportionnelle au taux d'alcool dans le sang. Charlot est décidément le seul personnage du cinéma à pouvoir ainsi cotoyer les deux visages de l'Amérique, les belles voitures et les vendeuses des rues. A pouvoir réaliser un mélo hilarant. Il n'a jamais pris la parole mais il avait encore des gestes à faire. On lui en aurait beaucoup voulu de ne pas avoir donné ce film-là.

Little Caesar - Petit Cesar (Le)

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Réalisé par : Mervyn LeRoy (1900 - 1987)
En : 1931, USA
Acteurs principaux : Douglas Fairbanks Jr. (1909 - 2000), Edward G. Robinson (1893 - 1973)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 79 mn, NB

Critique perso :

Ascension et chute de Rico, golden-boy du crime et self-made-truand, de format poche mais au mental de caïd. Comme il ne compte pas se cantonner toute sa vie aux caisses de stations services, il pose sa candidature chez un petit parrain régional. L'époque de la Prohibition est propice au petit commerce clandestin, Rico est engagé en CDD. Il ne lui reste plus qu'à devenir boss à la place du boss, à coups de balles dans la peau et de fanfaronnades. Au sommet de sa gloire, ses collègues de gachette lui offriront une montre, comme plus tard, à l'employé de la Rue rouge. Comme lui aussi, il finira pourtant misérablement dans le caniveau. Le film serait un brin théâtral sans la verve énergique d'Edward G. Il marque une date : celle où le noir et blanc bascule côté ombre.

M - M le maudit

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Réalisé par : Fritz Lang (1890 - 1976)
En : 1931, Allemagne
Acteurs principaux : Peter Lorre (1904 - 1964)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 118 mn, NB

Critique perso :

Les serial killers amateurs de petites filles ne datent pas d'hier. M en est l'archétype pour toujours. Avec ses yeux ronds, sa tête de gros bébé joufflu et ses manières délicates, on lui donnerait le Bon Dieu sans confession. Attendre quand même la confession... Cette homme met la police sur les dents et la pègre sur les nerfs -comme les deux faces d'une même médaille. Un génial montage parallèle met en regard le déploiement de leurs méthodes respectives (pour attrapper un schizophrène, mieux vaut s'y mettre à deux !). Et un marchand de ballons promis à une longue carrière cinématographique (cf. par exemple Le Troisième homme ou Minority Report) scellera le destin de M. Ce film est tellement mythique que la réalité a fini par lui ressembler.

On purge bébé

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1931, France
Acteurs principaux : Fernandel (1903 - 1971), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 62 mn, NB

Critique perso :

Une pochade de Feydeau, scatologique et misogyne, jouée entre potes et tournée en quelques jours : drôle de débuts pour une carrière comme celle de Renoir. Scènes de la vie bourgeoise et conjugale, fin XIXème. Pour une fois, pas d'amant dans le placard, mais une femme qu'on voudrait bien y mettre (au placard). Une histoire de commande de pots de chambre pour l'armée française qui interfère avec la constipation passagère du fiston capricieux. Michel Simon en notable mielleux (et cocu of course). Première apparition de Fernandel. Premier film parlant de son auteur, comme le babillage émerveillé de quelqu'un qui vient d'apprendre à parler. Un petit galop d'entrainement avant de passer aux choses sérieuses...

Blonde Venus

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Réalisé par : Josef von Sternberg (1894 - 1969)
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Marlene Dietrich (1901 - 1992), Cary Grant (1904 - 1986), Herbert Marshall (1890 - 1966)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

En bonne Vénus qui se respecte, elle est née des eaux, Hélène. Se baignant nue dans un lac de la Forêt Noire, elle a rencontré un américain (un certain Faraday) et l'a suivi dans sa cage dorée new-yorkaise. Leur histoire est devenue le conte préfére qu'ils rejouent à leur fiston, le soir au coin du lit. Mais Marlène, on la connaît : c'est quand elle est en tablier dans sa cuisine qu'elle a l'air déguisée. Bientôt, le gentil mari scientifique est victime de ses radiations, il doit aller se faire soigner en Allemagne. Pour sauver les meubles, Hélène remonte sur les planches. Succès immédiat, conquête immédiate du dandy local, compromis et états d'âme. Allemande et Américaine, Hélène incarne les contradictions de son époque : elle est à la fois la belle et la bête, l'étoile et le ver de terre, la maman et la putain. Une statue de chair, avec un chapeau. Toutes les femmes à la fois, mais en mieux.

Boudu sauvé des eaux

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1932, France
Acteurs principaux : Charles Granval (1882 - 1943), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 81 mn, NB

Critique perso :

Boudu, clodo un rien dépressif depuis que son chien l'a laché, a la bonne idée de se jeter dans la Seine juste sous les yeux de M. Lestingois, brave bougeois progressiste (c'est-à-dire qui aime les livres et trompe sa femme avec la bonne). Sauvé des eaux, l'anar pratiquant rencontre donc son théoricien : l'humaniste compatissant. Il s'incruste, fait preuve de bonne volonté pour s'adapter aux usages de la maison, et de désirs pressants auprès des dames qui y vivent. Sur une chanson populaire, la douce contagion du plaisir gagne du terrain. Avec lui, tout peut arriver. Mais, au bout du compte, Boudu sera le seul fidèle à lui-même : prophète hédoniste, inculte incurrable, bon à rien professionnel. Insaisissable, comme l'eau d'où il vient et où il retourne. D'ailleurs, il se réincarnera bientôt en marinier insubmersible. Mais c'est une autre histoire.

Freaks

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Réalisé par : Tod Browning (1882 - 1962)
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Henry Victor (1892 - 1945)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 64 mn, NB

Critique perso :

Un freak, c'est un monstre de foire, un mauvais rêve sur pattes, de ceux qui font commerce de leur bizarrerie, de ceux qu'on paie pour voir. En général, c'est aussi un être humain, partageant la vie d'autres êtres humains -dans un cirque, par exemple. Donc, il sait aimer, il sait haïr. Pourtant, les amours du nain Phroso et de la trapéziste Venus, on les sent dès le début plutôt mal parties. Les vrais monstres de l'histoire, évidemment, ne sont pas ceux qu'on croit. Et il faudra forcer un peu la justice et le destin pour que Venus devienne ce qu'elle a toujours été : une poule... Un drôle de cirque d'éclopés, une drôle de société démocratique, qui proposerait un inventaire des états du corps. Un drôle de film drôle qui ne ressemble à aucun autre -c'est bien la moindre des choses.

Grand Hotel - Grand Hôtel

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Réalisé par : Edmund Goulding (1891 - 1959)
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Lionel Barrymore (1878 - 1954), John Barrymore (1882 - 1942), Joan Crawford (1904 - 1977), Greta Garbo (1905 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, NB

Critique perso :

Sans doute le premier film choral de l'histoire du cinéma. Décor idéal : le Grand Hôtel de Berlin, son grand hall circulaire, sa porte en tambour, ses sept étages en cercles concentriques. Tout tourne, comme le destin. C'est là qu'échouent toutes les élites financières et artistiques de la ville. Où débarquent aussi tous les jaloux qui ont échoué à en faire partie ou à s'y maintenir. Ou qui en rêvent. Rien que des grands cabotins de leur vie qui font des drames à tous les étages, comme il se doit (d'autant que les stars doivent rentabiliser le peu de temps d'écran qui leur est alloué). Le temps de quelques jours, ils vont donc s'échanger le peu qu'ils n'ont déjà plus vraiment : un peu d'argent, un peu d'amour, un peu de vie (un peu de gloire ?). En le criant un peu fort sur les tréteaux -pardon, le plancher- tout de même. Pas mal, pour l'époque. Mais où sont les blockbusters d'antan ?

Most Dangerous Game (The) - Chasses du comte Zaroff (Les)

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Réalisé par : Cooper & Schoedsack
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Leslie Banks (1890 - 1952), Joel McCrea (1905 - 1990), Fay Wray (1907 - 2004)
Genre(s) : les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 63 mn, NB

Critique perso :

Qu'est-ce qui sépare un chasseur d'un assassin ? Un esthète d'un barbare ? Presque rien, à peine une petite cicatrice sur le crâne... Le comte Zaroff, en génial précurseur de Chasse, Pêche, Nature et Tradition (et en prophète visionnaire des années à venir) a fait de son île un terrain de jeu un peu particulier. Y échoue, pas tout à fait par hasard, un autre chasseur, mais américain, lui -donc qui a le droit de bravement défendre la civilisation. Et n'a pas peur de partir à la recherche des frontières de l'humain. Quant à Fay Wray, c'était juste avant que les mêmes producteurs sadiques (en fait, les réalisateurs sont plutôt, eux, Pichel et Schoedsack) la balancent entre les gros doigts du roi Kong. Elle portait déjà à ravir les robes de soirée déchirées par la forêt vierge, et elle criait déjà très bien.

Baby Face - Liliane

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Réalisé par : Alfred E. Green (1889 - 1960)
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Barbara Stanwyck (1907 - 1990), John Wayne (1907 - 1979)
Genre(s) : New York - New York /Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 71 mn, NB

Critique perso :

Lily a été élevée -si on peut dire- à la dure. Son papa tient une espèce de bistrot, mais il tire surtout ses clients, et ses revenus, des beaux yeux -et de la jolie silhouette- de sa fille. Il y a tout de même, parmi les clients, des gens qui savent lire. Y'en a même un à l'accent allemand qui offre à Lily "La volonté de puissance" pour la draguer, c'est dire (un nietzschéen revendiqué dans un film américain ? on hallucine...). Un fois le papa parti brûlé en enfer, c'est le moment pour Lily de trouver une situation à la hauteur de ses talents. Direction New York, donc, et le plus haut building qu'elle peut trouver. Plein d'hommes, cela va sans dire, qui ne manquent pas non plus de remarquer ses compétences et sa jolie silhouette -ni ses beaux yeux bien sûr, qui n'ont jamais froid, malgré leur air innocent. Son ascension sociale fulgurante se mesure à la sophistication de sa coiffure, au poids de ses fourrures et au numéro de l'étage où elle est affectée. Les choses vraiment sérieuses commencent au niveau des chefs, pères et fils... Film (dé)culotté typique de l'époque pré-code Hays (tellement qu'on hallucine !).

Heros for Sale - Héros à vendre

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Réalisé par : William A. Wellman (1896 - 1975)
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Loretta Young (1913 - 2000)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 76 mn, NB

Critique perso :

Entre la Grande Guerre et la Grande Dépression, en Amérique, c'était un peu la foire aux héros, aux martyrs et aux salauds. Aux pauvres et aux parvenus. Y'en avait plein les rues, on pouvait devenir l'un ou l'autre en moins de deux, pour un rien, par hasard ou par erreur. C'est ce qui arrive à Tom Holmes, faux traitre et vrai type bien, sorte de nouveau Jean Valjean au pays du capitalisme roi. Pour lui comme pour pas mal d'autres, sortir de la pauvreté est aussi dur que sortir des tranchées. Et faut pas trop compter sur les institutions pour se faire aider. C'e'st un peu La vie est belle en mode réaliste, ou comment la vie en société se transforme en moins de deux en guerre sans merci… Pêchu et pas nunuche !

King Kong

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Réalisé par : Cooper & Schoedsack
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Fay Wray (1907 - 2004)
Genre(s) : New York - New York /conte de fées relooké /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Dans une île lointaine, une peuplade humaine survit sur une petite portion de territoire. Le reste est isolé par un haut mur et il s'y passe de drôles de choses. Le roi de ce monde perdu primitif s'appelle Kong : 6m de force brute et d'instincts à l'état pur. Des fois qu'on n'aurait pas compris, il est précisé que l'île a la forme d'un crâne... Les petits blancs qui y débarquent apportent avec eux les atouts de la civilisation occidentale : des armes lourdes, une caméra et une blonde. Avec elle, Kong va apprendre à jouer à la poupée Barbie, et à faire son plus beau sourire... Après, il est presque impossible d'ignorer qu'il finira sa vie dans une autre jungle (celle de New-York), au sommet de l'Empire State Building (où on peut encore se faire photographier en sa compagnie), avec toute notre sympathie. C'était au temps béni où les effets spéciaux n'étaient pas encore ennemis de la poésie et de l'émotion.

Kermesse héroïque (La)

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Réalisé par : Jacques Feyder (1885 - 1948)
En : 1935, France
Acteurs principaux : André Alerme (1877 - 1960), Louis Jouvet (1887 - 1951), Françoise Rosay (1891 - 1974)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

On serait à l'âge d'or du cinéma français. On aurait réuni un casting de rêve et on s'amuserait à imaginer le générique parfait : Molière au scénario, Bruegel aux décors et aux costumes, Rembrandt à la lumière... Voilà qui nous orienterait vers le XVIIème siècle, et vers les Flandres. Pourquoi pas une histoire de troupe espagnole à la mode Velasquez, qui prendrait ses quartiers dans une toile de Vermeer, par exemple : choc des cultures et guerre des parures. Luxe, ripaille et volupté. Un peu de féminisme dans le tableau, tout de même, pour montrer que c'était pas rigolo tous les jours. Mais on arriverait encore à croire à la paix des peuples. Cinq ans plus tard, certes, on n'y croirait plus : cette histoire d'occupation libératrice, non, ça ne serait plus possible. Mais là, elle arrive à nous rendre inguérissablement nostalgique d'un l'âge d'or qui n'a jamais existé.

Pension Mimosas

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Réalisé par : Jacques Feyder (1885 - 1948)
En : 1935, France
Acteurs principaux : André Alerme (1877 - 1960), Arletty (1898 - 1992), Paul Bernard (1898 - 1958), Lise Delamare (1913 - 2006), Françoise Rosay (1891 - 1974)
Genre(s) : en France profonde /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, NB

Critique perso :

A la pension Mimosas, situé juste en face du casino de Nice, on accueille tous les espoirs et toutes les désillusions du monde. Surtout ceux qui n'ont pas beaucoup d'argent, car Louise, la patronne a bon coeur. Et comme son mari est employé par le casino, rien ne se perd jamais vraiment. Il y a pas mal de formes d'amour, chez Louise : celui qu'elle porte au long cours à son gentil mari, celui qu'elle réserve à l'enfant qu'elle n'a pas pu avoir avec lui et qu'elle a juste brièvement élevé pour un autre, et celui, moins clair, qu'elle lui porte encore quand il est devenu grand, beau, et mauvais garçon. Mais il y en a d'autres, dans ce film. Le mauvais garçon est accro à une jolie semi-cocotte qui, elle, a surtout l'air passionnée par ceux qui lui permettent de faire ses courses. Et c'est sans compter la passion du jeu, qui accapare une bonne partie du (pas tant que si) beau monde qui gravite à la pension Mimosas. Le catalogue est complet, mais personne ne choisit vraiment ce qu'il veut dedans, les dés sont bien sûr pipés dès le début.

Modern Times - Temps modernes (Les)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1936, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977), Paulette Goddard (1911 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Avec sa clairvoyance prophétique habituelle, Charlie Chaplin résume dans ce film les impasses du capitalisme mises à jour par la Grande Crise de 1929. Et il le fait avec ses tripes, avec son ventre. L'obsession du ventre est un leitmotiv de ses personnages ; la crise économique l'exacerbe : entre ceux qui meurent de faim et ceux qui, se mettant au service des machines, se font avaler, la marge est étroite. La fuite et l'improvisation sont les seules chances qui restent à Charlot. Ce petit bonhomme égaré dans l'écosystème urbain où il tente de survivre, transformé en machine à consommer et à produire, est notre frère pour toujours...

Mr. Deeds Goes to Town - Extravagant Mr. Deeds (L')

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Réalisé par : Frank Capra (1897 - 1991)
En : 1936, USA
Acteurs principaux : Jean Arthur (1900 - 1991), Gary Cooper (1901 - 1961)
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

C'est le conte de fée que les américains adorent se raconter à eux-mêmes : l'histoire d'un homme simple et bon, un average man sorti de sa cambrousse qui, par son bon sens terrien et boy scout, donne des leçons de savoir-vivre à la bonne société blasée et satisfaite de New York. Faut dire qu'il n'est pas mu par l'argent (louche, ça, à se demander s'il est vraiment américain), qu'il écrit des poèmes pour cartes de voeux (et on veut nous faire croire que c'est comme ça qu'il gagne sa vie !) et qu'il n'a même pas de petite amie (ce serait dommage de ne pas avoir l'occasion de sauver au moins une newyorkaise -la pire, si possible !- du marasme). Faut dire aussi qu'il a la tête de Gary Cooper, alors tout passe comme une lettre à la mailbox. C'est comme ça que les américain ont réussi à faire avaler leurs contes de fée au monde entier.

Petrified Forest (the) - Forêt pétrifiée (La)

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Réalisé par : Archie Mayo (1891 - 1968)
En : 1936, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Bette Davis (1908 - 1989), Leslie Howard (1893 - 1943)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 83 mn, NB

Critique perso :

Un écrivain-auto-stoppeur en panne de tout débarque dans une station-service au milieu de nulle part, y drague la fille du patron qui lit François Villon, sous le regard jaloux et menaçant du mécano-gros-bras, ancien champion de football. La situation est donc, dès le début, un rien théâtrale. Ca ne s'arrange pas avec l'arrivée d'un caïd en cavale qui prend tout le monde en otage. La nuit d'attente est donc consacrée à disserter sur les temps qui changent et le sens de la vie... Le caïd est jouée par un petit (plus si) jeune débutant (pas si) gros dur nommé Bogart. A part lui, ce sont les dialogues qui font tout le boulot. Rencontre improbable entre le mélo-intello et le film noir, les grands espaces déserts et le huis-clos claustro. Molasson, bavard, énervant, pas si mal.

Carnet de bal (Un)

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Réalisé par : Julien Duvivier (1896 - 1967)
En : 1937, France
Acteurs principaux : Pierre Alcover (1893 - 1957), Harry Baur (1880 - 1943), Marie Bell (1900 - 1985), Fernandel (1903 - 1971), Louis Jouvet (1887 - 1951), Raimu (1883 - 1946), Françoise Rosay (1891 - 1974)
Genre(s) : en France profonde /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 144 mn, NB

Critique perso :

Mme Surgère vient de perdre son mari. Elle est riche, mais visiblement pas hyper satisfaite de sa situation. Elle retombe sur son carnet de bal de débutante (autrement dit la liste de ses prétendants de jeune fille) et se décide à aller vérifier, 20 ans plus tard, s'il n'y en aurait pas dans le stock qui lui aurait fait une meilleure vie... L'échantillonnage est soigné et varié : il y a un prêtre et un truand, un guide de haute montagne et un maire de province, quelques fantômes ou ombres d'eux-mêmes, aussi... Chaque visite est l'occasion d'une espèce de sketch, et prétexte à un petit film de genre -préciosités filmiques comprises. Il y en a de plus réussis que d'autres, comme les hommes qu'ils montrent. Mélancolie, mélancolie. Mais on n'est pas non plus hyper convaincus que la femme que l'on suit valait la peine qu'ils se fassent, eux, une autre vie. Et le film, du coup, aurait sans doute pu être meilleur s'il avait, lui, suivi d'autres voies. Mélancolie, mélancolie...

Grande illusion (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1937, France
Acteurs principaux : Julien Carette (1897 - 1966), Marcel Dalio (1900 - 1983), Jean Dasté (1904 - 1994), Pierre Fresnay (1897 - 1975), Jean Gabin (1904 - 1976), Dita Parlo (1906 - 1971), Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /épique pas toc
Caractéristiques : 114 mn, NB

Critique perso :

Pour dénoncer la guerre, Renoir a eu une intuition géniale : plutôt que de montrer une boucherie, il montre au contraire des soldats plus grands que la barbarie, des hommes qui ont su le rester, malgré tout. Ils sont aussi bien français qu'allemands, d'ailleurs. Et les batailles, d'ailleurs, sont toujours hors champs puisqu'on reste loin du front, dans un camp de prisonniers de la Grande Guerre. L'occasion de mener une grande enquête sur ce qui réunit et sépare vraiment les hommes. Et aussi sur le passage du XIXème au XXème siècle, quand même les gentilhommes d'antant se mettent à devenir républicains. Un monde en miniature, un changement de civilisation en condensé : parfois, le cinéma sait voir loin et grand...

Angels with Dirty Faces - Anges aux figures sales (Les)

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Réalisé par : Michael Curtiz (1886 - 1962)
En : 1938, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), James Cagney (1899 - 1986), Pat O'Brien (1899 - 1983), Ann Sheridan (1915 - 1967)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Au début, c'est comme dans l'Ennemi public : deux gamins des rues mettent au point un mauvais petit coup de plus. C'est raté. Celui qui court le plus vite réussit à sauver sa peau (des gendarmes) et son âme (il deviendra prêtre). Pour l'autre, c'est vraiment raté : maisons de redressement, prisons, mauvais petits coups qui deviennent des gros mauvais coups. Libéré, il roule des épaules et des mécaniques et revient habiter dans son ancien quartier, narguer son premier complice et montrer le (mauvais) chemin aux nouveaux gamins de son ex-rue. Conte moral(isant), heureusement pas trop gnangnan grâce au charme canaille de Cagney, à son énergie explosive (il a toujours l'air d'être à l'étroit dans ses costumes et entre 4 murs). Même la rédemption finale par le jeu (de basket ou de théâtre) se permet d'être ambigüe, c'est dire l'audace.

Bête humaine (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1938, France
Acteurs principaux : Blanchette Brunoy (1918 - 2005), Julien Carette (1897 - 1966), Jean Gabin (1904 - 1976), Fernand Ledoux (1897 - 1993), Jean Renoir (1894 - 1979), Simone Simon (1910 - 2005)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Le roman de Zola proposait un vaste panorama du meurtre sous toutes ses formes. Renoir a tranché dans le vif (deux morts seulement !). Il a conservé le prétexte de la théorie un peu lourdingue de l'atavisme alcoolique, tout en se concentrant sur le trouble entrelacement du désir et de la pulsion de mort. Et il a exploité à fond la poésie visuelle des trains : le destin est sur les rails et il roule à toute vitesse. C'est l'enfer au fond de la chaudière. Quant au cheminot, lui, il sonne toujours deux fois (chez la femme du sous-chef de gare). Et Gabin, on dirait qu'il a fait ça toute sa vie.

Joueur d'échecs (Le)

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Réalisé par : Jean Dréville (1906 - 1997)
En : 1938, France
Acteurs principaux : Françoise Rosay (1891 - 1974), Conrad Veidt (1893 - 1943)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 70 mn, NB

Critique perso :

Vision politique : la Pologne du XVIIIème siècle (et d'ailleurs) est la marionnette de Moscou. Catherine II -que Françoise Rosay reprend là où Marlene l'avait laissée- reigne en maîtresse. Son amant du moment, le genre gras, borgne et vulgaire éructant contre les turcs, nous rappelle vaguement quelqu'un. Mais le petit pays résiste encore et toujours... Vision scientifico-fantastique : il se trouve un allié en la personne de Kempelen, savant excentrique qui préfère vivre avec les avatars à ressorts qu'il fabrique plutôt qu'avec leurs originaux (l'original, c'est lui). Vision mystique : le créateur finit par s'incarner dans sa créature, et se sacrifier pour elle. Précurseur sans en avoir l'air d'Astérix et de Second Life (entre autres), c'est encore mieux que dans mon souvenir ébloui de cinéphile en couettes.

De Mayerling à Sarajevo

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Réalisé par : Max Ophüls (1902 - 1957)
En : 1940, France
Acteurs principaux : Edwige Feuillère (1907 - 1998), John Lodge (1903 - 1985)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Le titre sonne comme un compte à rebours -et c'en est un, puisque personne n'est censé ignorer quand et comment finit la vie de l'Archiduc François-Ferdinand d'Autriche. Bon, mais avant, en général, on sait moins. C'est donc une montre qui servira de fil conducteur à toute l'histoire -d'amour, bien sûr, puisqu'il n'y a que ça qui intéresse les spectateurs, quand il est question de têtes avec des couronnes dessus. Et ce futur Archiduc-là a en plus eu le bon goût romanesque d'épouser par amour une moins-bien-née que lui, ce qui permettra à tout le monde d'apprendre ce qu'est un mariage morganatique. Dans le rôle du méchant : le protocole, bien sûr. Et, en guise d'épilogue qui tombe du ciel, une petite morale sur la 2ème guerre mondiale. La patte du grand Max est discrète, dans cette affaire. Il préfère les drames intimes qui reflètent l'écroulement d'un monde, il est moins doué pour le bonheur -même quand il est le prélude à l'écroulement d'un monde.

Grapes of Wrath (The) - Raisins de la colère (Les)

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Réalisé par : John Ford (1894 - 1973)
En : 1940, USA
Acteurs principaux : John Carradine (1906 - 1988), Henry Fonda (1905 - 1982)
Genre(s) : carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 128 mn, NB

Critique perso :

Quand Tom rentre chez lui après avoir purgé 4 ans de prison, il rencontre un pasteur qui a perdu la foi, et des paysans qui ont perdu leur terre. C'est la faute aux proprios, aux patrons des proprios, aux banquiers des patrons des proprios, aux patrons des banquiers des patrons des proprios -bref, à personne. A Mme La Grande-Crise-de-29 (promise à une grande descendance). Pa' et Ma' sont réfugiés chez tontons, et ils s'apprètent à partir eux aussi. L'exode s'engage donc vers la terre promise "qui ruisselle de lait et de miel" : la Californie... Dans un tacot surchargé qui fume comme une loco, ils traversent la misère et l'injustice, l'exploitation et la suspicion. L'esprit de révolte souffle où il veut, mais il souffle fort. On dirait du Ken Loach évangélisé : Qu'elle était verte sa colère !

Great Dictator (The) - Dictateur (Le)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1940, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977), Paulette Goddard (1911 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, NB

Critique perso :

Duel à mort entre les deux plus célèbres moustaches du XXème siècle : à ma droite l'infâme Hynkel, dictateur de la Tomania ; à ma gauche un petit barbier juif, amnésique et maladroit. Ils synthétisent à eux deux tous les degrés de l'(in)humanité et leur lutte s'annonce un brin déséquilibrée. Atouts du premier : sa virilité débordante. Chances du second : sa connaissance du ghetto, sa propention à la fuite. Mais, comme ils se ressemblent comme deux gouttes de vitriol, ce sont les autres qui vont y perdre leur latin. Ils auront droit à un discours chacun. Heureusement, maintenant, on sait depuis longtemps lequel a gagné la guerre...

Blood and Sand - Arènes sanglantes

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Réalisé par : Rouben Mamoulian (1897 - 1987)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : John Carradine (1906 - 1988), Linda Darnell (1923 - 1965), Rita Hayworth (1918 - 1987), Tyrone Power (1914 - 1958), Antony Quinn (1915 - 2001)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 125 mn, couleur

Critique perso :

C'est le genre de films qui fait un genre à lui tout seul : le genre film de corrida hollywoodien. Le cahier des charges inclut du folklore, des filles sexys et des méchants taureaux. Et un p'tit gars qui part de rien et qui n'en veut. Qui veut devenir un mec, un vrai. Il rêve sans doute secrètement d'emballer les taureaux et de massacrer les filles, Mais, cet idiot, il fait exactement le contraire. Débuts difficiles, mais il s'accroche. Quelques aller-retour Seville-Madrid et quelques tours d'arènes plus tard, le gars commence à maîtriser sa géométrie (des cercles et des droites, donc) et son art. Maîtriser sa vie, c'est moins facile. Mais bon, c'est aussi le genre de films dont le titre donne le programme. Et de toute façon, on verrait mal l'intérêt d'un film hollywoodien avec un torero qui meurt de vieillesse dans son lit. Bref, tout est prévisible, sauf la beauté et la grâce du spectacle. Parfois.

Citizen Kane

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Joseph Cotten (1905 - 1994), Agnes Moorehead (1900 - 1974), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 119 mn, NB

Critique perso :

En 1941, Orson Welles a tout juste 25 ans. Il a déjà 10 ans de théâtre (et quelques coups d'éclat) derrière lui, tout le monde le traite comme un génie. Il est plein d'ambition, Hollywood lui fait un pont d'or. Et voilà que, pour son premier film, il imagine ce que pourrait être sa vie si, en plus, il était riche et con. Il fait la bio de son ennemi intime : un petit jeune naïf et sincère qui nait avec une mine d'or entre les mains et pas grand chose d'autre à se mettre dans le coeur. Qui s'achete (la rédaction d') un journal le jour de ses 25 ans. Puis apprend à devenir, progressivement, un capitaliste arrogant et manipulateur d'opinion, à l'aise dans les eaux troubles de la presse et de la politique. Opportuniste en politique, tête de mule en tout. Qui mourra seul et incompris de tous, en emportant dans sa tombe le secret dérisoire de son innocence perdue. Il y en a qui se sont reconnus... Pour tenter l'impossible inventaire d'une vie, Welles invente les nouvelles règles du jeu du cinéma. Impose une nouvelle construction du récit, tourne des plans impossibles. Ce petit blanc-bec a donné des leçons à tout le monde.

Maltese Falcon (The) - Faucon maltais (Le)

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Mary Astor (1906 - 1987), Humphrey Bogart (1899 - 1957), Elisha Cook Jr. (1903 - 1995), Sydney Greenstreet (1879 - 1954), Walter Huston (1884 - 1950), Peter Lorre (1904 - 1964)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 101 mn, NB

Critique perso :

Avant d'être Philip Marlow, Bogart a été un Sam Spade très crédible. Qui, bien sûr, est assailli de belles dames à son bureau dès qu'il arrive le matin. Et, évidemment, envoie son associé au casse-pipe le soir même. A la suite de quoi, naturellement, il est embarqué dans une sombre affaire passablement emberlificotée, plein de de faux jetons et de gros dégueulasses. Ce qui le sauve, c'est qu'il est un parfait metteur en scène de lui-même et qu'il a toujours l'air d'en savoir plus qu'il n'en a l'air. Ce qui nous accroche, of course, c'est la même chose.

Shanghai Gesture (The)

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Réalisé par : Josef von Sternberg (1894 - 1969)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Eric Blore (1887 - 1959), Marcel Dalio (1900 - 1983), Walter Huston (1884 - 1950), Victor Mature (1915 - 1999), Gene Tierney (1920 - 1991)
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

A l'entrée : un cerbère enturbanné à poils longs et une enseigne lumineuse ("never closes"). A l'intérieur : une foule cosmopolite agglutinée sur des paliers en cercles concentriques jusqu'à une table de casino. Bienvenue en enfer... La patronne s'apelle Mother Gin Sling's (ça aurait très bien pu être Mother Whisky Soda) et, à en juger par sa coiffure, l'intérieur de son crâne a besoin de ventilation. On mettra du temps à comprendre pourquoi elle en veut tant à sa nouvelle cliente, la distinguée Poppy, et pourquoi elle la pousse dans les coussins d'un nonchalant à tarbouche qui se fait appeler Dr. Omar. Elle mettra encore plus de temps à comprendre que ce n'était peut-être pas une si bonne idée que cela... L'histoire est tordue à souhait, les personnages retors, le décor somptueux (et vice-versa). Qu'importe la vraisemblance : même en smoking et en très bonne compagnie, on ne s'évade pas si facilement du petit enfer portatif coincé dans sa mémoire.

Corbeau (Le)

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1943, France
Acteurs principaux : Pierre Fresnay (1897 - 1975), Pierre Larquey (1884 - 1962), Ginette Leclerc (1912 - 1992), Noël Roquevert (1892 - 1973), Louis Seigner (1903 - 1991)
Genre(s) : en France profonde /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 92 mn, NB

Critique perso :

Un corbeau, maintenant, tout le monde sait ce que c'est. Normal, c'est grâce à ce film (avant, c'était plutôt les écrivains qui inventaient de nouveaux mots). Un corbeau, donc, inonde de lettres anonymes et fielleuses les habitants d'un petit village en racontant plein d'horreurs. En plus, elles sont presque toutes vraies. Atmosphère, atmosphère (enfin, non, ça c'est dans un autre film). Sauf que, derrière les horreurs, il y a aussi pas mal de bonne volonté et beaucoup de souffrances. Mélange de portait collectif, de comédie de moeurs et d'intrigue policière, ce film a marqué son époque et valu quelques ennuis à Clouzot à la Libération. Il n'y a que la vérité humaine qui blesse...

Goupi mains rouges

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Réalisé par : Jacques Becker (1906 - 1960)
En : 1943, France
Acteurs principaux : Blanchette Brunoy (1918 - 2005), Robert Le Vigan (1900 - 1972), Fernand Ledoux (1897 - 1993), Maurice Schutz (1866 - 1955), Louis Seigner (1903 - 1991)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

Dans la famille Goupi, il y a beaucoup de monde et ils habitent tous sous le même toit. Quatre générations, plus ou moins entremêlées et consanguines. Une famille-souche, du genre qui sera pas facile à déraciner. Le plus ancien, c’est Goupi-L’empereur, plus que centenaire, que les autres respectent surtout parce qu’il n’a pas encore révélé où il a planqué son magot. Ce qui intéresse particulièrement Goupi-Mes-sous, qui s’occupe de la compta. Goupi-Monsieur, c’est celui qui vient de débarquer du train, après avoir fait sa vie à Paris. A côté, les surnoms sont parfois distribués bizarrement. Goupi-tisane est une teigne qui ne contribue pas des masse à apaiser les conflits. Et Goupi mains rouges n’est pas forcément celui qui a le plus de sang sur les mains… Parce que pour révéler encore un peu mieux les caractères, rien ne vaut un petit meurtre de derrière les fagots. Tout ça fait le portrait d’une espèce de vestige de l’ancien régime au coeur des campagnes, une archéologie des français bien de chez nous, pieds dans la boue et yeux dans le ciel.

Leopard Man (The) - Homme léopard (L')

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Réalisé par : Jacques Tourneur (1904 - 1977)
En : 1943, USA
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 66 mn, NB

Critique perso :

Dans un Mexique de pacotille, suite à une opération publicitaire douteuse, un léopard de compagnie -nettement moins sympa que celui de L'Impossible M. Bébé- est laché dans la nature. Peu après, des femmes disparaissent. On ne voit rien mais on sent tout, surtout le goût du sang. Le film est choral : on passe d'un personnage à un autre, tous reliés entre eux par le fil invisible du destin -ou celui, très lisible, du scénario. Aucun n'est un héros : que des victimes, que des coupables. C'est comme dans La Féline, mais à l'envers. Cherchez la bête. Cherchez l'homme derrière la bête. Cherchez la bête derrière l'homme derrière la bête.

Ossessione - Amants diaboliques (Les)

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1943, Italie
Acteurs principaux : Massimo Girotti (1918 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, NB

Critique perso :

Passager clandestin d'un camion, il débarque dans une station service. En tablier dans la cuisine, elle se vernit les ongles. Un regard suffit : début de l'histoire. Entre eux : un mari gras et vulgaire, une passion dévorante. Et la misère, comme une menace. Ils sont trop pauvres pour être honnêtes, mais trop petits pour leur destin. Il prendra des chemins détournés, le destin, mais il est le plus fort et il fait mal. Et l'éternel malentendu entre les hommes et les femmes ne tarde pas à se manifester. C'est une tragédie grecque tombée dans la boue : un film noir (un bon). Une date dans le cinéma italien, qui préfigure à la fois Rosselini (mais moins lyrique et compassionnel) et Visconti (avant ses coquetteries d'esthète).

Shadow of a Doubt - Ombre d'un doute (L')

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1943, USA
Acteurs principaux : Joseph Cotten (1905 - 1994), Teresa Wright (1918 - 2005)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Au commencement, Dieu créa la famille américaine moyenne. Et puis, le petit dernier, avec son premier vélo, fit une chute et se fractura le crâne. Devenu grand, il est parti vivre ailleurs, a fait d'autres bêtises. Il rêve de veuves joyeuses. Il s'appelle Charlie. Un jour, il revient hanter le foyer de sa grande soeur qui, elle, a su (re)constituer une parfaite famille américaine moyenne (avec maison typique, jardin, garage, mari et enfants), et dont la fille aînée s'appelle Charlie, en hommage à l'enfant prodige. L'ange déchu parviendra-t-il à pervertir l'ange ingénue qui porte son nom ? Après avoir sérieusement écorné les joies matrimoniales (cf. ses premiers films américains), Hitchcock introduit un soupçon de Soupçons dans le paradis familial.

Vredens dag - Jour de colère

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Réalisé par : Carl Theodor Dreyer (1889 - 1968)
En : 1943, Danemark
Acteurs principaux : Lisbeth Movin (1917 - 2011), Preben Lerdorff Rye (1917 - 1995)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

On se croirait dans une série de tableaux de Rembrandt en noir et blanc. Les dialogues pourraient être extraits d’un bréviaire protestant. La vie est sobre, digne, et très très encadrée, comme dans un plan de cinéma qui bougerait pas beaucoup. Le temps s’écoule lentement en attendant l’éternité. Ca se passe à une période où on croyait encore en l’existence des sorcières, surtout certains hommes quand ça les arrangeait de se débarrasser de certaines femmes. Le pasteur de l’histoire est un de ces pieux hommes, il joue accessoirement le rôle d’inquisiteur en chef quand sa Foi l’exige. Ou alors peut-être quand sa femme, deux fois plus jeune que lui, le trompe (désolée, je spoile un peu). Ca se passe à une période où les hommes (jeunes et vieux) décidaient de tout, étaient bornés et superstitieux, tenaient les clés de la maison et les cordons de la bourse, avaient avec eux la loi et Dieu lui-même. Il y a une éternité. Mais l’éternité du cinéma est encore plus forte.

It Happened Tomorrow - C'est arrivé demain

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Réalisé par : René Clair (1898 - 1981)
En : 1944, USA
Acteurs principaux : Linda Darnell (1923 - 1965), Dick Powell (1904 - 1963)
Genre(s) : c'était demain /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 85 mn, NB

Critique perso :

Un rêve de journaliste : disposer du journal du lendemain avant même qu'il ne soit écrit. Un cauchemar d'être humain : connaître avant tout le monde les méfaits qui se commettront bientôt au coin de la rue et la date de sa propre mort, sans rien pouvoir y changer... Eternelle ambivalence de toutes les pulsions et de tous les fantasmes. Voici donc l'un des fleurons du fantastique tranquille de René Clair, où l'imagination remplace les effets spéciaux et la fantaisie l'angoisse. On est plus proche de La Vie est belle que des films de Murnau, Whale et autres effrayeurs en chefs comme Cooper et Schoedsack. C'est qu'ils ne sont pas si nombreux, ceux qui ont tenté d'attaquer l'inconscient par la face sud (celle qui est éclairée par le soleil...).

Dames du Bois de Boulogne (Les)

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Réalisé par : Robert Bresson (1901 - 1999)
En : 1945, France
Acteurs principaux : Paul Bernard (1898 - 1958), Maria Casares (1922 - 1996), Elina Labourdette (1919 - 2014)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

On n'a pas été introduits dans les formes mais, visiblement, ils sont amants (il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour...). Ils font aussi partie du grand monde -celui dans lequel ça ne se fait pas de se plaindre. Alors, quand elle sent qu'il s'éloigne, elle le quitte. C'est son genre. En fait, elle enrage et ne veut que sa perte. Mais il faudra y mettre les formes. Son atout, c'est qu'elle a l'art de bien parler, c'est-à-dire de ne rien dire qui la compromette tout en incitant les autres à agir dans le sens contraire à ce qu'elle semble dire -trop forte, quoi. Elle a quelques marionnettes en réserve, elle s'en sert. Mais dans le coeur des marionnettes, il se passe parfois des choses imprévisibles -et invisible. Et la grâce descend parfois par les fils les plus embrouillés, comme une flamme brûlante qui prendrait, pour tromper son (grand) monde, les formes les plus hiératiques et les plus épurées. Il n'y a pas de grâce, il n'y a que des preuves de grâce.

Detour

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Réalisé par : Edgar G. Ulmer (1904 - 1972)
En : 1945, USA
Acteurs principaux : Tom Neal (1914 - 1972)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 67 mn, NB

Critique perso :

Al est le genre de gars parti de rien pour arriver nulle part. Il a joué du piano dans des bars pour des mecs qui s'en foutaient. Il a laissé filer sa girlfriend à Hollywood. Il a tenté, pour la retrouver, de refaire le chemin des pionniers -de NY à LA. Mais avec quelques siècles de retard, comme tout le reste. Et pas assez de dollars au fond des poches. Al est le genre de type qui, à l'en croire (mais faut-il l'en croire ?) a la poisse collée aux talons comme un chewing-gum. Le genre à se prendre dans l'oeil l'aiguille planquée dans la botte de foin. A attirer les garces et les escrocs avec sa gueule de papier tue-mouche. Filmé en six jours pour le prix d'une nuit au camping, tourné dans un garage avec deux décors, quelques transparences et pas mal d'opacité : le genre de films qui résument un genre à eux tout seul, un petit concentré de perle noire.

Picture of Dorian Gray (The) - Portrait de Dorian Gray (Le)

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Réalisé par : Albert Lewin (1894 - 1968)
En : 1945, USA
Acteurs principaux : Hurd Hatfield (1917 - 1998), Angela Lansbury (1925 - ), Peter Lawford (1923 - 1984), George Sanders (1906 - 1972)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au début, Dorian est jeune, beau et amoureux : le portrait parfait du gendre idéal, tel que le peint son ami Basil. Mais, bientôt, perverti par un lecteur des "Fleurs du mal", il se met à fréquenter les bas-fonds de Londres (vers 1886, on y faisait décidément de mauvaises rencontres : Jack, Hide... qui est qui, telle est la question !). Ce qu'il y fait nous reste mystérieux, mais lui attire des ennuis et des ennemis. Lui voit des yeux partout mais garde son teint de bébé. La peinture, elle, traverse l'histoire de l'art à toute vitesse : il se voit dedans comme dans un miroir, mais il est bien le seul. Le roman d'Oscar Wilde m'avait fascinée. Lewin, déjà amateur des poèmes d'Omar Khayyan, de fantastique baroque et d'art raffiné, était l'homme de la situation. Un portrait, une chanson, deux tortues et un poignard : tous les éléments de sa Grande Oeuvre à venir sont déjà là.

Scarlet Street - Rue rouge (La)

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Réalisé par : Fritz Lang (1890 - 1976)
En : 1945, USA
Acteurs principaux : Joan Bennett (1910 - 1990), Edward G. Robinson (1893 - 1973)
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, NB

Critique perso :

Remake de La Chienne : dans la rue rouge, Chris Cross, comptable gris, peintre du dimanche, va en voir de toutes les couleurs. Sa femme lui donne le blues. Avec une autre, il croit voir la vie en rose. En fait, c'est clair : il est aveugle et se fait rouler comme un bleu. La vérité le rendra vert de rage... Personne n'est sympathique, dans cette histoire. La seule vraie couleur de ce film, c'est le noir de chez noir (dommage que la copie pourrie de ce DVD tranforme tout en gris quasi-uniforme).

Tree Grows in Brooklyn (A) - Lys de Brooklyn (Le)

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1945, USA
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 128 mn, NB

Critique perso :

Ca se passe à New-York (made in Hollywood), début XXème siècle (made in du milieu), dans un taudis réglementaire pour émigrés fraichement débarqués qui en sont encore à leur première leçon de rêve américain. C'est le genre d'histoire que doivent adorer les ex-profs de ZEP en retraite : celle de la bonne petite élève méritante, qui réussira à sortir de sa condition par sa bonne volonté, et par Shakespeare. C'est aussi le genre d'histoire que doivent adorer les artistes qui ont réussi : celle du raté pathologique (père de la précédente) qui s'est perdu dans sa bohème mais dont la fantaisie a réussi tout de même à embellir un peu la petite vie de sa modeste famille. Moins efficacement que M. Corleone, qui a dû être son voisin, mais plus honnêtement tout de même. C'est le genre d'histoire qui avait de quoi tenter le débuttant cinéaste Kazan. Il n'avait pas encore eu l'occasion de visiter tous ses côtés obscurs, mais était déjà capable de faire le genre de film social qui peut plaire à tout le monde.

Sciuscià

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Réalisé par : Vittorio De Sica (1902 - 1974)
En : 1946, Italie
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Juste après Rome, ville ouverte, juste avant Le Voleur de bicyclette, juste en même temps que Paisa. Rome, qui a perdu la guerre -et tout le reste-, est devenue un repère de magouilleurs qui trafiquent leur misère avec les soldats américains. Ils sont deux amis, deux petits "shoeshine" des rues, qui ne rêvent que de cheval et de liberté. Ils ont le tort, comme tous les Olvidados du monde, de croire ce que leur racontent les adultes. Ils ont le temps d'un film pour apprendre comment fonctionne leur justice. Réquisitoire terrible et glaçant contre une société qui fait de ses petits Mozart des assassins.

Black Narcissus - Narcisse noir (Le)

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Réalisé par : Powell (& Pressburger) (1905 - 1990)
En : 1947, Angleterre
Acteurs principaux : Deborah Kerr (1921 - 2007), Jean Simmons (1929 - 2010)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /épique pas toc
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Sister Clodagh, brave et charmante nonne, est envoyée en mission par sa mère sup dans les hauteurs himalayennes, pour y créer une nouvelle communauté. Elle embarque avec elle une poignée d'encapuchonnées toutes aussi pleines de bonne volonté -enfin, presque toutes. Le lieu est escarpé, la population locale indifférente -sauf rémunérations. Des femmes ont déjà vécu là, en groupe, pour le compte du potentat local, mais un peu moins chaudement vêtues... Le seul saint de l'histoire vit encore plus haut, et tout seul. Le représentant de l'administration anglaise, lui, est en bas, et contre toute logique climatique il est toujours en short. Les fleurs du jardins embaument de capiteux parfums, on sent la menace de multiples vertiges. Bref, là haut, tout n'est que désordre et danger, vent, exotisme et sensualité. Elles sont entrées dans un décor (tout a été tourné en studio !) trop grand pour elles, too much pour de braves et charmantes nonnes...

Lady from Shanghai (The) - Dame de Shanghai (La)

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1947, USA
Acteurs principaux : Rita Hayworth (1918 - 1987), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Un polar, oui, mais d'Orson Welles. Donc : tarabiscoté, désabusé, grandiose. La rousse la plus explosive de l'époque -Rita Hayworth, qui ne pouvait rien lui refuser-, il lui coupe les cheveux et la teint en blonde - mais elle reste plus garce que jamais. Les mecs autour sont des ordures cyniques -mais riches. Il se réserve le rôle du baroudeur naïf sacrifié, tough guy mais pas tant que ça. Les décors sont géniaux (surtout dans quelques scènes mythiques : l'aquarium, le palai des glaces), l'atmosphère lourde, les intentions de chacun tordues à souhait. Ca ne contribue pas beaucoup à faire aimer le monde, mais beaucoup à faire aimer le cinéma !

Monsieur Verdoux

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1947, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 124 mn, NB

Critique perso :

Une voix d'outre-tombe nous raconte son histoire. Celle d'un certain M. Verdoux, qui ressemble comme deux gouttes de poison au cauteleux M. Vernay, ainsi qu'à un pimpant capitaine Bonheur. En temps de crise des Temps modernes, en France ou ailleurs, tout est bon pour survivre. M. Verdoux a monté une petite entreprise prospère : le détroussage de veuves avec consentement. Un Landru, ce n'est après tout rien d'autre qu'un Charlot qui aurait de l'éducation et des bonnes manières. Mais le métier de multigame polyrécidiviste et de serial-killer en chambre demande une bonne santé et une grande organisation, surtout quand on a le coeur faible. Surtout quand l'heure est aux assassins professionnels d'Etat et à l'industrie du crime rationnalisé. M. Verdoux peut passer à bon droit pour un humaniste désuet ; il arriverait presque à nous faire regretter les petits artisans du bon vieux temps.

Private Affairs of Bel Ami (The) - Bel Ami

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Réalisé par : Albert Lewin (1894 - 1968)
En : 1947, USA
Acteurs principaux : John Carradine (1906 - 1988), Angela Lansbury (1925 - ), George Sanders (1906 - 1972)
Genre(s) : Paris /du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 112 mn, NB

Critique perso :

Bel(le) tronche et (faux) ami, George Duroy est un provincial sans le sou, arriviste et pique-assiette, promis à une belle carrière mondaine dans le Paris de la fin du XIXème. Son principal atout : il a l’air d’un gentleman distingué et il plait aux femmes. Son principal fardeau : la même chose. Grâce à un copain de régiment (et surtout à la femme du copain), il devient journaliste : couverture idéale pour aller partout et être au courant de tout. La politique, l’économie… rien ne lui échappe, surtout pas la rubrique people, qu’il invente au passage. Pour le reste, il préfère évidemment rater sa vie (amoureuse) que la gâcher (socialement). Les femmes -ses femmes- sont largement aussi intelligentes que lui -et nettement plus sympas-, mais ce sont des femmes. Il arrivera brillamment à tout foirer. Avec élégance. Le film est tout aussi élégant, et ne foire rien.

Quai des orfèvres

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1947, France
Acteurs principaux : Charles Blavette (1902 - 1967), Bernard Blier (1916 - 1989), Suzy Delair (1917 - ), Louis Jouvet (1887 - 1951), Pierre Larquey (1884 - 1962)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 102 mn, NB

Critique perso :

Le quai des orfèvres, c'est bien sûr le siège de la Police Judicière. Pourtant, ce film ne traite pas des moeurs de la police, mais de celles (plus légères, paraît-il) du milieu des cabarets de music-hall, avec ses numéros de cirque et de chansons populaires. Mais il y a bien un crime et beaucoup de suspects, pas mal de faux alibis et de vrais secrets. Avec son petit tralala, Suzy Delair n'a vraiment pas besoin de castagnettes et Blier -le père- fait sa mauvaise tête de mari jaloux (à tort, bien sûr). En flic roublard, Jouvet est le clou du spectacle. Au petit poil, comme on disait alors !

Boy with Green Hair (The) - Garçon aux cheveux verts (Le)

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Réalisé par : Joseph Losey (1909 - 1984)
En : 1948, USA
Acteurs principaux : Pat O'Brien (1899 - 1983), Dean Stockwell (1936 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 82 mn, couleur

Critique perso :

Un jeune garçon se souvient du matin où il a compris qu'il était unique et seul au monde. Et, accessoirement, orphelin de guerre. Du jour au lendemain, ses cheveux ont tourné au vert pomme. Déjà que la plupart des adultes ne lui inspiraient pas confiance ; là c'est la trahison générale. Il devient rebelle et pacifiste presque malgré lui : natural-born punk ! C'est une fable, bien sûr. Une histoire aux multiples entrées et à la morale ferme et claire. Un film simple et beau comme on n'ose plus en faire.

Foreign Affair (A) - Scandaleuse de Berlin (La)

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1948, USA
Acteurs principaux : Jean Arthur (1900 - 1991), Marlene Dietrich (1901 - 1992), Jonh Lund (1911 - 1992)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 116 mn, NB

Critique perso :

Berlin en 1945 : un peu comme un gros tas de légos dans lequel quelqu'un aurait mis un grand coup de pieds. Pas évident d'y caser une comédie. Mais tout n'est pas perdu, voici une délégation Républicaine du Congrès US qui débarque par les airs, avec pour mission de contrôler le (ou la, c'est pas très clair) moral(e) des troupes. Et, en son sein, une sénatrice de l'Iowa qui prend sa charge très à coeur, surtout depuis qu'elle est escortée d'un bel officier qui lui rappelle le pays. Côté moral(e), on ne demande pas trop leur avis aux autochtones, déjà trop heureux d'avoir survécu au gros coup de pied. Y'en a même qui sont encore debout, voire même sexy et bien habillée, et qui chante depuis toujours. Trop heureuse d'avoir pris très à coeur ses relations avec l'occupant, et particulièrement un bel officier qui n'est pas du pays. Le choc des cultures a déjà eu lieu (il a fait quelques millions de morts), il ne reste plus qu'à savoir laquelle est le côté pile, laquelle est le côté face, et de quel côté tombe la pièce quand c'est un bel officier qui la lance. Laquelle sauvera la face et le (ou la) moral(e) des troupes.

Germania anno zero - Allemagne année zéro

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1948, Italie
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 78 mn, NB

Critique perso :

Edmund est un ange blond d'une douzaine d'années. Edmund est né du mauvais côté -côté allemand- à une mauvaise période -les années 30. Dans les ruines post-apocalyptiques de Berlin dévastée, il cherche de quoi aider ce qui lui reste de famille à subsister : troc, marché noir et combines, dont il est plus souvent la victime que l'instigateur. Comme tous les enfants, c'est une éponge. Et le climat délétère de l'époque n'est pas très bon pour une poitrine d'enfant. Le chantre de la résistance italienne montre qu'il aime aussi ses ennemis : les nazis -du moins, qu'il n'a rien contre leurs rejetons. Parce que les premières victimes des guerres, ce sont les enfants. Ca rappelle vaguement quelque chose : l'éternelle histoire de l'innocent qui expie la faute de ses pères.

Ladri di biciclette - Voleur de bicyclette (Le)

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Réalisé par : Vittorio De Sica (1902 - 1974)
En : 1948, Italie
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Ce film est, quelques années après Rome, ville ouverte, le deuxième manifeste du néoréalisme italien, qui consista à sortir des caméras en plein air pour filmer la dignité des exclus et des perdants. Ricci, donc, est de ceux-là. Pas du genre causant. Au début, pourtant, il dégotte un bon boulot qui consiste à placarder des affiches de Gilda sur les murs de Rome. Mais, dès le premier jour, il se fait voler son indispensable outil de travail : sa bicyclette. Faire un chef d'oeuvre avec ça n'était pas gagné d'avance (j'en sais quelque chose : je viens de me faire voler mon vélo, aussi !). Mais Ricci a un fils aussi craquant que le Kid de Charlot. Mais il est brave et courageux, et la société cruelle. Mais les plus désespérés sont les plans les plus beaux.

Oliver Twist

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Réalisé par : David Lean (1908 - 1991)
En : 1948, Angleterre
Acteurs principaux : Alec Guinness (1914 - 2000)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 116 mn, NB

Critique perso :

Par un soir d'orage, une pauvre jeune fille donne la vie à un ange blond -et rend la sienne. Le pauvre petit ange blond est élevé à l'hospice. Il passe de mains en mains -et elles sont de moins en moins propres. Jusqu'à ce qu'on reconnaisse enfin que, sous ses cheveux d'ange, coule un sang pur et bleu. Hem, comment dire, la fausse pauvreté pittoresque, c'est pas vraiment mon truc. Les portraits ne font pas trop dans la subtilité -ni le scénario d'ailleurs. Les taudis et les âmes sont cracra à souhait, il ne manque pas un accroc aux guenilles ni un coup fourré aux trognes grimaçantes. Ici tout n'est que luxure, crasse et cupidité. De la caricature pour livres d'images, gênante à force de ne pas l'être.

Tresor of Sierra Madre (The) - Trésor de la Siarra Madre (Le)

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1948, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Tim Holt (1918 - 1973), John Huston (1906 - 1987), Walter Huston (1884 - 1950)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /épique pas toc
Caractéristiques : 126 mn, NB

Critique perso :

Disons pour simplifier qu'on aurait affaire à une relecture post-western un peu trash et très ironique du "laboureur et ses enfants" : une histoire de glandus au bout du rouleau qui s'improvisent chercheurs d'or au Mexique, à la suite d'un vieux briscard. Ils ont été chauffés à blanc par la misère, mais c'est une fois le filon déniché que le plus dur commence. Ils doivent patauger dans la boue sous un soleil de plomb, rester discrets, planquer leur récolte, se méfier de tout le monde. Ils sont quatre, comme les trois mousquetaires, mais avec des armes à feu et des bandits à sombreros aux trousses. Et puis, à force de fouiller la terre, ils se creusent en eux-mêmes d'insondables boyeux creux. Ils pillent si bien qu'ils se retrouvent avec l'âme toute rabottée : à la fin, on a l'impression de voir les leur toute nues (et celle de Bogart est pas belle à voir). Il y a des hommes qui ne valent sans doute pas leur pesant de pépites. Le film, oui.

Down to the Sea in Ships - Marins de l'orgueilleux (Les)

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Réalisé par : Henry Hathaway (1898 - 1985)
En : 1949, USA
Acteurs principaux : Lionel Barrymore (1878 - 1954), Dean Stockwell (1936 - ), Richard Widmark (1914 - 2008)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants /épique pas toc
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Il a 12 ans, est orphelin, a été élevé par son grand-père marin sans quasiment jamais mettre un pied à terre, et passe très laborieusement son certificat d'étude grâce à l'indulgence du jury. Il ré-embarque sur un baleinier dirigé par son grand-père, qui le confie à son second qui a fait des études. Toute l’histoire, ce sera : c'est quoi la meilleure école, celle de la vie ou celle de la culture, les baleines ou les livres ? La bonne réponse, ce sera : les deux, mon capitaine ! Mais attention, on n'est pas dans un livre, justement, on est dans un film avec des hommes des vrais dedans, beaucoup d'eau, de la sueur, du sang, des larmes et des baleines (sans doute un peu fausses, elles, mais on s’en fiche). De l'aventure, du panache, des héros des vrais. Du vrai cinéma, de la vie la vraie (et inversement).

Heiress (The) - Héritière (L')

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Réalisé par : William Wyler (1902 - 1981)
En : 1949, USA
Acteurs principaux : Montgomery Clift (1920 - 1966), Miriam Hopkins (1902 - 1972), Ralf Richardson (1902 - 1983), Olivia de Havilland (1916 - )
Genre(s) : New York - New York /du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

Henry James, grand coupeur de cheveux en 4000, a inspiré cette histoire de jeune femme sous influence, dans la bonne société new-yorkaise du XIXème siècle. La jeune femme est censée être très moche et très fade (bien qu’incarnée par Olivia de Havilland), si mal aimée de son père, docteur de la haute, qu’il n’imagine pas un instant qu’on puisse la courtiser pour autre chose que ses sous à lui, surtout si on est fauché et beau comme Montgomery Clift. Une fois toutes les pièces du jeu posées, il n’y a plus qu’à observer la lente destruction d’un coeur par tout ceux qui sont censés lui vouloir du bien. L’héritage (financier et biologique) comme malédiction et obstacle au bonheur : la leçon de maître Henri est, comme on pouvait s’y attendre, subtile et ambiguë, mais néanmoins assez claire, même découpée en 4000. Film de prestige typique de l’âge d’or hollywoodien, en mode beau boulot.

Kind Hearts and Coronets - Noblesse oblige

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Réalisé par : Robert Hamer (1911 - 1963)
En : 1949, Angleterre
Acteurs principaux : Joan Greenwood (1921 - 1987), Alec Guinness (1914 - 2000), Dennis Price (1915 - 1973)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, NB

Critique perso :

La quintessence du British sense of humor ! Sic Alec Guinness, avant de se prendre pour Obi-Wan Kenobi, était l'acteur emblématique du genre. Ici, il incarne à lui tout seul les huit victimes successives d'un sérial killer aux manières de gentleman. Il faut dire que ce dernier tue pour la bonne cause : celle de sa maman, née noble mais rejetée par sa famille après une mésalliance, et pour récupérer un titre de noblesse qu'il estime devoir lui revenir. Sur les inconvénients de prendre un peu trop au sérieux les codes de l'aristocratie britannique et la perversion qu'ils recellent, on n'a guère fait mieux, have we ?

Stromboli

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1949, Italie
Acteurs principaux : Ingrid Bergman (1915 - 1982)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 107 mn, NB

Critique perso :

Karen est très belle. Enfermée dans un camp de prisonniers, à la fin de la guerre, elle joue sa vie sur un coup de dé. Pas le droit d'émigrer en Argentine ? Elle épouse donc le bon gars qui la drague, de l'autre côté des barbelés, et le suit à Stromboli. Sauf que Stromboli, c'est tout sauf une retraite paisible. C'est une île et un volcan. A Stromboli la vie est rude, la nature sauvage, les traces humaines toujours menacées et provisoires. Les seules ressources y sont la pêche aux thons (qui donne lieu à une séquence documentaire mémorable) et ce qu'envoie la famille partie en Amérique. A Stromboli, la vertu essentielle est la modestie. Pas le fort de Karen, d'autant que son bon gars de mari se révèle tout juste un bon gars. Elle déprime sec. Elle vivra sa leçon de dépouillement comme un chemin de croix. Pour nous faire croire que la fin et un happy end, il faudra rien moins qu'un miracle (comme dans Voyage en Italie). Le cinéma, de toute façon, peut nous faire croire à tout.

Third Man (The) - Troisième homme (Le)

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Réalisé par : Carol Reed (1906 - 1976)
En : 1949, Angleterre
Acteurs principaux : Joseph Cotten (1905 - 1994), Trevor Howard (1913 - 1988), Alida Valli (1921 - 2006), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /entre Berlin et Moscou /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

Les ruines de Vienne après la deuxième guerre, un air de cythare et un train qui entre en gare. En descend un candide écrivain américain, à la recherche d'un ami qui lui a promis du travail. L'ami est mort, l'officier anglais qui régit les lieux n'est guère accueillant, les comparses qui suivent l'enterrement n'inspirent pas la sympathie, sauf une très belle femme... Bref, que de très bonnes raisons de ne surtout pas s'attarder en ville. Il reste, il ose même aller mettre le nez dans les égouts du passé. Mensonges, trafics, chantages, trahisons, manipulations, guerre de l'ombre et de la lumière, distorsion des valeurs : on aura droit à tout. D'ailleurs, tout est tellement sens dessus-desous qu'il n'y a pas moyen de mettre la caméra à l'horizontale. Le temps d'une scène de 10 mn et d'une réplique d'anthologie sur les coucous suisses (de son invention, paraît-il), Orson Welles incarne à jamais la séduction et le cynisme absolu du mal.

Törst - Soif (La) / Fontaine d'Arethuse (La)

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1949, Suède
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 83 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire d'un couple qui n'arrive pas à vivre au présent : chacun ressasse dans son coin ses souvenirs avec d'autres - pas particulièrement reluisants pourtant, les souvenirs - et les échanges entre eux ressemblent plus à des monologues alternés qu'à de vrais dialogues. Le huis clos d'une chambre d'hotel ou d'un compartiment de train ne fait rien pour arranger les choses. Malgré tout, ils reconnaissent eux-mêmes qu'ils préfèrent vivre dans l'enfer du couple que dans celui de la solitude. Elles sont insupportables et touchantes, ces petites marionnettes perdues dans leurs désirs, comme de perpétuels insatisfaits qui meurent de soif au bord d'une rivière.

All about Eve - Eve

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Réalisé par : Joseph L. Mankiewicz (1909 - 1993)
En : 1950, USA
Acteurs principaux : Anne Baxter (1923 - 1985), Bette Davis (1908 - 1989), Marilyn Monroe (1926 - 1962), George Sanders (1906 - 1972)
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 138 mn, NB

Critique perso :

Eve, jeune et charmante actrice, reçoit un prix d'interprétation au milieu de VIP en pingouins. Applaudissements, remerciements. Flash-back : moins d'un an avant, Eve (la même), dans le rôle de la fan anonyme faisant (pour de vrai) le pied de grue à la sortie des théâtres. Que s'est-il passé entre les deux ? Bette Davis, dans le rôle d'une célèbre actrice vieillissante et capricieuse (qui, bizarrement, lui va comme ses gants), arrivera dans l'intervalle à se rendre plus sympathique que l'onctueuse Eve, c'est dire. Mankiewicz prouve par l'exemple que manipulations, faux-semblants et mises en scènes sont les clés d'un spectacle réussi. Impeccable leçon de misanthropie (voire de misogynie) et de cynisme, pour ne plus jamais regarder les cérémonies des Oscar, César, Molière et patapon de la même façon.

Asphalt Jungle (The) - Quand la ville dort

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1950, USA
Acteurs principaux : Louis Calhern (1895 - 1956), Jean Hagen (1923 - 1977), Sterling Hayden (1916 - 1986), Sam Jaffe (1891 - 1984), Marilyn Monroe (1926 - 1962)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 112 mn, NB

Critique perso :

Doc Erwin Riedenschneider, agrégé en combriolage juteux et metteur en scène affuté de son art, sort de prison et ne tarde pas à reprendre ses chères études. Pour mettre la main sur quelques bijoux, il a un scénario en or qui lui permet de choisir son casting : quelques stars incontestées de la cambriole, quelques seconds rôles de plus ou moins gros calibres. Le producteur-promoteur est véreux et amateurs de starlettes, ça n'étonnera personne. Préparation, exécution, conséquences : le plan (devenu) habituel (depuis) de toutes les écoles de casses, de cinéma et d'ailleurs. Comme d'hab, ce serait trop beau que tout se passe bien. Comme d'hab, tout est prévu sauf l'imprévisible : le hasard et la faiblesse des hommes -pas toujours la même, mais il suffit de la trouver. Quand la ville dort, tous les chats sont gris et tous les films sont noirs. Surtout les bons.

Beauté du diable (La)

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Réalisé par : René Clair (1898 - 1981)
En : 1950, France
Acteurs principaux : Gérard Philipe (1922 - 1959), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Le vénérable Docteur Faust se voit remettre une médaille pour l'ensemble de son oeuvre. Autant dire qu'il a raté sa vie et qu'il n'en a plus pour longtemps. A peine le temps de remercier toute l'équipe qu'il n'eut jamais et voilà Méfisto, démon de second plan mais bien cabotin quand même, qui lui montre le miroir de ce qu'il aurait pu être. Et voici qu'apparaît sur un écran magique (sans doute fabriqué à Hollywood) : beauté, gloire et fortune. L'amour est aussi disponible en option, mais pas forcément compatible avec le reste du scénario. Le mythe est donc revisité en version vaguement post-atomique et néo-poétique, mais en conservant princesse, bohémienne et sacs d'or. De la bonne vieille ouvrage qualité française, donc, avec les meilleurs cabotins du moment, mais qui a tout de même un peu de mal à croire à sa jeunesse éternelle. Et qui sera bientôt bien perturbé par un truc nouveau venant de la mer...

Luci del varietà - Feux du music-hall (Les)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1950, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

En ce temps-là, le Maestro n'était qu'un apprenti. Il a fait l'assistant pour Rosselini, il a besoin de l'oublié Latuada pour oser co-signer son premier film qui déjà, pourtant, lui ressemble. Il y est question d'une troupe d'artistes de dernière catégorie : ceux des cabarets minables et des publics à rire gras. Il y a là un fakir, un bonimenteur et un chanteur de charme (d'ailleurs, ce sont les mêmes), de quelques playmettes plus ou moins affriolantes. Juste assez pour tout de même donner envie à une jeune première de se joindre à la troupe : une Eve du pauvre, en quête de gloire en polystyrène. Ses jambes retiennent l'attention du bellâtre vieillissant de la bande -pas sûr que ce soit une bonne pioche. Dans cette version méditerranéenne de La Nuit des forains, les OS du bastringue rament pour ne pas mourir de faim. Mais il n'est sans doute pas de plus grand maestro que celui qui met son grand art au service des plus merdiques de ses collègues.

Manèges

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Réalisé par : Yves Allégret (1907 - 1987)
En : 1950, France
Acteurs principaux : Bernard Blier (1916 - 1989), Simone Signoret (1921 - 1985)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Au début : un mari éploré à l'hôpital, au chevet de sa femme chérie : larmes, désespoir et souvenirs. Fausse piste. Belle-maman débarque et vend la mèche : sa fille n'en voulait qu'à son argent, elles se sont bien foutues de lui. Le mélo tourne vinaigre, le grand déballage commence... Pas joli joli pour la gente féminine, ce Rashômon en costume de cheval (le mari tente de faire vivre un manège). Pas terrible non plus pour les mâles, qui se partagent en salauds de pauvres et en pauvres salauds. Comme dans Le Mépris, les relation sociales se résument à la prostitution. Comme dans Lettre d'une inconnue, celui qui a tout compris est celui qui parle le moins. Bio cynique d'une Comtesse aux pieds nus un peu trash, dont l'élégance sentira toujours l'écurie. Noir c'est noir.

Marie du port (La)

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1950, France
Acteurs principaux : Blanchette Brunoy (1918 - 2005), Julien Carette (1897 - 1966), Nicole Courcel (1930 - 2016), Jean Gabin (1904 - 1976), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Louis Seigner (1903 - 1991)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

A Port-en-Bessin : des pêcheurs qui vont au bistrot, surtout celui où sert Marie, la "sournoise" taciturne. A Cherbourg : des marins en uniforme qui vont à la brasserie et au cinéma, propriétés d'Henry, le patron séducteur. 100km, une génération et pas mal d'obstacles les séparent. Un enterrement et un bateau les rapprochent. Ils parlent beaucoup (avec le quota réglementaire de bons mots du cinéma de l'époque) mais rarement pour dire ce qu'ils pensent, et encore moins ce qu'ils ressentent. Mais le patron a les idées larges : la preuve, il passe aussi bien des films de Georges Lampin que de Murnau, dans sa salle de ciné. En coupant les 10 dernières mn, avec une fin façon Enfants du paradis, ça pourrait tenir la route du large. Dommage...

Night and the City - Forbans de la nuit (Les)

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Réalisé par : Jules Dassin (1911 - 2008)
En : 1950, Angleterre
Acteurs principaux : Gene Tierney (1920 - 1991), Richard Widmark (1914 - 2008), Googie Withers (1917 - 2011)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 101 mn, NB

Critique perso :

Harry Fabian est un « artiste sans art », comme l’a bien compris son voisin (un vrai artiste, lui) : un artiste qui, pour accéder à la réussite, n’a toujours choisi que les chemins les plus courts, les raccourcis les plus risqués et les plus foireux. Harry Fabian, il a la bidouille toujours brillante, le ratage toujours flamboyant -bref, quand il demande, une fois de plus, de lui prêter de l’argent pour son dernier plan mirobolant, plus personne ne lui fait plus confiance depuis longtemps, même (et surtout) la (sainte) Mary qui (des fois) partage sa vie. Pourtant, cette fois, faut reconnaître qu’on aurait presque envie de lui donner raison, à Harry Fabian. Il a déniché le Dieu vieillissant de la lutte gréco-romaine et va, grâce à lui, organiser le combat de catch réglo (si ça existe) du siècle. Enfin, presque. Dans ce polar nocturne sans coup de feu, le noir et blanc et la profondeur de champ sont éblouissants. Du coup, les personnages ont souvent l’air de ne pas être à la même échelle : il y a ceux qui se camouflent, ceux qui se voient trop grand, ceux qui voudraient bien en rabaisser un(e) autre. Harry Fabian est de plus en plus traqué et cerné, mais sa dernière arnaque désespérée sera pour sauver son âme, à défaut d’autre chose…

Olvidados (Los)

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1950, Mexique
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

Les oubliés du titre, ce sont les enfants des rues de Mexico. Les adultes, ici, sont absents, aveugles ou épuisés de travaux domestiques. La seule loi qui tienne est celle du plus fort de la bande. Or, il s'appelle Jaibo et il sort de prison, ce qui ne présage rien de bon... Mais on est chez Bunuel, pas dans le néo-réalisme : la peinture de la misère se teinte de symbolisme et la figuration des rêves et des fantasmes n'est pas oubliée. Le poids du destin et l'injustice subie par l'enfance sacrifiée n'en est que plus puissante. Dur dur, sobre et beau...

Rashômon

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1950, Japon
Acteurs principaux : Machiko Kyô (1924 - ), Toshirô Mifune (1920 - 1997), Masayuki Mori (1911 - 1973), Takashi Shimura (1905 - 1982)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

Réfugiés sous une porte de Kyoto (Rashômon, c'est la "porte des démons") pour échapper au déluge, trois hommes se racontent une histoire. Une sombre histoire, qui met en scène un couple traversant tranquillement la forêt, et le bandit bondissant qu'ils y rencontrent. L'histoire se termine mal, un procès vient d'avoir lieu. Face au tribunal invisible de l'Histoire, chacun des protagonistes donne sa version des faits. Les images, chaque fois, lui donnent raison. L'homme est mort, la femme a été violée, le bandit jugé. Mais c'est à peu près tout ce qu'il y a de sûr. Pour le reste, chacun sa vérité et honneur pour tous. L'histoire prend l'eau, comme tout le reste. Si on ne peut plus faire confiance aux images, où va-t-on ! Quant aux hommes... Un grand coup de de modernité dans les côtes, largement pompé depuis.

Ronde (La)

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Réalisé par : Max Ophüls (1902 - 1957)
En : 1950, France
Acteurs principaux : Jean-Louis Barrault (1910 - 1994), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Daniel Gélin (1921 - 2002), Odette Joyeux (1914 - 2000), Gérard Philipe (1922 - 1959), Serge Reggiani (1922 - 2004), Simone Signoret (1921 - 1985), Simone Simon (1910 - 2005)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Toujours Vienne, toujours 1900 (mais ça n'a aucune importance). La ronde, c'est ce jeu supide -j'te prends la main, tu m'prends la main- que les humains apprennent dans les cours d'école -un gars, une fille, un gars, une fille- et auquel ils jouent toute leur vie. Par "amour de l'art de l'amour", ils rejouent tous et toujours les mêmes scènes, inconsolables de leurs souvenirs, obsédés par le temps qui passe trop ou pas assez vite. Bref, ils ne pensent qu'à ça et le plus dur, pour eux, est de ne pas en avoir l'air. Pour faire sa typologie des prélimaires amoureux, Ophuls met en place un dispositif très artificiel, avec maître de cérémonie tireur de ficelles et passages de témoin systématiques d'un couple à l'autre. On a compris : le monde est un théâtre dont tout le monde fait mine d'être dupe...

Sunset Blvd. - Boulevard du Crépuscule

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1950, USA
Acteurs principaux : Cecil B. DeMille (1881 - 1959), William Holden (1918 - 1981), Buster Keaton (1895 - 1966), Gloria Swanson (1897 - 1983), Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

Voix off d'outre-tombe pour le premier flash-back post-mortem de l'histoire du cinéma : Joe, donc, est mort. Noyé dans l'objet de son désir : une piscine sur Sunset Blvd., Hollywood. Et avec trois balles dans la peau. Un peu avant, Joe se contentait d'être comme la moitié des habitants de L.A. : un scénariste raté. Jusqu'au jour où sa voiture crève devant chez Norma, richissime ex-star du muet, en pleine préparation ultra-secrète de son come-back. Il devient courtisan, puis courtisé. Complice, compromis, corrompu. Condamné... Victime, comme Norma, de l'illusion à laquelle il a consacré sa vie. Billy Wilder, coté obscur. Derrière l'hommage aux pionniers du cinéma, aux Griffith, DeMille et Stroheim (et au fantôme de Buster Keaton qui joue aux cartes), se profile une féroce satire et une vision fulgurante, qui désigne la rubrique people et les faits divers comme avenir possible de son art.

Mains sales (Les)

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Réalisé par : Fernand Rivers (1879 - 1960)
En : 1951, France
Acteurs principaux : Pierre Brasseur (1905 - 1972), Daniel Gélin (1921 - 2002), Christian Marquand (1927 - 2000), Claude Nollier (1919 - 2009)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, NB

Critique perso :

La période est à peu près claire -la 2ème guerre mondiale. Le pays est mystérieux -quelque part à l'est, sans doute. Le parti n'est jamais nommé mais se laisse aussi bien deviner que le métier d'une certaine p... respectueuse. Le héros est un homme. Enfin, héros c'est à voir, c'est toute la question. Il a eu une mission à accomplir, il a l'air de s'en être sorti, mais pas sans mal. C'est un agent double, peut-être aussi un double traitre. A sa classe et à ses camarades. A ses camarades traitres. A sa femme et, évidemment, à lui-même. Ou peut-être que les vrais traites, ce sont les femmes, comme toujours. Bref, c'est la guerre et tout le monde se pose beaucoup de questions. C'est un film de guerre, mais où on n'oublie pas de ramasser les copies à la fin. Faut croire qu'on se battait beaucoup à coups de mots, en ce temps là...

Mains sales (Les)

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Réalisé par : Fernand Rivers (1879 - 1960)
En : 1951, France
Acteurs principaux : Pierre Brasseur (1905 - 1972), Daniel Gélin (1921 - 2002), Christian Marquand (1927 - 2000), Claude Nollier (1919 - 2009)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, NB

Critique perso :

La période est à peu près claire -la 2ème guerre mondiale. Le pays est mystérieux -quelque part à l'est, sans doute. Le parti n'est jamais nommé mais se laisse aussi bien deviner que le métier d'une certaine p... respectueuse. Le héros est un homme. Enfin, héros c'est à voir, c'est toute la question. Il a eu une mission à accomplir, il a l'air de s'en être sorti, mais pas sans mal. C'est un agent double, peut-être aussi un double traitre. A sa classe et à ses camarades. A ses camarades traitres. A sa femme et, évidemment, à lui-même. Ou peut-être que les vrais traites, ce sont les femmes, comme toujours. Bref, c'est la guerre et tout le monde se pose beaucoup de questions. C'est un film de guerre, mais où on n'oublie pas de ramasser les copies à la fin. Faut croire qu'on se battait beaucoup à coups de mots, en ce temps là...

Place in the Sun (A) - Place au soleil (Une)

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Réalisé par : George Stevens (1904 - 1975)
En : 1951, USA
Acteurs principaux : Montgomery Clift (1920 - 1966), Elizabeth Taylor (1932 - 2011), Shelley Winters (1922 - 2006)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 122 mn, NB

Critique perso :

Il y a deux sortes d'américaines : celles qui fabriquent les maillots de bain à la chaîne, et celles qui les portent sans jamais se salir les mains au travail. Il n'y a qu'une sorte d'américain : celui qui veut tout, comme George Eastman. Avec Alice, sa collègue ouvrière : une idylle de l'ombre. Avec Angela, la mondaine ingénue : le grand jeu et la belle vie. Il est long, pourtant, le chemin qui va de l'une à l'autre. George, auquel Montgomery Clift prête son regard brûlant et ses épaules de vaincu, a le tort de vouloir les aimer toutes les deux, et de croire aux slogans de son pays. Verdict implacable : coupable. Coupable d'avoir eu honte de l'une et envie de l'autre. Coupable d'avoir voulu apprendre à nager dans le grand bain.

Streetcar Named Desire (A) - Tramway nommé désir (Un)

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1951, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), Kim Hunter (1922 - 2002), Vivien Leigh (1913 - 1967), Karl Malden (1912 - 2009)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 122 mn, NB

Critique perso :

Blanche, délicate petite chose, échoue un jour à La Nouvelle Orléans, chez sa soeur enceinte. Elle doit cohabiter avec le mari de la soeur, un ouvrier brut(e) de décoffrage qui a visiblement un fort mauvais tailleur (il n'arrête pas de déchirer ses marcels) et n'utilise apparemment pas beaucoup de déodorant pour atténuer l'effet de son abondante sueur. Mais beau comme Brando. Ca se flaire, ça se renifle, façon minauderies ou façon ours, c'est finalement à peu près la même chose. Ca sent le fauve et le renfermé, dans ce film là. Tout le monde y est comme embarrassé ou dépassé par son propre corps. Léger et doux comme du béton armé brut de décoffrage.

5 Fingers - Affaire Cicéron (L')

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Réalisé par : Joseph L. Mankiewicz (1909 - 1993)
En : 1952, USA
Acteurs principaux : Danielle Darrieux (1917 - 2017), James Mason (1909 - 1984)
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Ankara (Turquie), pendant la dernière guerre. Le terrain est neutre : les ambassadeurs des deux camps s'observent et cohabitent, tout en prenant grand soin de ne surtout pas se croiser au détour d'un couloir. Une comtesse ruinée cotoie les uns et les autres. Son ex-majordome, désormais valet de chambre de l'ambassadeur anglais, fricotte contre finances avec l'ennemi allemand. Pas d'effets de suspens, ici : nous savons tout de tous, ce qui n'est le cas de personne d'autre. Nous sommes les seuls à pouvoir évaluer le subtil réseau de relations et de dépendances, d'asservissements et de soumissions, qui lie les personnages les uns aux autres. Nous serons aux premières loges de la déconfiture ironique de chacun. Le meilleur film d'espionnage que je connaisse, en forme de grand jeu de dupes à qui perd gagne... et où tout le monde perd, bien sûr...

Angel Face - Si doux visage (Un)

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1952, USA
Acteurs principaux : Herbert Marshall (1890 - 1966), Robert Mitchum (1917 - 1997), Jean Simmons (1929 - 2010)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Elle est jeune, belle, riche -très riche. Une enfant gâtée. Il est beau, flegmatique et pauvre -très pauvre. Un postulant au rêve américain, qu'il verrait bien sous la forme d'un petit garage rien qu'à lui. Dès la première rencontre, ils s'échangent une baffe : coup de foudre. Elle s'intéresse au piano, aux échecs et à la mécanique. Elle a des petits problèmes de famille. Elle adore foutre la merde. Il n'a que sa carrure d'athlète et sa bonne volonté. Il est un peu mou et hésitant. Il ne pas voit pas bien ce qui se cache derrière les sourires. Ils sont faits pour s'entendre, c'est-à-dire associer leurs intérêts mal compris. Manipulations, jeux de dupes et névroses tapies sous les tapis... Un grand film noir, c'est noir.

El

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1952, Mexique
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

El, comme son nom l'indique, est un homme un vrai. Il vit au Mexique dans les années 50, autant dire qu'il n'a de leçons de machisme à recevoir de personne. Bon bourgeois et bon catholique, autant dire (on est chez Bunuel) qu'il est un parfait psychopathe... Avec sa toute jeune épouse, la lune de miel tourne rapidement au cauchemar domestique. Bunuel s'insinue dans la logique délirante de cet homme avec une délectation ironique. Avec lui, la façade respectable peut cacher l'horreur, les valeurs les plus traditionnelles dissimulent la folie.

Ikiru - Vivre

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1952, Japon
Acteurs principaux : Takashi Shimura (1905 - 1982)
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 143 mn, NB

Critique perso :

On s'est tous posé la question : qu'est-ce qu'on ferait si on savait n'avoir plus que quelques mois à vivre ? Réponse nippone en 3 leçons : s'amuser, tenter une rencontre, agir. Comme ça, ça a l'air facile mais quand on a enterré sa femme et qu'on s'est déjà enterré soi-même sous la paperasserie pendant 30 ans, tout est à réapprendre. Et un film là-dessus, c'est encore plus dur à réussir : éviter le mélo, préserver le silence et le mystère, privilégier la délicatesse... Mais la morale est claire : un type à l'enterrrement duquel l'ambiance monte à mesure que les réserves de saké baissent n'a certainement pas raté sa vie !

Plaisir (Le)

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Réalisé par : Max Ophüls (1902 - 1957)
En : 1952, France
Acteurs principaux : Pierre Brasseur (1905 - 1972), Henri Crémieux (1896 - 1980), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Claude Dauphin (1903 - 1978), Paulette Dubost (1911 - 2011), Jean Gabin (1904 - 1976), Daniel Gélin (1921 - 2002), Ginette Leclerc (1912 - 1992), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Louis Seigner (1903 - 1991), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : Paris /en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Rien de tel qu'un grand viennois pour adapter notre Maupassant national (maison Tellier comprise, mais je ne crois pas que ce soit celle de mes ancêtres). On y voit des humains de toutes conditions (bourgeois, putains ou artistes, c'est tout comme) errer dans le labyritnthe de leur vie, coincés qu'ils sont dans des désirs frustrés et des destins étriqués. Et qui, parfois, trouvent tout de même une petite voie, un petit passage secret qui mène à leur innocence, un raccourci inattendu vers la grâce qu'ils ont perdue. Un petit moment de plaisir derrière les barreaux de leur morne existence. Ephémère ou illusoire, cela va sans dire, mais c'est déjà ça, juste le temps d'apercevoir ce qui aurait pu être. Et on voit ça par l'oeil d'une caméra malicieuse, plus libre qu'eux puisqu'elle traverse les murs et le temps -et les âmes aussi, parfois. C'est beau comme une partie de campagne, c'est triste pareil. Mais le bonheur (même celui du spectateur) n'est pas toujours gai...

Beat the Devil - Plus fort que le diable

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Jennifer Jones (1919 - 2009), Gina Lollobrigida (1927 - ), Peter Lorre (1904 - 1964), Robert Morley (1908 - 1992)
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Un port italien après la guerre, cuit à l'étouffé. Un yankee désabusé, flanqué de trois complices pas tout à fait à la hauteur et d'une brune épouse explosive, fait la connaissance d'un couple de faux aristocrates so british avec qui il doit voyager. Ca s'observe, ça s'agite, ça se raconte des histoire. Ca cause chateaux en Espagne et uranium en Afrique. Les femmes et les mensonges circulent un peu trop vite. La pompe à récit déraille parfois autant que celle du bateau pourri censé les accueillir à son bord (dès que le capitaine aura déssoulé). Que vont-ils donc faire dans ce raffiot ? Se raconter d'autres histoires, of course. Un African Queen pour rire, hommage à la fiction qui ne mène nulle part et au plaisir du voyage immobile dans un bateau ivre.

Big Heat (The) - Réglements de comptes

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Réalisé par : Fritz Lang (1890 - 1976)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Glenn Ford (1916 - 2006), Gloria Grahame (1923 - 1981), Lee Marvin (1924 - 1987)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 89 mn, NB

Critique perso :

Ca commence par la mort d'un flic qui n'a plus du tout envie de vivre, et ça se termine par celle d'une pétasse qui aurait bien mérité d'être sauvée. Le chemin entre les deux passe par le Sgt de police Bannion, brave type incorruptible que la rage peut tout de même rendre assez méchant. Surtout quand on lui tue sa femme sans le faire exprès. Dans cette histoire, tout ou presque est à double face, comme un bout de scotch qui colle aux doigts. Le pape de la pègre est fier de sa lignée respectable, les officiers de police jouent aux cartes avec les truands, et les veuves éplorées se font du fric sur la mort de leur époux. Mais chacun va finir par ressembler à ce qu'il est, et c'est pas toujours beau à voir. Il y a des films noirs qui ont une sacrée lumière intérieure.

Bigamist (The) - Bigamie

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Réalisé par : Ida Lupino (1918 - 1995)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Joan Fontaine (1917 - 2013), Ida Lupino (1918 - 1995), Edmond O'Brien (1915 - 1985)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

Harry Graham est le parfait mari d’Eve. Ils vivent à San Francisco. Tout irait pour le mieux dans le meilleur des amours possibles s’ils pouvaient avoir un enfant. Procédure d’adoption en cours. C’est l’agent chargé à cette occasion de se renseigner sur la vie des époux qui découvre le pot aux roses. En fait, à Los Angeles, où il va souvent pour son travail, Harry est aussi le parfait époux de Phyllis, avec qui il vient d’avoir un bébé. Pas de suspens, donc, on comprend vite la situation. L’enjeu du film c’est : comment il en est arrivé là, le pauvre chou ? Parce qu’attention : un bigame, c’est pas du tout quelqu’un qui méprise le mariage. Au contraire, il aime et respecte tellement ça qu’il préfère en contracter plusieurs que prendre une maîtresse. Admirable comportement. Et habileté suprême, c’est la quasi-seule réalisatrice répertoriée de l'époque qui se coltine avec empathie cette émouvante confession en l’honneur du traitre le plus sincère qu’on ait imaginé. Impressionnant dévouement de part et d’autre.

Hitch-Hiker (The) - Voyage de la peur (Le)

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Réalisé par : Ida Lupino (1918 - 1995)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Edmond O'Brien (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 71 mn, NB

Critique perso :

Deux potes en vadrouille (soit disant qu'ils vont à la pêche) en prennent un troisième en stop. Mauvaise pioche : le gars en question est un tueur en série pervers. En plus, il a la tête de l'emploi (il est très moche et très malheureux) et ne dort que d'un oeil (l'autre est toujours ouvert, comme celui du spectateur). Il a juste besoin de se faire conduire à l'autre bout du pays, de l'autre côté du désert. D'autres hommes (des flics) ne vont pas tarder à être à leur trousse. Ce road-huis-clos-movie où la tension monte aussi vite que la température est l'oeuvre d'une des (très) rare réalisatrice d'Hollywood. Elle s'amuse à mettre trois hommes dans une voiture, quelques autres en décor, et les regarde apprendre à se détester. Ils font ça très bien. Elle aussi.

Madame de...

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Réalisé par : Max Ophüls (1902 - 1957)
En : 1953, France
Acteurs principaux : Charles Boyer (1899 - 1978), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Vittorio De Sica (1902 - 1974)
Genre(s) : Paris /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

Madame de… est la très délicieuse épouse très gâtée d’un galant général. Pour régler de mystérieuses dettes, elle décide de revendre à un bijoutier des boucles d’oreilles -des diamants en forme de coeurs-, que son mari lui avait offertes « juste après leur mariage »… C’est, de tout son attirail à coquette, ce à quoi elle tient le moins, pense-t-elle. Le bijou passe de mains en mains, avant de lui revenir, en cadeau, de celles d’un très galant diplomate italien, par ailleurs très bon danseur de valses. Ce sont bien les mêmes, et pourtant ça n’a plus rien à voir. Cette fois, elle donnerait tout au monde pour les garder. C’est qu’entre temps, Mme de… a un peu changé. Elle a appris la valeur sentimentale des choses. Elle était superficielle ? Superficiellement seulement. Comme l'ambiance de l'époque. Comme la caméra, qui dessine des arabesques infiniment raffinées dans le temps et l’espace. Comme les personnages, et comme les dialogues, et comme la paire de boucles d’oreilles. Ils dansent tous très bien la valse à travers les pièces et à travers les coeurs. Les diamants en forme de coeur, ou les coeurs en forme de diamant…

Man on a Tightrope - Cirque en révolte

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Gloria Grahame (1923 - 1981), Frederic March (1897 - 1975), Adolphe Menjou (1890 - 1963)
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

En 1952, il s’est passé un truc embêtant dans la vie d’Elia Kazan. C’est à ce moment-là qu’il a évoqué quelques noms de potes communistes devant une certaine commission. C’est aussi à partir de là qu’il a commencé à faire des films intéressants, des films où il est question d’agents doubles et de légitimes trahisons. Ici, c’est carrément une troupe entière de cirque (dompteur de lions, clowns, acrobates et musiciens, familles comprises), qui, manque de bol, opère en Tchécoslovaquie, du mauvais côté du rideau de fer. Et rêve de passer de l’autre côté, en bloc et en musique, si possible. Pour éviter d’avoir à faire rire sur les prolétaires méritants et les méchants capitalistes. Si c’est pas de la belle justification a posteriori, ça y ressemble beaucoup. Apparemment, en tout cas, c’est pas le collectivisme qui le rebutait, Kazan, surtout pas celui d’une troupe soudée par le spectacle. Et coup de bol ou pas, il savait décidément faire du très bon cinéma avec (suspense, héros et traitres compris).

Pane, amore e fantasia - Pain, amour et fantaisie

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Gina Lollobrigida (1927 - ), Marisa Merlini (1923 - 2008)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Antonio est rentré dans la gendarmerie principalement, semble-t-il, pour le prestige supposé que l'uniforme confère auprès des dames. Le poil qui blanchit mais le coeur toujours vert, il trimballe ses galons, sa moustache et sa guitare au gré de ses affectations dans l'Italie profonde. A Sangliena, petit village (imaginaire) haut perché où il débarque, deux demoiselles retiennent son attention : une sauvageonne dévergondée qu'il laisse généreusement à son benet de subalterne, et une sage-femme plus mûre mais non moins gironde, qu'il trimballe généreusement partout sur son vélo -visiblement, il n'a que ça à faire. C'est un peu Don Juan chez Don Camillo, sans la dimension politique ni métaphysique - ni quoi que ce soit d'autre que pittoresque, d'ailleurs. Du pain et des jeux (de séduction) : tout ce que les italiens ont toujours aimé. Quant à la fantaisie, c'est à peu près celle de mes grands-parents.

Salaire de la peur (Le)

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1953, France
Acteurs principaux : Yves Montand (1921 - 1991), Charles Vanel (1892 - 1989)
Genre(s) : les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 141 mn, NB

Critique perso :

Une petite communauté de losers de tous pays, égarés dans un trou de boue en Amérique centrale, se retrouve à glander dans le café du Marius local. Y'a même deux parigots qui y font connaissance. Ils auront tout le temps d'approfondir les présentations : les voilà embarqués (après plus d'une heure de glande, tout de même) dans un convoi exceptionnel à haut risque et haut gain potentiel -une traversée de l'enfer à 20km/h. Ce n'est pas tant la nature qu'il faut craindre, ici, que l'inhumaine industrie des hommes, leur capacité à créer des pièges plus grand qu'eux. Une histoire de mâles entre eux -des vrais, des durs, des ruisselants (de whisky, de sueur ou de pétrole, à votre goût), victimes avant l'heure de la mondialisation de la misère, celle qui mesure en dollars la valeur d'un mec.

Sommaren met Monika - Monika

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1953, Suède
Acteurs principaux : Harriet Andersson (1932 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 96 mn, NB

Critique perso :

Un très jeune couple rêve d'amour le temps d'un été au bord de l'eau, avant de devoir faire face aux difficultés de la vie quotidienne. Dans le rôle du petit animal sauvage, sexy et pas farouche, en France on a eu B.B., en Suède ils ont eu Monika - Harriett Andersson. "Monika", c'est l'irruption de la jeunesse, de la sensualité et d'un rêve de liberté dans le cinéma. C'est aussi la découverte d'un jeune réalisateur nommé Bergman (qui n'en est pourtant déjà pas à ses premiers essais quand il tourne ce film), à mi chemin entre le réalisme et le symbolisme. A l'époque, tous les cinglés de cinéma sont tombés amoureux de Monika.

Tôkyô monogatari - Voyage à Tokyo

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Réalisé par : Yasujirô Ozu (1903 - 1963)
En : 1953, Japon
Acteurs principaux : Setsuko Hara (1920 - 2015), Chishû Ryû (1904 - 1993)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 135 mn, NB

Critique perso :

C'est un vieux couple qui vit dans une petite ville de province. ils ont l'air doux et gentils, ils ont l'air d'avoir eu une vie belle et modeste. Cinq enfants, si j'ai bien compté, un qui est mort pendant la guerre, deux qui vivent à Tokyo. Ils se font une joie d'aller leur rendre une petite visite. Les enfants ont un peu de mal à partager cette joie… Un petit tour et puis s'en vont, c'est à peu près le seul pitch du film. Et c'est pourtant le film d'Ozu qui concentre et synthétise le mieux tous les éléments de son cinéma : les liens familiaux qui enferment et qui libèrent en même temps, les parents qui encombrent et les enfants qui déçoivent, les transmissions qui prennent des chemins détournés, les discussions qui ne disent rien et les silences qui disent tout, les gênes qui viennent de ce qu'on ne voudrait pas gêner, les confidences aux copains qui échappent devant un comptoir de saké, les choses et les gens qui cherchent leur bonne place dans le monde, la vie et la mort et le temps qui filent et qui échappent toujours… Un vieux couple et l'histoire de toute l'humanité…

Viaggio in Italia - Voyage en Italie

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Ingrid Bergman (1915 - 1982), George Sanders (1906 - 1972)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 79 mn, NB

Critique perso :

L'homme (se réveillant dans la voiture) : "Where are we ?". La femme (au volant) : "I don't know exactly !". Tout est dit. Où sont-ils, effectivement ? Quelque part en Italie, quelque part dans leur vie, à côté de leurs pompes anglaises. Le prétexte du voyage, c'est la vente d'un héritage. Le résultat, c'est la confrontation avec eux-mêmes, face à face. La femme en profite pour visiter les musées et les rues de Naples. L'homme tente un séjour à Capri. Leur couple, c'est fini. Pas à la hauteur de ceux qui gisent encore sous les cendres de Pompei. Et pourtant, le Vésuve fume encore... Voyager en Italie, c'est prendre l'éternité en pleine tronche. Le film est un hybride de parcours initiatique et de documentaire sur la vie à deux. Un alliage étrange qui fait des étincelles, la rencontre inoubliable de l'eau et du feu.

Vitelloni (I)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Alberto Sordi (1920 - 2003), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

20 ans avant, le petit garçon de Amarcord avait déjà la trentaine. En fait, ils sont 5 mais parlent d'une seule voix (off) ; ce sont des vitelloni, c'est-à-dire des glandus, des bons-à-rien -poil dans la main. Ils habitent en couple avec leur mamma, ou leur papa, ou les deux. Ils font de grands projets en arpentant les pavés. Leur chef, c'est Faustau, celui qui plait aux dames. Plus intrépide que les autres, il tente le coup de se marier et, même, de travailler. Mais, pour vendre de la pacotille religieuse, il se fait la tête de El et on a décidément du mal à lui faire confiance. Les autres se contentent d'être des piliers de fêtes, blasés d'avance de la catastrophe tranquille de leur vie qui s'annonce. C'est pas drôle tous les jours, la Dolce vita de province.

On the Waterfront - Sur les quais

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1954, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), Karl Malden (1912 - 2009), Eva Marie Saint (1924 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Sur les quais de la Nouvelle Amsterdam, y'a des dockers qui triment. Y'en a d'autres qui commandent. Et y'a ceux qui encaissent.
Dans les rues de la Nouvelle Amsterdam, y'a des dockers qui trainent. Y'en a qu'on retrouve morts et personne sait pourquoi. Y'a aussi un curé qui voudrait bien savoir. Pourquoi.
Sur les toits de la Nouvelle Amsterdam, y'a des pigeons qu'attendent qu'un docker les nourisse. Ou bien qu'on les libère.
Et puis, sur les quais de la Nouvelle Amsterdam, y'a Terry le beau gosse, jeune retraité des rings. C'est l'frère d'un magouilleur, mais il a le coeur pur. La conscience pas tranquille.
Terry, le gentil traitre...

Pane, amore e gelosia - Pain, amour et jalousie

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Gina Lollobrigida (1927 - ), Marisa Merlini (1923 - 2008)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Ca commence le lendemain matin de la dernière nuit du précédent : une vraie suite, quoi. Mais comment relancer les affaires de coeur, apparemment bien stabilisées à l'issue du premier épisode ? Bon sang mais c'est c'est bien sûr : instiller un peu de jalousie là-dedans, à coup de quiproquos (plus ou moins) bien sentis. Un peu de comedia del arte (mais pas trop quand même : faudrait pas que les filles prennent goût au spectacle non plus !), un peu de superstition tournée en dérision (mais le bon père est toujours bien bon !), un peu de morale bien pensante (la jolie sage-femme qui a retrouvé son amour de jeunesse n'a plus qu'à reboutonner son corsage !). Bref, après un peu de pagaille (et de pasta) passagère, tout rentre finalement dans le meilleur des ordres possibles. Difficile d'être très drôle sur de telles bases...

Rear Window - Fenêtre sur cour

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1954, USA
Acteurs principaux : Grace Kelly (1929 - 1982), James Stewart (1908 - 1997)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

Le meurtre mode d'emploi selon sir Alfred. Jeff a la jambe cassé et le platre qui le démange. Alors, il fait comme tout le monde : il regarde par la fenêtre dans la cour de l'immeuble en face de chez lui. Et il voit tout -ou presque : les étapes de la vie, les saisons de l'amour, les heurs et malheurs des hommes. Le reste, quand son infirmière et sa fiancée lui en laissent l'occasion, il a tout le temps de l'imaginer (ça tombe bien : il a beaucoup d'imagination !). Hitchcock invente le thriller en pyjamas, le huis clos avec vue sur le monde, la tragédie humaine dans une maison de poupée -bref, il ré-invente (une fois de plus) le cinéma.

Salt of the Earth - Sel de la terre (Le)

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Réalisé par : Herbert J. Biberman (1900 - 1971)
En : 1954, USA
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 94 mn, NB

Critique perso :

Dans les années 70, des chanteuses MLF chez Agnès Varda rappelaient : "papa Hengel disait qu'à la maison, l'homme est le bourgeois, et la femme est le prolétariat". C'est le résumé de ce drôle d'ovni marxiste-féministe, brulôt culte et maudit -et tout sauf américain- réalisé par un arrière-cousin back-listé de Ken Loach. Il y est question d'une grève de mineurs (majoritairement mexicains) qui dure des mois, dans un bled près de la frontière dont le Shérif est un arrière-cousin de Georges Bush Jr. (avec des moustaches). Au moment où tout risque de foirer, les femmes s'en mèlent, sauvent le mouvement, l'honneur et leur dignité. Merci mesdames. Le prolétariat du prolétariat aura des lendemains qui chantent au MLF.

Senso

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Farley Granger (1925 - 2011), Christian Marquand (1927 - 2000), Alida Valli (1921 - 2006)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Elle adore l'opéra. Elle est belle comme une actrice, noble comme une héroïne et elle vit à Venise qui, même occupée par les autrichiens, est le plus beau décor du monde. Elle a un cousin qui résiste avec panache et un mari qui collabore avec veulerie. Autrement dit : elle est mûre à point pour un destin de Bovary de 1ère catégorie. Sûr qu'elle ne demanderait pas mieux que de s'abandonner au premier uniforme ennemi à jolie figure venu. Il vient, et il est beau. Ah l'amour... impossible, interdit si possible, c'est ce qui fait les meilleures histoires. Mais tout de même, il abuse un peu, des fois, le bel officier. Il a besoin de sous. Tout de même, il a l'art de faire avaler les couleuvres. Jusqu'au trognon, A l'opéra aussi, les (meilleures) histoires d'amour finissent mal (en général). Elle n'a pas tiré le bon rôle, elle n'a droit qu'au malheur et à l'humilation. Elle va tout perdre, elle a tout perdu. Sauf, comme les meilleures tragédiennes, l'art d'être à la hauteur de toutes les trahisons qu'elle s'est déjà faites à elle-même.

Strada (La)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Richard Basehart (1914 - 1984), Giulietta Masina (1920 - 1994), Antony Quinn (1915 - 2001)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Gelsomina est une simplette aux grands yeux vendue par sa mère à Zampano, artiste de foire misérable. Sa petite vie sera tiraillée entre cette brute qui n'en finira jamais de briser des chaînes devant le maigre public des villages italiens qu'ils traversent, et "le fou", un funambule au costume d'ange - entre la terre et le ciel, en somme. La route, c'est autant les kilomètres avalés par leur roulotte à moteur que l'espace qui reste à parcourir à ces êtres pour se rencontrer un jour. Aux dépens de sa vie et avec ses faibles moyens (en gros : trois plans de tomate et un air de trompette), Gelsomina réussira à faire germer un embryon d'âme dans la grande carcasse solitaire du colosse aux chevilles d'argile. Les coulisses amères du cirque de la vie, le plus petit et le plus misérable, donc le plus sublime.

Bidone (Il)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1955, Italie
Acteurs principaux : Richard Basehart (1914 - 1984), Broderick Crawford (1911 - 1986), Franco Fabrizi (1926 - 1995), Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, NB

Critique perso :

Ils opèrent en groupe et en province. Leur spécialité (bien avant l'invention d'Internet, des spams et des hoax), c'est l'arnaque à la nigérianne : extorquer quelques sous à ceux qui n'en n'ont déjà pas assez pour vivre, en faisant miroiter des histoires mirobolantes et des trésors extravagants. En costumes respectables, pour mieux faire passer leurs pilules amères, ils jouent des sketchs qu'ils sont les seuls à apprécier. Ce sont des acteurs largués de leur vraie vie, cyniques par profession, minables et touchants, des Misifits avec du bagout, des Vitelloni qui ont mal tourné. Ils ont déjà grillé pas mal de leurs cartouches, ils sont unis comme les doigts de mains différentes. Ils ne touchent à la Dolce vita qu'avec les yeux. Et à leur nullité avec le ventre. Et nous avec le coeur.

Ensayo de un crimen - Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (La)

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1955, Mexique
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Derrière son air de dandy distingué, Archibald est un petit garçon. Un petit garçon attaché de façon fétichiste à sa boîte à musique et persuadé que souhaiter la mort de quelqu'un suffit à le tuer. Pour faire face à l'irruption du désir dans sa vie, cette mythologie d'enfant gâté n'est pas le bagage idéal. Déconcerté par la proximité du sexe et de la mort, il devient un serial killer mental ayant bien du mal à distinguer ses fantasmes de ses actes. Bunuel filme les ravages de la culpabilité dans l'éducation bourgeoise comme un grand jeu pervers et raffiné...

Man with the Golden Arm (The) - Homme au bras d'or (L')

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1955, USA
Acteurs principaux : Kim Novak (1933 - ), Frank Sinatra (1915 - 1998)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 119 mn, NB

Critique perso :

Frankie rentre au pays avec son bras de chair en or. Pourquoi en or ? Trois pistes simultanées : deux au passé -c'était le meilleur distributeur de cartes des tables de poker du coin, c'était le plus camé aussi- et un au présent de l'espoir -il a appris la batterie de jazz en prison (la musique, épatante, est devenue un standard). Frankie traîne aussi quelques autres casseroles de sa vie d'avant -mais je raconte pas tout, parce que tout est un peu trop too much, dans ce film. Le naturalisme social et le drame conjugal sont poussés un peu loin, aussi. La démo est lourde. Gonflée pour l'époque, sûrement, et pour toutes les époques. Portrait de l'humanité en état de dépendance qui guette, impatiente, l'heure de s'envivrer. De dope, de sentiment ou de musique, à votre guise...

Mr. Arkadin - Dossier secret

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1955, USA
Acteurs principaux : Michael Redgrave (1908 - 1985), Akim Tamiroff (1899 - 1972), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Quelques années après Citizen Kane, un autre portrait sous forme d'enquête labyrinthique sur un autre magna riche comme un pape et seul comme un chien. Citizen Arkadin, donc, vit de suites en palaces dans une ambiance de fête perpétuelle, en s'amusant à raconter des fables cyniques (cf. la grenouille et le scorpion) à sa clique de parasites. Mais il ne sait plus de quel pays il est originaire ni, d'ailleurs, comment il s'appelle et d'où vient son argent. Officiellement, c'est pour cela qu'il paie Guy. Officieusement, ça l'arrange bien. L'enquête fait voyager autour du monde, pénétrer dans des repères louches où est passé un certain Mr. M, sur un étrange rythme à contretemps, et dans un climat d'insécurité croissant. Le mystère d'un homme plus grand que lui-même, caché sous des couches de secrets et de paroles. Naughty by nature ? Non, just human...

Pane, amore e... - Pain, amour, ainsi soit-il

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1955, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Sophia Loren (1934 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, couleur

Critique perso :

On en prend d'autres (actrices, décor, réalisateur), et on recommence -en moins bien. Dans ce quasi remake paresseux du numero uno, Antonio, seul pilier encore en place est passé de la gendarmerie à la police municipale. Il a perdu (un peu) en prestige, quoique -toujours un bel uniforme et rien d'autre à glander que regarder passer les filles. Innovations : on est passé à la couleur, on a déménagé en Sicile, au bord de la mer, dans le village natal du héros et on lui a déniché un frangin prêtre, histoire de bien clarifier les enjeux dramatiques et moraux de l'affaire. Sinon, la typologie féminine ne s'est guère nuancée (bigotte coincée ou dévergondée affriolante, à votre guise, on n'a rien d'autre en rayon) et la subtilité du scénario pas des masses enrichie (plutôt l'une ? non plutôt l'autre !). Plus grand chose à croûter sur ces pains-là...

Rebel Without a Cause - Fureur de vivre (La)

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Réalisé par : Nicholas Ray (1911 - 1979)
En : 1955, USA
Acteurs principaux : James Dean (1931 - 1955), Dennis Hopper (1936 - 2010), Natalie Wood (1938 - 1981)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

L'adolescent est un animal à sang chaud. Il aime errer là où il n'est pas censé aller, et faire exactement le contraire de ce que lui disent ses congénaires adultes. En famille, l'adolescent a une facheuse tendance à s'opposer à l'absence d'autorité de ses géniteurs. En fait, il n'est jamais content. L'adolescent est aussi un animal grégaire. En bandes, les individus s'enferment dans des carrosseries ou s'échangent leur blouson : c'est qu'ils sont en pleine mue et qu'ils n'ont pas encore reconstitué leur carapace. Dans la nature, l'adolescent a une espérance de vie limitée. C'est un animal perdu au milieu de l'univers qui n'a pas encore appris à s'en foutre. C'est un homme en entier qui n'a pas encore eu le temps de l'oublier.

Seven Year Itch (The) - Sept ans de réflexion

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1955, USA
Acteurs principaux : Oskar Homolka (1898 - 1978), Marilyn Monroe (1926 - 1962)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

On pourrait faire une thèse sur les symboles sexuels chez Billy Wilder (ça a sans doute déjà été fait -sinon, j'ai raté ma vocation !) : mouvements involontaires du pouce, problèmes de tuyauterie et de bouteilles à déboucher, trappes cachées, démangeaisons, torticolis et courants d'air : un vrai artiste en allusions, sous-entendus et contournements de censure. Son héros préféré, l'Américain moyen, est ici encombré d'une imagination débordante et d'une bombe -pardon, d'une blonde- en voisine du dessus. En plus, il vient d'envoyer sa femme et son fils en vacances et, comme tous les Américains moyens, cultive avec soin son complexe de culpabilité. Le mythe est à portée de main, c'est beaucoup trop pour un Américain moyen.

Baby Doll - Poupée de chair

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1956, USA
Acteurs principaux : Carroll Baker (1931 - ), Karl Malden (1912 - 2009), Eli Wallach (1915 - 2014)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 114 mn, NB

Critique perso :

"T'as trouvé le trou ? Le grand ?" C'est la première réplique du film. Archie s'adresse au type chargé de réparer la toiture de sa maison en ruine, mais on soupçonne déjà qu'il a autre chose en tête. D'ailleurs, il s'empresse aussitôt après d'agrandir un autre trou, dans le mur d'une chambre de sa maison en ruine, pour y observer en douce sa jeune épouse endormie dans son lit d'enfant qu'elle est encore. Et ça ne fait que commencer, de toute façon le film entier ne parle que de ça, ne pense qu'à ça, ne montre que ça, tout en faisant semblant de s'occuper d'autre chose. Du Sud profond, par exemple, et de ses plantations de coton -et de ses filles à la peau aussi blanche et douce que le coton. Ou alors de la rivalité économique entre les producteurs locaux, modèle fraichement immigré ou modèle vieux propriétaire déclassé -et de celui qui plait le plus aux filles. En fait, la seule question qui préoccupe tout le monde, c'est : qui aura le droit de jouer le premier à la poupée avec la fille du lit d'enfant ? Les hommes, dans leur cour de récré pour grands...

Bigger Than Life - Derrière le miroir

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Réalisé par : Nicholas Ray (1911 - 1979)
En : 1956, USA
Acteurs principaux : James Mason (1909 - 1984), Walter Matthau (1920 - 2000)
Genre(s) : les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, couleur

Critique perso :

Devant le miroir : la parfaite image de la parfaite famille américaine. Papa au boulot, maman à la cuisine et le fiston devant la télé. Il fait même du zèle, le papa : double boulot (instit et employé d'une compagnie de taxis) pour que maman cuisine encore mieux. Mais il est malade -très. Diagnostic fatal, un seul espoir en stock : un nouveau traitement expérimental. Derrière le miroir, donc (dans l'armoire à pharmacie) : des pilules miracle de cortisone. La molécule le soulage, le guérit, l'exalte. Flate son côté schizo qui ne sommeillait qu'à moitié et, surtout, lui permet de devenir enfin ce qu'il est : supérieur - infiniment supérieur. Elle lui donne des ailes de géant qui l'empêchent de marcher dans les clous. Et la middle class américaine frustrée montre son vrai visage : la parfaite image de la parfaite horreur domestique.

Killing (The) - Ultime razzia

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1956, USA
Acteurs principaux : Elisha Cook Jr. (1903 - 1995), Sterling Hayden (1916 - 1986), Marie Windsor (1919 - 2000)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 85 mn, NB

Critique perso :

Un casse, une bande, un leader. Une garce. Tous avec les gueules de l'emploi. Des solos d'honnêtes travailleurs, des duos de comploteurs, des chorus de maniganceurs. Des masques et des guns. Tous de parfaits artisans cambrioleurs. Une caméra qui traverse les murs, fait des rosaces dans le temps et l'espace, perce les contre-jours et les arrière-pensées. Et une voix off de contremaître à chronomètre. Tous les pions du grand jeu sont à leur place. Le plan était parfait, la mécanique capable de fonctionner même avec quelques éléments défaillants. Mais ce serait compter sans un grand architecte ironique qui, sans doute après avoir trop regardé Le Trésor de la Sierra Madre, a décidé de faire du destin son arme favorite. Et qui a bien raison de croire au sien.

Searchers (The) - Prisonnière du désert (La)

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Réalisé par : John Ford (1894 - 1973)
En : 1956, USA
Acteurs principaux : Jeffrey Hunter (1926 - 1969), Vera Miles (1929 - ), John Wayne (1907 - 1979), Natalie Wood (1938 - 1981)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

La petite famille Edwards est plutôt modeste, mais elle dispose tout de même d’une concession avec vue imprenable sur Monument Valley. Ethan, il fait partie de la famille (c’est le frère du père) mais c’est l’homme du dehors. Il a fait l’armée, est resté célibataire (même si on sent qu’il n’est pas insensible à sa belle-soeur), est du genre baroudeur bougon. Quand, un soir, des indiens très méchants massacrent la famille et kidnappent les deux filles, Ethan trouve une mission à sa hauteur : les retrouver. Au début, il doit se coltiner l’aide d’autres volontaires mais ils jettent vite l’éponge sauf Martin, son neveu vaguement métis, fiancé de la plus âgée des filles. La quête va durer longtemps, longtemps. Le temps de voir passer les saisons, de quadriller toute la région, de dormir dehors, toujours. Une vraie route initiatique, où chacun des deux mecs a des choses à apprendre à/de l’autre, en particulier sur ce que c’est que la famille, les liens du sang et les liens du coeur. Et Ethan, l’homme du dehors, arrivera tout de même à nous convaincre qu’il a quelque chose de potable à l’intérieur.

Traversée de Paris (La)

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Réalisé par : Claude Autant-Lara (1901 - 2000)
En : 1956, France
Acteurs principaux : Bourvil (1917 - 1970), Jean Gabin (1904 - 1976), Jacques Marin (1919 - 2001), Louis de Funès (1914 - 1983)
Genre(s) : Paris /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

Paris, quelque part entre l’arrivée des troupes allemandes et la libération. Les gens font mine de vivre comme si de rien n’était, mais en fait rien ne va. Tout le monde se suspecte et s’observe, le moindre morceau de savon est une denrée rare, les rognons un plat de luxe. Dans un café à l’ambiance lourde, un pauvre type en embauche un autre à la nuit tombée, pour transporter des grosses valises à pieds, d’Austerlitz à Montmartre. Des valises pleines de morceaux d’un cochon tout juste égorgé dans une cave -autant dire de l’or, mais de l’or qui a une odeur. Une odeur qui attire les chiens. Les chiens de toutes sortes et de toutes espèces… Cette longue nuit où il se passe des trucs pas très clairs, c’est comme une métonymie de l’occupation toute entière. Une sale période qui révèle le côté obscur de ceux qui la traversent. Une nuit qui manque singulièrement de héros, mais pas complètement de braves types.

Sjunde inseglet (Det) - Septième sceau (Le)

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1957, Suède
Acteurs principaux : Bibi Andersson (1935 - ), Gunnar Björnstrand (1909 - 1986), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 96 mn, NB

Critique perso :

Ca se passe à une époque reculée, au tournant d'un millénaire, juste avant la fin du monde. La Mort fait sa tournée mais elle est provisoirement retardée par une partie d'échecs avec un chevalier de retour des croisades (Max le grand, à qui ça a dû faire drôle de se retrouver de nouveau, un millénaire plus tard, devant un type menaçant avec un capuchon noir sur la tête). Le chevalier en sursis en profite pour tenter, une dernière fois, de comprendre quelque chose au monde qui l'entoure et au silence de Dieu. Dieu, justement, il se fait aussi bruyamment attendre par des pénitents qui fuient la peste et par des soldats qui brûlent une sorcière. Mais il se fait tendrement entendre d'un troubadour en roulotte. Un film qui ose allier le symbolisme mystique, le trouble métaphysique et le burlesque de foire, sans jamais tomber dans le ridicule. Presque aussi grand que les sujets qu'il traite.

Smultronstället - Fraises sauvages (Les)

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1957, Suède
Acteurs principaux : Bibi Andersson (1935 - ), Gunnar Björnstrand (1909 - 1986), Victor Sjöström (1879 - 1960), Ingrid Thulin (1926 - 2004), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

A 78 ans, Isaac Borg est devenu le type de grand professeur auquel j'espère bien ne jamais ressembler : sec, maniaque, arrogant par habitude. Aujourd'hui, à l'autre bout du pays, on lui fête son jubilée : 50 ans de bons et loyaux diagnostics médicaux. Pour se sentir encore jeune, sans doute, il fait un caprice, renonce à l'avion et part en voiture. Le temps de cette journée particulière, il rêve de ce qu'il est déjà devenu -un homme mort-, et imagine les souvenirs d'enfance qui ont échappé à sa mémoire. Sur la route, il remonte à l'envers le cours de sa vie. Il rencontre celui qu'il a été, la famille dont il est issu, celle qu'il n'a pas su fonder, les libertés qu'il n'a jamais osé prendre. Au bout du chemin, il a droit à sa médaille mais il sait, qu'en fait, il a été recalé à son certif de belle vie. Le bilan est impitoyable : c'est celui qu'un homme encore jeune fait à son avenir, et c'est encore plus troublant.

Jalsaghar - Salon de musique (Le)

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Réalisé par : Satyajit Ray (1921 - 1992)
En : 1958, Inde
Genre(s) : en avant la musique /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Grandeur et décadence d'un aristocrate bengali en pleine déconfiture -mais avec les honneurs. Le salon de musique, c'est le joyau de son palais. Son coeur empoisonné. L'aristocrate, c'est souvent le cas, a aussi un voisin parvenu : aucune éducation, plein de sous. Lui est très fort pour gaspiller les siens en s'enivrant de fumée, de musique et d'orgueil -mais avec les honneurs, tel un Guépard ramolli. Il y a aussi là-dedans un parfum d'Autant en emporte le vent intimiste, ou de Titanic en chambre. Un Ray peut en cacher un autre. Ce serait dommage de rater ce train-là.

Quiet American (The) - Américain bien tranquille (Un)

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Réalisé par : Joseph L. Mankiewicz (1909 - 1993)
En : 1958, USA
Acteurs principaux : Claude Dauphin (1903 - 1978), Michael Redgrave (1908 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Comme dans La Comtesse aux pieds nus, le film commence par une mort violente dont on apprend la cause en flash-back. Par exemple, que l'arme du crime est une citation de Shakespeare... Le mort est un jeune américain, débarqué quelques mois auparavant de son plein gré au Vietnam, du temps où il s'appelait encore l'Indochine. La guerre gronde au Nord. Pour l'instant, elle ne concerne que les communistes et les Français. L'américain boy scout sympathise avec un journaliste britanique revenu de tout. Ils se donnent mutuellement des leçons de démocratie et de savoir-vivre et, bientôt, aiment la même femme (ça promet). Les fils de la tragédie domestique s'emmêlent bientôt avec ceux de la politique. Les tireurs de ficelles, eux, restent dans l'ombre. Elégant et complexe, comme seul Mankiewicz en était capable.

Some Came Running - Comme un torrent

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Réalisé par : Vincente Minnelli (1903 - 1986)
En : 1958, USA
Acteurs principaux : Arthur Kennedy (1914 - 1990), Shirley MacLaine (1934 - ), Dean Martin (1917 - 1995), Frank Sinatra (1915 - 1998)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

Dans le bus, il a encore son uniforme de soldat. Il revient de la guerre avec pas mal d'amertume dans ses bagages, et une fille collée à ses basques depuis la nuit d'avant. Il revient « chez lui » mais il a pris de la bouteille, toutes sortes de bouteilles. Son frangin n'a jamais bougé. Il devait être un peu planqué, maintenant il tient la banque. Lui, il a déjà publié un livre et il voudrait faire écrivain, encore. En fait, il veut tout : la respectabilité et l'encanaillement. Il drague la prof de littérature locale, tout en sympathisant avec les joueurs de poker. C'est le genre de ville un peu perdue mais pas trop, où tout est possible et tout est coincé en même temps. Où tout change mais où tout le monde fait comme si rien n'avait changé. Où on peut tout réussir et (encore plus facilement) tout rater. L'Amérique, en un tout petit peu plus petit. Qui suis-je, qui j'aime, quoi faire de ma vie ? that is the question, that is the big question... And this is a big film.

Tarnished Angels (The) - Ronde de l'aube (La)

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Réalisé par : Douglas Sirk (1897 - 1987)
En : 1958, USA
Acteurs principaux : Rock Hudson (1925 - 1985), Dorothy Malone (1925 - 2018), Robert Stack (1919 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /épique pas toc
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

New-Orleans, années 30. Un journaleux qui a déjà perdu quelques plumes trouve le sujet en or de son prochain papier. Il fera le portrait d'une des troupes les plus minables qui traine dans le coin pendant le carnaval : un aviateur ex-héros de guerre, une ex-fan devenue sa femme, et le mécano dévoué, ex-prétendant de Madame. Il y a un petit garçon aussi, mais on ne sait pas trop qui est son père. Il sont là pour participer à des compet' aériennes, sortes de manèges pour grandes personnes où la queue du Mickey ne vaut pourtant pas tripette. Rien que des has-been en deuil de leurs espoirs passés, fâchés avec la gloire qui leur était promise, ivres de leurs rêves brisés. Avec le journaleux, la ronde à trois devient une ronde à quatre, qui ne résoud pas pour autant la quadrature du cercle. Un petit bijou qui démontre une fois de plus que le mélo, c'est de la tragédie déguisée en farce de foire.

Touch of Evil - Soif du mal (La)

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1958, USA
Acteurs principaux : Marlene Dietrich (1901 - 1992), Charlton Heston (1924 - 2008), Janet Leigh (1927 - 2004), Mercedes McCambridge (1916 - 2004), Akim Tamiroff (1899 - 1972), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Ca se passe quelque part sur la frontière entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le noir et le blanc, le nord et le sud. Une bombe explose dans une voiture en marche. Deux flics sont sur les dents : le modèle mexicain : incorruptible, athlétique, jeune marié. Et le modèle américain : adipeux-avachi, ex-alcoolo reconverti dans les sucreries, qui ne croit qu'aux intuitions que lui donne sa jambe malade. Et Janet Leigh qui, décidément, a des problèmes dans les motels. Et Marlene Detriech qui, décidément, a tout compris aux hommes depuis toujours. Le premier plan (environ 3mn) est mythique. Mais le reste le vaut largement, avec tous ces cadrages impossibles, à hauteur de géant ou de ver de terre. Décidément un chef d'oeuvre.

Tricheurs (Les)

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1958, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Jacques Marin (1919 - 2001), Laurent Terzieff (1935 - 2010)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

A la fin des années 50, déjà, les djeun's, comme on ne le disait pas encore, posaient problème. Toujours à traîner dans les cafés, à boire et à draguer, au lieu d'avoir envie de bosser comme tout le monde. Parfois, ils faisaient des boums dans le château de leurs parents toujours absents, et manifestaient leur révolte en vidant la cave et en couchant avec n'importe qui dans le lit des parents toujours absents -l'horreur. En ce temps-là, déjà, venir de la banlieue était infamant, mais parce que ça voulait dire à l'époque porter une cravate et crêcher à Neuilly -l'horreur. Décidément, il y avait bien quelque chose de pourri au royaume du cinéma français : ces jeunes-là ont déjà mille ans, ils n'ont pas l'air de croire à leur cynisme. On ne prédit aucun avenir intéressant aux acteurs : à part au second rôle à longue figure, qui s'empressera de fuir cette galère au théâtre, et à un quasi-figurant à grandes oreilles qui ne tardera pas à passer à l'ennemi, dans le camp de la jeunesse qui se filme elle-même. Le film d'un vieux ronchon donneur de leçons.

400 coups (Les)

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1959, France
Acteurs principaux : Jean-Pierre Léaud (1944 - ), Claire Maurier (1929 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 94 mn, NB

Critique perso :

Avant, Truffaut, c'était le nom d'un jeune critique de cinéma très vache. Après, il est devenu... lui-même. Derrière le polémiste plein de morgue, on a vu Jean-Pierre Léaud, son double rajeuni, en sauvageon désemparé. Une mère trop absente, un père -adoptif- trop gentil. La Ruée vers l'or, Balzac et Monika lui tiennent lieu d'éducation -ou plutôt, lui sauvent la vie. Derrière le donneur de leçon, on a vu le meilleur peintre de l'enfance depuis Zéro de conduite et Allemagne année zéro, et le plus beau portrait de Paris à 1,20m du sol. On a croisé le regard d'Antoine Doinel qui avait vu la mer pour la première fois, et on lui a souri. Nouvelle vague, annnée zéro.

Anatomy of a Murder - Autopsie d'un meurtre

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1959, USA
Acteurs principaux : Ben Gazzara (1930 - 2012), Lee Remick (1935 - 1991), George C. Scott (1927 - 1999), James Stewart (1908 - 1997)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 160 mn, NB

Critique perso :

Paul Biegler est un pêcheur à la ligne assez performant -et un avocat occasionnel pas mauvais non plus. Alors, quand une certaine Laura vient lui demander très gentiment de défendre son cher assassin de mari, il flaire le gros poisson. Le mari est coupable, personne (même pas lui) ne le conteste, mais était-il responsable au moment des faits ? Ca, ça se discute. Et les américains ne discutent jamais aussi bien que dans une cour d'assise. Paul est assez bon pour diriger les projecteurs de la procédure là où il faut, pour coacher son casting de témoins et pauffiner leur texte sans avoir l'air d'y toucher (la clé de l'affaire, c'était à prévoir, est dans la culotte de Laura). Preminger aussi.

Magliari (I) - Profession: magliari

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Réalisé par : Francesco Rosi (1922 - 2015)
En : 1959, Italie
Acteurs principaux : Renato Salvatori (1934 - 1988), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 111 mn, NB

Critique perso :

On est dans le milieu des émigrés italiens venus chercher, avec papiers (plus ou moins) en règles, du boulot plus au nord, dans la froide Allemagne (un truc complètement démodé). Magliari, ça a l'air d'être (à peu près) la traduction de Bidone en dialecte napolitain de Hanovre. Ca veut dire débrouille, arnaques, (petits) arrangements avec la conscience. C'est la vocation de Totonne, (très) bon dans le métier. Il essaie d'y initier Mario, (nettement) moins doué. Mais Mario a une belle gueule ; il prend de l'avancement en plaisant à la patronne, tandis que Totonne se lance dans la carrière d'apprenti-parrain-marchand de tissus à son compte. Portrait de groupe (quasiment) sans solidarité, (presque) sans femmes et sans (beaucoup d') argent, pour qui la bonne volonté ne fait pas (du tout) le bonheur.

Pickpocket

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Réalisé par : Robert Bresson (1901 - 1999)
En : 1959, France
Genre(s) : Paris /culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 75 mn, NB

Critique perso :

Une paire d'yeux sur un champ de course. Des mains qui ne font pas ce qu'elles ont l'air de faire. Un corps qui ne fait rien comme on dirait qu'il fait. Il est de l'élite des bandits en douce. C 'est un artiste, un aristocrate du vol sans préavis et sans violence, un magicien de l'entourloupe. Il n'a de compte à rendre à personne, même pas à sa mère, même pas au policier qui le traque. Même pas à ses amis, même pas à celle que son coeur traque sans le savoir. Même pas à son âme qu'il ignore. Il embrouille, il manipule, il ne sait que leurrer les corps et dérober les choses. Il ne sait que se tromper lui-même. Comme la grâce, en somme, qui finit fatalement par lui tomber dessus.

Room at the Top - Chemins de la haute ville (Les)

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Réalisé par : Jack Clayton (1921 - 1995)
En : 1959, Angleterre
Acteurs principaux : Simone Signoret (1921 - 1985)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire d'un petit mec qui voudrait bien devenir grand. Attention, le décor a de l'importance : Angleterre, province laborieuse, au sortir de la guerre. Joe, le petit mec, vient du fond du trou du prolétariat. Même pas héros de guerre, mais belle gueule bien remplie, de l'ambition et une haute opinion de lui-même. Il vient de grimper comptable respectable, mais ne compte pas en rester là. D'autant que le boss upper class du coin à une fille à marier. Pour Joe, ce serait presque du gâteau s'il ne contactait un déplorable attachement contre-productif pour l'épouse française délaissée du gougeat local -Simone, dans le rôle qui lui vaudra son Oscar. L'art de gagner sa Place au soleil tout en perdant à peu près tout le reste a rarement été servi avec autant de rage et d'énergie noires.

Vedovo (Il) - Veuf (Le)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1959, Italie
Acteurs principaux : Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Alberto, le veuf du titre, n'est en fait pas en mal de femmes. La vraie -l'officielle- est riche, brillante et cynique, et en a marre de payer avec sa fortune perso les pots cassés de ses projets foireux. L'autre -l'officieuse- est jeune, jolie et pauvre, et voudrait bien bénéficier (encore plus) des potentiels bénéfices desdits projets. La femme et l'argent, donc, les deux pôles de la vie d'Alberto (et pas que), dans une histoire de vases communicants avec dérivations multiples. Précisons au passage que le bonhomme est chef d'une petite entreprise de fabrications d'ascenseurs -ce qui montre bien son ambition (d'ascension) sociale- mais que ces derniers ont la fâcheuse habitude de causer de fâcheux accidents, ce qui l'empêche de payer ses ouvriers en grève, mais pas de promouvoir son douteux ingénieur en chef. Ce qui l'oblige, aussi, à avoir recours à divers subterfuges pour remettre la machine en marche... C'est un peu toute l'Italie qui est en panne dans ce film -à part son cinéma (surtout ses comédies sociales), qui commençait alors une fulgurante ascension dans l'estime des cinéphiles.

Apartment (The) - Garçonnière (La)

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1960, USA
Acteurs principaux : Jack Lemmon (1925 - 2001), Shirley MacLaine (1934 - ), Fred MacMurray (1908 - 1991), Ray Walston (1914 - 2001)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Ca se passe dans l'immense immeuble d'une compagnie d'assurance new-yorkaise. Les chefs sont en haut, ils disposent de grands bureaux individuels et de plaques à leur nom. Les employés ordinaires sont en bas, ils travaillent côte à côte sur d'interminables files de bureaux anonymes. Le pouvoir, l'argent et l'arrogance sont réservés aux uns, l'exploitation et la servilité aux autres. Jack Lemmon incarne un petit employé des bas étages qui a l'espoir de sortir du rang parce qu'il daigne prêter son appartement à ceux d'en haut en mal de garçonnière discrète. Shirley Mac Laine est une fille d'ascenceur (social ?) courtisée par les hautes sphères. Ce sera dur de rapprocher ces deux-là parce que l'amour, aussi, est plutôt réservé aux étages supérieurs... Une comédie grinçante et amère qui est aussi une critique sévère de la corruption "à tous les étages" de la société. Jubilatoire, drôle et intelligent.

Avventura (L')

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Lea Massari (1933 - ), Monica Vitti (1931 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 145 mn, NB

Critique perso :

Anna aime sandro qui aime Anna, tout en ayant l'air de s'ennuyer à mourir. Anna s'éclipse en douce, Sandro la cherche un peu, mais il a déjà trouvé Claudia qui était l'amie d'Anna. Claudia aussi cherche Anna et finit par trouver Sandro pas si mal. Ce film, c'est comme un brouillon qu'on raturerait devant nous, pour en ajouter ou en retirer un personnage. Pour les envoyer d'un côté, et puis finalement de l'autre. C'est aussi l'histoire d'un crime parfait : l'assassinat en direct d'un amour, et la naissance d'un autre qui ne vaut guère mieux. C'est un peu Stromboli et Voyage en Italie remontés à l'envers, comme en roue libre, en ayant l'air de s'en fiche mais avec la trouille (de ne pas être à la hauteur de sa vacuité) au ventre. Les paysages naturels et les couloirs des résidences sont d'une profondeur vertigineuse. L'abîme vide des êtres qui y déambulent aussi.

Dolce vita (La)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Anouk Aimée (1932 - ), Alain Cuny (1908 - 1994), Anita Ekberg (1931 - 2015), Yvonne Furneaux (1928 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Magali Noël (1932 - 2015)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 167 mn, NB

Critique perso :

Marcello, chroniqueur people de la Via Veneto, pratique avec son sujet la technique de l'observation participante : toujours là où il se passe quelque chose, au milieu des princes et des starlettes, dans leurs cafés préférés ou leur villa décrépite. Il connaît tous les moyens de ne pas passer la nuit chez lui, que ce soit en faisant trempette dans la fontaine de Trevi (cultissimo !) avec une simili Marilyn-Ingrid-Bardot, ou en causant poésie avec une clone de Gertrud Stein. Parfois, il lui faut aussi cotoyer le peuple, le vrai, qui n'arrive à attirer l'attention que parce qu'il croit encore aux miracles. Mais son vrai créneau, c'est le mondain désabusé, las de ses propres transgressions, qui n'est sans doute qu'une variante polie de Freaks de foire. Dieu est mort et l'aube est un supplice sans cesse recommencé.

Peeping Tom - Voyeur (Le)

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Réalisé par : Powell (& Pressburger) (1905 - 1990)
En : 1960, Angleterre
Acteurs principaux : Karlheinz Böhm (1928 - 2014), Moira Shearer (1926 - 2006)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 101 mn, NB

Critique perso :

Mark l'égorgeur vit à Londres, dans les années 60. Il est photographe et apprenti cinéaste, il a un vague accent prussien. Peut-être un ancêtre qui s'appelait M du côté de Berlin. Comme le caméraman de King Kong, il a une prédilection pour le filmage de la femelle hurlante de type homo sapiens. Comme le proprio dérangé de Psychose, il a la pulsion scopique au bout du couteau. Alors, pour combiner les deux, il a mis un couteau au bout de son pied de caméra. C'est un serial-matteur du type le plus dangereux. Comme tous les cinéphiles compulsifs, c'est aussi un petit garçon qui n'a jamais grandi, un taré au doux regard qui tue. Cette enquête sur le visage de la terreur, miroir déformant, baroque et glaçant, fait l'effet d'un coup de projecteur dans l'âme. Comme si l'oeil était dans la caméra et nous regardait.

Plein soleil

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Réalisé par : René Clément (1913 - 1996)
En : 1960, France
Acteurs principaux : Alain Delon (1935 - ), Marie Laforêt (1939 - ), Maurice Ronet (1927 - 1983), Romy Schneider (1938 - 1982)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 113 mn, couleur

Critique perso :

Deux jeunes gens : un fils à papa et un fils de rien, pauvre mais ambitieux, payé par le papa de l'autre pour ramener le fiston à la maison. Une fille, un bateau, l'Italie. L'ombre d'un désir mimétique qui passe entre les deux hommes. Alors qu'ils sont seuls au milieu de l'océan, l'un tuera l'autre pour prendre sa place. Traqué, inquiet, il devra affronter les conséquences de son acte et lutter contre les effluves du remort. Un scénario de film noir tourné au grand air dans la lumière d'Italie. Alain Delon est beau et pervers à souhait dans ce polar solaire.

Psycho - Psychose

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1960, USA
Acteurs principaux : Janet Leigh (1927 - 2004), Vera Miles (1929 - ), Antony Perkins (1932 - 1992)
Genre(s) : les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, NB

Critique perso :

Marion -très bien en soutien-gorge- n'a pas la conscience tranquille : elle vient de voler 40 000 $ à son patron. Dans sa fuite, elle se réfugie au Bates Motel. Mauvaise idée. Surtout que Janet Leigh, elle aurait dû se souvenir du motel de La Soif du mal. Norman Bates, le jeune proprio, sourire d'ange mais regard de hibou, n'a pas, lui, le subconscient tranquille. Et puis, elle n'aurait jamais dû prendre une douche... Ah ! LA fameuse scène de la douche ! On en est encore tout dégoulinant d'eau, de sang et de peur. On n'en est pourtant qu'au milieu du film, et on vient de perdre une héroïne. Bon, je ne raconte pas tout le reste : suffit de savoir que le film est une plongée de plus dans les profondeurs marécageuses de nos cauchemars, l'ancêtre de tous les films d'horreur actuel -le gore en moins, le génie en plus.

Rocco e i suoi fratelli - Rocco et ses frères

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Claudia Cardinale (1938 - ), Nino Castelnuovo (1936 - ), Suzy Delair (1917 - ), Alain Delon (1935 - ), Annie Girardot (1931 - 2011), Roger Hanin (1925 - 2015), Renato Salvatori (1934 - 1988)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 168 mn, NB

Critique perso :

Quatre frères du sud débarquent un soir sans prévenir, avec mama et barda, à la soirée de fiançaille du cinquième frère, installé à Milan : début de l'exil. A cette époque, en Italie, le réalisme n'est déjà plus très neo, et Visconti commence à devenir ce qu'il est. Ses personnages habitent une cave, mais se promènent sur le toit des cathédrales. Parmi les cinq frères, il en pioche surtout deux : Rocco et Simone. Un saint et un salaud, le bon et la brute-truand dans la même famille. Et une femme, pour leur permettre de devenir ce qu'ils sont. Deux frères, deux boxeurs, deux anges en exil sur la terre.

Rokudenashi - Bon à rien

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Réalisé par : Kiju Yoshida (1933 - )
En : 1960, Japon
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

Ce sont des vitelloni de capitale. Il y a un fils à papa (patron, le papa), qui entretient un peu les autres en ralant. Il y a l'étudiant éternel, le bidouilleur-magouilleur et l'acteur raté. Gueules d'anges, inquiétudes métaphysiques et comportements de gougeats. Il y a la secrétaire du papa du fils à papa, aussi, réputée pas commode parce qu'elle ne rêve pas de devenir bobonne et qu'elle est la seule qui leur tient tête. Ils s'ennuient beaucoup, ne savent pas quoi faire de l'énergie qu'ils n'ont pas, mais sauraient très bien quoi faire avec l'argent qu'ils n'ont pas non plus. Ils sont déjà las de la vie qu'ils n'ont pas encore vécue, à bout de souffle à force de glander. Ils jouent avec le feu, l'amour et le fric, jamais raccords avec leurs désirs, que d'ailleurs ils ignorent. Ils sont jeunes, quoi.

Taxi pour Tobrouk (Un)

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Réalisé par : Denys de la Patellière (1921 - 2013)
En : 1960, France
Acteurs principaux : Charles Aznavour (1924 - ), Maurice Biraud (1922 - 1982), Lino Ventura (1919 - 1987)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

4 hommes dans un désert, à la recherche d'une guerre perdue ; 4 français de partout, mais du bon côté. Un intrus allemand permet d'importer le conflit dans la troupe, et de faire de sa jeep un terrain d'opération militaire, un café du commerce, une arène et un théâtre. La patrouille perdue apprend à connaître Le Salaire de la peur. Le Sahara fournit les ennuis, l'armée fournit les boîtes de conserve, Audiard fournit les cartouches. Ca manque un peu de femmes, donc de subtilité. Mais c'est du gaulois pure sueur, de l'anar pure gouaille, du solide en grains (de sable).

Hustler (The) - Arnaqueur (L')

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Réalisé par : Robert Rossen (1908 - 1966)
En : 1961, USA
Acteurs principaux : Piper Laurie (1932 - ), Paul Newman (1925 - 2008), George C. Scott (1927 - 1999)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 134 mn, NB

Critique perso :

Dans le jargon local, un arnaqueur est un type qui fait mine de mal jouer au billard pour faire monter les paris, et envoie finalement tout le monde au tapis en empochant la mise. C'est un sport dangereux, qui ne marche qu'une fois. C'est le métier de Fast Eddie : beau comme Brando, sorti de nulle part, pas d'avenir très clair. Mental fragile quand il joue pour de vrai. A priori, donc : une histoire de boules et de queues, une histoire de mecs. Heureusement, il y a aussi Sarah, séduite par Eddie -et par les alcools forts : belle comme Liz, sortie de nulle part, pas d'avenir très clair. Mental fragile quand elle aime pour de vrai. Une histoire de fuites et de combats, une histoire d'anges déchus.

Innocents (The) - Innocents (Les)

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Réalisé par : Jack Clayton (1921 - 1995)
En : 1961, Angleterre
Acteurs principaux : Deborah Kerr (1921 - 2007), Michael Redgrave (1908 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /conte de fées relooké /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Deux adorables orphelins et leur gouvernante très comme il faut vivent dans un somptueux manoir gothique. Pourtant, une ombre plane sur ce vert paradis. Apparemment, il s'en est passé de belles, dans le coin, il y a peu. Evidemment, il est hors de question d'en parler ouvertement. Mais, depuis, il semble bien que quelques fantômes occupent aussi le terrain. Habitent-ils dans le grenier, dans la tête des enfants ou dans celle de la vieille fille ? that is the question... Et à quelles maléfiques influences peuvent-ils donc prétendre puisque les enfants sont des anges et puisque leur irréprochable gouvernante n'agit que pour leur bien ? Sauf que, parfois, les pires innocences et les plus pures perversions ont le même visage.

Misfits (The) - Désaxés (Les)

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1961, USA
Acteurs principaux : Montgomery Clift (1920 - 1966), Clarck Gable (1901 - 1960), Marilyn Monroe (1926 - 1962), Eli Wallach (1915 - 2014)
Genre(s) : carrément à l'ouest /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 124 mn, NB

Critique perso :

Un chant du cygne qui porte malheur, un très beau film... Un jeune veuf et un (encore) jeune retraité à moustaches rencontrent une toute jeune divorcée douce comme un ange et belle comme Marilyn. Ils s'installent dans une baraque à moitié en chantier, éclusent quelques bières puis décident de recruter un mercenaire de rodéos pour aller chasser avec eux le mustang sauvage. Ce sont de grands enfants qui essaient de jouer aux cow-boys (sans indiens), des éclopés de partout à la recherche de paradis impossibles. Des petits points perdus dans l'immensité d'un écran de cinéma. Tristes à pleurer, bêtes et méchants, beaux comme des hommes.

Sasom i en spegel - A travers le miroir

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1961, Suède
Acteurs principaux : Harriet Andersson (1932 - ), Gunnar Björnstrand (1909 - 1986), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

Depuis les électrochocs, Karin a l'ouïe très fine. D'étranges cris d'oiseaux la réveillent, des cornes de brume sonnent l'appel du large et, surtout, une foule invisible et murmurante attend avec elle le retour de Dieu par une porte du grenier... Son frère, son père et son mari n'y peuvent rien. Déjà qu'entre eux, malgré leur art, leur culture et leur bonne volonté, les mots ont du mal à passer la rampe. Ils ne peuvent que souffrir avec elle, et encore... Elle a traversé le miroir et se voit encore dedans. Incurable. Ce huis clos en plein air avec vue sur la mer est un magnifique et tragique ballet de visages douloureux, de quêtes inassouvies et d'amours impuissantes.

Vita difficile (Una) - Vie difficile (Une)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1961, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Lea Massari (1933 - ), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, NB

Critique perso :

Silvio est un brave garçon. Pendant la guerre, il fait le bon choix : il se retrouve dans le camp des anti-fascistes et se terre bravement dans un moulin abandonné pendant des mois, aux bons soins d’Elena, paysanne locale qui a tué à sa place un méchant nazi. Reconnaissant, il embarque Elena à la fin de la guerre partager sa vie de journaliste romain intègre et misérable. Brave garçon il est, brave garçon il restera. Il consacre sa vie à dénoncer les puissants, même si les puissants le sont souvent plus que lui. Accessoirement, il passe aussi sa vie à reconquérir Elena, pas sûre, elle, d’avoir fait le bon choix, et plus prompte aux accommodements avec les transformations de l’Italie de l’époque. Une Italie décidément pas trop faite pour les braves garçons. Le film est, lui, infiniment drôle et cruel, pied de nez aux puissants et hommage désabusé aux braves garçons dépassés par les événements. Du tout meilleur choix !

Yojimbo - Garde du corps (Le)

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1961, Japon
Acteurs principaux : Toshirô Mifune (1920 - 1997), Takashi Shimura (1905 - 1982)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

Sanjuro est un samouraï free-lance, pas empoté du manche. Il débarque dans un petit village de gaulois nippons, scindé entre le clan du fabriquant de saké, et celui du fabriquant de soie. Sanjuro n'est pas très en fonds, et pas empoté de la langue. Il se vend donc au plus offrant -c'est-à-dire aux deux camps. D'où, très vite : provocations, intimidations, menaces, préjudices, représailles contre préjudices, enlèvement contre représailles, contre-enlèvement contre retour de représailles. Eastern nouilles-sautées qui sera repris en western spaghetti (avec pas mal de ketchup). Et le type de l'autre coté de la caméra, il n'est pas non plus empoté du manche.

Advise & Consent - Tempête à Washington

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1962, USA
Acteurs principaux : Henry Fonda (1905 - 1982), Charles Laughton (1899 - 1962), Peter Lawford (1923 - 1984), Walter Pidgeon (1897 - 1884), Gene Tierney (1920 - 1991)
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 142 mn, NB

Critique perso :

Emoi à Washington : le Président vient de nommer un nouveau secrétaire d'Etat sans consulter personne. Le Sénat doit valider. L'heureux nominé a apparemment tout pour inspirer confiance : quand il était jeune, il a été Young Mr. Lincoln. Enfin, dans l'histoire, il est plutôt suspecté d'avoir fréquenté des communistes -vous imaginez l'horreur. D'où : commission d'enquête, tractations, appel à témoins. Deux camps s'affrontent : celui de la "majorité", tiraillé de contradictions internes (très plurielle, en fait), et celui de "l'opposition", mené par le sénateur Cooley, vieux renard des tribunes depuis au moins 2000 ans (cf. Spartacus). Cela nous vaut une petite visite guidée des coulisses du pouvoir, en passant par les sous-sols de la politique et les égouts des luttes d'influence. Il semble, hélas, parfois, que le service de l'Etat importe un peu moins que les ambitions perso, et la vérité que les effets de manche. Heureusement, c'est pas chez nous que ça se passerait comme ça.

Doulos (Le)

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Réalisé par : Jean-Pierre Melville (1917 - 1973)
En : 1962, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Jean Dessailly (1920 - 2008), Michel Piccoli (1925 - ), Serge Reggiani (1922 - 2004)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Une gueule d'ange qui cache peut-être un salaud qui cache peut-être un vrai ange. Allez savoir ce qu'il mijotte sous son chapeau, le doulos ! En tous cas, là où il surpasse tout le monde, c'est dans la mise en scène. Les autres -les truands qu'il fréquente-, on retrouve toujours leur piste. Mais avec lui, la Police -qu'il fréquente aussi- n'y voit que du (coup de) feu. Et nous, pauvres spectateurs, itou (c'est souvent bon signe, au cinéma, de ne pas tout comprendre). Un bon petit noir qui en rappelle pas mal d'autres, bien serré, corsé et savoureux.

Eva

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Réalisé par : Joseph Losey (1909 - 1984)
En : 1962, France
Acteurs principaux : Stanley Baker (1928 - 1976), Virna Lisi (1937 - 2014), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 116 mn, NB

Critique perso :

Eva est une garce, les hommes le savent depuis un bon bout de temps. Elle est libre et elle n'aime personne, même Tyvian devrait s'en douter. Mais bon, vous voyez ce que c'est : elle s'incruste chez lui par hasard, squatte son tourne-dique et sa baignoire, et l'homme ne se sent plus de joie. Pourtant, il a déjà tout ce qu'il faut : une petite Dolce vita, de brillantes fréquentations, une jolie fiancée. Il s'est même fait une réputation (totalement usurpée) d'écrivain à la mode. Eva, rien, mais au moins elle ne triche pas avec sa réputation. Le jazz remplit sa vie, grâce à l'argent des hommes. Mais l'homme en veut toujours plus, vous voyez ce que c'est. Jamais content, toujours frustré. Une femme qui se vend sans céder à son charme irrésistible, non mais vous imaginez ça possible, vous ? Le ver est dans le fruit de la bourgeoisie depuis un bon bout de temps.

Lolita

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1962, USA
Acteurs principaux : Sue Lyon (1946 - ), James Mason (1909 - 1984), Peter Sellers (1925 - 1980), Shelley Winters (1922 - 2006)
Genre(s) : pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 147 mn, NB

Critique perso :

Au départ, un roman sulfureux de Nabokov, journal très intime d'un amateur de nymphettes. James Mason est l'image parfaite de ce mâle entre deux âges, vague intellectuel européen venu donner des cours aux US et tombant sous le charme acidulé de la fille de sa logeuse. Pour rester auprès d'elle, il sera prêt à tout. Il finirait presque à se faire croire que leur histoire a un avenir, s'il n'y avait ce stupide et mystérieux ecrivain-caméléon (Peter Sellers, excellent, comme d'hab), qui trainait partout. C'est celui qui meurt avec une grandiose veuleurie dès la première scène. La médiocrité américaine aux mille visages, qui n'en font qu'un.

Sorpasso (Il) - Fanfaron (Le)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1962, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

C'est une journée de 15 août dans Rome déserte. Il fait trop beau et trop chaud pour travailler, pourtant Roberto travaille son droit (romain, sans doute). Il fait trop beau et trop chaud pour ne rien faire, c'est un temps à attirer les mouches. Justement, voilà Bruno qui débarque dans la vie de Roberto. Et qui l'embarque illico pour un voyage vers nulle part dans sa voiture de frimeur, pédale au plancher et klaxon au vent. Bruno, c'est la fine fleur de la connerie locale. Sympa, rigolo et dupe de rien. Taxeur, glandeur et refileur de pots cassés. Roberto, c'est la fine fleur de la civilisation inutile. Poli, timide et réservé. Faible, aveugle et impuissant. Un pot de fer (en toc) et un vase de Chine. Le genre de types faits pour s'entendre à merveille tant qu'ils ne se connaissent pas. Une des premières strada pellicula (road movie en italien) du cinéma (un genre qui ira loin), mais qu'il est déjà bien dur de sorpasser (dépasser, en italien).

8 1/2

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Anouk Aimée (1932 - ), Claudia Cardinale (1938 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 138 mn, NB

Critique perso :

En rêve il étouffe, s'asphixie, s'échappe par le haut, s'écrase dans la mer. Dans la vraie vie, c'est un réalisateur célèbre en cure dans une ville d'eau, incognito. Chapeau, lunettes noires, courtisans, toute la panoplie. Il prépare un film avec un astronef, mais ça a l'air d'avoir du mal à décoller. C'est pourtant pas comme l'imagination, qui s'emballe vite. C'est pas non plus faute d'être bien entouré. Une maîtresse, des ex, des peut-être. Et (Allo chérie bobo !) une épouse dévouée, jamais très loin. Plein de muses, de fées ou de sorcières. Abracadabra, a(sa)ni(sa)ma(sa) ! Et v'là l'enfance qui débarque. Des fois, c'est les fantasmes qui prennent le relai. Le théâtre d'un esprit ressemble parfois à un drôle de cirque. Drôle de M. (dé)loyal. En tout cas, capable du genre de films qui fait décoller les âmes. Et s'échapper par le haut, avec ou sans astronef.

Baie des anges (La)

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1963, France
Acteurs principaux : Claude Mann (1940 - ), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 82 mn, NB

Critique perso :

Entraîné par un collègue un peu plus audacieux que lui, Jean, jeune banquier comme il faut, entre pour la première fois dans un casino à Enghein. Il a commis son péché originel, son grand horloger de père le chasse de chez lui. Mais il a gagné de quoi s'offrir des vacances sur la côte d'azur, avec pour viatique sa veine de débutant. Son nombre fétiche, c'est 17 (impair et manque), comme dans Pension Mimosas. C'est comme ça qu'il croise Jackie, blonde platine simili-Marilyn, imprévisible petite boule blanche poussée par on ne sait quoi à errer sans fin vers une case toujours provisoire. Jackie, évidemment, mise tout sur la roulette. Elle a un grain auquel Jean n'est pas si étranger qu'il le voudrait bien -grain que Demy a malicieusement mis sur leur deux joues, au même endroit (d'ailleurs, Jean ne l'aurait-il pas refilé, par hasard et sans le faire exprès, à des demoiselles qui l'ont au creux des reins -c'est fou !- ?). Ils se coltinent ensemble les montagnes russes de la passion et du jeu. Qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, le film, lui, sec et impitoyable, raffle toujours la mise.

Mostri (I) - Monstres (Les)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marisa Merlini (1923 - 2008), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

Les monstres bipèdes forment une espèce animale assez répandue. Ils feraient des voisins très fréquentables s'ils n'étaient pas juste un peu pourris, veules et magouilleurs. Ils ont l'ego et le verbe hauts, très hauts même - mais tout le reste au ras des pâquerettes. Petits monstres de la dernière averse, vieux monstres des neiges d'antant (quand on est monstre, on est monstre). Tableau de famille avec voitures et prestige à entretenir : regardez comme ils font le beau, ces fiers mâles, tous unis dans le puissant syndicat de la connerie universelle. Des vrais coqs empâtés. Portrait de l'Italie comme un zoo où se serait installée une fête foraine pleine de miroirs déformants. Portraits d'humains ordinaires, mes semblables mes frères.

Alexis Zorbas - Zorba le Grec

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Réalisé par : Michael Cocoyannis (1922 - 2011)
En : 1964, Grèce
Acteurs principaux : Alan Bates (1934 - 2003), Irene Papas (1926 - ), Antony Quinn (1915 - 2001)
Genre(s) : pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 142 mn, NB

Critique perso :

Un scribouillard coincé et en panne rencontre un Grec exubérant -Zorba- et l'embarque illico dans sa propriété familiale, dans l'espoir qu'il l'aide à remonter la pente. Il y pleut beaucoup, les autochtones sont très accueillants bien qu'ils s'entretuent un peu, les femmes sont belles mais en noir -mais belles. Traine même là-bas une vieille putain française qui a dû faire toutes les guerres. C'est la Crète, avant l'Euro. Zorba est son prophète, son maître Yoda shooté à l'Ouzo. Le voyage initiatique attendu fait un peu du sur-place et se termine en catastrophe joyeuse -ce qui le sauve in extremis. Enervant et attachant comme un Antony Quinn déchaîné.

Deserto rosso (Il) - Désert rouge (Le)

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1964, Italie
Acteurs principaux : Richard Harris (1930 - 2002), Monica Vitti (1931 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Dès le générique, le monde est flou. On n'est pas à la bonne distance. Trop loin, trop froid, trop poisseux, trop bruyant : c'est le monde de Giuliana. Ou plutôt, c'est le monde où Giuliana n'arrive pas à être. Pour la draguer, Corrado, le collègue de son mari, n'arrête pas de lui dire qu'il ressent la même chose. Mais personne ne se rend compte qu'il a les tripes à l'air, le monde. Sa nature est grise, pleine d'humus et d'humeurs. Ses boyaux sont en ferraille rouge, il crache de la fumée comme un dragon. L'espèce humaine n'est qu'un vulgaire parasite de ce biotope hostile qu'il a contribué à inventer. Le film se passe à Ravenne, la capitale italienne des mosaïques. La capitale de la couleur. La capitale de la douleur d'être.

Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb - Dr Folamour

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1964, USA
Acteurs principaux : Sterling Hayden (1916 - 1986), George C. Scott (1927 - 1999), Peter Sellers (1925 - 1980)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

C'était au temps où la guerre froide risquait bien de ne pas le rester très longtemps. Une petite étincelle (un gradé parano, par exemple - Sterling Hayden, encore plus gun-crazy que dans Johnny Guitar) pouvait à tout moment mettre le feu (atomique) aux poudres. Mais, ce que Kubrick filme mieux que tout et tous, c'est comment la proximité de la catastrophe émoustille les instincts guerriers les plus sauvages de l'homme (au sens purement masculin, pour une fois !), leur bêtise virile et suicidaire. Ils atteignent sans mal le fond du ridicule, pour notre plus grande jubilation, ces mâles frustrés. Le fin mot de l'histoire, laissé au sinistre Dr Folamour (génial Peter Sellers), en dit long sur le peu d'espoir qui nous est laissé...

Journal d'une femme de chambre (Le)

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1964, France
Acteurs principaux : Jean-Claude Carrière (1931 - ), Georges Géret (1924 - 1996), Jeanne Moreau (1928 - 2017), Michel Piccoli (1925 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en France profonde /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Dans la famille Pervers Ordinaires, il y a le grand-père, fétichiste des bottines et de Huysmans. Il y a la fille, tellement riche qu'elle est frustrée de tout, et il y a son époux, tellement frustré d'elle qu'il saute sur tout ce qui bouge. Quelques domestiques aussi, bien sûr, tellement habitués aux vices de la famille qu'ils savent à peine quels sont ceux qu'ils n'ont pas eux-mêmes. Et enfin il y a Célestine, la nouvelle femme de chambre tout juste débarquée de Paris, seule âme libre de la maison. Forcément elle intrigue, Célestine, elle attire les regards, les instincts et les sollicitations. Elle est comme un tableau blanc (ou noir, à votre guise), un miroir inversé tendu à tous. Elle est aussi belle qu'ils ne le sont pas, mais malheureusement impuissante à guérir à elle toute seule toute la bonne bougeoisie de son époque.

Night of the Iguana (The) - Nuit de l'iguane (La)

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1964, USA
Acteurs principaux : Richard Burton (1925 - 1984), Ava Gardner (1922 - 1990), Deborah Kerr (1921 - 2007), Sue Lyon (1946 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 125 mn, NB

Critique perso :

Un ex-pasteur douteux et fiévreux, reconverti en guide touristique pour américaines friquées, embarque sa fournée de vieilles demoiselles sans avenir dans un cul de sac mexicain. Sur place, il y a tout de même trois femmes fréquentables, aussi dangereuses les unes que les autres : une petite allumeuse, l'hôtelière en chaleur et une espèce de sainte mendiante. Une bête étrange est tapie dans l'ombre, pendant que les humains passent la nuit à causer. Ils ont l'inquiétude métaphysique bavarde, ça se faisait beaucoup à l'époque. Mais ils sont tous au bout de leurs rouleaux. Ils sont au paradis et trop fatigués pour en profiter, il y fait plus chaud que prévu. Un film sur l'honneur des vaincus qui survivent au désastre de leur vie.

Peau douce (La)

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1964, France
Acteurs principaux : Daniel Ceccaldi (1927 - 2003), Jean Dessailly (1920 - 2008), Françoise Dorléac (1942 - 1967)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 113 mn, NB

Critique perso :

Dans les années 60, on pouvait apparemment être un parfait bourgeois respectable, écrire des bouquins sur Balzac et avoir une notoriété de rock-star. A moins que ce ne soit possible que dans les films de François Truffaut. M. Lachenay, en tous cas, est cet intello idéal. Alors, quand il rencontre Nicole, modèle tout aussi parfait de poupée-hôtesse-de-l'air, c'est comme si deux fantasmes se rencontraient. Etincelles. Sauf qu'ils sont dans la vraie vie, avec ses contraintes et ses petites contrariétés, et que les fantasmes ne sont pas très utiles pour affronter la vraie vie. Sauf que Balzac, ça ne suffit pas longtemps à alimenter les discussions avec une hôtesse de l'air. Sauf que Monsieur est lâche comme un mari, mufle comme un amant, faible comme un homme. Sauf que Nicole sait tout de même faire la différence entre une vraie rock-star et un intello un peu chiant. Grandeur et misère de l'adultère ordinaire, celui qui finira forcément tué par les détails -à coups de carabine. Les détails, comme antidotes au fantasme.

317ème section (La)

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Réalisé par : Pierre Schoendoerffer (1928 - 2012)
En : 1965, France
Acteurs principaux : Bruno Cremer (1929 - 2010), Jacques Perrin (1941 - )
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

La 317ème section était affectée au nord de l'Indochine : 4 français de métropole, des français du Laos. Des militaires dont l'armée n'a pas tout à fait réussi à effacer la personnalité. En 1954, alors que des négociations s'engagent à Genève -entre les politiques- elle reçoit l'ordre d'abandonner sa caserne et de se replier vers le sud. C'est cette marche forcée dans la jungle, à travers les villages terrorisés et les rivières en crue, que l'on suit. La traque, la peur, la fatigue. La mort qui rode. L'orgueil des combats. Des méthodes de commandos mobiles -mais à ce jeu-là, les adversaires invisibles sont pas mauvais, non plus. Une petite guerre inutile de plus, sauvée de l'oubli par un beau film tragique.

Repulsion - Répulsion

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Réalisé par : Roman Polanski (1933 - )
En : 1965, Angleterre
Acteurs principaux : Catherine Deneuve (1943 - ), Yvonne Furneaux (1928 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

Elle s'appelle Carole, elle vit à Londres. Elle est jeune, blonde et très jolie. Mais pas causante. Le genre crustacé qui se rétracte au moindre contact avec un doigt poilu. Elle travaille dans un gynécée : un salon de beauté où des femmes s'occupent d'autres femmes. Ca lui convient visiblement mieux que de fréquenter les hommes qui se retournent en vain sur sa beauté dans la rue. Elle vit avec sa soeur, mais sa soeur a un amant qui laisse des poils dans le lavabo. Et puis, un jour, la soeur part en vacances avec l'amant et Carole se retrouve toute seule dans le grand appartement. C'est à ce moment-là que le lapin qui trainait dans le frigo commence à se réveiller. A ce moment-là aussi que les fissures du mur se mettent à s'agiter, et que les bras poilus qui se planquaient dedans se décident à sortir. A partir de là, malheur aux doigts qui oseront appuyer sur la sonnette. Elle est jeune, blonde et complètement névrosée : attention ange méchante !

Blowup

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1966, Angleterre
Acteurs principaux : Jane Birkin (1946 - ), David Hemmings (1941 - ), Vanessa Redgrave (1937 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Vive le DVD (et la touche "Pause") ! Après 2 tentatives sur grand écran, j'ai enfin vu quelque chose dans les clichés du photographe... Reprenons au début. Un photographe très fashion, donc, et ses trois vies : celle du peuple et des ouvriers, auxquels il se mèle pour faire de l'art. Celle des postulantes top-models court-vêtues du swinging London années 60, auxquelles il se mèle aussi, pour faire de la pub. Et une 3ème, où il se mèle de ce qui ne le regarde pas. C'est celle qu'il imagine derrière les images, prises à la dérobée, d'un couple bourgeois dans un parc tranquille. Où, peut-être, se cache un meurtrier. Et un cadavre. Si le monde est un leurre et si la nature, comme dans L'Eclipse et le Désert rouge, ressemble à une peinture abstraite, dans quel sens faut-il regarder le tableau, quel est le bon angle ? Un labyrinthe avec plein de coins, un inquiétant vertige en couleur, un étrange malaise pop,

Deuxième souffle (Le)

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Réalisé par : Jean-Pierre Melville (1917 - 1973)
En : 1966, France
Acteurs principaux : Michel Constantin (1924 - 2003), Paul Meurisse (1912 - 1979), Lino Ventura (1919 - 1987)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 144 mn, NB

Critique perso :

Il sort de prison (par les toits), prend un train (sans billet) et emménage dans un petit pavillon de banlieue (sans signer de bail). A l'autre bout du pays, une fusillade fait plusieurs morts dans un restaurant. En fait, les deux événements ont un certain lien de parenté... Bien sûr, le gentleman tueur fraîchement sorti de l'ombre a rapidement besoin de se remettre à flots. Pour cela, il va s'associer aux aristocrates cambrioleurs impliqués dans l'autre histoire. Bien sûr, il y a une femme perspicace et un flic fatal aussi sur le coup. Bien sûr, tout ne se passera pas exactement comme prévu. Mais la racaille de l'époque avait tout de même de la classe. Ils ont le geste précis, la parole économe. Avec leurs costumes-cravates, ils ont tous l'air de sortir d'une grande école. Ils sont ingénieurs en casses millimétrés, docteurs en loyauté au milieu du désastre. Droits dans leurs bottes, même quand elles sont embourbées jusqu'au cou.

Incompreso (L') - Incompris (L')

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1966, Italie
Acteurs principaux : Anthony Quayle (1913 - 1989)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Dès le début et jusqu'à la fin des temps : une absence -injuste et horrible, comme toutes les absences. Au centre, au fond : l'absente qui fut, on le devine, délicate et douce. Ceux qui restent : Milo, Andrea et leur diplomate de père, une famille de gens beaux, riches et très malheureux -et même Florence (la ville) n'y peut rien, c'est dire. C'est surtout Andrea, 10 ans, que nous suivons. C'est celui dont la bulle, à égale distance de celle des autres, est la plus fragile. Derrière ses forfanteries d'enfant à la dérive, on le devine délicat et doux. Il est plein de bonne volonté, mais toujours à côté de la plaque continentale de son père. C'est un mélo sur des orphelins qui souffrent : un enfant de 5 ans, un enfant de 10 ans, un enfant de 40 ans. Des hommes sans femme, inguérissables de leur nostalgie du bonheur perdu.

Persona

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1966, Suède
Acteurs principaux : Bibi Andersson (1935 - ), Gunnar Björnstrand (1909 - 1986), Liv Ullmann (1939 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 85 mn, NB

Critique perso :

Voici un chaînon -pas manqué du tout- entre Vertigo et Mulholland drive. : un portrait de l'artiste en deux femmes. Qu'importe le prétexte, l'histoire. C'est la rencontre entre une comédienne mutique et une infirmière pleine de remords. C'est l'impossible et nécessaire fusion entre une façade sociale et un inconscient, un corps et une parole, un fantôme et une âme -bref, entre deux actrices. C'est un souvenir d'enfance qui s'efface. C'est une géométrie de la lumière sur des visages humains. C'est une exploration par tous les bouts du pouvoir des images et des limites de la représentation. C'est un film extraordinaire.

Belle de jour

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1967, France
Acteurs principaux : Francis Blanche (1919 - 1974), Catherine Deneuve (1943 - ), Françoise Fabian (1932 - ), Bernard Fresson (1931 - 2002), Michel Piccoli (1925 - ), Jean Sorel (1934 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 101 mn, couleur

Critique perso :

Madame rêve. Elle rêve de traverser en calèche une forêt obscure avec son gentil mari. Elle rêve de se faire humilier, attacher, fouetter, violer. Avec la complicité du gentil mari. Elle rêve qu'il lui arrive quelque chose. Madame vit dans un joli appartement. Elle ne fréquente que des gens raisonnables. A part peut-être ce Husson, passeur pervers vers d'autres mondes. Un jour, cédant à de douces suggestions, Madame va se décider. Elle va s'adonner à un très respectable petit artisanat local. Madame va faire la pute. Mais en maison bourgeoise. A mi-temps, dans ses heures creuses, avant 5h. Pendant le turbin de son gentil mari. Là, c'est comme si elle pénétrait enfin dans les coulisses du monde. Et dans les siennes. Comme si elle vivait une autre vie, enfin. Madame rêve, madame vit ses rêves, carambolage garanti. Et malaise assuré chez tous les spectateurs, dont la vocation est de se contenter de rêver.

Collectionneuse (La)

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Réalisé par : Eric Rohmer (1920 - 2010)
En : 1967, France
Genre(s) : en France profonde /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 89 mn, couleur

Critique perso :

Un dandy XIXème, un esthète XVIIIème et une pétasse XXème siècle passent l'été ensemble dans une villa du sud qui appartient à un vague ami commun. Comme ils n'ont rien d'autres à glander, nos squatters de luxe s'inventent des intrigues à la hauteur de l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes. A l'image : rien, ou presque. De la lumière et des jeunes gens en maillot de bain. En voix off : Adrien l'esthète commente les courses, avec une préciosité et une finesse dignes de son maître en mauvaise foi : Rousseau. Evidemment, Haydé, la fille, coupe Louise Brooks, focalise son attention. Où l'on mesure l'impuissance des mots d'homme face un corps de femme. Où l'on mesure que le cinéma, ça peut être aussi beau et subtil que la littérature Grand Siècle.

Hori, ma panenko - Au feu, les pompiers

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Réalisé par : Milos Forman (1932 - 2018)
En : 1967, Tchécoslovaquie
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 71 mn, couleur

Critique perso :

C'est un bal des pompiers au fin fond d'un trou tchèque, vu comme par un petit trou dans le rideau de fer. Le doyen doit être honoré pour ses 86 ans, ses loyaux services et son cancer. Les jeunes viennent pour draguer, les vieux pour piller discrétos les lots de la tombola. Un commando de ringards s'improvise jury sélectionneur d'un concours de Miss qui ne semble pas tenir toutes ses promesses. Un empoté trouve même le moyen de mettre le feu à sa maison alors que l'orchestre s'essayait à une version fanfare d'un tube des Beatles, c'est dire comment tout fout le camp. En fait, tout le monde veut bien un peu de solidarité, à condition que ce soit les autres qui soient solidaires. C'était en Tchécoslovaquie, quand elle s'estimait encore avoir le droit de se moquer des apparatchiks en casquette.

Play Time

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Réalisé par : Jacques Tati (1909 - 1982)
En : 1967, France
Acteurs principaux : Jacques Tati (1909 - 1982)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants /poésie en image
Caractéristiques : 119 mn, couleur

Critique perso :

Dans une ville qui ressemble à toutes les villes (en pire), erre un drôle de type qui ressemble à tout le monde (en plus sympa). C'est pas vraiment un héros. D'ailleurs, c'est pas non plus vraiment une histoire. En plus on le connaît, c'est M. Hulot. Il est revenu de vacances, il a l'air de chercher du boulot. Ou pas. Il a rendez-vous avec un type qu'il n'arrête pas de rater, tombe sur d'autres types qu'il ne cherchait pas du tout. Au début, à part lui, tout file droit, comme sur les plans d'un architecte. Le temps est gris-bleu, comme le paysage. Comme les bureaux. Comme les gens. Et puis, ça commence à ne plus tourner très rond (ou plutôt si, justement). Faute à l'alcool, à la musique, et à quelques autres Hulot-berlus de passage. De toute façon, c'est un film qui n'en est pas vraiment un. Plutôt une expérience, un stage de plongée en aquarium dans un autre monde qui est exactement le nôtre. Un monde qui serait bien pire, si on n'apprenait pas à le regarder -et à l'écouter- comme un M. Hulot de passage.

Biches (Les)

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Réalisé par : Claude Chabrol (1930 - 2010)
En : 1968, France
Acteurs principaux : Stéphane Audran (1932 - 2018), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Sur le Pont des Arts, une riche snobinarde drague une artiste des rues fauchée et l'emmène glander dans sa villa de St Trop'. Bord de mer, marchés pittoresques, soirées chics et tocs, pétanques et trophés de chasse. Luxe, calme et décoltés, à peine troublés par les blagues minables de deux pique-assiettes navrants, jusqu'à ce que débarque Paul, architecte et homme idéal. Là, les sentiments se gâtent et les relations se compliquent. Les personnages deviennent plus opaques : ils s'imitent les uns les autres, échangent leur rôle, s'épient, s'envient, se dupent. L'atmosphère s'alourdit. La patte de Chabrol sort ses griffes : un de ses films dont il ne cesse, depuis, de faire le remake.

Goto, l'île d'amour

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Réalisé par : Walerian Borowczyk (1923 - 2006)
En : 1968, France
Acteurs principaux : Ligia Branice (1932 - ), Pierre Brasseur (1905 - 1972), Ginette Leclerc (1912 - 1992)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 93 mn, NB/couleur

Critique perso :

Attention aux faux amis : ce Walerian-là ne va pas dans l’espace et son île d’amour n’est pas aussi sexy que certaines des autres oeuvres qu’il fera plus tard. Là, c’est plutôt du film politico-anar en mode bricolo conceptuel, fauché mais jamais en manque d’idées. Dans l’île, donc, règne un dictateur-de-père-en-fils méfiant, jaloux, cocu (de-père-en-fils aussi, sans doute) et très bête. Ca s’est déjà vu ailleurs. Les moeurs y sont étranges et rudes. On suit la destiné de quelques autochtones : le roi, la reine, son cher maître d’équitation, quelques écoliers étourdis et un ex-bagnard ambitieux. Celui-là a été gracié de justesse d’une mort funeste, et il escalade rapidement les barreaux de l’échelle sociale par son ingéniosité en pièges à mouches. Ca, c’est nettement moins banal. En fait, les dictatures, c’est des endroits où tout peut arriver. Dans les films de Boro aussi, mais c’est plus amusant à vivre.

Je t'aime je t'aime

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1968, France
Acteurs principaux : Bernard Fresson (1931 - 2002), Olga Georges-Picot (1940 - 1997), Claude Rich (1929 - 2017)
Genre(s) : c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 94 mn, couleur

Critique perso :

Claude Ridder ne va pas fort, il vient d'essayer de se suicider. C'est ce qui en fait le cobaye idéal pour une étrange expérience scientifique : un mini-voyage dans le temps, la possibilité de revivre une petite minute de son passé, il y a un an, quand il allait mieux. Les souris font apparemment ça très bien, mais elles ne racontent pas grand chose en revenant. Claude, amateur de Magritte et de bons mots (il a écrit un livre, sur le temps en plus), sera certainement plus intéressant. Alors, il se laisse entrainer dans un sous-sol clandestin par des gens en costards qui ont l'air très sérieux, il se laisse enfoncer dans un gros pouf rose simili-organique et le flash-back commence. Mais la fonction Replay a des ratés, la minute dure, repasse en boucle, saute ailleurs dans la mémoire de Claude. La tête de lecture bégaie, s'emballe, s'enraye. Les images se suivent et ne se ressemblent pas toujours -la faute à Catrine, surtout, son grand amour disparu. Et à quelques autres aussi. L'afflux de souvenirs dure finalement le temps d'un film dont il est le héros (toujours plein cadre, au milieu), ce qu'il a eu bien du mal à faire de sa vie. L'art de faire une grande fresque intime avec des petits morceaux de pas grand chose, une vie dans la tête d'un homme, sans doute pas beaucoup plus intéressant qu'une souris, mais avec des images, des mots et du temps en plus -du cinéma, quoi.

Mariée était en noir (La)

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1968, France
Acteurs principaux : Michel Bouquet (1925 - ), Jean-Claude Brialy (1933 - 2007), Charles Denner (1929 - 1995), Michael Lonsdale (1931 - ), Jeanne Moreau (1928 - 2017), Claude Rich (1929 - 2017)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

C'est une sorte d'ange exterminateur à coupe Mireille Matthieu. Non, il ne joue pas dans un film des frères Coen. En fait, c'est une femme, qui ne décolère pas depuis qu'on lui a trucidé son mari le jour de ses noces et qui ne songe qu'à se venger. Non, ce n'est pas non plus un personnage de Tarantino. Elle ne s'habille qu'en noir, ou en blanc, ou en noir et blanc, mais la vie autour est en couleur. Elle voudrait bien sortir d'un film d'Hitchcock, mais sans passer par la case glamour. Du coup, l'histoire un peu dure à avaler, d'autant que l'héroïne semble avoir acheté ses armes létales dans un magasin de farces et attrappes. En fait, c'est plutôt un ange avec des ailes de plomb, qui fait tout le temps la tronche. Comme quoi on peut être un grand cinéaste et rater complètement certains de ses films.

Teorema - Théorème

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Réalisé par : Pier Paolo Pasolini (1922 - 1975)
En : 1968, Italie
Acteurs principaux : Massimo Girotti (1918 - 2003), Silvana Mangano (1930 - 1989), Terence Stamp (1939 - ), Anne Wiazemsky (1947 - 2017)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 98 mn, NB/couleur

Critique perso :

Hypothèse : une famille bourgeoise (bonne comprise).
1ère partie. Un télégramme : "Arrive demain". Un type est là, effectivement. Beau comme un ange, lit Rimbaud. En moins de 3/4 d'heure, il s'est fait toute la famille (bonne comprise) - enfin, c'est plutôt les autres qui lui sautent dessus, d'ailleurs.
2ème partie. Un autre télégramme, Il part. Les autres n'ont plus qu'à devenir ce qu'ils sont : saint, artiste ou débauché, ce qui bien sûr revient au même, pour Pasolini. Bon, on n'a sans doute pas appris les maths dans les mêmes écoles, mais il faut reconnaître que sa démonstration est claire et tranchante : un petit coup de grâce et hop, c'est toute la "petite bourgeoisie" (comme on disait à l'époque) qui explose.

V ogne broda net - Pas de gué dans le feu

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1968, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

1917, quelque part en Russie. Ca bougeait pas mal, là bas, à l'époque. Y'avait pas mal d'idéalistes qui battaient la campagne, et de méchants contre-révolutionnaires qui ne se laissaient pas faire. Pour les femmes, le choix était moins grand. Infirmière ou fille à soldat (rouge bien sûr) ou les deux, c'était les principaux choix. Tanya est dans le premier camp, elle opère dans un train ambulant qui suit les troupes. En fait, personne avant ne s'était vraiment aperçu qu’elle était une femme. Personne, avant un gentil soldat. Ils sont un peu empotés, tous les deux, ils ont d'autres choses (une Révolution, par exemple) à faire. Ils ne se connaissent même pas eux-mêmes. Tanya découvre qu'à défaut de bien manier les idéologies, elle se débrouille pas mal avec les crayons et les pinceaux. Elle devient une artiste brut, un joyau (bien) caché dans une armée en marche. Un film en état de mouvement perpétuel. Il fallait bien une Révolution pour changer à ce point le regard d'un spectateur. Pas mal du tout !

Easy Rider

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Réalisé par : Dennis Hopper (1936 - 2010)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Karen Black (1939 - 2013), Peter Fonda (1940 - ), Dennis Hopper (1936 - 2010), Jack Nicholson (1937 - )
Genre(s) : carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Le film qui a mis a bat le « système des studios » hollywoodien et à 50 ans de style et d’élégance de mise en scène ressemble à du travail d’amateur. D’ailleurs, ça l’est. Il montre la chevauchée pas très fantastique de deux bikers -un pas beau et un taiseux- à travers le pays. Ils viennent de se renflouer en traficotant avec le Mexique, ils ont décidé de rouler de Los Angeles à la Nouvelle Orléans -pour arriver si possible au moment du carnaval. En fait, le carnaval, il est sur la route. C’est l’Amérique la vraie qu’ils rencontrent : ses paysages majestueux, ses fermiers héroïques, ses communautés de hippies utopistes et, surtout, ses hordes de gros bouseux collés à leur patelin paumé. C’est eux les plus nombreux, en fait, et à la fin c’est eux qui gagnent. End of the dream, à peine qu’il commençait à naître. D’où, sans doute, ce goût d’inachevé, qui passe des personnages aux spectateurs. La moitié du budget a dû passer en essence, l’autre en ravitaillement weed (les acteurs ont-ils été payés autrement ?). Quand à la fin l’un des héros reconnaît que « We blew it » (on a tout foiré), on se demande s’il ne parle pas de l’ensemble du film…

Enfant sauvage (L')

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1969, France
Acteurs principaux : Jean Dasté (1904 - 1994), François Truffaut (1932 - 1984)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 83 mn, NB

Critique perso :

En 1798, dans l'Aveyron, une étrange découverte : un enfant nu et sauvage, 10 ans de survie en solitaire dans la forêt. Dommage, il a raté la Révolution Française. Face au sauvageon, mieux qu'un prof : Itard, un savant tout aussi solitaire mais qui, lui, a parfaitement assimilé les idéaux humanistes de 1789. Et espère ramener l'enfant parmi les humains, l'initier au langage. A ce luxe dont, avant d'y avoir touché, on ne sait pas qu'il est indispensable : la culture. Hommage aux pédagaogues, donc. Truffaut joue lui-même ce père patient et attentif qu'il n'eut jamais, tout en détachement consciencieux, en retenue et en pudeur. C'est le contraire d'un film historique. Pourtant, l'éducation de Victor a le charme rétro d'une belle leçon au tableau noir.

Fiancée du pirate (La)

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Réalisé par : Nelly Kaplan (1931 - )
En : 1969, France
Acteurs principaux : Michel Constantin (1924 - 2003), Julien Guiomar (1928 - 2010), Bernadette Lafont (1938 - 2013), Jacques Marin (1919 - 2001), Claire Maurier (1929 - ), Jean Parédès (1914 - 1998)
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

Dans le village de Tellier (!!), on vit un peu comme au XIXème siècle. Il y a des notables, des proprios, des petits commerçants et des bouseux, organisés en régime quasi-féodal. Les hommes sont toujours fourrés au bistro, les femmes (à quelques exceptions près) quasi invisibles. Il y a même une sorcière qui vit avec sa fille et sa chèvre dans une cabane au fond des bois. Tout le monde les méprise et les exploite à mort, sous prétexte de ne pas les avoir dénoncées à la police quand elles ont débarqué. Mais quand la mère meurt dans l’indifférence générale, sa fille, revancharde, se met à changer d’attitude et de vie. La morale bourgeoise, elle s’en balance (et le chante (et le rechante)). Comme elle suscite toutes les convoitises, elle réaménage cosy sa bicoque et, faute de concurrence, impose ses tarifs. Elle ne tarde pas à bien tenir tous les mâles (et pas que) du canton par le bout de la queue, elle va pouvoir accomplir sa vengeance… Mi-Chabrol rural, mi-Maupassant relooké, c’est anar, gonflé, mal léché, féministe et réjouissant.

Que la bête meure

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Réalisé par : Claude Chabrol (1930 - 2010)
En : 1969, France
Acteurs principaux : Caroline Cellier (1945 - ), Michel Duchaussoy (1938 - 2012), Maurice Pialat (1925 - 2003), Jean Yanne (1933 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Les deux personnages principaux de cette histoire n'auraient jamais dû se rencontrer. D'ailleurs, ils mettent du temps à se trouver. Mais l'un a malencontreusement (et brièvement) croisé le fils de l'autre sur une route de campagne bretone. Le fils ne s'en est jamais relevé. Alors, l'autre s'est mis à parcourir (avec acharnement) toutes les villes de France pour retrouver l'un. Coup de bol, les rôles sont parfaitement distribués : le méchant chauffard est un serial connard idéal, le papa contrarié un gentleman écrivailleur. Et le scénar est poli aux meilleures écoles : c'est même une belle Hélène qui sera le cheval de Troie de la vengeance. Mais, même dans le meilleur des mondes possibles (c'est-à-dire au cinéma), c'est pas évident de tuer un homme, en bluffant un policier-cinéaste extra-lucide. Bluffer les spectateurs comme moi, c'est nettement plus facile.

They Shoot Horses, Don't They ? - On achève bien les chevaux

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Réalisé par : Sydney Pollack (1934 - 2008)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Bruce Dern (1936 - ), Jane Fonda (1937 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Un marathon de danse : il n'y a que les américains en plein crise pour inventer un truc pareil. Ca se joue en couple, le but est de tenir debout le plus longtemps possible en bougeant les pieds (10mn de pause toutes les 2h). Les meilleurs tiennent plus d'un mois. Moi qui serais plutôt assez douée pour les marathons de sommeil, c'est une des pires tortures que je puisse imaginer. Ces jeux du cirque modernes, scénarisés par la misère et la bêtise, attirent le gratin de Hollywood (comme spectateurs) et les cramés du rêve américain (comme concurrents). On suit le parcours d'un couple de hasard : un cow-boy égaré en ville et une poupée pleine de rage qui fait non non non. Quelques flash forward de mauvaise augure laissent présager très tôt que ces losers qui n'ont plus que leur fatigue à vendre peuvent tomber encore plus bas. Métaphore cruelle d'à peu près tout ce qu'il y a de pire dans le monde occidental...

Walk with Love and Death (A) - Promenade avec l'amour et la mort

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Assi Dayan (1945 - 2014), Anthony Higgins (1947 - ), Angelica Huston (1951 - ), John Huston (1906 - 1987)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Héron de Fois est étudiant, jeune, beau et idéaliste. Il veut voir la mer. Mais dehors, c'est la guerre de 100 ans : il mourra avant d'en voir la fin. En attendant, il se trouve une dame à aimer : Claudia, jeune, belle et idéaliste. Nos deux tourtereaux, babas dans un monde pas cool, essaient de s'y faire un nid. Dehors, tout n'est que sang, rage et barbarie : des illuminés, des puritains, des chevaliers rendus à l'état sauvage, des paysans morts de tout. Le service militaire n'a pas encore été inventé, mais on sait déjà très bien faire souffrir les jeunes gens qui s'aiment. Huston fait son Septième sceau post-68 : une ode à la jeunesse en collants, et à l'amour à réinventer en rêvant.

Boucher (Le)

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Réalisé par : Claude Chabrol (1930 - 2010)
En : 1970, France
Acteurs principaux : Stéphane Audran (1932 - 2018), Jean Yanne (1933 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, couleur

Critique perso :

Au début, l'homme vivait dans des grottes. Un peu plus tard, il s'est mis un costume de marquis et a appris à danser le menuet -puis la valse- sans jamais cesser d'aimer la viande. Certains specimen en ont même fait leur métier : ils sont devenus bouchers. Et puis, est apparue la blonde hitchcockienne : belle, froide, inacessible. Quand elle débarque dans le Périgord, elle ne passe pas inaperçue. Et cinéphile, avec ça. Comme elle a vu Rio Bravo, elle sait qu'il faut se méfier des gouttes de sang qui tombent du ciel. Comme elle a vu L'Inconnu du Nord-Express, elle sait qu'il faut aussi se méfier des histoires de trains et de briquets qui trainent. Mais son propre film à elle restait à faire (merci M. Chabrol !). Cette transposition de M le maudit dans la province des années 60 n'a rien perdu de son tranchant.

Little Big Man

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Réalisé par : Arthur Penn (1922 - 2010)
En : 1970, USA
Acteurs principaux : Faye Dunaway (1941 - ), Dustin Hoffman (1937 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /carrément à l'ouest /conte de fées relooké /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 139 mn, couleur

Critique perso :

Ce serait le Jeanne Calment américain : dernier survivant de la bataille de Little Big Horn, petit par la taille, grand par le coeur, Little Big man. Ce serait le condensé de tous les destins possibles de son temps : fils de pionnier devenu indien Cherokee, enfant de coeur, colporteur douteux, as de la gachette, commerçant honnète, trappeur solitaire et pisteur de cavalerie. Capable de tout, sauf de tuer un homme. Précurseur de Zelig (pour sa capacité d'adaptation) et de Forrest Gump (pour ses rencontres prestigieuses), blanc chez les rouges, rouges chez les blancs : Candide au Far West. Ce serait toute la mémoire du western, toute la mémoire de l'Amérique : un enfant de 121 ans.

Nachalo - Début (Le)

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1970, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Pasha est une provinciale complexée, une jeune femme persuadée quelle n'a pas grand chose pour elle, dans une petite ville qui n'a pas non plus grand chose à vendre. Doublement has been donc, avant même d'avoir commencé à vivre. Le film la prend quand il commence à lui arriver des choses. D’abord, un homme la remarque. Bon, OK, il est marié, velléitaire et pas très élégant, mais c’est un début. Pour la première fois, elle est choisie. Le meilleur reste à venir. Elle fait du théâtre amateur (le rôle de la sorcière !) et là, c'est carrément un metteur en scène de cinéma qui la repère. Cette fois, c'est pour jouer Jeanne d'Arc, une débutante idéaliste assez prometteuse, elle aussi. Ce film est l'histoire d'une transformation, donc, du moment où une chenille des champs se mue en papillon des villes. Du moment où un cinéaste découvre et invente sa muse qui s'ignore encore. Un film qui remonte à sa propre source, en douceur et en délicatesse.

Clockwork Orange (A) - Orange mécanique

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1971, Angleterre
Acteurs principaux : Malcolm McDowell (1943 - )
Genre(s) : c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

C'est une espèce de "Crime et chatiment" qui aurait été transposé quelques années après que le Dr Folamour ait pris le pouvoir. Le héros s'appelle Alexandre le Large, c'est donc un explorateur de territoires inconnus. Ses drogues préférées ont pour nom : sexe, violence et Beethoven. Forcément, ça finit par mal tourner. La société policière en fait le cobaye d'un nouveau traitement de choc contre le mal : en psycho, ils l'appellent le "conditionnement opérant" ; ça marche assez bien avec les rats et les chiens. Alex est "guéri". Effet de bord non désiré, il est aussi dégoûté de Beethoven -mais pas de Singin' in the Rain, ce qui lui causera des ennuis à sa sortie de prison. Son enfer est pavé des meilleures intentions gouvernementales. Et la société, elle, ne sera jamais guérie de ses démons... Encore une magistrale et impressionnante leçon signée du maître.

In nome del popolo italiano - Au nom du peuple italien

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1971, Italie
Acteurs principaux : Yvonne Furneaux (1928 - ), Vittorio Gassman (1922 - 2000), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Un petit juge italien intègre et barbu doit enquêter sur la mort d'une jeune fille. La jeune fille fréquentait des vieux messieurs, pour le plus grand profit de ses braves parents provinciaux. Parmi les fréquentations, le petit juge repère Lorenzo Santenocito, un industriel multicarte, pollueur-escroc-magouilleur multirécidiviste, le tout-Rome corrompu à lui tout tout seul. Tout ce qu'il adore. Il prend donc l'enquête à coeur et Lorenzo en grippe, et se lance dans une partie de cache-cache qui n'amuse que lui (et les spectateurs). Le combat entre les deux grands monstres se joue à armes inégales, voiture de luxe contre vespa. Il y a décidément quelque chose de pourri dans l'empire romain de l'après-guerre. Heureusement, au même moment, l'Italie gagne la coupe du monde de foot. L'honneur est donc sauf.

Johnny Got His Gun - Johnny s'en va en guerre

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Réalisé par : Dalton Trumbo (1905 - 1976)
En : 1971, USA
Acteurs principaux : Timothy Bottoms (1951 - ), Jason Robards (1922 - 2000), Donald Sutherland (1935 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 111 mn, NB/couleur

Critique perso :

Quand un Johnny s'en va en guerre il a... des bonheurs plein la tête, des sourires plein la mémoire. Quand un Johnny revient de guerre il a... simplement eu pas d'bol et puis voilà. Mauvaise nouvelle : vivant certes, mais aveugle, sourd, manchot et cul-de-jatte. La bonne : comme il n'a plus de visage, il ne risque pas de s'enrhumer. Johnny est un légume, mais c'est un légume pensant. Aux mains de bouchers en uniformes, et de gentilles infirmières. Il vit dans sa tête ce qui lui reste à ne pas vivre. Filmer une âme en caméra subjective, c'est toujours un peu casse-gueule (à part pour Antonioni qui ne sait faire que ça). Mais celle du soldat inconnu de toutes les guerres du monde valait bien la flamme des projecteurs.

Juste avant la nuit

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Réalisé par : Claude Chabrol (1930 - 2010)
En : 1971, France
Acteurs principaux : Stéphane Audran (1932 - 2018), Michel Bouquet (1925 - ), Jean Carmet (1921 - 1994), François Périer (1919 - 2002)
Genre(s) : pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Dans une rue gris-bleue, des volets clos. "Viens Charles, tue-moi !" fait la femme toute nue à quatre pattes sur un lit. Aussitôt demandé, aussitôt fait, par Charles. Faut dire, la dame avait un prénom de garce : Laura et un nom de mère maquerelle : Tellier (enfin, je dis rien, c'est aussi le mien). Charles, lui, est le meilleur ami du mari. C'est par ailleurs un excellent père et très bon mari, parfait bourgeois sans vagues. Un peu dépressif, tout de même, le Charles, depuis le passage à l'acte. Au point d'en arriver à tout avouer à sa femme, puis au mari. Mais, dans ce milieu gris-bleu, la passion et la culpabilité n'existent pas. Pareil écart est tout simplement inconcevable. Surtout pas de vagues. Une traversée glaçante au-dessus d'un abîme bouillonant.

Straw Dogs - Chiens de paille (Les)

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Réalisé par : Sam Peckinpah (1925 - 1984)
En : 1971, Angleterre
Acteurs principaux : Susan George (1950 - ), Dustin Hoffman (1937 - ), David Warner (1941 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Un gentil astro-mathématicien américain, marié à une jolie paire de jambes anglaises, en congé sabbatique dans le trou à bouseux où est née madame. Au milieu d'écluseurs de bouteilles, c'est le seul à porter un pantalon blanc et des lunettes. Pendant qu'il analyse la structure de l'univers dans son bureau, sa femme montre sa jolie paire de jambes aux ouvriers bouseux qui travaillent sur le toit de leur grange. Une souris et des hommes. Si au moins ils avaient vu Orange mécanique ou Délivrance, ils se seraient peut-être méfié, les jeunes mariés. Mais non, ils ne savent pas jusqu'où ne pas aller trop loin. Si bien qu'ils y vont. A la fin, ils ne seront plus capables de faire la différence entre ce qui fait plaisir et ce qui fait mal. A la fin, le gentil mathématicien aura un peu sali son pantalon et cassé ses lunettes.

Warnung vor einer heiligen Nutte - Prenez garde à la sainte putain

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Réalisé par : Rainer Werner Fassbinder (1945 - 1982)
En : 1971, Allemagne
Acteurs principaux : Lou Castel (1943 - ), Eddie Constantine (1917 - 1993), Rainer Werner Fassbinder (1945 - 1982), Hanna Schygulla (1943 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Une équipe de cinéma allemande prise en flagrant délit de non tournage dans le hall d'un hôtel espagnol désert. On attend, on s'emmerde, on drague. On vide des verres et après on les casse -c'est plus drôle. Faut dire que le producteur est fauché et l'assistant débordé. Le réalisateur est absent, mais quand il arrive tout le monde regrette quand il n'était pas là. La pin-up blonde du casting est la seule à ne pas dire de conneries. La vedette américaine n'a pas besoin de dire un mot pour l'emballer. Ambiance de fin du monde déjà arrivé -paraît qu'il faut bien ça pour faire un film (allemand surtout). Ca ressemble à un anti-making of : un où tout le monde fait la tronche, s'engueule, dit du mal des copains et du film en train de se faire. On dirait un anti-film qui en serait tout de même un (mais très allemand tout de même).

Aguirre, der Zorn Gottes - Aguirre, la colère de Dieu

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Réalisé par : Werner Herzog (1942 - )
En : 1972, Allemagne
Acteurs principaux : Klaus Kinski (1926 - 1991)
Genre(s) : carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Une patrouille perdue de conquistadors en armures, lancée dans une expédition en Amazonie. Objectif : l'Eldorado, territoire de la richesse absolue caché dans la forêt vierge des fantasmes. Penché, tordu, toujours une tête de moins que ses interlocuteurs, Aguirre est l'âme damnée du groupe, celui dont le regard halluciné est le seul à voir la direction à prendre. Quand le fleuve et les indigènes hostiles leur en laissent le temps, ces égarés se proclament solennement empereur des lieux, représentants légitimes de Dieu au pays des rêves. Ils reconstituent une parodie de cour royale avec les moyens du bord. Et vogue le radeau, vers l'inéluctable naufrage des grandeurs illusoires. Beau comme une catastrophe tranquille.

Godfather (The) - Parrain (Le)

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1972, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), James Caan (1939 - ), John Cazale (1935 - 1978), Robert Duvall (1931 - ), Sterling Hayden (1916 - 1986), Diane Keaton (1946 - ), Al Pacino (1940 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 175 mn, couleur

Critique perso :

Le film préféré des américains (cf. IMDB) est l'histoire d'une famille (ce qui ne surprendra guère) qui prospère dans le crime (doit-on vraiment s'en étonner ?). La famille avant toute chose, donc : mariages, baptèmes, repas interminables pendant que les enfants courent autour de la table -de l'universel, avec juste un peu plus de pasta et d'enterrements que la moyenne. Ensuite viennent les affaires : une subtile économie du service rendu et du respect dû, de l'influence monnayée et de l'intimidation musclée ("on n'est pas des communistes !" comme ils le disent eux-même) -avec juste un peu plus de coups de feu que la moyenne. Surtout : l'histoire d'un héritage empoisonné, ou comment le regard insouciant d'un beau jeune homme intègre se fige progressivement. Les meurtres sont filmés comme des cérémonies religieuses, sa résistible ascension à lui comme une damnation.

Ludwig - Ludwig - Le crépuscule des Dieux

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1972, Italie
Acteurs principaux : Helmut Berger (1944 - ), Trevor Howard (1913 - 1988), Silvana Mangano (1930 - 1989), Romy Schneider (1938 - 1982)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 235 mn, couleur

Critique perso :

Ludwig est un prince charmant parfait : jeune, beau, intelligent et amateur d'art, que rêver de plus. Sa cousine, c'est Sissi et c'est encore Romy qui s'y colle. Le décor et les costumes sont donc ceux d'un conte de fées. Mais il y a des toujours des vers qui se cachent dans les meilleurs fruits. Cette Sissi-là n'est pas la même que l'autre, elle ne croit pas aux princes charmants, elle vient de l'autre côté du miroir. Et le frère de Ludwig, il est encore plus beau que lui mais pas extrêmement équilibré. Et puis, il va trop loin dans les belles idées, ce prince-là : soutenir Wagner (ce débauché), construire des châteaux (immenses, somptueux et vides) en Baviève... En fait, il aime décidément trop les belles choses (et les beaux jeunes hommes) pour être honnête. C'est comme un long long opéra, filmé au ralenti, sur la décomposition d'un empire, d'une famille, d'un homme.

Pied Piper (The) - Joueur de flûte (Le)

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1972, Angleterre
Acteurs principaux : Donovan (1946 - ), John Hurt (1940 - 2017), Donald Pleasence (1919 - 1995)
Genre(s) : conte de fées relooké /du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Dans un Moyen-âge crapoteux en proie aux démons de la cupidité et de la guerre, circule, comme un ilôt d'innocence, une troupe de baladins en roulotte. C'est à Hamelin qu'ils débarquent. Les rats, porteurs d'un méchant virus, sont arrivés avant eux. A l'intérieur des remparts, d'autres rats à figure humaine s'affairent. Seule la flûte magique (et enchantée) d'un musicien parviendra à sortir la ville de la mouise. Mais l'impressario improvisé du coin ne respecte pas son contrat : malheur à la population ! Avec cette légende sombre comme un cauchemar, on est plus proche du 7ème sceau que de Peau d'âne. Jacques Demy dévoile enfin son côté obscur. Perçoit-il l'arrivée prochaine d'une nouvelle peste dont il sera lui-même la victime (il mourra du sida) ? En tous cas, il réussit aussi bien à désenchanter les contes de fée qu'il savait rendre le réel merveilleux.

Viskningar och rop - Cris et chuchotements

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1972, Suède
Acteurs principaux : Harriet Andersson (1932 - ), Erland Josephson (1923 - 2012), Ingrid Thulin (1926 - 2004), Liv Ullmann (1939 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 106 mn, couleur

Critique perso :

Trois soeurs, une servante. Plus la douleur, omniprésente. Celle qu'on subit (une des soeurs agonise, dans les râles et les grimaces), celle qu'on s'inflige à soi-même (une autre soeur a l'air d'aimer ça, dans les râles et les grimaces). La douleur de ne pas être aimé, celle de ne pas réussir à aimer (là, ça concerne tout le monde, sauf la servante peut-être). La douleur de ne compter pour rien dans le jeu social (et v'la la servante servie). La peur de la mort. La palette : sanguine à souhait. Purpurine. A se demander comment les robes de chambre immaculées résistent aux fondus au rouge. Film à éviter lors d'humeurs suicidaires. A admirer sans modération le reste du temps.

Amarcord

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1973, Italie
Acteurs principaux : Magali Noël (1932 - 2015)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 127 mn, couleur

Critique perso :

Fellini plonge dans sa mémoire d'enfant. Il se souvient de ses profs fatigués, de ses camarades de classe et de leurs complots de pissotières. Il se souvient de son confesseur enrhumé. Il se souvient de tout ce qui tombe du ciel : les aigrettes du printemps, la neige des mauvais jours, les premiers désirs. Il se souvient de types en chemises noires à la gachette chatouilleuse. Il se souvient d'une dame en rouge qui attirait tous les regards. Il se souvient de Fred Astaire et de Gary Cooper. Il se souvient d'un prince arabe et de ses 40 sirènes. Il se souvient d'une buraliste généreuse. Il se souvient de sa famille : son père maçon, sa mère dévouée et leurs engueulades qui mettaient du sel dans le potage. Il se souvient d'un grand père encore vert. Il se souvient d'un oncle trop grand pour son âge, qui jouait à tonton perché en réclamant "una dona" pour passer l'été. Il se souvient de ses souvenirs et il invente un film au présent de la mémoire (Kusturica lui a tout piqué), grand et fou comme l'enfance.

Contes immoraux

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Réalisé par : Walerian Borowczyk (1923 - 2006)
En : 1973, France
Acteurs principaux : Fabrice Luchini (1951 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur


Soylent Green - Soleil vert

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Réalisé par : Richard Fleischer (1916 - 2006)
En : 1973, USA
Acteurs principaux : Joseph Cotten (1905 - 1994), Charlton Heston (1924 - 2008), Edward G. Robinson (1893 - 1973)
Genre(s) : c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 97 mn, couleur

Critique perso :

New-York 2022, version trash : surpollution, surpopulation, décadence généralisée. Quelques nantis occupent les apparts de luxe (blonde comprise dans le loyer), une multitude de gueux squattent les rues. Si besoin, les émeutiers se ramassent à la pelleteuse. Au milieu : les flics. Ils jouissent de leur présomption d'impunité pour améliorer l'ordinaire. Faut dire : pas fameux, l'ordinaire, quand le mieux qu'on puisse espérer est un "soleil vert" de plus, sorte de barre de céréales énergétique -mais c'est pas des céréales. Un des anciens patrons de l'usine est mort. Nous suivons l'enquête nonchalente du flic préposé à l'affaire, et la descente aux enfers climatisés du recyclage universel de son vieil adjoint. Quelques scènes mémorables, une atmosphère délétère : un drôle de film du futur qui ressemble au passé -à moins que ça ne soit le contraire.

Godfather: Part II (The) - Parrain II (Le)

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1974, USA
Acteurs principaux : John Cazale (1935 - 1978), Robert De Niro (1943 - ), Robert Duvall (1931 - ), Diane Keaton (1946 - ), Al Pacino (1940 - ), Harry Dean Stanton (1926 - 2017), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 200 mn, couleur

Critique perso :

On ne change pas une famille qui gagne. Vous voulez la suite ? Vous aurez le préquel (30 ans avant) et le séquel (5 ans après) pour le même prix ! Histoire de bien comprendre comment, en deux générations, on passe du petit racket de quartier à l'escroquerie grandeur nature (en l'occurrence, le pillage en règle de Cuba). Le crime organisé vit sa révolution industrielle, en quelque sorte. Michaël a pris la place de son père, et il s'en montre digne. Le plus dur -le baptème du sang inaugural- a déjà eu lieu dans l'épisode précédent. Mais la famille n'est plus ce qu'elle était : le frangin restant n'est pas le plus brillant, la frangine ne sait pas ce qu'elle veut, et Kay ose dire qu'elle n'est pas contente. On ne peut même plus compter sur les politiciens, qui envoient Michaël en commission d'enquête. Grandeur et décadence du crime business, apogée flamboyante du murder show.

Jeder für sich und Gott gegen alle - Enigme de Kaspar Hauser (L')

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Réalisé par : Werner Herzog (1942 - )
En : 1974, Allemagne
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

C'est le jour de Pentecôte de l'an de grâce 1828 que Kaspar est tombé du ciel, pile sur la place de Nuremberg. Pas tout à fait un bébé-loup ou un Enfant sauvage (il a dépassé les 20 ans). Pas non plus un idiot (il aime la musique et écrit son nom). Non, plutôt un homme-bébé qui n'a jamais vécu avec d'autres hommes -autrement dit un rien du tout, une marionnette entre les mains d'un démiurge sadique. Quelques bonnes âmes tentent de lui apprendre le métier de grande personne, de lui trouver une place dans le monde ailleurs qu'au magasin des accessoires exotiques. Il devient une sorte de philosophe-artiste brut, riche de ses seuls yeux intranquilles où on lit la stupeur et le désespoir d'être au monde. Des fois, la vérité est bien inspirée.

Profumo di donna - Parfum de femme

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1974, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Voyage en Italie, vers le sud, d'un nain et d'un géant. Le géant est un aveugle extralucide, grande gueule intarrissable, grand amateur de femmes, suprêmement insupportable. Le nain est un jeune militaire timide qui lui est affecté comme guide officiel et souffre-douleur attitré. Un Fanfaron blessé et sa victime de compagnie, embarqués pour une drôle de mission dont on ne sait rien, qui les mène sur une Terrasse crâmée de soleil, où ils retrouvent des collègues et une nuée de jeunes filles. Là, les masques grimaçants tombent, la souffrance de ceux qui ont renoncé à aimer affleure. Une comédie-mélo dopée à l'énergie du désespoir.

Valseuses (Les)

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Réalisé par : Bertrand Blier (1939 - )
En : 1974, France
Acteurs principaux : Gérard Depardieu (1948 - ), Patrick Dewaere (1947 - 1982), Isabelle Huppert (1953 - ), Miou-Miou (1950 - ), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

C'est l'hisoire de deux petits mecs, joués par deux petits jeunes inconnus (un certain Dewaere et un certain Depardieu) qui mènent une enquète sur le plaisir féminin et emmerdent le monde. C'est une espèce de road-movie à la française, plein de mots qu'on n'avait jamais entendus avant au cinéma et de rencontres incongrues, au bord des routes, sur une plage, dans un train et une multitude de chambres. C'est l'invention d'un style, la caricature d'une époque, la provocation d'un langage, la fureur d'une liberté hautement revendiquée. Les acteurs, le genre et les fringues ont vielli depuis, l'énergie de leur jeunesse est restée sur l'écran.

Woman under the Influence (A) - Femme sous influence (Une)

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Réalisé par : John Cassavetes (1929 - 1989)
En : 1974, USA
Acteurs principaux : Peter Falk (1927 - 2011), Gena Rowlands (1930 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, couleur

Critique perso :

Voir un film de Cassavetes, c'est comme alller au cinéma pour la première fois : on n'a jamais vu ça, c'est comme dans la vie ! Le scénario n'est pas bien poli et lissé, les dialogues ont l'air improvisés (ils ne le sont pas toujours tant que ça), les scènes s'étirent au-delà du raisonnable. Il y a des gens devant nous, qui vivent et qui souffrent et ni eux ni le réalisateur n'ont l'air de savoir de quoi ils sont capables. A ce jeux-là, Gena Rowlands (la femme de Cassavetes) est la reine. Elle déborde de tendresse, elle en fait trop, elle est bouleversante, elle passe pour folle ; c'est notre voisine, notre cousine, notre soeur, c'est encore mieux et pire que dans la vie !

Barry Lyndon

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1975, Angleterre
Acteurs principaux : Marisa Berenson (1946 - ), Ryan O'Neal (1941 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 184 mn, couleur

Critique perso :

Il semble que Kubrick n'aimait pas beaucoup son époque (cf. Lolita, Dr Folamour) et mettait peu d'espoir dans l'avenir (cf. Orange mécanique). Avec ce film, nous voilà rassuré : il n'avait pas non plus beaucoup d'estime pour le passé ! Pas même dans le XVIIIème siècle, où sembla culminer pourtant le sens du raffinement et de la maîtrise de soi. Pour preuve, on suit l'éducation -pas sentimentale du tout- d'un jeune bourgeois-paysan-pauvre de cette époque. Sorti d'Irlande, il devient, via l'armée, la feinte et le cynisme, un parfait bourgeois-homme du monde-riche. Puis un rien du tout. Les images de ce film éclairé à la bougie, on ne les avait jamais vues avant. La cruauté des hommes, hélas, est de toutes les époques...

Histoire d'Adèle H. (L')

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1975, France
Acteurs principaux : Isabelle Adjani (1955 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Elle est amoureuse, fauchée, en fuite de chez papa-maman. Elle écrit, elle écrit, elle écrit. La demoiselle a de qui tenir. Papa est le plus grand écrivain de l'univers et elle a, semble-t-il, pris un peu trop au sérieux ses leçons de romantisme. Aimer une fois pour toute, s'abandonner à en mourir : il l'a rêvé, elle l'a fait. Son plus beau roman à lui est aussi sa fifille la plus cinglée. Les plus désespérés sont les chants les plus beaux (non, ça c'est pas de lui). Mais tout ça ne fait pas nécessairement le scénario le plus palpitant de l'univers : trop monotone pour étonner, trop cheap pour emballer. Isabelle se démène bien mais pour elle, la folie est un minimum syndical. Pour elle, sans doute que Truffaut était aussi prêt à tout mais ça ne suffit pas à faire le plus beau film de l'univers.

Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles - Jeanne Dielman, 23 Rue du Commerce

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Réalisé par : Chantal Akerman (1950 - 2015)
En : 1975, Belgique
Acteurs principaux : Delphine Seyrig (1932 - 1990)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 201 mn, couleur

Critique perso :

Jeanne est le parfait prototype de la parfaite bourgeoise respectable. Elle est veuve, élève seule son grand fiston à hormones, tient son parfait intérieur du plus parfait mauvais goût de l'époque avec une conviction parfaite qui force de le respect. Une femme, sous le regard d'une femme qui ne montre que ce qu'on ne montre pas d'habitude : tout le temps qu'il faut pour ne rien faire d'autre (courses, cuisine, ménage...) que simplement maintenir à flot une vie de parfaite desperate housewive. Une vie tellement bien (en)cadrée que c'en est insupportable. Jeanne, donc, lave, nettoie, plie, range, arrange tout ce qu'elle touche, ne fait jamais la cuisine sans son tablier ni l'amour sans une petite serviette en dessous. Ben oui, faut bien gagner sa vie, quand même -mais pas plus d'un homme par jour, à domicile, pas plus que le temps de cuisson du plat du jour. Un jour, les patates sont trop cuites et on comprend qu'il a dû se passer quelque chose d'inhabituel, d'inconcevable, d'indécent, quelque chose de pas prévu au programme de cette vie-là. Le lendemain, on comprend que ça ne s'arrange pas. Il va falloir remédier au problème... Simplement génial et glaçant !

Muso (Den) - Jeune fille (La)

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Réalisé par : Souleymane Cissé (1940 - )
En : 1975, Mali
Acteurs principaux : Balla Keita
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 88 mn, NB/couleur

Critique perso :

Une famille africaine, mais riche : papa est patron, maman se pomponne, deux jeunes filles qui vivent leur vie de jeune fille. Sauf que l'une est muette, comme la souffrance des femmes de son pays : victime idéale pour le beau parleur glandu du quartier, qui vient juste de quitter la boîte du papa. L'intrigue principale est simple et désespérée. Mais on prend au début pour de la maladresse ce qui est en fait de l'audace : un récit plein de digressions, d'ellipses, plein de gens, plein de vie. Du coup, le film est autant une tragédie antique qu'un docu sur la vie à Bamako, ou qu'un tract militant sur la condition féminine. La société entière entre dans l'image comme la musique dans le son : en douce, par imprégnation. Comme la sourde colère du réalisateur contre la misère matérielle des pauvres, et la misère morale des riches.

Professione: reporter - Profession Reporter

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1975, Italie
Acteurs principaux : Jack Nicholson (1937 - ), Maria Schneider (1952 - 2011)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 126 mn, couleur

Critique perso :

Le film se déroule dans le temps qui sépare les deux morts de M. Robertson : la vraie et la fausse (à moins que ça ne soit le contraire). Le genre fuyard, le Robertson. Sa (vraie) femme ne le connaît pas, ses (faux) frères ne veulent que les armes qu'il n'a pas (vu qu'en fait il était journaliste). A peine mort, tout le monde le traque en lui réclamant des comptes, le temps de quelques jours de déambulations dans les limbes du monde occidental. Le film se déroule aussi dans l'espace qui sépare deux déserts : le vrai et le faux (à moins que ça ne soit le contraire). Entre les deux : plein de belles pierres, mais pas beaucoup de chaleur humaine. Un vrai road movie à travers le purgatoire. Et en cadeau bonus : un avant-dernier plan, filmé du point de vue d'une âme, qui est le plus beau de l'histoire du cinéma.

Scener ur ett äktenskap - Scènes de la vie conjugale

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1975, Suède
Acteurs principaux : Bibi Andersson (1935 - ), Erland Josephson (1923 - 2012), Liv Ullmann (1939 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 167 mn, couleur

Critique perso :

Johan et Marianne, 10 ans de mariage, 2 enfants, couple modèle. Lui : parle bien, dit ne pas douter, se sent un peu enfermé. Elle : réservée, a peur de douter, ne se rend pas encore compte de son enfermement. En fait, le ver est déjà dans le fruit du paradis conjugal. A la première tentatrice venue, Johan se tire. Marianne pleure un peu, mais au fond c'est elle qui a la meilleure part. Ils se déchirent, se séparent, se revoient, se redéchirent. En fait, on ne les voit s'embrasser et se désirer qu'au plus fort de leurs scènes de ménage. Les corps ne veulent jamais la même chose que les paroles qui en sortent. Les années passent. Johan et Marianne, 10 ans de divorce, couple modèle. Un film de chambre avec vue sur les âmes par temps d'orage. Avec deux musiciens experts dans l'art du sentiment qui traverse un visage.

Brutti sporchi e cattivi - Affreux, sales et méchants

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nino Manfredi (1921 - 2004)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Affreux, certes. Sales, incontestablement. Méchants, à coup sûr. Mais d'abord et avant tout : pauvres. Entassés comme des rats dans un bric à brac de fortune, mais avec vue sur le Vatican. Dans les années 70, il y avait encore des bidonvilles à Rome (et ailleurs aussi). Et des pauvres. L'heure n'est plus à la dignité qu'ils manifestaient chez Rosselini, De Sica ou Pasolini. Ici, c'est plutôt Shakespeare dans un tas d'ordures, avec des gens pas sympas dont rien de bon ne sort. Miroir à peine déformant de la société normale, de ceux qui savent y mettre les formes (beaux, propres et gentils) mais qui, au fond, partagent les mêmes valeurs : l'argent, l'argent et l'argent (et le sexe, aussi). Et si l'on est parfois tenté de rire, c'est avec la grossièreté du désespoir.

Obsession

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Réalisé par : Brian De Palma (1940 - )
En : 1976, USA
Acteurs principaux : Geneviève Bujold (1942 - ), Cliff Robertson (1923 - 2011)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 98 mn, couleur

Critique perso :

Monsieur aime les belles choses : sa maison, son épouse, les églises de Florence (où il l'a connue) et la fille qu'ils ont faite ensemble. Tout irait parfaitement dans le meilleur des paradis possibles s'il était un peu moins riche. Kidnapping de l'épouse et de la fille, demande de rançon, intervention de la police qui foire : il perd tout (sauf sa maison). Seize ans plus tard, il est toujours riche, de nouveau à Florence et face au sosie de son épouse décédée. On rembobine le film, la copie sera-t-elle meilleure que l'originale ? Ce remake sur les remakes pompe explicitement Vertigo, Rebecca, Marnie et quelques autres, en un poil plus pervers, dans l'esthétique kitsch des années 70 parfois au bord du ridicule (et pas toujours du bon côté du bord). Il se prendrait pas pour la réincarnation du gros bonhomme du cinéma, le De Palma ? C est son obsession à lui...

Cet obscur objet du désir

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Carole Bouquet (1957 - ), Angela Molina (1955 - ), Fernando Rey (1917 - 1994)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Dans le compartiment d’un train, Mathieu raconte à ses compagnons de voyage (qui, bizarrement, se connaissent tous : le monde est décidément petit), comment il en est arrivé à adorer et à détester une femme. En fait, vu qu’elle l’encourageait et se dérobait sans cesse, l’objet de son désir à lui n’est pas difficile à deviner. Il attrape très bien les souris et les mouches mais, avec elle, il a plus de mal. Il a l’esprit tellement obscurci qu’il ne voit même pas que cette femme aux deux visages a aussi, littéralement, deux incarnations (deux actrices se partagent le rôle, en alternance, sans logique claire). A vrai dire, vu que Fernando Rey est doublé par Michel Piccoli, on a un peu l’impression que Matthieu est double, lui aussi. Quant au monde autour, dont tout le monde se fiche, il est obscurci d’étranges attentats terroristes. L’obscurité, c’est comme la lumière : dans l’oeil de tous les spectateurs.

Crabe-tambour (Le)

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Réalisé par : Pierre Schoendoerffer (1928 - 2012)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Jacques Dufilho (1914 - 2005), Jacques Perrin (1941 - ), Claude Rich (1929 - 2017), Jean Rochefort (1930 - 2017)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /épique pas toc
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Surnom impossible pour un personnage impossible : un officier français passé par l'Indochine, l'Algérie et la prison, reconverti dans le chalutier au large de Terre Neuve. Un saint et un traitre à la fois. Mais pour le voir, on n'aura droit qu'à des flash-back. En fait, ce sont les autres qui en parlent le mieux : trois hommes qui ont croisé sa route et qui se croisent à leur tour, presque par hasard, sur un bateau de la Marine Nationale en route vers le chalutier. Ils s'y connaissent en matière d'armée, vu qu'ils y sont encore. Et en matière de sainteté, vu qu'ils ont toujours une Bible à portée de main ou de lèvres. Et en matière de ratages, aussi... Parfois, le vent sur la mer arrive à nous faire croire au destin. Parfois, leurs histoires arrivent à donner à l'Histoire de France, et à la leur, un souffle de grandeur.

Homme qui aimait les femmes (L')

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Nathalie Baye (1948 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), Leslie Caron (1931 - ), Charles Denner (1929 - 1995), Brigitte Fossey (1946 - )
Genre(s) : en France profonde /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Avec son air sérieux et sombre, on lui donnerait le mariage sans cérémonie. Erreur : c'est un homme à femmes. Toutes, il les aime toutes, les grandes tiges et les petites pommes, les plantes exotiques et les fleurs vénéneuses. Avec une sérieuse préférence, tout de même, pour le modèle tradi, jupes courtes et talons hauts. Et une sérieuse fixette sur ce qu'il y a entre les deux : les jambes. Ingénieur en aérodynamisme, c'est un expert pour le jeu, la glisse, l'esquive. C'est aussi un hommes à livres, comme Antoine Doinel et quelques autres de la même famille, un collectionneur d'histoires, un épingleur de personnages, prêt à tout pour mettre du roman dans sa vie. Si vous êtes comme lui, ne me téléphonez pas !

Providence

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Dirk Bogarde (1921 - 1999), Ellen Burstyn (1932 - ), John Gielgud (1904 - 2000), David Warner (1941 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Jours étranges. Pendant qu'une épidémie d'hommes-loups semble couver, un avocat grand bourgeois -et très britannique- s'acharne à encourager l'idylle fantomatique de son épouse avec le jeune homme vaguement hippy qu'il a échoué à faire condamner. Ils ont tous l'air de s'ennuyer, ou de ne pas savoir ce qu'ils font là. Chronique d'un changement d'époque ? Oui mais en fait, non, tout ça c'est rien que dans la tête bien imbibée d'un vieil écrivain malade -mais toujours très britannique- pendant une nuit d'insomnie. Il a des comptes à régler et les idées pas très claires, ce qui explique sans doute les incongruités de son scénario balbutiant. Et comme il vit à Providence, sa magnifique propriété, pas étonnant qu'il se prenne pour un démiurge. Chronique d'une fin de vie annoncée ? Oui mais en fait non, c'est encore un peu plus compliqué que ça, mais on laisse le suspens aux néophytes. En fait, de toute façon, c'est tout ça en même temps, et plus encore. Une superposition de banalités, conventions et lieux (plus ou moins) communs, qui finit par donner de la profondeur à la surface des choses.

Höstsonaten - Sonate d'automne

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1978, Suède
Acteurs principaux : Ingrid Bergman (1915 - 1982), Gunnar Björnstrand (1909 - 1986), Erland Josephson (1923 - 2012), Liv Ullmann (1939 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 89 mn, couleur

Critique perso :

C'est l'histoire d'une mère qui n'a jamais supporté d'avoir des enfants moins brillants qu'elle. C'est l'histoire d'une fille qui n'a jamais supporté d'avoir une mère plus brillante qu'elle. La mère est une pianiste de renommée mondiale, toujours en tournée planétaire. La fille est une modeste journaliste et l'épouse d'un pasteur -gentil le pasteur. Il y a aussi une autre fille, clouée sur un fauteuil roulant, le corps tordu d'une douleur qu'elle a bien du mal à formuler. On est dans la maison du pasteur. La mère et la fille, toujours en représentation d'elles-mêmes, sont sur-cadrées par les cloisons de la maison, dont toutes les pièces finissent par ressembler à une scène de théâtre. Elles se parent de couleurs complémentaires. La nuit blanche-règlement de comptes peut commencer. La rencontre des deux grands Bergman de l'histoire du cinéma fait de sombres et éclatantes étincelles.

Prova d'orchestra - Répétition d'orchestre

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1978, Italie
Genre(s) : en avant la musique /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 70 mn, couleur

Critique perso :

Un lieu prestigieux et chargé d'histoire. Des hommes et des femmes qui ont consacré leur vie à un grand art. Un chef esthète et inflexible. Non non, on n'entre pas pour autant dans les coulisses guindées d'un événement mondain. C'est juste la petite repet' privée d'un orchestre symphonique. Pourtant, y'a un(e) intrus(e) : une caméra de télé. Invisible, mais toujours là. Insaisissable, intrusive. Devant elle, les musiciens ne se sentent plus de joie. Chacun devient plus bavard que sa musique. Chacun a sa petite théorie pour justifier la prééminence de son instrument au sein du groupe, et ne se prive pas de la donner. On sent que c'est mal parti pour le jeu collectif. Et d'ailleurs, bientôt, la révolte gronde de derrière les pupitres. Le travail à peu près sérieux tourne au happening beatnik - à moins que le maestro ne parvienne à rétablir l'équilibre sur la balance de l'art... En mineur, pas reposant mais pas désagréable.

Apocalypse Now

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1979, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), Robert Duvall (1931 - ), Laurence Fishburne (1961 - ), Harrison Ford (1942 - ), Dennis Hopper (1936 - 2010), Christian Marquand (1927 - 2000), Martin Sheen (1940 - )
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 202 mn, couleur

Critique perso :

Au Vietnam, dans les années 70 (et à plein d'autres endroits et plein d'autres époques), des hommes ont eu le sentiment de vivre la fin du monde. On appelle ça la guerre. Ca provoque généralement un mélange d'horreur et de fascination, de dégoût et de jouissance. Ca exacerbe tout : la connerie et le sublime -deux formes de folie qui finissent, dans ces conditions, par se ressembler. Au Vietnam, donc, dans les années 70, les Américains ont tenté d'acclimater les fleurons de leur culture (le surf, les playmettes de Play Boy et le rock'n roll) dans le bourbier des rizières. Ca n'a pas très bien marché. Ils ont tenté le napalm, aussi... Evidemment, ce film plein de bruit et de fureur ne fait pas dans la demi-mesure. Il relève plutôt de l'expérience sensorielle extrême, en évoquant un retour aux sources de la barbarie, et mène sur une révélation (le vrai sens d'"apocalypse" en grec) obscure qu'on n'est pas près d'oublier.

Mad Max

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Réalisé par : George Miller (1945 - )
En : 1979, Australie
Acteurs principaux : Mel Gibson (1956 - )
Genre(s) : c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 88 mn, couleur

Critique perso :

Au début, on comprend rien. Y’a des types qui se coursent les uns après les autres dans des bolides (autos ou motos) customisés, ce qui a l’air de les rendre assez hystériques. Y’a des gangs simili-punks, qui dévalisent ce qu’ils peuvent. Y’a des simili-flics, très sexys dans leur uniforme tout cuir, qui font à peu près la même chose, sauf qu’ils sont censés les chasser, quand ils ne sont pas chassés par eux. Après, on comprend que y’a rien comprendre, que c’est le chaos et que ces courses dans un sens ou dans un autre seront les seules actions à attendre. Y’a quand même un flic -Max, donc- qui a l’air d’avoir une vie en dehors de l’asphalte, mais c’est pas pour longtemps. Au moins, on sait ce qu’il aura à regretter. Ce premier épisode (nettement moins bon que le deuxième) est un peu brouillon, mais il a le mérite d’inventer une gueule qui, à ce moment-là, attire toute notre sympathie. Et de poser les bases d’un univers original, où le visuel prime sur le scénar. Y’a des fans. On passe son temps sur la route, à traverser les paysages à toute vitesse. C’est un peu comme dans le Tour de France. Mais en Australie. Et sans vélo.

Tema - Thème (Le)

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1979, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - ), Mikhail Ulyanov (1927 - 2007)
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

Kim Yesenin est un écrivain russe. Donc torturé, concerné, engagé, arrogant, chiant. Normalement, il vit à Moscou, mais là il est en tournée en province (comme on ne doit plus dire), accompagné d'un confrère encore pire que lui et d'une jeune maîtresse pas passionnante (et apparemment pas non plus très passionnée). Il s'incruste dans la visite guidée d'un musée local. La guide est jolie, voilà que la province l'intéresse finalement plus que prévu. Il retrouve la fille dans un dîner le soir, il essaie de lui faire le coup du grand écrivain russe : passionné, passionnant, possessif, arrogant, chiant. Elle ne marche pas. Elle a pourtant été amoureuse de lui, quand elle avait 10 ans. Mais maintenant, elle préfère l'authentique. Elle ne s'intéresse plus qu’à un poète-paysan du terroir local, un artiste un vrai, brut et inconnu, mort et oublié de tous si elle n'était pas là. Et voilà de quoi relancer la machine du grand écrivain russe. Amoureux, concerné, inspiré, torturé, vain. Engagé, passionné, jaloux, arrogant, chiant.

Elephant man

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Réalisé par : David Lynch (1946 - )
En : 1980, Angleterre
Acteurs principaux : John Gielgud (1904 - 2000), Antony Hopkins (1937 - ), John Hurt (1940 - 2017), Freddie Jones (1927 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 124 mn, NB

Critique perso :

L'angleterre victorienne a tout inventé de notre monde moderne : l'exploitation de l'homme par l'homme (enfin, ça c'était déjà pas nouveau) et par la machine, et la mise en spectacle de ses marges, pour mieux les apprivoiser. John Merrick, le Freak qui n'est pas un monstre, en est un exemplaire révélateur. D'abord, il suscite les bas instincts des spectateurs de foire, leur voyeurisme et leur intolérance -et le nôtre aussi, par la même occasion. Sauf que, rapidement, c'est la monstruosité des autres qui nous saute au visage. La bonne société le traite apparemment mieux, surtout quand il consent à devenir l'alibi idéal de sa bonne conscience. Mais, comme un éléphant dans un jeu de dupes, il n'a évidemment de place nulle part... Dès ses premiers films, David Lynch faisait déjà de drôles de rêves.

Gloria

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Réalisé par : John Cassavetes (1929 - 1989)
En : 1980, USA
Acteurs principaux : Gena Rowlands (1930 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 123 mn, couleur

Critique perso :

Gloria a laissé passer la sienne depuis longtemps. Elle habite New York, un immeuble mal fréquenté. Justement, un de ses voisins pas clairs reçoit une visite pas sympa du tout, et la voilà qui recueille malgré elle le gamin de la famille, seul rescapé d'une pétarade. Elle le kidnappe, à moins que ce ne soit le contraire. Elle le perd, le retrouve, l'oublie, le protège, le lache, elle fait n'importe quoi. Faut dire, le petit est un mafioso en miniature, sentimental et macho à l'italiennne. Insuportable bien sûr, mais c'est pas une raison pour se faire tirer dessus. Elle, c'est une grande larguée qui ne sait plus ce qu'elle veut depuis longtemps, ni ce qu'elle vaut ni ce qu'elle a. Insuportable aussi, mais c'est pas une raison pour tirer sur tout le monde. Le film, c'est un road movie qui tourne en rond, imprévisible, flamboyant et mal foutu. C'est pas une raison pour le manquer.

Mon oncle d'Amérique

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1980, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), Jean Dasté (1904 - 1994), Gérard Depardieu (1948 - ), Marie Dubois (1937 - 2014), Nicole Garcia (1946 - ), Roger Pierre (1923 - 2010), Brigitte Roüan (1946 - )
Genre(s) : la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Deux modes de discours en parrallèle : d'un côté, une petite conf scientifique du professeur Laborit sur l'évolution des espèces, la vie sur Terre et l'interprétation des comportements (des souris et des hommes). De l'autre, une fiction qui entremèle les destins de trois personnages aussi dissemblables par leur origine que comparables par leurs difficultés à vivre. Ces trois-là ont nourri de nobles ambitions, ont été bien partis pour les accomplir. Mais ils finissent tous par nager un peu dans un costume trop grand pour eux, et auncun oncle d'Amérique ne vient les sauver du naufrage. Le discours scientifique distancié, comme mode d'emploi ironique de la comédie humaine. Le romanesque, comme horizon de l'observation objective (des souris et des hommes). A apprécier avec tous ses yeux, toutes ses oreilles et tous ses cerveaux.

Raging Bull

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Réalisé par : Martin Scorsese (1942 - )
En : 1980, USA
Acteurs principaux : Robert De Niro (1943 - ), Joe Pesci (1943 - )
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 129 mn, couleur

Critique perso :

Raging bull est une bête, un taureau : c'est un boxeur -le genre poids lourd et cervelle plume. Il doit tout à ses poings : son argent, sa gloire, sa femme. Mais qui a vécu par les poings périra par les poings... Alors, parce que rien ne lui a jamais résisté, peut-être, il se laisse un jour démolir sur un ring sans réagir. Rédemption, rédemption... Un boxeur sans ses poings, ça ne peut que devenir un manager de cabaret gras et vulgaire. Qu'importe, lui, au moins, sait ce dont il est capable. De Niro, plus génial caméléon que jamais, incarne ce type à la recherche de son âme : il arriverait presque à me faire aimer la boxe, c'est dire !

Terrazza (La) - Terrasse (La)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1980, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Serge Reggiani (1922 - 2004), Remo Remotti (1924 - 2015), Ugo Tognazzi (1922 - 1990), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Un grand buffet avec des pâtes et des haricots, sur une grande terrasse romaine. Les convives sont nombreux, intelligents, énervés. En majorité : des intellos-bobos, caviar-cocos. Ils bossent dans la culture politique, ou dans la politique culturelle. Ils ont tout vu, tout lu, tout connu, ils se sont tant aimé. Il y a Enrico, qui n'arrive pas à écrire le scénario du film en 5 sketchs, qui pourtant se déroule devant nous. Luigi et Amedeo, qui n'arrivent pas à retenir leur femme, qui pourtant leur doit tout. Sergio, qui n'arrive pas à retenir le semblant de vie qu'il a pourtant sauvé de la guerre. Et Mario qui, en amour comme en politique, n'arrive clairement pas à écrire des textes clairs. Des mâles drôlement tragiques, tragiquement drôles. On a beau les voir de plusieurs point de vue, sous plusieurs angles : ils sont toujours aussi las, lâches et fuyants. Portrait de l'artiste en hommes vieillissants.

Garde à vue

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Réalisé par : Claude Miller (1942 - 2012)
En : 1981, France
Acteurs principaux : Guy Marchand (1937 - ), Romy Schneider (1938 - 1982), Michel Serrault (1928 - 2007), Lino Ventura (1919 - 1987)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 86 mn, couleur

Critique perso :

Bienvenue au réveillon du commissariat. Oui, il fait froid dehors. C'est glauque, c'est la province, quoi. Il ne manque rien, même pas le sapin de Noël à guirlandes. Le champagne, les petits fours et les noeuds papillons, c'est au rez-de-chaussée. Non, désolé, vous vous allez à l'étage, dans le bureau de l'inspecteur Gallien. Oui, c'est pour un interrogatoire. Oui, ça peut durer longtemps... Alors comme ça, vous êtes notaire de province. Et vous avez tué et violé deux petites filles... Non ? Peut-être ? Peut-être pas ? Comment ça, c'est la faute à votre dame !? Ca ne se dit pas, ces choses-là. Pas mal, la dame, d'ailleurs. Une belle silhouette de mante-religieuse. Et ça cause, et ça cause. Bon, ben moi je crois que je préfère aller me recoucher.

Guerre du feu (La)

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Réalisé par : Jean-Jacques Annaud (1943 - )
En : 1981, France
Acteurs principaux : Ron Perlman (1950 - )
Genre(s) : pauvre espèce humaine /à l'antique
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

A l'aube de l'humanité, différentes tribus de bipèdes s'étripent sauvagement pour des trucs idiots : une énergie qui réchauffe, un bout de territoire. Le feu s'éteint, et c'est la crise. C'est ce que subit le groupe de notre héros, un grand genre suédois, mais en moins bien peigné. Il est envoyé en reconnaissance avec deux autres barbus. Lors de sa mission, il aura l'occasion de faire des rencontres intéressantes : à défaut de monolithe, il y a d'autres bipèdes, et des animaux plus ou moins sympathiques (les éléphants sont très bien dans le rôle des mamouths). Il croise aussi une charmante femelle au maquillage corporel bouse-cendre toujours impeccable. Elle vient d'une tribu nettement plus avancée que la sienne, puisqu'elle a déjà inventé le rire et la position du missionnaire. Plutôt accueillante, la tribu : elle pratique l'hospitalité comme, un peu plus tard, les indiens de Little Big Man. On comprend tout sans un seul sous-titre. A l'aube de l'humanité, les hommes étaient déjà des hommes.

Sogni d'oro

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1981, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Remo Remotti (1924 - 2015)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella -toujours lui !- a (un peu) grandi. Il a fait un film sur la jeunesse (qui ressemble sans doute beaucoup à Ecce bombo), et est invité à en parler lors de projections publiques. Un emmerdeur a le chic d'y venir toujours lui poser la même question emmerdante (en gros : en quoi votre film emmerdant intéresse-t-il le peuple italien, le vrai ?) auquel il mettra le temps du film à répondre (en cinéma). Ca y est, donc, Michele a réalisé son rêve, il est un cinéaste, un vrai. Il vit encore avec sa maman tout en préparant son prochain film sur Freud et son complexe d'Oedipe, donc il se soigne. Il est aussi harcelé par deux frères-postulants assistants qui ne l'assistent pas beaucoup. Et enfin, il a des collègues-concurrents pas avares de compromissions qu'il peut affronter à sa guise et à armes égales (enfin presque). Il n'est jamais aussi bon qu'avec ses ennemis (lui-même et les autres), Michele, et qu'avec sa meilleure arme (en cinéma)…

Blade Runner

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Réalisé par : Ridley Scott (1937 - )
En : 1982, USA
Acteurs principaux : Harrison Ford (1942 - )
Genre(s) : c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 117 mn, couleur

Critique perso :

C'est en 2019 que les "répliquants" (créatures artificielles créées à l'image de l'homme) les plus évolués commencent à se poser des questions métaphysiques. A cette époque-là, ils passent haut la main le test de Turing, mais ont encore un peu de mal avec celui de Voight-Kampff : un truc qui, apparemment, a à voir avec la dilatation de leur pupille sous l'effet d'une émotion (ce qui ne les empêche pas de bosser comme des brutes dans des colonies lointaines). Ca les pousse à venir demander une augmentation (de durée de vie) à leur patron, à L.A. (devenu un souk asiatique brumeux). Deckard, lui, a la pupille exercée à repérer les répliquants (peut-être bien qu'il leur ressemble un peu trop, d'ailleurs) : il est chargé d'intercepter l'ambassade. Du coup, il commence à se poser des questions métaphysiques... Un must, à voir les pupilles (et les questions métaphysiques) bien ouvertes.

Fitzcarraldo

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Réalisé par : Werner Herzog (1942 - )
En : 1982, Allemagne
Acteurs principaux : Claudia Cardinale (1938 - ), Klaus Kinski (1926 - 1991)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine /épique pas toc
Caractéristiques : 158 mn, couleur

Critique perso :

Pour mener à bien un projet grandiose et utopique (construire un opéra en pleine forêt amazonienne pour y faire venir Carruzo), Fitzcarraldo (Fitzgerald pour ses ancêtres) est amené à en réaliser un autre plus fou encore (faire passer un bateau à pieds secs par dessus une montagne). Il sera aidé et trahi par des jivaros qui ont, encore plus que lui, le sens du rêve et de l'effort inutile. Il y a là-dedans toute la poésie de la technique (si je n'y étais pas sensible, je ne serais jamais devenue ingénieure) et tout le panache de la quête chimérique (si je n'en avais pas le goût, je n'aurais jamais fait de recherche). Qu'est-ce que les cinéastes ne feraient pas pour arracher au monde des images que personne n'y avait vu avant eux..?!

Yol

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Réalisé par : Yilmaz Güney (1937 - 1984)
En : 1982, Turquie
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 114 mn, couleur

Critique perso :

Portrait de quelques prisonniers turcs dans les années 80, le temps d'une permission. On en suit surtout cinq, que l'on reconnaît à la forme de leur moustache. Taciturnes, la mémoire lourde. Ils ne quittent leur geôle que pour constater que c'est leur pays tout entier qui est devenu une prison. Ils sont sans cesse contrôlés, fouillés ; l'armée est partout. Chacun doit se coltiner sa petite tragédie portative. Et pas facile de compter sur les autres, quand tout le monde a la tradition et l'honneur particulièrement chatouilleux. Contre la chappe de honte et de vengeance qui pèse sur ses compatriotes, le réalisateur plaide le pardon et la compassion. Portrait de la Turquie vue du trou, par un de ses artistes emprisonné. Un regard d'homme libre.

A nos amours

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Réalisé par : Maurice Pialat (1925 - 2003)
En : 1983, France
Acteurs principaux : Dominique Besnehard (1954 - ), Sandrine Bonnaire (1967 - ), Maurice Pialat (1925 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Suzanne n'aime personne (sauf son papa). Elle couche avec tout le monde (sauf avec celui qu'elle aime peut-être encore). Logique, elle a 15 ans. Sa carrière de collectionneuse commence en colonie de vacances, se poursuit de chambres d'amis en chambres d'hôtel, finit par un mariage qui se dépèche de mal finir. Que cache le lumineux visage de Sandrine Bonnaire ? Comment Pialat réussit-il à rendre si palpitantes ces morceaux de scènes banales, en vrac et comme prises par surprise, à la dérobée ? Mystère... Comme la vie.

E la nave va - Et vogue le navire

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1983, Italie
Acteurs principaux : Freddie Jones (1927 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 132 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au commencement était le cinéma. Il était muet, en noir et blanc et plein d'innocence. Et puis tout le reste est arrivé. Le son, la couleur, les officiels et les officiers, et l'innocence a dû mettre les voiles, avant de se faire rattraper par le monde en haute mer. C'est à peu près ça que le film raconte et aussi, sans doute, beaucoup d'autres choses. Autant que de spectateurs. Par exemple, une autre version pourrait être : quelque part avant la première guerre mondiale, un prince étranger (et sa cour), quelques fils à papa/maman, des jeunes premièr(e)s ingénu(e)s, des génies incompris et incompréhensibles, un journaliste, un rhinocéros gris et les cendres d'une célèbre cantatrice sont sur un bateau. Toute la civilisation, quoi, plus quelques passagers clandestins. A la fin, tout le monde tombe à l'eau, sauf le cinéma. Insubmersible comme le jouet de grand enfant génial.

King of Comedy (The) - Valse des pantins (La)

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Réalisé par : Martin Scorsese (1942 - )
En : 1983, USA
Acteurs principaux : Robert De Niro (1943 - ), Jerry Lewis (1926 - 2017)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, couleur

Critique perso :

Années 80, New-York, USA. Le culte aux alouettes du moment, c'est le talk-show télé mâtiné de stand-up. Son pape s'appelle Jerry, son plus fidèle adepte Rupert Pu(m)pkin. Rupert est un fan fou furieux, à tendances monomaniaques insistantes. Imposteur chieur, mythomane insupportable et content de lui, génial peut-être. Il rêve d'être Jerry à la place de Jerry. Et pour cela, il bosse dur : il s'entraine à faire la bise à Liza, à rire au bon moment aux blagues de ses invités, à affronter avec sérénité les applaudissements les plus déchainés... seul, au fond de sa cave, telle une citrouille qui croit se transformer elle-même en carrosse. Or, il ne faut jamais contrarier une citrouille mythomane, ça la rend capable de réussir... Portrait amer des enfants perdus de la télé, New-York, années 80, et partout ailleurs depuis.

Narayama bushiko - Ballade de Narayama (la)

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Réalisé par : Shohei Imamura (1926 - 2006)
En : 1983, Japon
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 130 mn, couleur

Critique perso :

4 saisons près de Narayama, en un temps indéterminé mais certainement lointain. Quelques familles sur 3 ou 4 générations, les travaux des champs, les pulsions des corps, le riz et la neige. Une petite société coupée de tout, sauf de ses besoins essentiels et de la nature. Pauvre, impitoyable, vivante. Trucculente, puisqu'il faut bien continuer à exister. Cruelle, par souci d'auto-préservation. Soucieuse de son honneur -même sans samouraïs- et panthéiste -même sans prêtres. L'éternelle histoire de la trahison des anciens, de la trahison des plus jeunes et de la fidélité au monde.

Rumble Fish - Rusty James

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1983, USA
Acteurs principaux : Nicolas Cage (1964 - ), Matt Dillon (1964 - ), Laurence Fishburne (1961 - ), Dennis Hopper (1936 - 2010), Mickey Rourke (1956 - ), Tom Waits (1949 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 94 mn, NB/couleur

Critique perso :

Un Rebel Without a Cause prend RDV avec un autre, pour une baston de parking. Il sont partis pour nous refaire le coup de West Side Story, en version expressionniste. Mais la dérive nous fait plutôt remonter aux sources d'un Gus Van Sant.. D'ailleurs, le vrai héros, c'est pas Rusty, le cogneur en bandana, c'est donc son frère, le grand Motocycle Boy, l'ex-roi du quartier. Il est de retour, justement, après quelques années d'errance, daltonien et à moitié sourd. Il ressemble à un ange en exil, à un prince déchu. En fait, le titre anglais évoque une espèce de poissons bagarreurs. L'histoire est vue depuis l'intérieur de l'aquarium, ou du dedans d'un vieux poste de télé en noir et blanc. De dedans l'enfance éternelle du souvenir.

Bianca

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1984, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Remo Remotti (1924 - 2015)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella (cf. épisodes précédents) est nommé prof de maths dans un collège romain modèle (juke box dans les salles de classe et psy à demeure pour les enseignants), et il continue à faire la tronche. Le monde tel qu'il est, ou devrait être, c’est toujours trop pour lui. Il serait peut-être un peu rigide sur les bords, d’ailleurs il n’aime que le chocolat et les chaussures des femmes. Même Bianca, la prof de français plus que modèle (d’ailleurs elle a de très jolies chaussures) qu’il arrive à draguer, elle est trop pour lui. Le couple, l’amour, c’est vraiment des trucs qui l’obsèdent et le dépassent. D'ailleurs, c’est jamais comme il faut, toujours trop ou pas assez bien. Eternel inadapté, rigide sur les bords, l'esprit pas très bianco. Débordé de partout, le Michele.

Forbrydelsens element - Element of Crime (The)

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Réalisé par : Lars von Trier (1956 - )
En : 1984, Danemark
Acteurs principaux : Preben Lerdorff Rye (1917 - 1995)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 104 mn, couleur

Critique perso :

Fisher est un drôle de pêcheur en eaux troubles. Celles de sa mémoire, surtout, qui a l'air un peu perturbée. On y pêche quelques cadavres et un vieux prof, auteur d'un manuel pour enquêteurs (Element of Crime). Fisher, c'est celui qui passe de la théorie à la pratique. Il se lance donc sur les traces d'un certain Harry Gray, tueur en série potentiel, en prenant soin de faire tout comme lui, et de ne jamais voir la lumière du jour. C'est risqué mais ça marche -au cinéma, en tout cas. Le film entier, d'ailleurs, est en noir et mordoré -surtout en noir, en fait, et très beau. L'enquête, elle, est aussi fumeuse que celle d'Alphaville, et sous influence Borgès et Troisième homme. Le jeune homme qui a commis ça a visiblement lu tous les bons manuels de cinéma, il n'a peur ni de la théorie ni de la pratique, ni des plongées en eaux troubles -ça lui resservira !

Hit (The)

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Réalisé par : Stephen Frears (1941 - )
En : 1984, Angleterre
Acteurs principaux : John Hurt (1940 - 2017), Fernando Rey (1917 - 1994), Tim Roth (1961 - ), Terence Stamp (1939 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Trois hommes (et occasionnellement une femme) sont dans une voiture. En fait, deux d'entre eux ont la mission de tuer le troisième. Mais pas tout de suite. Pas trop vite. La vengeance, en Espagne, se boit frappée. Le troisième, il a joué à la balance, dans un tribunal anglais, 10 ans avant. Depuis, il a migré plein sud, s'est mis à lire, à réfléchir et à attendre. Les deux autres n'ont visiblement pas utilisé leur temps de la même façon. Mais chacun a ses petites faiblesses. Ce road-movie de croix avec virages dangereux, crochets imprévisibles et stations sanglantes intégrés, pratique l'humour noir au grand air, et cueille à froid en plein soleil.

Nuits de la pleine lune (Les)

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Réalisé par : Eric Rohmer (1920 - 2010)
En : 1984, France
Acteurs principaux : Tchéky Karyo (1953 - ), Fabrice Luchini (1951 - ), Pascale Ogier (1958 - 1984)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Louise vit en banlieue avec Rémi. Mais Louise habite aussi Paris, et sort avec Octave, qu'elle adore tout en se refusant à lui. Elle aime aussi aller danser dans des soirées ; elle se laisse draguer par Damien. Les soirs où elle préfère être seule, c'est parce qu'elle n'a réussi à débaucher personne au téléphone. Elle ne sait pas ce qu'elle veut, Louise ? Si, elle sait très bien : elle veut autre chose, pour s'assurer qu'elle a bien ce qu'elle a. Elle veut être libre. En fait, Louise, d'abord, elle fait. Après, elle raisonne. Et elle s'explique si bien qu'elle arrive à se croire elle-même (mais être libre, c'est vouloir ce que l'on peut et pas pouvoir ce que l'on veut, disait Jean-Paul). Et la lune, là-dedans ? C'est peut-être la vraie cause de tout, mais on ne le saura jamais.

Sans toit ni loi

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Réalisé par : Agnès Varda (1928 - )
En : 1985, France
Acteurs principaux : Sandrine Bonnaire (1967 - ), Yolande Moreau (1953 - )
Genre(s) : en France profonde /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Un sale matin, Mona est retrouvée morte de froid dans un fossé. Mona faisait la route, celle du sud, autour de Nîmes. Elle a croisé le petit monde des sédentaires du cru. Elle a partagé un peu de leur vie, leur a tendu le miroir de ce qu'ils ne sont pas, ou plus, ou n'oseront jamais être : libre... Elle les emmerde, elle n'est pas sympa, Mona. Plutôt hargneuse, rageuse : c'est que sa vie en dépend. Elle ne la préserve que tant qu'elle bouge, tant qu'elle suit la direction pointée par cette main tricottée sur son pull (la même main que dans Jacquot de Nantes, sans doute). Mona, c'est comme une nomade sans chameaux dans le désert du monde. Un faux docu qui est un vrai grand film, sur une autre façon d'être en vie, sur une autre façon de faire du cinéma.

Trouble in Mind - Wanda's cafe

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Réalisé par : Alan Rudolf (1943 - )
En : 1985, USA
Acteurs principaux : Geneviève Bujold (1942 - ), Keith Carradine (1949 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

On dirait un vieux film noir -peut-être même un western- vaguement modernisé et relooké... Dans le saloon de Wanda -le genre revenu de tout-, donc, on trouve un ancien flic -le genre arrivé de nulle part- et un jeune couple -le genre à trainer partout. Un peu d'amour, un peu de trafic, un peu d'embrouille et le destin s'emballe une fois de plus pour ceux-là. Ils donnent l'impression de vivre une histoire écrite pour d'autres, de faire et refaire des gestes ancestraux presque malgré eux. La routine des tragédies humaines, quoi...

Down by Law

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Réalisé par : Jim Jarmusch (1953 - )
En : 1986, USA
Acteurs principaux : Roberto Benigni (1952 - ), John Lurie (1952 - ), Tom Waits (1949 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 107 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire de trois mecs. Une belle bande de d'innocents vauriens qui, au bout d'1/4h de film, partagent la même cellule merdique d'une prison de la Nouvelle Orléans. Trois mecs, trois genres. Y'en a un qui sait écouter les filles sans rien dire (il est maquereau). Un autre, il sait très bien si besoin parler pour ne rien dire (il est DJ dans une station de radio) mais en général, il ne la ramène pas trop non plus. D'ailleurs, ces deux-là, c'est un peu les deux côtés d'une même médaille, celle des vrais mecs merdiques qui énervent les filles. Le vrai autre, c'est le troisième : un étrange étranger, un petit mec pas viril et rigolard qui apprend la langue et, du même coup, remet les compteurs sémantiques de tout le monde à zéro. Il ne sait rien faire (ni nager, ni chasser, ni parler correctement), et c'est lui qui fait tout mieux que tout le monde, même chopper les filles. Mais en fait c'est normal, c'est le seul qui sait les écouter. Trois mecs et un oeil de femme pour finir : pas assez pour passer le test de Bechdel, mais on n'arrive pas à lui en vouloir.

Déclin de l'empire américain (Le)

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Réalisé par : Denys Arcand (1941 - )
En : 1986, Canada
Acteurs principaux : Dorothée Berryman (1948 - ), Pierre Curzi (1946 - ), Rémy Girard (1950 - ), Yves Jacques (1956 - ), Dominique Michel (1932 - ), Louise Portal (1950 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 101 mn, couleur

Critique perso :

Quand un universitaire rencontre un autre universitaire, ils se racontent des histoires... de cul (d'ailleurs, c'est clair, ils ne pensent qu'à ça). Il y a 4 hommes (côté cuisine) et 4 femmes (côté salle de gym). Quand ils se rejoignent, ça ne fait pas exactement 4 couples : les histoires d'amour, c'est toujours beaucoup plus compliqué. Ils ont tout vu, tout pensé, tout vécu. Ils jouissent beaucoup de l'art de la parole, même s'il leur arrive parfois de se rappeler que c'est aussi une arme avec laquelle on peut faire mal. Le film est comme eux : brillant, drôle et amer, plein de la mélancolie de ceux qui ont lu tous les livres. Rendez-vous dans 15 ans pour voir comment on peut vieillir avec de tels bagages.

Fly (The) - Mouche (La)

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Réalisé par : David Cronenberg (1943 - )
En : 1986, Canada
Acteurs principaux : Geena Davis (1956 - ), Jeff Goldblum (1952 - )
Genre(s) : c'était demain /culte ou my(s)tique /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Le brillant professeur Brundle a le mal des transports. Alors, il travaille sur le voyage immobile : la téléportation... C'est presque au point, il ne lui manque plus que le brin de folie final. C'est justement ce que lui apporte la belle Veronica, journaliste scientifique émoustillée par la découverte du siècle... et par Brundle. Ayant goûté aux vertiges de la chair, le cérébral professeur est enfin prêt à toutes les hybridations : un soir de beuverie, il se décide à tester sa machine sur lui-même. Le seul problème c'est que, ce soir-là, une mouche a la même idée, au même moment, au même endroit. La machine s'emmêle un peu les ADN, et recrache un superbe OGM : Organisme Génétiquement Monstrueux, mi-mouche mi-Brundle. Au début, tout va bien : Brundle apprend à marcher sur les murs comme Spiderman. Mais bientôt, il récupère la tête d'Elephant man et ça devient moins rigolo pour lui et son entourage. Cronenberg a tout compris : le monstre est en nous depuis toujours et la mouche est l'avenir de l'homme.

Ginger e Fred - Ginger et Fred

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1986, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Giulietta Masina (1920 - 1994), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 125 mn, couleur

Critique perso :

Dans ses derniers films (et celui-ci est sans doute le premier de ses derniers films), Fellini combat son ennemi intime : la télé-Berlusconi (petit jeune plein de cheveux et d'avenir, à l'époque). Pour Noël, elle ratisse large, la TV : elle se transforme en fête foraine, en foire aux sosies, en marché aux héros et en Freaks en tout genre (bienvenue au pays des monstres gentils !). Au milieu d'eux : un vieux faux couple composé d'une ex-pseudo Ginger et d'un ancien simili Fred. Ils ont eu leur 1/4h de gloire avec leur show dansant, quand tout le monde savait encore à qui leur nom d'artiste faisait référence. Mais le monde petit écran n'est plus le leur. Il n'est pas non plus tout à fait le nôtre : les rues sont pleines de poubelles fumantes façon Soleil vert, il y a des télés dans toutes les pièces, conformément à la prédiction de Charly. Nous sommes dans une sorte de science fiction sauce bolognaise, un enfer pavé de publicités vulgaires. Le terreau puant est bien là ; les éclats de poésie qui y poussent aussi.

Hannah and her Sisters - Hannah et ses soeurs

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1986, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Michael Caine (1933 - ), Mia Farrow (1945 - ), Carrie Fisher (1956 - 2016), Barbara Hershey (1948 - ), Fred Melamed (1956 - ), Maureen O'Sullivan (1911 - 1998), Dianne Wiest (1948 - ), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Trois soeurs : la première joue au théâtre, la deuxième se cherche, la troisième se shoote (enfin, c'est du passé). Deux hommes (et même un peu plus) qui passent de l'une à l'autre : les veinards, ils ont l'ambarras du choix ! Deux années qui s'écoulent et Thanksgiving qui reste. Assez pour changer d'avis, décider de partir ou de revenir. Assez pour se poser pas mal de questions sur l'amour, la mort, la fraternité et la réussite d'une vie, par exemple. Un entrelacs de destins, de souvenirs, d'espoirs, toute la palette des sentiments. Et, pour les parcourir, toute la palette de la technique : voix off, flashs-back, montage virtuose, fantasmes et réalité qui se mèlent. New York : dedans (appartements bourgeois, loft d'artiste, librairie, restaurants, hôtels, hôpital), dehors (immeubles, parcs, baie) et la Soupe au canard... Mais comment c'est possible de mettre autant de choses dans un seul film !

Matador

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Réalisé par : Pedro Almodovar (1949 - )
En : 1986, Espagne
Acteurs principaux : Antonio Banderas (1960 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

C'est l'histoire de deux serial killers très glamours, des corrida-addicted qui ne jouissent qu'en sacrifiant leur partenaire. Ils sont donc tout naturellement faits depuis la nuit des temps pour s'embrocher mutuellement à la mode Escamillo dans un orgasme sublime... Eros et Thanatos sont potes, on le sait au moins depuis Duel au soleil. Avec ce film, Almodovar a voulu faire son Pandora pervers (clone d'Ava Gardner compris). Il y a mis toutes les névroses de l'Espagne : l'Opus Dei, les mères abusives et les arènes de sable chaud. Dans cette succession de couples en rouge et noir, anges et démons se bousculent : lesquels sont les taureaux, lequels sont les toreros ? C'est pas toujours clair. Le film est un tantinet abstrait et théorique. Pas si mal pour un quasi-débutant.

Dead (The) - Gens de Dublin (Les)

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1987, USA
Acteurs principaux : Angelica Huston (1951 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 79 mn, couleur

Critique perso :

Un soir de réveillon en bonne compagnie à Dublin, 1904. Des vieilles tata-gateaux, leur neveu chéri, raisonnable et éloquent, quelques artistes sur le retour, quelques jeunes gens plein d'avenir, quelques parasites. Et quelques fantômes. Dehors, il neige. Dedans, tout est en ordre. Chacun y va de sa petite performance, près du piano ou du whisky. Des conversations anodines, de la musique et du pudding. Rien. Dans cet océan de bienséance, errent pourtant les ombres blanches de passions endormies. De secrets du coeur qui affleurent, tels des icebergs à la dérive. D'autres vies possibles qui refont surface, après la fête. D'autres mondes, d'autres gens. Aux côtés des vivants déjà morts, il y a des morts bien vivants. Qui étaient cachés dans l'ombre, ce soir-là, pour ce réveillon en bonne compagnie à Dublin, en 1904.

Dangerous Liaisons - Liaisons dangereuses (Les)

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Réalisé par : Stephen Frears (1941 - )
En : 1988, USA
Acteurs principaux : Glenn Close (1947 - ), John Malkovich (1953 - ), Michelle Pfeiffer (1958 - ), Uma Thurman (1970 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 119 mn, couleur

Critique perso :

Ce sont des experts en cruauté, des docteurs ès alcôves, des professionnels du coeur humain. Ils s'appellent Valmont et Merteuil, respectivement Vicomte et Marquise de. Ils ont compris avant tout le monde que le pouvoir repose sur le contrôle de la circulation de l'information (à l'époque : la correspondance). Ils sont persuadés de reigner sur leurs propres sentiments mais c'est à force de se mentir à eux-mêmes. Ils sont pervers, raffinés, libertins. Extrêmement brillants. Ils se lancent des défis absurdes, dans le seul but de faire souffrir. Ils y arrivent souvent. Ils vivent dans le plaisir et sont malheureux comme des chiens. Le film n'est pas complètement à la hauteur du livre, mais quelque chose de la fine fleur de l'esprit français y passe malgré tout.

Dekalog - Décalogue (Le)

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Réalisé par : Krzysztof Kieslowski (1941 - 1996)
En : 1988, Pologne
Acteurs principaux : Daniel Olbrychski (1945 - ), Zbigniew Zamachowski (1961 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 550 mn, couleur

Critique perso :

Le Décalogue, c'est ce truc en 10 leçons pour apprendre à compter sur ses doigts, qui date d'au moins 3000 ans avant Jean-Paul II, que Charlton Heston a descendu du Mont Sinaï avec de la poussière dans la barbe et des étoiles dans les yeux... En plus, au Trivial Pursuit, on en oublie toujours un ou deux. Le Décalogue, c'est aussi le pari fou d'un cinéaste génial, réalisé pour la télé polonaise, à une époque où son pays roulait en pots de yaourt derrière le rideau de fer.
Dix films, donc : environ 1h chacun, quelques dizaines de personnages. Ils habitent presque tous le même bloc d'immeubles tristes de Varsovie. De multiples liens les relient entre eux, à leurs voisins de palier et au reste du monde. Ils sont profs, artistes, médecins ou chauffeurs de taxi : des pros de la condition humaine, donc. Le co-scénariste, lui, est avocat : un pro, lui aussi. Il plaide ici la cause de ses semblables, ces bonshommes maladroits qui rêvent de contrôle et de maîtrise. Ces dix histoires ne donnent aucune leçon. Elles ne mettent pas en scène des cas de conscience ; elles évoquent juste ces moments où le sort d'une vie se joue sur le fil d'un rasoir. Où l'âme est au bord du précipice, où un regard muet peut tout changer. Elles montrent que chaque homme est le miroir de ses semblables. Dans ces films, on croise le vertige métaphysique au coin d'un bloc de béton. Les acteurs nous sont inconnus mais ils sont nos proches, nos tout proches. Quant à la nature, aux décors et aux objets, ils n'ont jamais joué aussi bien dans aucun autre film...

Family Viewing

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Réalisé par : Atom Egoyan (1961 - )
En : 1988, Canada
Acteurs principaux : David Hemblen , Arsinée Khanjian (1958 - ), Gabrielle Rose (1954 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 86 mn, couleur

Critique perso :

Aline, jeune femme esseulée et Van, jeune garçon perturbé, se rencontrent dans un hospice, aux chevets respectifs de leur mère vs. grand-mère, toutes deux aussi mal en point. La jeune femme vie en faisant semblant d'aimer des hommes au téléphone. Le jeune garçon a une gentille famille recomposée qui a l'air de sortir d'un mauvais sitcom. Mais, dans leur chambre, son père et sa belle-mère se fabriquent d'autres feuilletons amateurs, plus personnels, en effaçant sur des vieilles cassettes vidéos les images de la mère, qui s'est tirée, et de la grand-mère malade. Des fois, avec l'aide de la voix d'Aline. Les images effacent les images, les gens remplacent les gens, la vie est une grande aventure par procuration. Egoyan, qui n'en est qu'à son deuxième film, se préoccupait déjà pas mal des trous de mémoire de l'histoire personnelle, et des traces qui se supperposent.

Do the Right Thing

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Réalisé par : Spike Lee (1957 - )
En : 1989, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Spike Lee (1957 - ), John Turturro (1957 - )
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

A Brooklyn comme ailleurs, des fois, il fait trop chaud pour travailler. Mais, à Brooklyn, y'a juste un peu plus de noirs qu'ailleurs en Amérique. Et un peu d'italo-américains, aussi. Entre autres. Un beau melting pot dans une cocotte-minute. Y'en a quelques uns qui travaillent, quand même, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Y'en a beaucoup qui causent, aussi. Ou alors qui se contentent de regarder. Ou qui écoutent de la musique. Un peu trop fort, parce qu'il fait trop chaud, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Ou alors, c'est la pizza qui était un peu trop épicée. En tout cas, c'est sûr, il faisait trop trop chaud dans cette cocotte-minute. Fallait que ça sorte, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Des fois, à Brooklyn ou ailleurs, il fait trop chaud pour vivre.

Jésus de Montréal

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Réalisé par : Denys Arcand (1941 - )
En : 1989, Canada
Acteurs principaux : Lothaire Bluteau (1957 - ), Rémy Girard (1950 - ), Yves Jacques (1956 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Quelle mouche a bien pu piquer l'auteur du Déclin de l'empire américain pour qu'il se lance ainsi, lui le chantre des intellos libertins, dans un Jésus au pays du show-biz -anticlérical certes, mais très fidèle aux Evangiles ? En fait, il parle toujours de la même chose : des fondements de la civilisation occidentale (la raison, la foi) et de ce qui la menace (l'argent, le commerce des corps). Et par la même occasion, il rend hommage aux acteurs de théâtre, à Dostoievski, à l'Homme qui en savait trop et à To Be or Not to Be. Pour tout cela, il lui sera beaucoup pardonné.

Kuroi ame - Pluie noire

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Réalisé par : Shohei Imamura (1926 - 2006)
En : 1989, Japon
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 123 mn, NB

Critique perso :

Hiroshima, seconde zéro. Ben oui, le cinéma peut montrer ça, aussi -façon Retour des morts vivants. Pas de chance, Yasuko y était, -avec son oncle et sa tante. Ils ont survécu. 5 ans plus tard : apparemment, la communauté des hommes s'est reconstituée, la nature a repris son cours. Mais pas besoin de gratter beaucoup pour voir les cicatrices, les malaises, les soupçons. Les "irradiés d'après" sont toujours fatigués. Malgré ses certificats de santé et sa beauté, Yasuko ne trouve pas de mari. Le poison atomique prend son temps, mais il n'oublie personne. La mort lente est au travail, dans les corps et dans les têtes. On dirait du Ozu (conta)miné de l'intérieur par un ver invisible, saoûlé au désespoir calme.

Sex, Lies, and Videotape - Sexe, mensonges et vidéo

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Réalisé par : Steven Soderbergh (1963 - )
En : 1989, USA
Acteurs principaux : Peter Gallagher (1955 - ), Andie MacDowell (1958 - ), James Spader (1960 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Un mari riche, beau, à qui tout réussit -même ses infidélités. Une parfaite épouse bourgeoise qui n'aime pas qu'on la touche. La soeur, artiste sur les bords, qui couche avec le mari. Un doux copain d'enfance du mari, un peu paumé, qui n'a plus envie de toucher. Le sexe, ce sont les non pratiquants qui en parlent le mieux -les autres ont mieux à faire. Ce sont les seuls, aussi, à savoir qu'ils ne vont pas bien -les autres ont autre chose à penser. Voilà un jeune cinéaste qui nous dit qu'il est temps de ne plus passer autant de temps à mater des images, et qui soigne sa névrose avec celles de ses personnages. On lui souhaite toutes les névroses de la terre.

Sono otoko, kyobo ni tsuki - Violent cop

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Réalisé par : Takeshi Kitano (1947 - )
En : 1989, Japon
Acteurs principaux : Takeshi Kitano (1947 - ), Susumu Terajima (1963 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Une histoire de petits délinquants et de grands dealers. L'affrontement d'un policier autiste, en guerre contre tout le monde, et d'un tueur sadique. La confrontation entre des yakusas pourris et des flics pourris. La violence anonyme de la ville, la froideur de la nuit. Des corps et des murs. Une histoire de douleurs muettes, aussi, de coups de poing et de coups de feu. Pour respirer (un peu) : la mer, et Chagall (mais pas plus de 2mn). Très prometteur et aussi noir que son humour, c'est dire.

A Fei zheng chuan - Nos années sauvages

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Réalisé par : Kar-wai Wong (1958 - )
En : 1990, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Leslie Cheung (1956 - 2003), Maggie Cheung (1964 - ), Andy Lau (1961 - ), Carina Lau (1964 - ), Tony Leung Chiu Wai (1962 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 94 mn, couleur

Critique perso :

Un play-boy de Hong-Kong et quelques unes de ses victimes, années 60. En sous-vêtements blancs devant son miroir ou dans sa voiture de minet, il est toujours charmant, toujours fuyant. Irrésistible auprès des filles. Son secret, c'est qu'il connaît les formules magiques qui rendent inoubliable le tour d'une aiguille sur le cadran d'une montre. Son autre secret, c'est qu'il ne sait pas qui est sa mère et qu'il est très malheureux (mais c'est pas une excuse pour faire pleurer les filles). Et le secret qu'il ignore lui-même, c'est que son temps est compté, comme celui de l'oiseau sans pattes qui ne vit que le temps d'un vol, et qui sert de métapore au film. L'univers, les obsessions, les personnages de Wong sont déjà là. Aucune ombre ne manque à ses lumières, aucune occasion manquée ne manque à son scénario. Portrait de l'artiste en jeune homme mélancolique, et en jeunes femmes tristes.

Angel at My Table (An) - Ange à ma table (Un)

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Réalisé par : Jane Campion (1954 - )
En : 1990, Nouvelle-Zélande
Acteurs principaux : Kerry Fox (1966 - )
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 158 mn, couleur

Critique perso :

Forcément, avec son gros corps maladroit, ses frusques usées et sa grosse tignasse rousse sur les verts patûrages néo-zélandais, elle fait un peu tache. Et puis, ça vit dans un trou à rats et ça voudrait faire des études littéraires ? Janet Frame -c'est son nom- est pourtant paraît-il une des plus grandes écrivaines de son pays. Mais, toute sa vie, elle s'est sentie de trop, pas à la bonne place, pas à sa place du tout. La bonne société de son temps pensait visiblement la même chose, puisqu'elle l'a envoyée des années entières chez les fous, avec doses réglementaires d'électrochocs. Le plus dingue, c'est qu'elle s'en soit sortie. En scènes brèves et quotidiennes, défile la vie très ordinaire d'un très banal génie terriblement timide. Et ça donne le seul biopic supportable que je connaisse, parce que son héroïne n'est pas une star, que sa vie est le contraire du glamour et qu'elle n'a jamais eu aucun destin à accomplir, à part celui de faire tache. Une vraie artiste, quoi.

Edward Scissorhands - Edward aux mains d'argent

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Réalisé par : Tim Burton (1958 - )
En : 1990, USA
Acteurs principaux : Johnny Depp (1963 - ), Vincent Price (1911 - 1993), Winona Ryder (1971 - ), Dianne Wiest (1948 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /pauvre espèce humaine /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

D'un côté, l'Amérique tranquille des banlieues cossues : parcelles identiques, façades pastel, grosses voitures et jardinets bien entretenus. L'endroit est habité par une peuplade de desperate housewises expertes en cosmétiques, entre qui la moindre info circule à la vitesse du téléphone. De l'autre côté, l'imaginaire tourmenté des cauchemars gothiques : un chateau mystérieux, un inventeur fou, sa créature inachevée qui se cache dans le grenier... (elle s'appelle Edward, c'est un Pinocchio de cuir et de fer, un éternel enfant blessé). Comment ces deux enfances-là pourraient-elles bien s'entendre et s'apprivoiser ? Laquelle, d'ailleurs, a le plus besoin de l'autre ? Invention en direct d'une nouvelle poésie, d'un nouveau mythe.

Godfather: Part III (The) - Parrain III (Le)

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1990, USA
Acteurs principaux : Helmut Berger (1944 - ), Andy Garcia (1956 - ), Diane Keaton (1946 - ), Jo Mantegna (1947 - ), Al Pacino (1940 - ), Remo Remotti (1924 - 2015), Raf Vallone (1916 - 2002), Eli Wallach (1915 - 2014)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 162 mn, couleur

Critique perso :

20 ans plus tard... Désormais, Michaël est clean : plus rien d'illégal dans son activité, il est simplement devenu capitaliste immobilier. Il est aussi diabétique, papa gateau et en quête de rédemption. Il a bien un neveu un peu turbulent qui voudrait renouer avec les bonnes vieilles méthodes (ça, c'est le côté Mean Street) mais lui préfère traiter avec les huiles de la finance et du Vatican (ça, c'est le côté Tempête à Washington et Le Cardinal). Son seul fiston veut devenir chanteur lyrique, et ne trouve rien de mieux à faire que d'entraîner tout le monde dans une représentation piégée (ça, c'est le côté Homme qui en savait trop). Mais Michaël en a vu d'autres : malgré ses cheveux blancs, il a encore de l'allure et pourrait bien re-séduire Kay (ça, c'est le côté Dallas). Le crépuscule de la lignée vaut bien un dernier opéra.

Tè nel deserto (Il) - Thé au Sahara (Un)

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Réalisé par : Bernardo Bertolucci (1940 - )
En : 1990, Italie
Acteurs principaux : John Malkovich (1953 - ), Debra Winger (1955 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 138 mn, couleur

Critique perso :

Ca commence dans le New-York des années folles, ça se termine dans les dunes du Sahara. Y paraît que ce serait l'histoire d'un couple qui se noie dans les sables. En fait non, c'est l'histoire d'une femme qui tente la traversée de son désert intérieur. A la rame, en solitaire. Comme dans l'appart' désert du Dernier tango à Paris. De mari en amants, sur des terres de plus en plus arides, sauvages, étrangères, elle devient de plus en plus aride, sauvage, étrangère à elle-même. On ne sait pas trop si on la plaint ou si on l'envie. C'est comme un voyage dans le temps, aussi, ou une expédition à la recherche d'une source perdue. Pour voir ce qu'il reste quand la civilisation a sombré : de la sensualité, du soleil et du désespoir.

Voce della luna (La)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1990, Italie
Acteurs principaux : Roberto Benigni (1952 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Un poète à lunettes rondes et aux yeux en soucoupes entend la lune lui parler. Sa vie (ou sa mémoire ou son imagination ?) est peuplée de gens bizarres : un vieux con parano, des madonnes, des Cendrillon, des hommes pas à la hauteur, le roi et la reine des gnocchis (qui président à l'élection de Miss Farine), des cerbères policiers à poils longs, des jeunes qui aiment Michael Jackson (entre autres). La cacophonie règne. Sa vie (ou sa mémoire ou son imagination ?) est pleine de ronds, de trous, de trappes, de puits et de passages ovoides (quasiment un par plan) : c'est comme si la lune faisait des petit(e)s. Et quand, à la fin, trois frangins allumés finissent par la décrocher (la lune), cela n'étonne personne. La télé essaie bien de l'interviewer, mais, heureusement, elle ne parle qu'au poète. Elle lui conseille de faire silence -ce que Fellini, hélas, s'empresse de faire.

Adjuster (The)

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Réalisé par : Atom Egoyan (1961 - )
En : 1991, Canada
Acteurs principaux : David Hemblen , Arsinée Khanjian (1958 - ), Elias Koteas (1961 - ), Gabrielle Rose (1954 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Noah est un agent d'assurance. Pas le genre vendeur-arnaqueur à bagout. Non, lui ce serait plutôt le genre sérieux-compatissant. Il n'intervient qu'après les sinistres, pour s'occuper des clients qui avaient souscrit avec lui. Et il s'en occupe bien de ses clients (avec une préférence certaine pour les victimes d’'incendies). Il les soigne, les loge dans le motel du coin, leur rend visite, les bichonne et (souvent) plus si affinités. Il a une jolie femme modèle, aussi, avec un travail tout ce qu'il y a de plus sérieux et officiel : pour le compte du gouvernement, elle passe son temps à visionner des cochonneries (elle fait partie d'une espèce de commission de classification des images pornos). Ils forment une famille modèle, avec enfant et sa soeur à elle, et vivent dans une maison modèle au milieu de nulle part. Un maison qui a l'air d'avoir servi d'exposition pour un lotissement qui ne s'est jamais construit. Bon, l'histoire évidemment ne se réduit pas à ça. Il y a beaucoup d'autres personnages. Des visiteurs, des passants, des figurants, Ou bien des rodeurs, des mystificateurs, des prédateurs, allez savoir… Pas beaucoup de différences entre tout ça, la frontière est mince et poreuse entre la vie et son cauchemar. La vie, ce truc fourni sans garanties et sans assurances, et sans modèle...

Barton Fink

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Réalisé par : frères Coen
En : 1991, USA
Acteurs principaux : Steve Buscemi (1957 - ), Judy Davis (1955 - ), John Goodman (1952 - ), John Turturro (1957 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 116 mn, couleur

Critique perso :

Barton, dramaturge qui en a sous la tignasse, vient de triompher sur les planches de New-York avec sa pièce : une histoire de vrais gens. Hollywood, en plein âge d'or, l'appelle. Sur place, sans doute pour ne pas perdre le contact avec les vrais gens, il prend un hôtel hors du temps. Un nabab lui passe commande d'un scénario de film de catch - c'est dans ses cordes, ça le catch, avec des vrais gens... Barton retourne à ses p(l)ages blanches et au papier peint de sa chambre. Hors le monde, hors la vie -sauf celle de son encombrant et bavard voisin de pallier. Quand, enfin, il arrive à attirer dans son lit la muse d'un grand-écrivain-du-sud-alcoolo (toute ressemblance avec un auteur dont le nom commence par Faulk...), la mécanique dramatique folle démarrre enfin. Barton se laisse alors un peu déborder par son encombrant et bavard voisin de synapse... Méfiez-vous des réalisateurs à tignasse : ils sont capables de faire de grands films avec des tocards.

My Own Private Idaho

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Réalisé par : Gus Van Sant (1952 - )
En : 1991, USA
Acteurs principaux : River Phoenix (1970 - 1993), Keanu Reeves (1964 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 104 mn, couleur

Critique perso :

Mike vit dans la rue. Des fois il tombe -littéralement- de sommeil. Il a des blancs, c'est-à-dire des trous noirs. Et le film aussi. Et
Mike gagne le peu de vie qui lui reste en se prostituant. Auprès des hommes, des femmes. Mais il préfère les hommes. Surtout Scott, qui lui aussi tapine. Sauf que lui, c'est l'héritier d'une grande lignée. Il est juste là pour faire chier son papa. Il fait le voyou pour de faux. A sa majorité, il sera riche. Et
Ils sont différents et ils se ressemblent. Des fois, ils parlent comme Shakespeare (Henri IV). Des fois
C'est deux vies qui vont diverger radicalement. Une, c'est l'enfance d'une star -pardon, d'un chef. L'autre, c'est un drôle de voyage en pointillé, au goût de gruyère (surtout les trous). Toujours au bord ou au fond du trou. Et qui ne va pas tarder à y rester pour de bon.
Shakespeare dans le caniveau.

Toto le héros

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Réalisé par : Jaco van Dormael (1957 - )
En : 1991, Belgique
Acteurs principaux : Michel Bouquet (1925 - ), Bouli Lanners (1965 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 91 mn, couleur

Critique perso :

Au moment de sa sortie (j'étais jeune), j'avais adoré. Evidemment, maintenant que je vois les sources (Boulevard du Crépuscule, Sueurs froides, Le Mépris entre autres, et quelques poèmes) et les coutures (tout arrive 2 fois, comme dans Little Big Man), ça m'impressionne moins. N'empêche, l'idée de départ est formidable : le héros, Toto von Chickensoup, belge pur frites, est persuadé d'avoir été échangé à sa naissance, et d'avoir donc vécu une vie qui n'était pas faite pour lui. Il a le complexe de l'imposteur à l'envers, il se sent déguisé malgré lui en type banal. Il faut dire que son horloge interne s'est arrêtée quand il avait sept ans, pour le punir d'avoir un peu trop aimé sa grande soeur. Cette histoire d'une vie sans histoire - et sans vie - a le charme et la maladresse d'un conte pour ceux qui n'ont jamais appris à faire la différence entre leurs rêves et leurs souvenirs.

Van Gogh

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Réalisé par : Maurice Pialat (1925 - 2003)
En : 1991, France
Acteurs principaux : Jacques Dutronc (1943 - ), Elsa Zylberstein (1968 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 158 mn, couleur

Critique perso :

Un type descend d'un train, va se faire soigner chez un docteur, mange et dort dans une auberge à 3 sous. Il a le dos courbé et l'air de se foutre de tout. Il enfile des canons avec les paysans du coin. Ce qui fait drôle, c'est quand on le voit peindre dans les champs les tableaux les plus chers du monde, et que les autres l'appellent Van Gogh sans avoir l'air de comprendre ce qu'ils disent. Les femmes l'aiment, les hommes le supportent plus difficilement, font mine de s'intéresser à sa peinture. L'étrangeté du monde est dans ses toiles, son étrangeté au monde est dans son regard -celui de Jacques Dutronc dont l'ironie muette et l'inquiétant détachement donnent le vertige. Ce type là n'est pas doué pour le bonheur, juste pour en donner aux autres. Du très très grand art...

Husbands and Wives - Maris et femmes

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1992, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Judy Davis (1955 - ), Mia Farrow (1945 - ), Sydney Pollack (1934 - 2008)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, couleur

Critique perso :

Woody en mode autofiction, play and play again. Ca se gâte dans son couple, il se rattrappe comme il peut, caméra au poing, poing à la caméra, devant et derrière. Il se dédouble en deux couples amis qui forment les deux piliers du récit : le premier a décidé de se séparer, l'autre va apparemment plutôt bien. Moins de deux heures plus tard, ils ont échangé leurs maillots comme des joueurs de foot... Le film orchestre leur errance, en serrant au plus près leur corps qui fait le contraire de ce qu'ils disent avec pourtant plein de conviction et de rationnalité apparente. Le spectateur est aussi invité aux séances psy de tout ce beau monde et se régale de tant de mauvaise foi. On rit de se voir si vil dans son miroir.

Orlando

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Réalisé par : Sally Potter (1949 - )
En : 1992, Angleterre
Acteurs principaux : Lothaire Bluteau (1957 - ), Tilda Swinton (1960 - ), Billy Zane (1966 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 94 mn, couleur


Twin Peaks: Fire Walk with Me - Twin Peaks - les 7 derniers jours de Laura Palmer

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Réalisé par : David Lynch (1946 - )
En : 1992, USA
Acteurs principaux : Sheryl Lee (1967 - ), David Lynch (1946 - ), Kyle MacLachlan (1959 - ), Harry Dean Stanton (1926 - 2017)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 135 mn, couleur

Critique perso :

Evidemment, avant le film il y a eu la série, qui raconte ce qui se passe après. Alors, dès le début, le rouge est mis. C'est comme si le compte à rebours était enclenché, la bombe à retardement amorcée, mais au ralenti. Pourtant, filmer le destin en marche ne suffit pas, il faut aussi en montrer les esprits maléfiques et les demi-Dieux, les démiurges et les oracles. Or, les oracles ne sont pas fameux, on prédit qu'une jeune fille sera sacrifiée. Que d'ailleurs, c'est déjà fait, et qu'en plus la jeune fille est de toute façon pervertie jusqu'au trognon. Le FBI est sur le coup, avant même qu'il se soit passé quelque chose. Lynch inaugure ici son costume de grand chamane de l'inconscient, et s'offre une apparition en personnage aussi sourd qu'Homère était aveugle. Twin Peaks -le film-, c'est un peu l'Olympe assassiné par le soap opéra, et brillamment repêché par le cinéma.

No Smoking

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1993, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, couleur

Critique perso :

De l'influence d'une petite clope (Smoking or No Smoking ?) -ou d'une petite parole en l'air- sur le déroulement d'une vie. Ou bien : la Théorie du Chaos appliquée au destin des hommes, dans un théâtre en plein air déguisé en campagne anglaise. 9 personnages, 2 acteurs en majesté, 3 ou 4 décors et le regard muet d'un chat égyptien sans doute échappé du Portrait de Dorian Gray : une multitude de combinaisons possibles. Pour les explorer, le récit est un sentier aux chemins qui bifurquent (et, en bonne informaticienne que je suis, j'ajouterai que l'arbre des possibles est parcouru en "profondeur d'abord"). Cette variation-ci est centrée sur un couple mal assorti : Miles et Rowena Coombes. Lui a choisi l'option conformisme timoré, elle est plutôt du genre excentrique excitée. Ils sont en pleine crise de vaudeville ; une remise au fond du jardin de leurs amis Teasdale va jouer le rôle du placard. On suit, comme dans un feuilleton qui bafouille, les aléas de leurs amours, de leurs amitiés, de leurs projets. Mais, la plupart du temps, après un petit dérèglement passager, tout rentre dans l'ordre des choses, l'ordre des classes, l'ordre des couples. En fait, c'est simple : ou bien on aime, ou bien on adore.

Raining Stones

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Réalisé par : Ken Loach (1936 - )
En : 1993, Angleterre
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Bob est un bon bougre heureux en ménage. Il est même catho, c'est dire comme Loach a l'esprit large. Mais il manque de sous, donc de tout -sauf d'imagination. Et voilà que la fifille a besoin de se déguiser en nonne -le costume est très cher- pour sa première communion. D'où, pour assurer, un enchaînement de plans-débrouilles foireux avec son pote Tommy, de galères qui prennent l'eau et de bonne volonté embourbée au fond de divers marécages. Il a aussi l'orgueil un peu mal placé et la descente de bière un peu en pente, l'ami Bob. Mais bon, des fois, même chez Loach, le ciel est avec les hommes de bonne volonté. Un ciel pour qui la mort d'un homme -un beau salaud, of course- peut être légitime. Mine de rien, même quand ils nous font un peu rire (comme ici), ses films ne disent toujours que ça : contre ceux qui les exploitent et les écrasent, les prolos font bien de retrousser leurs manches -pour cogner !

Short Cuts

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 1993, USA
Acteurs principaux : Peter Gallagher (1955 - ), Jennifer Jason Leigh (1962 - ), Jack Lemmon (1925 - 2001), Andie MacDowell (1958 - ), Frances McDormand (1957 - ), Julianne Moore (1960 - ), Tim Robbins (1958 - ), Madeleine Stowe (1958 - ), Tom Waits (1949 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 187 mn, couleur

Critique perso :

Ca commence par une campagne de projection massive d'insecticide par hélicos (façon Apocalypse Now) et ça finit par un tremblement de terre. Bref, on est un peu comme dans Le Septième sceau : en sursis très provisoire de la colère du ciel. Que font les humains de L.A., en attendant ? Pas mal de bêtises. Ils s'agitent, s'énervent, vont à la pêche aux truites et aux coeurs, pleurent leurs amours perdues. Le temps de quelques heures, des secrets bien noyés referont surface, le petit Finnegan ne se réveillera pas... Altman met à nu ses personnages : depuis Nashville, on ne l'avait jamais vu aussi en forme avec autant de monde. Son incroyable montage réussit à ménager de multiples passerelles entre de multipes histoires. Plein de petites choses qui finissent par faire un grand film.

Smoking

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1993, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, couleur

Critique perso :

De l'influence d'une petite clope (Smoking or No Smoking ?) -ou d'une petite parole en l'air- sur le déroulement d'une vie. Ou bien : la Théorie du Chaos appliquée au destin des hommes, dans un théâtre en plein air déguisé en campagne anglaise. 9 personnages, 2 acteurs en majesté, 3 ou 4 décors et le regard muet d'un chat égyptien sans doute échappé du Portrait de Dorian Gray : une multitude de combinaisons possibles. Pour les explorer, le récit est un sentier aux chemins qui bifurquent (et, en bonne informaticienne que je suis, j'ajouterai que l'arbre des possibles est parcouru en "profondeur d'abord"). Cette variation-ci est centrée sur un couple BCBG au bord de la névrose : Celia et Toby Teasdale. Elle a choisi l'option conformisme fleuri, lui le rôle du bougon imbibé. En embuscade : deux outsiders qui attendent que passe l'ascenceur social, façon Tout ce que le ciel permet pour Lionel Hepplewick, façon My Fair Lady pour Sylvie Bell. On suit, comme dans un feuilleton qui bafouille, les aléas de leurs amours, de leurs amitiés, de leurs projets. En fait, c'est simple : ou bien on aime, ou bien on adore.

Caro diario - Journal intime

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1994, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Nanni Moretti, superbe quadragénaire minoritaire, nous ouvre quelques pages de son journal, en images qui bougent et en musiques. D'abord, il nous fait son Roma à lui, en vespa et en musique -avec au passage un coucou à Flashdance (ça, désolée, je ne l'ai pas en stock) et un au-revoir à Pasolini. Après, il nous fait son Stromboli à lui -en musique aussi, mais moins dansant. Et puis, la musique s'arrête (lui aussi) et il frole la mort pour de bon, avant de nous réserver son plus beau sourire (avec les yeux). Ce truc inclassable à la pemière personne, toujours en mouvement, ne raconte rien et ne ressemble à rien. C'est une espèce de testament anthume qui laisse le sentiment d'avoir fait une rencontre inoubliable. Avec un superbe quadragénaire minoritaire, vraiment vivant.

Chung Hing sam Iam - Chungking Express

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Réalisé par : Kar-wai Wong (1958 - )
En : 1994, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Takeshi Kaneshiro (1973 - ), Tony Leung Chiu Wai (1962 - ), Faye Wong (1969 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Portrait de la moderne ultrasolitude en son palais : Hong-Kong. Ici, tout va très vite. Ici, c'est la Grande Braderie des choses et des gens, tout s'achète et tout se vend. Et tout (objets, identités et sentiments) est périssable et interchangeable. Deux histoires, quatre ou cinq personnages dont deux flics. Ils sont mignons, les flics de Honk-Kong (cf. déjà celui de Nos années sauvages). Ils ne sortent jamais leur flingue, sont surtout préoccupés par leurs peines de coeur. Dans ce cas-là, leur horloge interne ne marche plus tout à fait à la même vitesse que celle de la ville. Ils noient leur chagrin dans la foule, dans la bouffe et dans la nuit. Deux histoires, quatre ou cinq personnages qui se croisent mais se reconnaissent rarement. Qui se cachent, se déguisent, s'observent de loin, s'ignorent, se ratent. Deux doux policiers rêveurs au pays de la l'ultramoderne mélancolitude.

Exotica

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Réalisé par : Atom Egoyan (1961 - )
En : 1994, Canada
Acteurs principaux : David Hemblen , Arsinée Khanjian (1958 - ), Elias Koteas (1961 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Les personnages d'Egoyan sont des passeurs de frontières et des inventeurs de rituels -les deux sont liés, sans doute. Ils ont franchi quelques bornes, tutoyé des gouffres, perdu quelque chose d'irremplaçable. Alors, pour soigner leurs obscures blessures, ils s'inventent des conjurations tout aussi obscures. Leur cérémonie favorite consiste à répéter inlassablement certains gestes fétiches, certaines actions qui sont leur madeleine à eux. Ils vivent dans des bulles, inacessibles les uns aux autres et la métaphore de l'aquarium, de l'oeuf ou de la pièce truffée de miroirs sans tain (ce qui revient au même) matérialise leur condition. Dur dur d'être heureux dans ce monde-là, baigné d'ambiance lourde et capiteuse. Et impossible d'oublier le strip-tease d'une fausse écolière quand Léonard Cohen chante "Everybody knows"...

Farinelli

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Réalisé par : Gérard Corbiau (1941 - )
En : 1994, France
Acteurs principaux : Caroline Cellier (1945 - ), Stefano Dionisi (1966 - ), Enrico Lo Verso (1964 - ), Elsa Zylberstein (1968 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Farinelli fut le plus célèbre castrat du XVIIIème siècle. Tout petit déjà, il avait une très jolie voix, alors sa famille s’est dit qu’il ferait mieux de la garder, par tous les moyens... Si on en croit ce film, un castrat adulte, c’est beau comme un enfant et fort comme un homme. Farinelli peut ainsi donner du plaisir aux femmes très longtemps sans jamais perdre son flegme ni risquer de les mettre enceintes : le partenaire idéal ! C’est aussi un frangin idéal pour son frère, médiocre amant qui s’occupe de la finition de ses conquêtes, et médiocre compositeur qui ne peaufine pas trop, en revanche, les oeuvres qu’il lui donne à chanter. Bref, si on en croit ce film (mais vaudrait mieux pas trop), Farinelli, brave type et pauvre chou, est un peu traumatisé (c'est la moindre des choses), se fait exploiter par tout le monde et peine à s’attirer la reconnaissance qu’il mérite (de maître Haendel, notamment). Le film est romanesque et fort soigné, il ne lui manque pas une note ni un costume, mais peut-être quand même un petit quelque chose d'autre.

J'ai pas sommeil

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Réalisé par : Claire Denis (1948 - )
En : 1994, France
Acteurs principaux : Béatrice Dalle (1964 - ), Alex Descas (1958 - ), Yekaterina Golubeva (1966 - 2011), Laurent Grévill (1961 - ), Line Renaud (1928 - )
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Paris la nuit comme un écosystème, la niche écologique naturelle de tous les déplacés, les déclassés, les déphasés, tous ceux qui ne devraient pas y être et qui y sont quand même. Par malchance, par amour ou par hasard, ce qui revient souvent au même. Pour tenir, ils ne se battent pas tous avec les mêmes armes (l'action, le charme, le silence ou le couteau, à votre guise), mais tous ils essaient. Ca ne réussit pas souvent, ou pas longtemps. Entre eux, ils se croisent beaucoup et se ratent encore plus. Avec eux-mêmes, c'est pareil. Claire Denis sait capter comme personne des corps, des décors et des ambiances, et comment tout s'assemble et se mélange. Les gueules et les atmosphères, c'est son créneau. Son film a le goût des nuits blanches amères et la texture des petits matins passés au javel.

Little Odessa

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Réalisé par : James Gray (1969 - )
En : 1994, USA
Acteurs principaux : Vanessa Redgrave (1937 - ), Tim Roth (1961 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 98 mn, couleur

Critique perso :

Little Odessa, Brooklyn, New-York. Joshua y est né, y a aimé, y a tué. Ca a dû lui plaire, il en a fait son métier. Pour cela, son père l'a bani et renié. Mais il est pourtant de retour, pour un contrat. Et pour revoir sa maman et son petit frère. Little Odessa : il neige et il fait froid, comme là-bas mais en moins pire, sans doute. Les petits Parrains y reignent -comme là-bas aussi, sans doute. Ici, les juifs sont d'ici sans en être, comme partout. Ils aiment, ils souffrent, ils tuent, comme tout le monde. A la recherche de son Eden perso, du vert paradis de ses amours enfantines, Joshua ne trouve que désolation et éternel recommencement du malheur. Une antique tragédie biblique déguisée en polar noir -ça lui va bien.

Petits arrangements avec les morts

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Réalisé par : Pascale Ferran (1960 - )
En : 1994, France
Acteurs principaux : Charles Berling (1958 - ), Didier Sandre (1946 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 104 mn, couleur

Critique perso :

Trois personnes en short sur la plage de Bénodet. Sauf qu'ils ne sont pas vraiment en vacances, ils sont en plein travail : en plein travail de deuil. Chaque jour de l'été, tels des Sisyphe en maillot de bain, ils re-bâtissent le chateau de sable qui affrontera le flux et reflux des marées. C'est que leur sablier à eux est un peu enrayé. Chaque jour de leur vie, en silence, ils affrontent la blessure secrète planquée au fin fond de leur enfance. Construit sur le mode de l'analogie, c'est à la fois un tryptique et un puzzle, à la fois sur les morts et sur les vivants. A la fois tout neuf et incroyablement familier. Comme un souvenir éternellement rejoué.

Trois couleurs : blanc

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Réalisé par : Krzysztof Kieslowski (1941 - 1996)
En : 1994, France
Acteurs principaux : Julie Delpy (1969 - ), Zbigniew Zamachowski (1961 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 91 mn, couleur

Critique perso :

Coiffeur pour dames polonaises archi-diplômé, Karol est devenu mari impuissant en France. Déchu, abandonné, il ne réussit à regagner son pays que d'un cheveu, caché dans une valise (c'était juste avant qu'on se rende compte que l'homme est devenu une marchandise...). Il se refait une santé et une fortune avec les moyens pas très nets du bord, et trouve un moyen pas très propre de faire revenir sa chère ex-épouse française chez lui (question de vie ou de mort). Il s'agit d'une histoire de couple mais aussi, bien sur, des relations entre l'est et l'ouest. Dans la trilogie, ce film-là est le plus politique. C'est aussi le plus drôle, ironique et grinçant. Epais et froid comme de la neige.

Trois couleurs : rouge

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Réalisé par : Krzysztof Kieslowski (1941 - 1996)
En : 1994, France
Acteurs principaux : Irène Jacob (1966 - ), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

Voici le testament d'un type qui voudrait bien encore croire à l'être humain avant de partir. Et en voici trois spécimens, aux liens mystérieux dans l'espace et le temps : deux d'entre eux sont voisins et se croisent sans cesse sans se connaître, deux semblent vivre les mêmes événements, à 30 ans de distance. Il y a celle qui est encore capable d'agir et celui qui se contente d'écouter. Ca parle de la fraternité entre les humains, de tout ce qui les relie illusoirement (le téléphone, les situations sociales) et de tout ce qui les rapproche plus qu'ils ne le savent eux-mêmes (une multitude de signes, d'objets, de lieux, la musique et les chiens, aussi...). Ca dit que l'être peut succéder au paraître et que l'amour peut succéder au jugement. Y'aurait pas un certain très très vieux barbu (celui qui a attendu Charlon Heston sur la montagne ?) qui aurait essayé de dire ça, aussi, il y a longtemps, en deux volumes pas mal diffusés depuis (hypothèse : et si ce film évoquait justement le passage entre les deux Testaments...) ? L'oeuvre d'un poète-géomètre-philosophe-théologien qui pense en images.

Comédia de Deus (A) - Comédie de Dieu (La)

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Réalisé par : Joao César Monteiro (1934 - 2003)
En : 1995, Portugal
Acteurs principaux : Joao César Monteiro (1934 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 170 mn, couleur

Critique perso :

Jean de Dieu, vieillard digne (enfin, pas toujours) règne sur le Paradis des crèmes glacées, une boutique à l'ancienne qui regorge de trésors pour le palais. C'est un patron qui n'emploie que des jeunes filles stylées à qui il n'a pas grand chose à apprendre mais qu'il drague très consciencieusement, avec une patience infinie et un sens de la réplique inimitable. Derrière sa tête de vautour et son profil d'esthète ascète, cet artisan-créateur de parfums mystérieux et sublimes cache un fétichiste libidineux. Chez lui, il vénère sa plus préciseuse relique : un herbier de poils pubiens. C'est un maître en cristallisation des liquides de toutes sortes, un capteur d'effluves hors pair. Certes, Antoine Doinel n'aime pas sa dernière création, mais c'est un faux jeton. La dernière demi-heure dévoilera le secret de fabrication de son ultime chef-d'oeuvre. Comme le dit un des personnages à propos de ses glaces (mais ça marche aussi avec le film) : quel dommage que cela ne soit pas un péché !

Duo luo tian shi - Anges déchus (Les)

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Réalisé par : Kar-wai Wong (1958 - )
En : 1995, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Takeshi Kaneshiro (1973 - ), Leon Lai (1966 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 92 mn, NB/couleur

Critique perso :

Les anges, comme les vampires, sortent plutôt la nuit et ne causent pas beaucoup. Ils remplissent avec beaucoup de sérieux des boulots étranges : auto-employé clandestin de magasin pendant les heures de fermeture, nettoyeuse d'appartement de fonction pour tueur à gages, emmerdeuse professionnelle. Ils ont des partenaires de travail -voire plus si affinités- qu'ils mettent beaucoup de soin à ne jamais rencontrer. La plupart du temps (qui, au pays de Wong, ne s'écoule jamais tout à fait comme ailleurs), ce sont des oiseaux de nuit au regard las, des marginaux qui ne se promènent jamais très loin d'une balle perdue. A moins que ce ne soient des hommes perdus, jamais très loin des balles gagnées. Cette histoire était prévue pour être la troisième de Chunking Express. La solitude, comme à ses personnages, lui sied bien.

Flor de mi secreto (La) - Fleur de mon secret (La)

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Réalisé par : Pedro Almodovar (1949 - )
En : 1995, Espagne
Acteurs principaux : Marisa Paredes (1946 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Leo est une encore belle femme presqu'en fleur, presque toujours au bord de la crise de larmes. Elle écrit des romans pour dames. Elle a aussi dans ses tiroirs le scénario d'un futur film d'Almodovar (cf. Volver), mais il n'est pas encore intéressé. Elle a aussi une maman, une soeur, une bonne et une copine qui, toutes, contribuent autant à son bonheur qu'à son malheur. Et quelques anges gardiens barbus. Comme les héroïnes de ses histoires, elle ne pense qu'à l'amour -surtout celui, parti on se sait où, de son mari. Comme les héroïnes de La Garçonnière ou de Casablanca, elle se trompe d'amour. En attendant d'enfin coïncider avec elle-même, elle se cache derrière ses lunettes, ses pseudos et ses mini-jupes. Magnifique portrait de femme en train de subir une greffe de personnalité, qui se bonifie avec les revoyures.

Institut Benjamenta, or This Dream People Call Human Life - Institut Benjamenta (ce rêve qu'on appelle la vie humaine)

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Réalisé par : frères Quay (1947 - )
En : 1995, Angleterre
Genre(s) : conte de fées relooké /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

Jakob entre un jour dans une très étrange école pour étudiants tardifs. Ils sont là pour apprendre à devenir des serviteur, des serfs -ou des cerfs, peut-être. C'est sans doute la seule institution dont l'objectif pédagogique n'est pas d'élever ses élèves mais de les abaisser, ou au moins de les maintenir en état de servitude volontaire. D'en faire des idiots, ou des saints, ou les deux, ce qu'ils sont sans doute déjà. Dans une ambiance de cruauté ouatée, la seule prof du lieu -lady Benjamenta, la soeur du patron- ne leur apprend d'ailleurs pas grand chose : à s'oublier, à mimer toujours les mêmes gestes. Mais Jakob et la lady, des fois, ils en inventent de nouveaux qui n'étaient pas au programme. C'est que l'institut et les êtres qui y vivent recèlent en fait des passages secrets. Derrière certains cercles, s'ouvrent de troubles corridors qui ne mènent nulle part, comme leurs esprits embrumés. Ce film, comme peint avec de la lumière, ressemble à une oeuvre d'avant-garde à l'ancienne - ou à un film muet du XXIIème siècle.

Fargo

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Réalisé par : frères Coen
En : 1996, USA
Acteurs principaux : Steve Buscemi (1957 - ), William H. Macy (1950 - ), Frances McDormand (1957 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 98 mn, couleur

Critique perso :

Au commencement était l'écran blanc. Puis surgit la voiture, la télé et le hamburger. Bienvenue à Fargo enneigé, nombril du non-monde. Dans ce trou, quelques non-vivants essaient de patauger comme ils peuvent. Ce mari aux abois, par exemple, et les deux complices aussi nazes que lui qu'il s'est trouvé : un grand taiseux et une petite teigne bavarde -ce serait beaucoup dire qu'il est le cerveau de la bande. Quelques cadavres plus tard, entre dans l'histoire une espèce de Colombo féminin, enceinte jusqu'aux yeux -la seule qui a l'air dans son élément dans la nullité ambiante. Avec ce grand film sur la frustration des nuls, les Coen Brothers inventent l'humour blanc : le contraire de l'humour noir, en pire. Et dire que le réchauffement climatique risque de nous priver de ce genre d'horreurs réfrigérées.

Kidzu ritan - Kids Return

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Réalisé par : Takeshi Kitano (1947 - )
En : 1996, Japon
Acteurs principaux : Susumu Terajima (1963 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

C'est deux potes de lycée qui font Les 400 coups. Quand ils grimpent sur le même vélo, ils semblent ne former qu'un seul corps : deux petites têtes, quatre grandes jambes. Mais pour aller où ? Au bahut ils sèchent, rackettent, glandouillent, mal partis pour devenir pas grand chose. Pour jouer aux durs, ils se mettent à la boxe. Le plus doué n'est pas forcément celui qu'on croit (comme Rocco). A leur âge, tous les chemins ont l'air ouverts. Ils sont tous, aussi, durs et cruels. A coup d'ellipses fulgurantes et d'éclats de rire noirs, Kitano fait le portrait de sa jeunesse et des vies qu'il a grillées. Coup de bol, il lui en est restée une pour faire l'artiste.

Carne trémula - En chair et en os

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Réalisé par : Pedro Almodovar (1949 - )
En : 1997, Espagne
Acteurs principaux : Javier Bardem (1969 - ), Angela Molina (1955 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Victor est né sous une bonne étoile -en néon- et dans un bus désert. Pourtant, sa vie de jeune jomme ne démarre pas très fort : il a 20 ans quand une jolie fille, un flic jaloux et une balle pedue l'envoient en prison sous le signe d'Archibald de la Cruz. Au bout de 10mn, on a compris que cette histoire allait se coltiner avec le désir, les fantasmes et la violence -et ne pas lésiner sur les symbôles. Victor, qui a appris la pédagogie en prison, apprend à faire l'amour avec Clara. Il ne lui restera plus qu'à apprendre la vie avec Helena. C'est l'histoire du passage de la théorie à la pratique, donc, et de l'incarnation des sentiments. Un des plus beaux films d'Almodovar.

Chun gwong cha sit - Happy Together

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Réalisé par : Kar-wai Wong (1958 - )
En : 1997, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Chen Chang (1976 - ), Leslie Cheung (1956 - 2003), Tony Leung Chiu Wai (1962 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 96 mn, NB/couleur

Critique perso :

Dans tous les couples, disait Gainsbourg (ou un autre), il y en a un qui s'ennuit, et un qui souffre. Ho s'ennuit, Lai souffre. Leur quotidien est immuable et toujours changeant : ils s'aiment, s'engueulent, se quittent, se retrouvent, se trahissent. De temps en temps, ils repartent à zéro. En général, c'est pour arriver nulle part. Sans doute qu'ils ne vieilliront pas (heureux) ensemble. Gays asiatiques au pays du tango, ils sont doublement en exil, doublement aux antipodes. Habitués, comme tous les personnages de Wong, à être en même temps ici et ailleurs, à vivre en mode décalé. De l'autre côté du monde et désynchronisés. Même si l'envers du miroir, et de Hong Kong, ressemble furieusement à son endroit.

On connaît la chanson

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1997, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - ), Jean-Pierre Bacri (1951 - ), Jane Birkin (1946 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), André Dussolier (1946 - ), Agnès Jaoui (1964 - ), Lambert Wilson (1958 - )
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Ce n'est pas une comédie musicale mais il y a des chansons, ou plutôt des morceaux de tubes de variété mimés en play-back par les acteurs. L'histoire ? Un vaudeville qui ne dit pas son nom, quelques péripéties dérisoires dans la vie d'une demi-douzaine de bobos parisiens plus ou moins névrosés-dépressifs, mais suffisamment bien éduqués pour faire bonne figure. En public, ils soutiennent des thèses ou causent crise du chômage ou de l'immobilier. Ils se font la cour à l'ancienne. Mais c'est Sylvie Vartan, France Gall ou Alain Bashung qui chantent sur la BO de leurs petits cinémas intérieurs. Resnais pose sur ce petit monde un regard d'entomologiste compatissant. Depuis Maupassant, on sait que le bonheur n'est pas gai -mais la dépression des autres, des fois, oui...

Ta'm e guilass - Goût de la cerise (Le)

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Réalisé par : Abbas Kiarostami (1940 - 2016)
En : 1997, Iran
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Il est au volant de sa voiture, il a de grands yeux inquiets qui font un peu peur, il cherche un homme à embarquer. Un homme solitaire qui aurait besoin d'argent facile. Non non, pas pour ça. Pour un service très bien rémunéré. Honnête, mais qui demande un peu de courage d'âme. Un service existentiel, métaphysique, un service d'homme libre. Mais c'est pas facile à trouver, à Téhéran, un homme libre. Il faut remuer ciel et terre pour réussir à trouver quelqu'un qui accepterait de remuer un peu de ciel et de terre. D'abord, il ne récupère que des gamins. Un apprenti soldat, un séminariste débutant, pour qui ce service n'est visiblement pas au programme de leurs études. Et puis, il rencontre un homme, un homme vrai. Et puis, et puis... Après pas mal de virages en formes de point d'interrogation, on aboutit à une fin indécidable. Comme la vie, quoi.

Festen

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Réalisé par : Thomas Vinterberg (1969 - )
En : 1998, Danemark
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

C'est la fête chez les grands bourgeois. Le patriarche a 60 ans, une gentille femme, de beaux enfants, une superbe demeure avec domestiques au sous-sol. Et, comme il se doit, de magnifiques secrêts honteux qui ne demandent qu'à sortir. C'est l'aîné, Christian, qui leur ouvre la porte. C'est les employés du sous-sol qui le soutiennent. C'est tous les autres qui se précipitent pour colmater. Alors bon, certes, la non-réaction des invités -pas très crédible, j'espère- sent la figuration bon marché. Alors aussi, la beaufferie du frangin -qui n'a même pas l'excuse d'être un faux-frère- est lestée à tous les métaux les plus lourds. En fait, les vidéos de famille des autres -surtout quand le petit cousin qui filme se prend pour un artiste- sont rarement supportables très longtemps. Sauf peut-être quand la famille elle-même est pire. Peut-être le seul film pour lequel le canular Dogme 95 méritait d'être inventé.

Thin Red Line (The) - Ligne rouge (La)

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Réalisé par : Terrence Malick (1943 - )
En : 1998, USA
Acteurs principaux : Adrien Brody (1973 - ), John Cuzack (1966 - ), Elias Koteas (1961 - ), Sean Penn (1960 - ), John C. Reilly (1965 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 170 mn, couleur

Critique perso :

Des hommes, des crocodiles et des grands arbres. On entend des chants indigènes qui ont l'air de souhaiter la bienvenue au paradis. Mais derrière la colline, un peu plus loin, il y a des japonais et des canons. C'est la guerre à Guadalcanal, Hollywood y a dépêché un bataillon de ses meilleurs représentants (mâles exclusivement). Ce sont des soldats qui, le matin en se rasant ou le soir au coin du feu, parlent du sens de la vie plutôt que de leurs photos de pin-up. Des hommes qui doutent, qui pensent donc qui sont. La ligne rouge, c'est sans doute celle qui les sépare de la nature. Ou de leur propre nature, de leur propre barbarie. Ou de leur propre mort. C'est la ligne à suivre pour aller derrière la colline. En tout cas, de celles qu'on franchit diffcilement, à contre coeur. C'est la ligne de l'ennemi, c'est son sang -ou le mien. Un film de guerre philosophique, beau, terrible et assez pompeux, comme il se doit.

Toto, che visse due volte - Toto, qui vécut deux fois

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Réalisé par : Cipri et Maresco
En : 1998, Italie
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Dans un inquiétant village cramé de soleil, apparemment oublié du reste du monde et du temps et bizarrement couillu, vit une bande particulièrement gratinée de tarés désargentés. Leurs principaux soucis, dans l'ordre : baiser des femmes, à défaut des hommes, à défaut des animaux, à défaut des anges, à défaut se masturber en groupe, à défaut se masturber tout seul. Les seules alternatives envisageables semblent être de devenir parrain ou de devenir saint dans une des deux institutions locales disponibles (au même visage), l'Eglise et la Mafia. Dans un tel environnent tout peut arriver, comme par exemple désirer une pute barbue, disputer du fromage aux rats ou une bague à son amant mort, ressusciter après avoir été dissout dans l'acide. L'image et les réalisateurs ont clairement pris un gros coup de soleil, là est leur génie.

Vie rêvée des anges (La)

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Réalisé par : Erick Zonca (1956 - )
En : 1998, France
Acteurs principaux : Elodie Bouchez (1973 - ), Grégoire Colin (1975 - ), Natacha Régnier (1974 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 113 mn, couleur

Critique perso :

Celle qui croyait aux autres, celle qui n'y croyait pas... Isa la brune est douée pour les contacts et la débrouille joyeuse. Elle fait la route, déniche des petits boulots et ouvre toutes les portes avec son sourire. Marie, elle, est une boule d'énergie contractée, un hérisson blond qui ne sait pas comment exprimer sa révolte. Elles vont vivre ensemble le temps d'un hiver dans le Grand Nord (à Lille...). Ce film, c'est comme un gros bloc de vie brute qui nous tombe dessus. Les actrices sont extra. Elles expérimentent dans leur corps la lutte des classes et le cheminement spirituel. Deux anges passent...

Being John Malkovich - Dans la peau de John Malkovich

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Réalisé par : Spike Jonze (1969 - )
En : 1999, USA
Acteurs principaux : John Cuzack (1966 - ), Cameron Diaz (1972 - ), Catherine Keener (1959 - ), John Malkovich (1953 - )
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

De l'art de la marionnette, considérée comme une métaphore de la manipulation, considérée comme une métaphore de l'amour, considéré comme une métaphore du jeu de l'acteur, considéré comme une métaphore de la transmigration des âmes, considérée comme une métaphore de la condition humaine, considérée comme une métaphore de la succession des générations, considérée comme une métaphore de l'art de la marionnette. John Malkovich est le parfait caméléon de cet incroyable embrouillamini à la logique implacable. On entre et on sort de sa tête comme dans un moulin, et on a même droit à une visite guidée de son inconscient (au pas de charge, mais vaut mieux pas s'attarder dans ces endroits-là). Tellement brillant qu'on en sort tout ébloui.

Eyes Wide Shut

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1999, USA
Acteurs principaux : Tom Cruise (1962 - ), Nicole Kidman (1967 - ), Sydney Pollack (1934 - 2008)
Genre(s) : conte de fées relooké /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 159 mn, couleur

Critique perso :

Certes, c'est l'histoire de la crise d'un couple. Mais c'est aussi un remake du Magicien d'Oz pour adultes, autrement dit un voyage au pays des rêves et des fantasmes des grandes personnes, ce monde des apparences aux valeurs inversées, peut-être plus vrai que le monde réel. Tom Cruise joue (plutôt bien) un bon docteur un peu benêt, manipulé par ses désirs -et perpétuellement frustré. Sa femme de l'époque joue (encore mieux) sa femme de l'époque. Quels dangers court-il exactement dans cette aventure ? A-t-il fallu que quelqu'un meurt pour que lui vive ? Pour peindre cette superposition des mondes réels et mentaux, Kubrick utilise des contrastes de couleur étonnants et une construction en miroir. Vertiges et confort, malaise du banal.

Humanité (L')

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Réalisé par : Bruno Dumont (1958 - )
En : 1999, France
Genre(s) : culte ou my(s)tique /en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 148 mn, couleur

Critique perso :

A Bailleuil (nord de la France, plat pays, centre du monde), une petite fille est retrouvée morte. Assassinée. Pharaon de Winter, l'inspecteur de police, descendant et homonyme d'un peintre local, suit l'affaire. A sa manière. C'est un doux au regard d'enfant qui ne ferait pas de mal à une teigne. Il cause pas beaucoup. Il fait du vélo et du jardinage. Il aime en silence sa voisine Domino. Il souffre de compassion chronique envers ses semblables. Autour, il y a le monde technique qui va vite et qui fait du bruit (un camion-citerne, un avion de chasse et un TGV font de la figuration). Le malaise de ces petits pantins de chair -saint ou salauds, c'est la même pâte (filmée de très près)- perdus dans l'immensité indifférente du monde (filmé de très loin) n'a jamais été aussi palpable.

Sweet and Lowdown - Accords et désaccords

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1999, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Samantha Morton (1977 - ), Sean Penn (1960 - ), Uma Thurman (1970 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Le plus grand guitariste du monde, bien sûr, c'est Django Reinhardt. Le deuxième, c'est Emmet Ray. Comme souvent les artistes (surtout chez Woody), Emmet est une perle d'art dans un corps et une tête de brute. A la guitare, certes, un demi-Dieu. Mais pour le reste, peu de centres d'intérêts présentables : la musique des nègres, les rats des décharges, les trains. Avec les femmes, il est tellement beau parleur que seules une muette et une cérébrale-intégrale arrivent à le supporter. Surtout qu'il n'est que le deuxième plus grand guitariste du monde après Django Reinhardt. Alors, il lui reste l'argent, les fringues et les belles voitures. La frime et la belle vie, pendant que, dans ces années-là, tout le monde rame. Il lui reste aussi un rêve d'Hollywood et quelques espoirs décus. Lui qui ne sera jamais que le deuxième plus grand guitariste du monde après Django Reinhardt.

Dancer in the dark

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Réalisé par : Lars von Trier (1956 - )
En : 2000, Danemark
Acteurs principaux : Jean-Marc Barr (1960 - ), Björk (1965 - ), Catherine Deneuve (1943 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire de deux stars top glamour qui essaient de nous faire croire qu'elles sont OS dans une usine américaine pourrie, habillées en guenilles, à s'échiner de nuit pour gagner des clopinettes dans un trou perdu où, en plus, des nazes prétendent leur donner des leçons de chant et de danse pour monter une comédie musicale amateur. On rêve. C'est surtout l'histoire d'un cinéaste sadique qui a l'air de prendre plaisir à inventer les pires malheurs possibles qui puissent accabler les meilleurs braves gens possibles. Et faudrait que ça nous plaise, en plus, et qu'il passe pour un humaniste. Non, trop c'est trop, too much for me. C'est l'un des très rares films qui m'ait donné envie d'étrangler son auteur à plusieurs reprises. Sur ce coup là, je lui suis juste reconnaissante de m'avoir parlé d'Oldrich Novy, sinon, je ne lui dis pas merci.

Dayereh - Cercle (Le)

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Réalisé par : Jafar Panahi (1960 - )
En : 2000, Iran
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Le cercle, hélàs, est souvent vicieux. C'est, dans ce film, le lieu symbolique de l'enfermement perpétuel des femmes en Iran, comme cette roue verticale où s'épuisent les souris en cage. Maudites dès leur naissance, voilées, battues, encadrées comme d'éternelles mineures, traquées et surveillées en permanence par des barbus en tenue militaire (sans doute les sinistres "gardiens de la révolution"), coupables, forcément coupables de tout, condamnées à perpet' à attendre le bon vouloir des hommes... Clandestines de leur propre vie, elles sont réduites, au mieux, à la précaire solidarités des humiliées. Dans ce Yol au féminin, on en suit 3, 5, 6, formant une Ronde sans fin : uniques dans leur personnalité, identiques dans leur soumission, toutes infiniment belles et terriblement malheureuses. Haletant comme un documentaire, accablant comme un pamphlet, vrai comme une fiction.

Eureka

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Réalisé par : Shinji Aoyama (1964 - )
En : 2000, Japon
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 210 mn, NB/couleur

Critique perso :

Premier 1/4h : prise d'otages sanglante dans un bus. Des morts, 3 rescapés : le chauffeur et 2 écoliers (un frère, une soeur). 2 ans plus tard : le chauffeur, après avoir fait la route de-ci de-là, revient à son point de départ. Les enfants, laissés à eux-mêmes, sont devenus mutiques. Il leur reste plus de 3h pour tenter de reconstituer, avec un cousin de passage, une espèce de communauté utopique. Pour remonter dans un bus, aussi. Les plus inquiétants sont les enfants : leur regard est vide. Ils ont franchi une ligne, perdu leur innocence. Un film revenu de l'au-delà de la souffrance, un univers sonore qui ressemble au nôtre mais en moins coloré.

Faute à Voltaire (La)

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Réalisé par : Abdellatif Kechiche (1960 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Sami Bouajila (1966 - ), Elodie Bouchez (1973 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 130 mn, couleur

Critique perso :

Jallel est un étranger sans papiers à Paris. Un passager clandestin de la vie. Au début, il fait mine. D'être quelqu'un d'autre. Petits boulots, gros sacrifices. Il touche presque du doigt l'objet de son désir : une femme, un statut, des papiers, le gros lot. Presque. En fait, c'est là qu'il perd tout. Détour par la case hôpital psy, tout à refaire. Il n'a plus envie de rien mais ce sont les autres (surtout une autre) qui vont avoir envie de lui. Alors, c'est son corps qui va le reconquérir. Lui permettre de retrouver son équilibre au milieu du déséquilibre. De réapprendre à marcher, quoi. Jusqu'à ce qu'un jour, à la station de métro Nation on lui fasse comprendre qu'il n'est toujours pas le bienvenu... C'est un film du genre râpeux, pas cool, pas sympa, pas marrant. Pas feelgood du tout. Avec des scènes trop longues et quelques éclairs de fraternité cabossée. Un film de passager clandestin de la vie, comme tout le monde.

Ville est tranquille (La)

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Réalisé par : Robert Guédiguian (1953 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Ariane Ascaride (1954 - ), Jean-Pierre Darroussin (1953 - ), Gérard Meylan (1952 - ), Julie-Marie Parmentier (1981 - )
Genre(s) : en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 89 mn, couleur

Critique perso :

La ville, c'est Marseille. Et tranquille, ce n'est pas précisément l'adjectif qui surgit spontanément quand on pense à elle. Et pour cause ! S'y croisent des politiciens corrompus, des retraités mafieux, des petits postulants fascistes, un tueur à gages, quelques prostituées junkies et des ouvriers en rupture de travail ou de syndicats... La faune, a priori, n'y est donc pas particulièrement attrayante. Sauf que, sauf que, ce sont les mêmes, ou leurs très proches, qui sont aussi capables d'expérimenter le sacrifice maternel, l'accueil de l'étranger, l'ouverture à l'art des plus démunis et l'indéfectible fidélités des anciennes amours... Ironique et contradictoire, ce portrait collectif s'impose par sa complexité, son énergie désespérée et son humanité.

Chaos

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Réalisé par : Coline Serreau (1947 - )
En : 2001, France
Acteurs principaux : Rachida Brakni (1977 - ), Catherine Frot (1956 - ), Vincent Lindon (1959 - ), Line Renaud (1928 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, couleur

Critique perso :

Une petite prostituée maghrebine tabassée dans la rue par ses proxénètes : un fait divers banal et tragique dont Hélène est l'involontaire complice. Alors, elle va la rechercher dans les hopitaux, rester à son chevet, accompagner son rétablissement. Et elle récupère vite, la petite prostituée : c'est bientôt une boule de rage et d'énergie qui, avec la complicité (active, cette fois !) d'Hélène, va faire exploser tous les cadres qu'elle rencontre : sa propre famille qui l'a reniée, celle d'Hélène, déjà bien perturbée, le réseau de prostitution qui l'a "dressée" et qui la recherche. Ca bouge beaucoup, dans toute l'Europe et tous les milieux sociaux, c'est drôle, émouvant, décapant, terrible tour à tour et en même temps, ça décoiffe et ça bouscule. Merci du voyage !

Man Who Wasn't There (The) - Barber (The)

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Réalisé par : frères Coen
En : 2001, USA
Acteurs principaux : Frances McDormand (1957 - ), Billy Bob Thornton (1955 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 116 mn, NB

Critique perso :

Le coiffeur, dans les films, c'est au mieux un second rôle. Ed, lui, rêve d'une Place au soleil. Il n'est pas causant, notre coiffeur. Il écoute, il observe. Il regarde les cheveux pousser, s'émerveille que ça continue même après la mort. D'ailleurs, il est peut-être déjà mort. Ou alors, ce sont les autres qui le sont. Le monde selon Ed est un peu étrange. Pour changer de vie, il tente bien une ou deux choses. Mais alors, invariablement, des hommes très sérieux en costume 3 pièces viennent lui annoncer des trucs horribles : la prison, la mort. Un remake prolétaire et somnambulique de Noblesse oblige qui est aussi la meilleure adaptation que je connaisse de l'Etranger de Camus, à la sauce noir(e).

Stanza del figlio (La) - Chambre du fils (La)

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 2001, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Silvio Orlando (1957 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

Tout va pour le mieux dans la meilleure des familles possibles. Maman dans la transmission de l'art, papa dans la guérison des âmes, fifille et fiston ados mais gentils quand même... Ils sont beaux et sains, ils font du sport et prennent leurs repas ensemble. Jusqu'au jour où le fiston a la bien mauvaise idée de ne pas remonter de sa dernière plongée sous-marine. Là, c'est tout le monde qui plonge. Maman ne transmet plus rien, sauf sa détresse, papa ne guérit plus personne, surtout pas lui-même. Fifille reste gentille mais elle souffre quand même. Le temps s'arrête quelque temps. Il en faudra pas mal pour remettre en route la clepsydre. Petit voyage en apnée, sans pathos et sans mélo -sans grande surprise non plus, mais beau et digne quand même.

25th Hour - 24 heures avant la nuit

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Réalisé par : Spike Lee (1957 - )
En : 2002, USA
Acteurs principaux : Edward Norton (1969 - ), Barry Pepper (1970 - ), Philip Seymour Hoffman (1967 - 2014)
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 135 mn, couleur

Critique perso :

Monty, ex-dealer flambloyant dénoncé aux stup', a 24h de liberté devant lui. Après, il aura droit à 7 ans de réfexion derrière les barreaux. Il lui reste une copine magnifique, un père, un chien, des chefs. Quelques comptes à régler, avec les autres et avec lui-même. Ses deux principaux potes d'enfance s'en sont apparemment mieux sortis, mais ils se cognent aussi à leurs propres lignes blanches. Pas de Place au soleil pour tout le monde. Petits arrangements avec la tentation. Transgressions et conséquences. New-York, amputée de ses tours, a la même gueule de bois que ses héros. Après la flambe, retour à (Ground) Zero. Premier grand film post-trauma, sur les erreurs d'aiguillage et les aubes amères.

8 femmes

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Réalisé par : François Ozon (1967 - )
En : 2002, France
Acteurs principaux : Fanny Ardant (1949 - ), Emmanuelle Béart (1963 - ), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Catherine Deneuve (1943 - ), Isabelle Huppert (1953 - ), Ludivine Sagnier (1979 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Dans la grande-famille-du-cinéma-français, on demande la grand-mère, la mère, sa (trop-)belle-soeur-rivale, sa soeur-pas-belle, ses filles, et quelques bonnes à tout faire qui attendent leur tour de casting. Dans le rôle du (grand-)père-parrain absent (assassiné ?), on prendra Cukor, Sirk, Demy et Truffaut... Rien que du beau monde. Lourd héritage pour un petit jeune. Il fait jouer ces dames au Cluedo, donc, en mode immersion totale. En grandes pros, elles bluffent et se donnent mutuellement des leçons de comédie, mais c'est en débutantes qu'elles poussent chacune une petite chansonnette. Pour le plaisir d'entendre les pires vacheries dans les plus belles bouches.

Frida

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Réalisé par : Julie Taymor (1952 - )
En : 2002, USA
Acteurs principaux : Antonio Banderas (1960 - ), Salma Hayek (1966 - ), Alfred Molina (1953 - ), Edward Norton (1969 - ), Geoffrey Rush (1951 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 123 mn, couleur

Critique perso :

Peinture à l'hollywoodienne de la plus mexicaine des peintres. Frida Khalo est au Mexique ce que Diego Rivera fut un moment pour elle : une idole (après, elle l'a épousé). Sa vie est un roman, il n'y manque pas une touche de musique, pas une note de couleur, pas un parfum de mythe. Rockefeller, Breton et Trotsky font de la figuration, King Kong passe dans le décor. De la souffrance, de l'amour et encore de la souffrance. Le biopic est un peu épicé, mais pas trop. La douleur est sur l'écran, qui fait tout de même un peu écran à la douleur. Des petites tentatives timides pour mettre de la vie dans le tableau, en rendant vivants les tableaux. Mais ces toiles, pour ce qu'on peut en voir, gagnent fastoche le match de l'intensité dramatique avec la peinture hollywoodienne.

Heremakono - En attendant le bonheur

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Réalisé par : Abderrahmane Sissako (1961 - )
En : 2002, Mauritanie
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Ca se passe dans la grande salle d'attente en plein air du monde. Quelque part en Afrique, quelque part entre deux infinis : les sables du désert et l'horizon de la mer. Un jeune homme et sa mère viennent d'arriver là. Ils sont coincés entre leur passé dont nous ne saurons rien, et un avenir dont nous ignorerons tout. En attendant, ils font du sur-place. Ils ne parlent pas la bonne langue et ne connaissent personne. Ils ne sont pas les seuls. Là-bas, tout le monde est en transit, en attente de correspondance. Les jeunes attendent de partir vers le Nord, les vieux ne sont pas pressés de s'en aller pour de bon. Ce ne sont pas toujours les bons qui arrivent au bon endroit. Ceux qui restent essaient de transmettre le peu qu'ils n'ont presque plus à ceux qui n'ont pas toujours envie de les écouter. Ils sont tous encore dans la grande salle d'attente de la vie. Comme tout le monde.

Mies vailla menneisyyttä - Homme sans passé (L')

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Réalisé par : Aki Kaurismäki (1957 - )
En : 2002, Finlande
Acteurs principaux : Kati Outinen (1961 - ), Markku Peltola (1956 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 97 mn, couleur

Critique perso :

Un type dans un train. A l'arrivée, il se fait dépouiller et tabasser. Il est mort. Il ressuscite mais il a tout oublié. En fait, en 10 mn il a été complètement réinitialisé (d'ailleurs, il ressemble à L'Homme invisible) et nous, spectateurs, en savons autant que lui sur lui-même. Il lui (nous) reste donc le temps d'un film pour apprendre à vivre dans le monde des hommes. Dur dur, le monde des hommes, quand on a perdu son numéro de sécu. Il commence par le commencement : prendre une bière avec le voisin, planter 3 pommes de terre, inviter une fille et écouter du rock... Pas besoin d'éclats spectaculaires -surtout que là-haut, en Finlande, on cause et on rigole plutôt avec les yeux. Un film qui arriverait presque à faire croire que le monde est habitable -bien sûr c'est un conte de fées.

Yadon ilaheyya - Intervention divine

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Réalisé par : Elia Suleiman (1960 - )
En : 2002, Palestine
Acteurs principaux : Elia Suleiman (1960 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 92 mn, couleur

Critique perso :

A Nazareth, même les enfants ne croient plus au Père Noël. En tout cas, il n'y est pas le bienvenu. Le territoire, en état de coexitence hostile, est occupé par la rage muette. C'est qu'ils sont toujours cadrés, encadrés, surcadrés, ces Palestiniens. Ils ne connaissent que l'éternel retour du désespoir, et de la police. C'est pourtant là que débarque un Buster Keaton mangeur d'abricots. Son père est malade. Il a une fiancée au regard qui tue, une oeuvre à faire. Il donne ses RDV amoureux au check point. Souvent, il a le check point blues. Cette terre, qui ne semble plus porteuse de Bonnes Nouvelles depuis longtemps, donne encore de beaux arts. L'art du gag lent à la Blake Edwads, seul capable de transmuter un chant de douleur en un acte de résistance poétique.

Elephant

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Réalisé par : Gus Van Sant (1952 - )
En : 2003, USA
Acteurs principaux : Timothy Bottoms (1951 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 81 mn, couleur

Critique perso :

Un ado à tête de taureau (sur son tee-shirt) erre dans son labyrinthe de lycée. Non, ce n'est pas lui le minautore. Un autre, avec le sigle de la croix rouge (sur le dos de son jogging), le croise. Non, ce n'est pas lui qui donnera les premiers secours. Un troisième les prend en photos. C'est peut-être lui le cinéaste. Ne pas se fier aux apparences, aux visages, aux peaux. Ces ados sont comme tous les ados du monde. Des fois même, ils s'occupent assez bien de leurs parents. Mais les Rebels Wihout a Cause d'hier sont passés par la case Shining. Ils sont nés avec des jeux vidéos dans les mains, et savent commander ce qu'ils veulent sur Internet. Même de quoi transformer leur univers quotidien en limbes. Un sublime avant goût de l'étrange douceur qui reigne dans l'antichambre des enfers.

Invasions barbares (Les)

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Réalisé par : Denys Arcand (1941 - )
En : 2003, Canada
Acteurs principaux : Dorothée Berryman (1948 - ), Marie-Josée Croze (1970 - ), Pierre Curzi (1946 - ), Rémy Girard (1950 - ), Yves Jacques (1956 - ), Dominique Michel (1932 - ), Louise Portal (1950 - ), Stéphane Rousseau (1966 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

Rémi (celui qui était le plus vivant dans le Déclin de l'empire américain) est très malade. Il n'y aurait pas grand monde à son chevet si son fils ne s'y collait, finalement. Alors, revoilà la troupe réunie de nouveau : les hommes ont perdu des cheveux, tous ont gagné des rides et des souvenirs. Ils parlent toujours autant de sexe, mais pratiquent un peu moins. Côté langue par contre, ils n'ont rien perdu de leur verve. Ils ont vu passer l'esprit du temps, à défaut d'avoir pu influer sur son souffle. Comme Rémi, ils ont un peu raté leur vie, alors pour la mort ils s'appliquent. Quant à Denis Arcand, toujours aussi à l'aise dans les portraits d'époque, il ose parier sur un humanisme plus nourri de dollars que de culture.

Monster

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Réalisé par : Patty Jenkins (1971 - )
En : 2003, USA
Acteurs principaux : Bruce Dern (1936 - ), Christina Ricci (1980 - ), Charlize Theron (1975 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /carrément à l'ouest /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, couleur

Critique perso :

Portrait « basé sur une histoire vraie » d’une serial-killeuse made in USA. Elle s’appelle Aileen, elle est rondouillarde et complexée, a sans doute pas eu une enfance facile, fréquente les bars et les dancing du bas du panier. Elle survit en faisant la pute pour des machos qu’elle déteste. Son premier meurtre, c’est en légitime défense face à l’un d’entre eux, particulièrement pervers. Après, faut reconnaître que sa défense devient de moins en moins légitime. Mais c’est aussi la période où elle tombe amoureuse de Selbi, gentille fille presque aussi paumée qu’elle, tellement moins macho que ses fréquentations précédentes. Eros, Thanatos et toute la clique, font encore des ravages à tous les niveaux du panier. Le film est modeste mais incarné de façon saisissante. Charlize Theron, qui est à peu près le contraire d’Aileen (quoique que sa mère ait tué son père en légitime défense), s’est laissée possédée par elle. Monster mon semblable, ma soeur (ma mère…).

Pas sur la bouche

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 2003, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - ), Darry Cowl (1925 - 2006), Jalil Lespert (1976 - ), Isabelle Nanty (1962 - ), Daniel Prévost (1939 - ), Audrey Tautou (1978 - ), Lambert Wilson (1958 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Au départ, c’est une opérette légère de 1925. Elle est montée comme le serait un classique, sans « modernisation », sans condescendance mais pas sans malice. De quoi est-il question ? D’amour, toujours, par tous les bouts et tous les « trous » (de la serrure). De sexe, en fait, pour être clair. Tout le monde a sa petite théorie sur la question - et ses petites pratiques. Tout le monde ne parle que de ça, même en parlant d’autre chose. Alors, la mise en scène va en rajouter dans les sous-entendus. Ce serait peut-être plutôt des « sous-vus », d’ailleurs, parce que j’ai bien l’impression d’avoir reconnu, planqués dans les décors et dans les effets de perspective, tous les organes concernés. Quant aux acteurs, en costume d’époque, rien de mieux pour les mettre à poil que de les faire chanter eux-mêmes. Un film délicieux et malicieux, décidément, à regarder par le trou (de la serrure).

Eternal Sunshine of the Spotless Mind

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Réalisé par : Michel Gondry (1963 - )
En : 2004, USA
Acteurs principaux : Jim Carrey (1962 - ), Kirsten Dunst (1982 - ), Kate Winslet (1975 - )
Genre(s) : c'était demain /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, couleur

Critique perso :

Après nous avoir plongé en apné Dans la peau de John Malkovich, un scénariste fou récidiviste nous embarque pour un voyage au centre de la tête. La tête appartient à un certain Joel, elle dort et en même temps elle est en panique, parce qu'on s'attaque, avec son consentement officiel, à tous les souvenirs qu'elle a engrangés de Clementine, l'ex de Joel. Vous suivez ? Normal, ça va plus vite que dans Solaris. Pas facile tous les jours de voyager sur les voies de l'association libre, à la vitesse des synapses. Pour éviter le syndrôme de la surcharge cognitive et profiter des trouvailles et inventions visuelles qui se cachent dans les coins, on conseille la télécommande (touches "pause" et "replay"). RDV dans 10 ans pour voir ce qu'il en restera quand on aura tout oublié.

Tian bian yi duo yun - Saveur de la pastèque (La)

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Réalisé par : Ming-liang Tsai (1957 - )
En : 2005, Taiwan
Acteurs principaux : Shiang-shyi Chen , Kang-sheng Lee (1968 - )
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 114 mn, couleur

Critique perso :

Lee est un jeune acteur porno désabusé, Chen une jeune fille romantique et solitaire. Ils vivent dans le même hôtel, mais pas dans le même monde. Depuis qu'ils se sont croisés dans d'autres films de Tsai Ming-liang, tout le monde sait qu'ils sont faits l'un pour l'autre. Mais dans les films de Tsai Ming-liang, ça peut reprendre un peu de temps. Dehors, c'est la canicule du siècle. L'eau, comme l'amour, est une denrée rare. Les postulants tourtereaux n'emploient visiblement pas la même stratégie pour s'en procurer et supporter la chaleur. Lee n'est de toute façon jamais très habillé, Chen ne sort pas trop de chez elle. Chen collectionne précautionneusemnt les bouteilles en plastique, Lee se baigne directement dans les réservoirs. Tous les deux ne demandent pas mieux que chanter sous la pluie (sous les parapluies de Cherbourg) -ce qu'ils font d'ailleurs, mais sans doute uniquement dans leurs rêves. L'amour, comme l'eau, ne se laisse pas facilement saisir. Chen a perdu la clé de sa grande valise, Lee les essaie toutes une à une patiemment. Il y a à boire et à manger, dans ce film, comme dans la pastèque. Mais en prenant son temps. Sa chair est triste, hélas.

Caimano (Il) - Caïman (Le)

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 2006, Italie
Acteurs principaux : Margherita Buy (1962 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Silvio Orlando (1957 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

C'est le film où Nanni fait le tour de ses meilleurs ennemis. D'abord, il se déguise en son contraire : un ex-producteur de nanars anticommunistes, un has been névrosé, incompétent, fauché et en retard d'une ou deux époque(s). Aussi papa en instance de divorce, mais ça, ça le rendrait plutôt sympathique, c'est par là que Nanni pourrait bien ne pas être si différent. Pour brouiller les pistes, il se regarde aussi dans le miroir d'une jeune postulante cinéaste aussi motivée que stressée par sa propre ambition. Le genre citoyenne concernée, altère egotte en plus jeune et moins blasée. Enfin, il affronte sa bête noire, l'espèce d'hydre bronzé à la tête d'à peu près tout en Italie. Il lui pique son texte, le dé-joue et le dé-sincarne en lui otant tout folklore. Et là, ça ne fait plus rire du tout. Autoportrait en négatif, en creux et en décalé. C'est en s'éloignant de lui-même que Moretti s'en rapproche le mieux.

Mist (The)

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Réalisé par : Frank Darabont (1959 - )
En : 2007, USA
Acteurs principaux : Marcia Gay Harden (1959 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 126 mn, couleur

Critique perso :

Une petite famille américaine pépère, dans la campagne américaine authentique. Une nuit, passe un gros orage qui met un peu de pagaille dans le voisinage. Pendant que le papa fait des courses avec le fiston au supermarché du coin pour réparer les dégâts, l’orage fait place à un brouillard particulièrement épais d’où sortent de drôles de hurlements. Vaut mieux plus trop sortir du magasin. Bon, en fait, c’est pas un orage, c’est carrément des grosses bestioles à tentacules, pas bien répertoriées dans la faune terrestre, qui font une opération razzia au supermarché, camouflées dans le brouillard. Sauf que la marchandise qui a l’air de surtout les intéresser, c’est la chair humaine. A partir de là, le film bascule en survival collectif. Le huis-clos façon Ange exterminateur tourne au cauchemar typiquely American, avec clans antagonistes qui se forment et prophétesse hallucinée. La religion et la consommation se mêlent toujours à la politique, quand ça se passe par là-bas. C’est pas trop la rationalité qui domine… Le film est incontestablement efficace et se paie l’audace du happy end le plus déprimant qu’on puisse imaginer, du American Way of Death du meilleur cru.

Louise-Michel

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Réalisé par : Kervern & Delépine
En : 2008, France
Acteurs principaux : Mathieu Kassovitz (1967 - ), Bouli Lanners (1965 - ), Yolande Moreau (1953 - ), Benoît Poelvoorde (1964 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 94 mn, couleur

Critique perso :

Quelque part au Nord : une usine avec des (femmes) ouvrières et quelques (hommes) patrons. Un jour, elle n'est plus là, elle est partie faire sa grande migration vers l'Est. Une seule solution : se venger du patron. Une ouvirère lambda, pas plus à l'aise pourtant avec le français qu'avec le grec, se charge de dénicher le tueur à gages idéal. Et elle le trouve, même s'il est un peu fauché tendance mégalo. Elle s'appelle Louise, il s'appelle Michel - à moins que ce ne soit le contraire. Mais les patrons ont une facheuse tendance à se délocaliser aussi vite que leurs usines. Le contrat tourne alors au road-movie artisanal. Les plans sont presque fixes mais, comme les personnages, ils cachent presque toujours quelque chose. Et le film est tellement anar qu'il mélange et inverse tous les genres. C'est de la tragédie poilante, du thriller trash, de la romance désespérée. On en ressort en se sentant tout propre, comme un gant de toilette retourné.

Vals Im Bashir - Valse avec Bachir

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Réalisé par : Ari Folman (1963 - )
En : 2008, Israël
Genre(s) : animation /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /docu (plus ou moins fiction) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Un homme raconte à un autre le cauchemar qui l'obsède depuis qu'il est rentré de guerre. L'autre aussi est rentré de guerre, mais ses souvenirs y sont restés. Il se lance dans une enquête pour les retrouver. Il va effectivement en dénicher quelques morceaux, bien planqués, et pas que des bons... La guerre, c'est celle menée par les israéliens sur le territoire libanais en 1982. L'autre, celui qui ne se souvient plus qu'il y était, c'est le réalisateur. Le mauvais cauchemar qui rôde à l'horizon, c'est le massacre des camps de Chabra et Chatila. Et puisque tout est affaire de reconstitution, puisque interviews, expériences remémorées et fantasmes se mélangent, c'est (presque) uniquement par le dessin d'animation que l'enquête sera menée. Donc rien n'est réel, tout est vrai. La peur, visiblement, n'est pas inventée, elle infuse tous les plans, comme ce jaune-soleil qui fait mal aux yeux dans toutes les images de guerre. Et rien de mieux que ces musiques décalées pour rendre le drôle de sentiment d'hébétude qui a l'air de prendre possession des soldats au combat -ou du souvenir qu'ils en ont. Une expérience sensorielle et mémorielle aussi forte qu'une plongée en apnée, aussi belle que du cinéma.

Agora

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Réalisé par : Alejandro Amenabar (1972 - )
En : 2009, Espagne
Acteurs principaux : Michael Lonsdale (1931 - ), Rachel Weisz (1971 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /à l'antique /épique pas toc
Caractéristiques : 127 mn, couleur

Critique perso :

Alexandrie, quelques siècles après J.C., un millénaire et demi avant Marie Curie et Simone de Beauvoir : une grande bibliothèque, pas mal de petits hommes. Pour les guider, ils ont un phare et ils ont Hypathie, la prof de physique-philo dont rêvent tous les adolescents (et tous ses étudiants). Elle est belle et elle s'en fiche, il n'y a que le ciel qui l'attire, le vrai, celui sans Dieu mais avec des étoiles dedans. Quand une petite secte obscure et sournoise (chrétiens, qu'ils se disent) prend violemment le pouvoir en mettant le feu à la bibliothèque, elle ne pense qu'à sauver quelques antiques parchemins (et son papa). Aux révolutions de palais, elle préfère celles des astres et quand les statues tombent, elle ne s'intéresse qu'à la chute des corps. Et qu'importe si Amenabar, plein de bonne volonté, lui fait plagier par anticipation (avec une douzaine de siècles d'avance) les expériences de Galilée, les résultats de Kepler et la pensée de Descartes : il a inventé le peplum laïc féministe niveau bac S, je ne le remercierai jamais assez !

Girlfriend Experience (The)

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Réalisé par : Steven Soderbergh (1963 - )
En : 2009, USA
Acteurs principaux : Sasha Grey (1988 - )
Genre(s) : New York - New York /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 77 mn, couleur

Critique perso :

Chelsea est une girlfriend à vendre, une call-girl, une vraie pro haut de gamme. Evidemment, c'est une professionnelle du sexe mais elle ne traite qu'avec des clients qui ont les moyens de croire qu'ils lui achètent surtout du temps et de la présence, et que ce n'est pas (que) leur argent qui compte. Tout est une question de prix. Son vrai boyfriend à elle s'appelle Chris, il vend de la gonflette dans une salle de sport. On le voit négocier ses services et ses produits ; lui aussi s'y connaît sur le prix de la beauté, en version mecs. Ils se sont trouvés, c'est-à-dire visiblement évalués au même niveau sur l'échelle économique du capitalisme du look. Un bon investissement mutuel, tout est under control dans le meilleur des mondes modernes (impersonnels et glaçants) possible. Enfin presque...

Mary and Max. - Mary et Max.

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Réalisé par : Adam Elliot (1972 - )
En : 2009, Australie
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 89 mn, couleur

Critique perso :

On se croirait au pays d'Amélie, sauf que c'est aux antipodes, c'est-à-dire sans couleurs, sans sourires béats et sans Paris. Ca commence en 1976. Mary : 8 ans, sosie miniature de Nana Mouskouri australienne complexée. Max : gros juif new yorkais d'une quarantaine d'années, névrosé carabiné. Chez Max, c'est normal, c'est pathologique : il a un syndrome d'Asperger, un autisme light qui le rend imperméable aux codes sociaux et aux émotions des autres, mais ne l'empêche pas de ressentir les siennes (puissance mille). Pour les mettre en contact, il faut un hasard gros comme le bottin de New York et une lettre envoyée comme une bouteille à la mer. Pour les faire continuer à s'écrire pendant 25 ans sans qu'ils se rencontrent jamais, il faut le miracle des amitiés impossibles qui changent la vie -et pas mal de chocolat. Ils vivent dans un monde qui ressemble au nôtre, en légèrement plus biscornu, peuplé de drôles de trognes. Et que tout soit en plasticine ne change rien : de toute façon, ils sont différents et solitaires, normaux et pathologiques, comme tout le monde. Et il faudrait souffrir d'un syndrome d'Asperger carabiné pour ne pas être ému aux larmes par leur histoire.

Serious Man (A)

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Réalisé par : frères Coen
En : 2009, USA
Acteurs principaux : Fred Melamed (1956 - ), Michael Stuhlbarg (1968 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 106 mn, couleur

Critique perso :

Années 50. Larry Gopnik a toujours été un serious man : bon mari, bon père, bon prof (de physique à la fac), bon soutien de famille (pour son frère largué), bon juif… bref, parfait bon américain moyen de ville moyenne. Et voilà que tout ce qu’il a patiemment construit au cours de sa bonne vie semble se dérober : sa femme se tire avec un collègue bien plus âgé, ses enfants lui échappent, ses étudiants contestent leurs notes, ses voisins se comportent bizarrement, sa santé vacille… En fait, tout devient incertain et ambigu, et même les rabbins n’y peuvent rien. Pourtant, décrypter les signes et les équations, c’est ce que la science et la religion lui ont toujours garanti. Capter les ondes du ciel, avec la Torah ou les antennes de son toit, ça a toujours semblé facile. Mais là, ça coince. Maintenant, c’est le Principe d’incertitude, qu’il enseigne dans ses cours, qui prend le dessus. On ne sait toujours pas si le chat (ou le dibbouk) de Schrödinger est mort ou vivant, c’est dire. Et de la théorie à la pratique, il y a décidément une vie. Et un film. Drôle et profond.

Sin-se-gae - New World

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Réalisé par : Hoon-jung Park
En : 2013, Corée
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 134 mn, couleur

Critique perso :

Effervence dans une tentaculaire mafia coréenne. Le big boss vient de mourir (de façon pas trop naturelle), va falloir désigner son successeur, sans doute parmi les boss des diverses branches de la holding. Un problème de mecs, évidemment. Parmi les moyens-boss a priori pas vraiment éligibles mais au début de carrière prometteur, y'a Jung-jae Lee. En fait, lui serait surtout soutenu par la police locale, qui est son vrai employeur, mais évidemment c'est pas une campagne très officielle. Alors, Jung-jae Lee fait comme il peut pour satisfaire ses divers boss. Il est très bon pour garder un visage impassible en toutes circonstances et pour ne pas trop tâcher son parfait costume d'homme d'affaires, ce qui lui sera extrêmement utile. Beaucoup manoeuvrer, tout cacher à tout le monde le plus longtemps possible, that is the problem pour à peu près tout le monde, dans ce film. Y compris aux spectateurs, si possible... Mission accomplie...

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Réalisé par : Chauveau, Holveck & Tellier
En : 2014, France
Acteurs principaux : Dominique Tellier (1963 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Hum, là j'avoue, j'ai un peu de mal à prétendre à l'objectivité. Non, c'est pas tout à fait un hasard si l'acteur-scénariste-co-réalisateur-monteur (sous pseudo) et homme à tout faire de l'affaire porte le même nom que moi. Et même, que c'est pas le seul à porter ce nom-là dans la distribution. En plus, on dirait qu'il s'est amusé, pour l'occasion, à réinventer l'histoire de quelqu'un d'autre que je connais aussi très bien, et même d'encore un peu plus près (désolée, pas possible d'en dire plus..!). En gros, le film un road movie paresseux : l'histoire de Stanislas, un mec qui lit 3 bouquins en même temps -voire un peu plus- et mène une vie un peu compliquée -voire un peu plus. Il est chargé par son boss de trimballer un bizarre instrument indien à 3 octaves -voire un peu plus- à 30km de là, et n'est pas pressé d'y arriver. Stanislas, il est super bon pour se faire inviter, désirer, servir... toujours en douceur et sans s'énerver. Il peut être très chiant, pédant et lâche -voire un peu plus- mais aussi plus innocent et naïf qu'il en a l'air. En fait, il est comme tout le monde, Stanislas, il rêve d'une vie qui soit aussi, encore, toujours un peu plus... A voir gratos ici !

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