Si Pépé le Moko avait survécu et était rentré à Paris, il se serait sans doute appelé Max. Il aurait pris un peu de bouteille et aurait continué à régner sur son petit monde : des gars du milieu -pourtant pas loin du bout du rouleau, mais avec de beaux restes-, et des mômes enjoleuses qui savent lever la jambe. Il aurait parlé le pigalais, fréquenté le restau des copains, le cabaret des copines. Et il aurait connu Riton, l'ami de 20 ans, le seul à qui on fait confiance pour la chasse au grisbi -non, ce n'est pas un ours brun mais il attire les mouches, les renards et les abeilles. Un patriarche qui a de la classe, des débuttants prometteurs (une certaine Moreau, un certain Ventura), une belle histoire d'amitié virile et pudique.
4 hommes dans un désert, à la recherche d'une guerre perdue ; 4 français de partout, mais du bon côté. Un intrus allemand permet d'importer le conflit dans la troupe, et de faire de sa jeep un terrain d'opération militaire, un café du commerce, une arène et un théâtre. La patrouille perdue apprend à connaître Le Salaire de la peur. Le Sahara fournit les ennuis, l'armée fournit les boîtes de conserve, Audiard fournit les cartouches. Ca manque un peu de femmes, donc de subtilité. Mais c'est du gaulois pure sueur, de l'anar pure gouaille, du solide en grains (de sable).
J'avais un copain à qui ce film tenait lieu d'alcotest. Dans son état normal, il connaissait toutes les répliques par coeur. Sinon, il évaluait l'état de sa mémoire en commençant la récitation et en voyant jusqu'où il arrivait à tenir... Moi, je m'arrête tout de suite (mais je ne l'ai vu que 3 fois (et je ne suis jamais bourrée)). Au fond, c'est quoi, ce film ? Des hommes entre eux : plus très jeunes, plus très beaux, tendance bedaine ou calvitie. Ils ne disent à peu près rien d'autre que "t'ar ta gueule à la récré", mais en dialecte Audiard, ce qui change tout. Des machos à l'ancienne, face au mystère d'une jeune fille des sixties. Ce film, c'est la dernière excuse bafouillante des ours d'antan dans un monde qui n'est plus le leur -la dernière génération avant Simone de Beauvoir.
Il sort de prison (par les toits), prend un train (sans billet) et emménage dans un petit pavillon de banlieue (sans signer de bail). A l'autre bout du pays, une fusillade fait plusieurs morts dans un restaurant. En fait, les deux événements ont un certain lien de parenté... Bien sûr, le gentleman tueur fraîchement sorti de l'ombre a rapidement besoin de se remettre à flots. Pour cela, il va s'associer aux aristocrates cambrioleurs impliqués dans l'autre histoire. Bien sûr, il y a une femme perspicace et un flic fatal aussi sur le coup. Bien sûr, tout ne se passera pas exactement comme prévu. Mais la racaille de l'époque avait tout de même de la classe. Ils ont le geste précis, la parole économe. Avec leurs costumes-cravates, ils ont tous l'air de sortir d'une grande école. Ils sont ingénieurs en casses millimétrés, docteurs en loyauté au milieu du désastre. Droits dans leurs bottes, même quand elles sont embourbées jusqu'au cou.
Beretto s'est rangé des voitures pour se reconvertir dans le bateau de plaisance. Un jour, il reçoit la visite de deux Blues Brothers louches qu'il a l'air de bien connaître. Ca le lance sur la piste d'un certain Michalon, à Nice. Michalon, c'est la mascotte des tortionnaires, le serial connard idéal. Pour d'obscures raisons, il a une promo de Collège anglais en motocyclettes rouges et coupe Beatles aux trousses. Il n'aura pas de trop de Beretto et de ses potes pour volatiliser les uns après les autres à coup de dynamite les yéyés british biberonnés à "Chapeau melon et bottes de cuir". Voilà à quelles extrémités conduit l'abus d'humour surréaliste sur fond de gouaille franchouille.
C'était pendant la guerre -la dernière, jusqu'à nouvel ordre. Ils étaient français et engagés dans la seule armée digne de ce nom -celle de l'ombre. Ce sont des héros mutiques, pas causants, pas tendres, pas gentils. Des héros, quoi. Clandestins dans leur propre pays, dans leur propre vie. Leur grand chef est un grand mathématicien-épistémologue (ce qui n'est pas pour me déplaire). On le voit faire un tour à Londres, le temps de prendre les conseils et la médaille d'un grand type à petite moustache, et d'aller voir Autant en emporte le vent. Le reste du temps, c'est la guerre. Des nerfs, surtout, parce que c'est le nerf de la guerre. Il y a des morts -beaucoup- et presqu'aucune larme. Le film est sec et glacé, à son image. Chaleureux aussi, à la leur.
Bienvenue au réveillon du commissariat. Oui, il fait froid dehors. C'est glauque, c'est la province, quoi. Il ne manque rien, même pas le sapin de Noël à guirlandes. Le champagne, les petits fours et les noeuds papillons, c'est au rez-de-chaussée. Non, désolé, vous vous allez à l'étage, dans le bureau de l'inspecteur Gallien. Oui, c'est pour un interrogatoire. Oui, ça peut durer longtemps... Alors comme ça, vous êtes notaire de province. Et vous avez tué et violé deux petites filles... Non ? Peut-être ? Peut-être pas ? Comment ça, c'est la faute à votre dame !? Ca ne se dit pas, ces choses-là. Pas mal, la dame, d'ailleurs. Une belle silhouette de mante-religieuse. Et ça cause, et ça cause. Bon, ben moi je crois que je préfère aller me recoucher.