Avant même le drame, elle est déjà tout en noir et pleine d'épingles, Thérèse, comme un papillon dans la vitrine de sa boutique de tissus. Un mari toujours au lit (mais uniquement pour dormir ou se faire soigner), une belle-mère comme on les craint toujours sur le dos : on la plaint, Thérèse. Alors, le collègue italien à biscottos, on le voit arriver comme les petits chevaux auxquels le mari ne cesse de jouer : avec ses gros sabots. Le drame est sur les rails... Pas très nouveau, pas très étonnant : un médiocre drame de la médiocrité. Une espèce de ressucé de la Bête humaine plein d'humains très bêtes. Sans oublier le matelot, qui sonne toujours deux fois. Zola a sans doute vu pire. On a vu mieux mais ça n'a rien de déshonorant.
Le Cid, quand on est français, on connaît : on sait qu'il cause l'alexandrin couramment, qu'il souffre de cruels dilemmes incurables et on se souvient vaguement d'une querelle avec trois unités. C'était qui, celles-là, déjà ? Bizarre, il n'en est pas question ici. Pourtant il a du coeur, aussi, ce Rodrigue. Il aime aussi une Chimène, et tout irait pour le mieux si les beaux-pères ne s'avisaient de gâcher la fête. Le tout est traité en peplum tardif, dans un Moyen-âge ibérique pré-jihadique sous influence shakespearienne. Pas sûr que Gérard Philippe y retrouve son pourpoint. La morale est claire : ô rage, ô désespoir, le pouvoir et l'héroïsme vont rarement ensemble. Le Cid a choisi son camp, mais il n'aura droit qu'à une victoire post-mortem. Mais aux âmes bien nées, la gloire peut bien attendre le nombre des années.
Le générique est très beau : un homme en noir avance, seul, dans le magnifique décor tout en pavés, escaliers et colonnades de l'architecture vaticane. Une fourmi traverse l'éternité. Stephen Fermoyle, donc, est prêtre. Formé à Rome mais américain de coeur et irlandais d'origine, carrure d'athlète, intelligence de compétition. C'est un spécialiste de l'histoire de la réforme. Ca tombe bien, le monde bouge : on le voit au turbin des âmes en divers points du monde occidental, entre les deux guerres mondiales. On suit ses problèmes de conscience et ses intéractions avec le monde des hommes. Sérieux comme un pape (qu'il n'est pas), un peu trop poli et honnête (pour le devenir), il croise la route de beaucoup de puissants et de gros cons, de femmes idéales et de filles perdues. Il résiste à la tentation d'épouser Romy Schneider, ce qui prouve la force de sa vocation. Une grande fresque en rouge et noir, plus politique (façon Tempête à Washington) que spirituelle (façon Dix commandements). Assez impressionnante au bout du compte.
20 ans plus tard... Désormais, Michaël est clean : plus rien d'illégal dans son activité, il est simplement devenu capitaliste immobilier. Il est aussi diabétique, papa gateau et en quête de rédemption. Il a bien un neveu un peu turbulent qui voudrait renouer avec les bonnes vieilles méthodes (ça, c'est le côté Mean Street) mais lui préfère traiter avec les huiles de la finance et du Vatican (ça, c'est le côté Tempête à Washington et Le Cardinal). Son seul fiston veut devenir chanteur lyrique, et ne trouve rien de mieux à faire que d'entraîner tout le monde dans une représentation piégée (ça, c'est le côté Homme qui en savait trop). Mais Michaël en a vu d'autres : malgré ses cheveux blancs, il a encore de l'allure et pourrait bien re-séduire Kay (ça, c'est le côté Dallas). Le crépuscule de la lignée vaut bien un dernier opéra.