Après nous avoir plongé en apné Dans la peau de John Malkovich, un scénariste fou récidiviste nous embarque pour un voyage au centre de la tête. La tête appartient à un certain Joel, elle dort et en même temps elle est en panique, parce qu'on s'attaque, avec son consentement officiel, à tous les souvenirs qu'elle a engrangés de Clementine, l'ex de Joel. Vous suivez ? Normal, ça va plus vite que dans Solaris. Pas facile tous les jours de voyager sur les voies de l'association libre, à la vitesse des synapses. Pour éviter le syndrôme de la surcharge cognitive et profiter des trouvailles et inventions visuelles qui se cachent dans les coins, on conseille la télécommande (touches "pause" et "replay"). RDV dans 10 ans pour voir ce qu'il en restera quand on aura tout oublié.
Sur la scène de sa petite télé intérieure, Stéphane est un homme orchestre. Images, sons, cuisine : il sait tout faire. Dans la vraie vie, c'est pareil en un peu moins bien. Il est de retour à Paris auprès de sa maman, qui prétend lui avoir trouver un boulot "créatif" dans une boîte de calendriers. Dans ses rêves, il révolutionne le concept et subjugue ses collègues de travail. Dans la vraie vie, c'est pareil en un peu moins bien. Et puis, il croise sur son palier la charmante Stéphanie, sa voisine, sa semblable, sa soeur. Il la séduit en lui fabriquant sur mesure des machines mirobolantes. Mais on ne sait jamais trop dans quelle vie ses machines et ses charmes marchent correctement. Stéphane, il a le don d'être un magicien de lui-même : il arrive à se faire croire à peu près n'importe quoi. D'une non-histoire d'amour, il fait simplement une belle histoire. Dans la vraie vie, Michel Gondry aussi, en encore mieux.
Un cinéaste-bricolo-geek interviewe une star intello-linguiste, en fait un film avec quelques crayons feutres, et crée un genre à lui tout seul : quelque chose comme le docu-essai d’animation. La bouille vieillissante de Chomsky est bien là, parfois, derrière, mais devant ce sont des idées, des concepts, des objets, des exemples, tout un théâtre de la pensée qui s’anime pour nous. Ils (les concepts) débattent, se confrontent, se mélangent, font la farandole et saluent à la fin, comme les vrais personnages d'un film qu'ils sont ici, Il est question des langues et du langage, de syntaxe (la spécialité du bonhomme), de sémantique, de cognition, d’épistémologie, d’histoire des sciences, de méthodologie de la recherche, des difficultés de l’interaction (ça, c’est plutôt la contribution spécifique de Gondry), bref, c'est exactement tout ce que j’adore et c'est passionnant ! En mots (écrits), en paroles (dites), en images (vues), un vrai feu d’artifices de l’esprit pour l’esprit.