Un décor de théâtre, un sombre complot en vase clos, un scénario à la Colombo, avec mondains pervers et objets fétiches dans les rôles principaux : c'est tout ce qu'il faut à Hitch. Fidèle à son dicton qui veut que meilleur est le méchant, meilleur est le film, il case là une des pires crapules les mieux habillées de son cinéma : un ambitieux opportuniste, faux-cul et manipulateur : bref, un vrai metteur en scène. Il est marié à quelqu'un à sa hauteur : une dame très élégante bien qu'un peu garce et hypocrite sur les bords -capable de tuer un homme avec ses jolies petits bras et ses ciseaux de couture, tout de même. L'un veut tuer l'autre, mais l'autre a l'art de tout gacher. Que le fin mot de l'histoire dépende d'une clé volée dans le porte-monnaie de la dame n'étonnera que ceux qui ignorent tout de la psychanalyse.
Le meurtre mode d'emploi selon sir Alfred. Jeff a la jambe cassé et le platre qui le démange. Alors, il fait comme tout le monde : il regarde par la fenêtre dans la cour de l'immeuble en face de chez lui. Et il voit tout -ou presque : les étapes de la vie, les saisons de l'amour, les heurs et malheurs des hommes. Le reste, quand son infirmière et sa fiancée lui en laissent l'occasion, il a tout le temps de l'imaginer (ça tombe bien : il a beaucoup d'imagination !). Hitchcock invente le thriller en pyjamas, le huis clos avec vue sur le monde, la tragédie humaine dans une maison de poupée -bref, il ré-invente (une fois de plus) le cinéma.