Quiconque a un peu joué aux échecs (et je ne prétends pas du tout être une spécialiste !) sait que, pour s'assurer le contrôle d'une case adverse et menacer la pièce qui s'y trouve, il faut que plusieurs de ses propres pièces soient en position de prise. Et qu'une partie est une manière de tisser et retisser un complexe réseau de positions de contrôle réciproques. C'est la base du scénario de ce film (et de sa forme, aussi, puisque le split screen y est utilisé pour transformer l'écran en échiquier). Deux grands maîtres s'y affrontent. Ils disposent chacun de pièces maîtresses, des plus belles motivations humaines : l'argent, l'amour, le pouvoir -et partagent la capacité de savoir s'en servir et le goût du risque. Mais ils sont irrémédiablement adversaires. La partie culmine, of course, dans une vraie partie d'échecs torride (la seule chose dont se souviennent ceux qui ont vu le film il y a longtemps). Le plaisir est esthétique, sensuel et cérébral. Réussite et mat !
Ce serait le Jeanne Calment américain : dernier survivant de la bataille de Little Big Horn, petit par la taille, grand par le coeur, Little Big man. Ce serait le condensé de tous les destins possibles de son temps : fils de pionnier devenu indien Cherokee, enfant de coeur, colporteur douteux, as de la gachette, commerçant honnète, trappeur solitaire et pisteur de cavalerie. Capable de tout, sauf de tuer un homme. Précurseur de Zelig (pour sa capacité d'adaptation) et de Forrest Gump (pour ses rencontres prestigieuses), blanc chez les rouges, rouges chez les blancs : Candide au Far West. Ce serait toute la mémoire du western, toute la mémoire de l'Amérique : un enfant de 121 ans.
C'est un agent de la CIA version bobo-cool, qui vient au boulot en motocyclette et qui sait lire - pas trop comme James Bond, donc. Son boulot, c'est même de lire des romans toute la journée, pour y dénicher des histoires qui pourraient provenir -ou être destinées à- d'autres agents comme lui. Faut vraiment être scénariste à la CIA pour inventer un truc pareil. Le pire, c'est que c'est à cause de ça que tous ses collègues se font zigouiller. Dans le genre polar-politique-parano des années 70, le film se pose là. Mais quand il commence à évoquer le pétrole du Moyen-Orient, on tend l'oreille. A croire que Pollack a trouvé son scénario en lisant les journaux des années 90. En voyant qu'il a logé son noeud de vipères dans une des deux grandes tours qui pavoisaient alors au sud de Manhattan, on se dit même qu'il a sacrément bien visé, le bougre. Au bout du compte, on est tout à fait convaincu qu'inventer la réalité, c'est un boulot dangereux.