Un beau jour, quelque part entre la Riviera et Paris (c'est-à-dire quelque part sur le chemin du Paradis), elle pénètre dans un compartiment de train (et sans doute dans les rêves) de deux charmants messieurs endormis. Elle les dessine et s'endort à son tour. Sans doute pour qu'ils puissent entrer dans ses rêves à elle. Tout est contagieux, dans ce film ; le sommeil, le bonheur, le succès. L'amour, bien sûr. Mais à trois, forcément, dans trois pays différents, ça complique un peu la vie. Et tout le reste... Ils ne pensent qu'à ça mais n'en parlent jamais -enfin si, en fait, tout le temps, mais en parlant d'autre chose. Pour se donner le change, ils se fixent des règles -gentlemen agreement- qu'ils s'empressent de ne pas respecter. Rien à faire : les objets, les choses, les lieux, leur parlent toujours de la même chose. De ce dont ils ne veulent pas parler, bien sûr. Ce remake par anticipation de Jules et Jim -la tragédie en moins- est du genre à donner envie de se compliquer la vie.
Henry James, grand coupeur de cheveux en 4000, a inspiré cette histoire de jeune femme sous influence, dans la bonne société new-yorkaise du XIXème siècle. La jeune femme est censée être très moche et très fade (bien qu’incarnée par Olivia de Havilland), si mal aimée de son père, docteur de la haute, qu’il n’imagine pas un instant qu’on puisse la courtiser pour autre chose que ses sous à lui, surtout si on est fauché et beau comme Montgomery Clift. Une fois toutes les pièces du jeu posées, il n’y a plus qu’à observer la lente destruction d’un coeur par tout ceux qui sont censés lui vouloir du bien. L’héritage (financier et biologique) comme malédiction et obstacle au bonheur : la leçon de maître Henri est, comme on pouvait s’y attendre, subtile et ambiguë, mais néanmoins assez claire, même découpée en 4000. Film de prestige typique de l’âge d’or hollywoodien, en mode beau boulot.