Pour fêter le début du cinéma parlant, Hitchcock, déjà gros mais pas encore grand, se lance, comme il fera souvent, dans l'adaptation d'une pièce de théâtre contemporaine à succès... et oublie par la même occasion les règles les plus élémentaires de sa vraie langue, ce parler en images qu'il a commencé à inventer. C'est peu dire que la pièce a peu d'intérêts et que le film est raté : un mélo irlandais vaguement socio-politque, en huis clos sordide, chez des prolos au fond du trou, le tout à cause du manque de sens de responsabilité des hommes de la famille. Ca commence comme une comédie pas drôle et ça se termine en drame pas touchant. Quand il fait chanter ses personnages, c'est même pas sous la menace, c'est juste pour tester ses micros. Zéro mystère, pas un pence de suspense ni un gramme d'ambiguïté : qu'est allé faire Hitch dans cette absence de galère ?
La verte vallée du titre, c'est le Pays de Galles charbonnier, période Germinal tardif. Pas forcément pimpant, dans l'imaginaire commun. Mais les paradis de l'enfance sont souvent verts, allez savoir pourquoi. Dans la famille Morgan il y a, si j'ai bien compté, 6 fils (dont un narrateur : le plus jeune) et une fille à marier. Des parents, aussi, bien sûr : modèle frustre mais droit (côté paternel) ou intelligent du coeur (côté maternel) -modèles tout court. La mine, la grève, les pintes de bière, le pasteur, l'école... rien d'étonnant au décor. Et pourtant, tout arrive par surprise, sans doute parce que c'est la première fois. Dans ce corron d'outre Manche, on parle une drôle de langue : du Welch poétique, peut-être. A moins que cela ne soit la langue de la nostalgie universelle.
Ils ne pensent qu'à ça -mais n'en montrent jamais rien. Ils ne parlent que de ça -sans jamais rien en dire. C'est un peu comme les politiciens de cette époque, qui ne parlaient jamais de guerre non plus avec Hitler. De quoi est-il question, alors ? De tuyauterie, de bonnes manières. De ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Par exemple, qu'il n'est pas très correct pour une jeune fille de s'occuper de la plomberie. Et que si un homme ose s'intéresser aux domestiques, c'est qu'il a au moins l'excuse d'être un dissident tchèque. Et que rien d'intéressant n'arrive si on ne fait jamais rien de pas correct. On sent le maître qui sourit derrière chaque sous-entre-entendu, jubile derrière chaque geste subtilement incongru. Et cligne de ses yeux malins derrière les paupières de sa caméra.