Un casse, une bande, un leader. Une garce. Tous avec les gueules de l'emploi. Des solos d'honnêtes travailleurs, des duos de comploteurs, des chorus de maniganceurs. Des masques et des guns. Tous de parfaits artisans cambrioleurs. Une caméra qui traverse les murs, fait des rosaces dans le temps et l'espace, perce les contre-jours et les arrière-pensées. Et une voix off de contremaître à chronomètre. Tous les pions du grand jeu sont à leur place. Le plan était parfait, la mécanique capable de fonctionner même avec quelques éléments défaillants. Mais ce serait compter sans un grand architecte ironique qui, sans doute après avoir trop regardé Le Trésor de la Sierra Madre, a décidé de faire du destin son arme favorite. Et qui a bien raison de croire au sien.
Allons droit au but : il ne s'agit pas ici de football mais de comédie et de politique. Le film a été tourné à Berlin en 1961 (au coeur de l'action). La guerre y est froide, mais pas l'atmosphère. On ne savait rien, encore, du politiquement correct : les allemands coté ouest sont bien sûr tous d'anciens nazis, ceux de l'est récitent leur catéchisme communiste, les russes de service sortent tout droit de Ninotchka, la jeune première américaine est une écervelée (elle s'appelle Scarlett et vient d'Atlanta, c'est tout dire !). Au milieu du foutoir, droit dans ses bottes, s'ébat le représentant de Coca Cola himself, plus truand encore que les autres (on l'a reconnu, c'est James Cagney : dans les années 20, il ne vendait pas que du coca !), metteur en scène survolté d'intrigues de plus en plus tarabiscotées. En débit de paroles à la seconde et de gags à la minute, ce film est peut-être bien, effectivement, champion du monde.
Dans le monde merveilleux de Jacquot de Nantes, on croise des princesses et des putains, des camionneurs et des saltimbanques qui, des fois, sont les mêmes personnes. Agnès, elle, s'est choisie le double rôle de la marraine-marketing, de l'enchantée enchanteresse, et elle nous fait la visite guidée des coulisses de son grand homme. Elle ouvre le grand livre de ses images, où chaque chapitre serait une oeuvre, mais dans un savant désordre. Ca passe du coq à Peau d'âne, de ville en ville et de port en port. Surtout pas une thèse, plutôt un hommage malicieux et complice. Cette grande dame-là connaît visiblement l'art de recevoir et de donner plein d'amour, et le plus grand art encore de rendre son don contagieux.