Un petit docu sur la vie à Chicago au début du XXème siècle nous met dans le ton : les rues regorgent de petites cailleras à casquettes, toujours prêtes pour un mauvais (petit) coup. Mais les enfants grandissent et leurs coups aussi. Tom Powers est de ceux-là. Il a, comme son nom l'indique, une pile électrique dans le ventre et le poing baladeur. Il apprend vite à manier la gachette (et le demi-pamplemousse), à se rendre indispensable aux uns et encombrant aux autres. Dans ces cas-là, ce sont souvent les autres qui gagnent. Avec ce film et Little Caesar, sorti quasiment en même temps, le crime a trouvé son visage, son sourire malin et son énergie.
Au début, c'est comme dans l'Ennemi public : deux gamins des rues mettent au point un mauvais petit coup de plus. C'est raté. Celui qui court le plus vite réussit à sauver sa peau (des gendarmes) et son âme (il deviendra prêtre). Pour l'autre, c'est vraiment raté : maisons de redressement, prisons, mauvais petits coups qui deviennent des gros mauvais coups. Libéré, il roule des épaules et des mécaniques et revient habiter dans son ancien quartier, narguer son premier complice et montrer le (mauvais) chemin aux nouveaux gamins de son ex-rue. Conte moral(isant), heureusement pas trop gnangnan grâce au charme canaille de Cagney, à son énergie explosive (il a toujours l'air d'être à l'étroit dans ses costumes et entre 4 murs). Même la rédemption finale par le jeu (de basket ou de théâtre) se permet d'être ambigüe, c'est dire l'audace.
Les années 20 dans le rétroviseur, commentées par une voix off habituée des discours officiels. En fait, les années 20 commencent dans les tranchées de France, entre 1914 et 1918. C'est là que se rencontrent Eddie, George, et Lloyd (comme le scénario est bien fichu, ils se retrouveront bien sûr plus tard). Le retour au civil est rude. Heureusement, vient la Prohibition. Eddie, qui ne fait rien comme tout le monde, fournit ses contemporains en bibine frelatée, tout en buvant du petit lait. Sa petite entreprise fleurit, ses amours piétinent. Quand vient la Crise, comme il ne fait toujours rien comme tout le monde, il se met à boire autre chose. Chronique douce-amère d'un temps où le monde semblait tourner sur la tête. Regard nostalgique et effaré sur une époque pas si lointaine (et pourtant tellement exotique), où personne ne faisait comme tout le monde. Portrait de l'adolescence turbulente de la modernité schizofrène.
Cody Jarrett est un drôle de zig. Avec sa bande de truands-objets, il joue à l'attaque des trains en marche. Il s'en met plein les poches mais ne dépense rien. Avec sa femme-objet, il joue à la poupée (ou le contraire). Avec les gendarmes, il joue au chat et à la souris. Le seul être vivant avec qui il ne rigole pas, c'est sa môman. Cinglé, migraineux, aiguisé comme un couteau, il ne devra sa chute qu'à un Cheval de Troie dissimulé dans un autre Cheval de Troie. Et encore, ce grand bébé a l'art de transformer sa chute en son plus beau triomphe. L'archétype du film noir tardif : redoutablement efficace, dégénéré, plein de fulgurances -comme son héros. "Put the blame on mame", comme disait l'autre.
Allons droit au but : il ne s'agit pas ici de football mais de comédie et de politique. Le film a été tourné à Berlin en 1961 (au coeur de l'action). La guerre y est froide, mais pas l'atmosphère. On ne savait rien, encore, du politiquement correct : les allemands coté ouest sont bien sûr tous d'anciens nazis, ceux de l'est récitent leur catéchisme communiste, les russes de service sortent tout droit de Ninotchka, la jeune première américaine est une écervelée (elle s'appelle Scarlett et vient d'Atlanta, c'est tout dire !). Au milieu du foutoir, droit dans ses bottes, s'ébat le représentant de Coca Cola himself, plus truand encore que les autres (on l'a reconnu, c'est James Cagney : dans les années 20, il ne vendait pas que du coca !), metteur en scène survolté d'intrigues de plus en plus tarabiscotées. En débit de paroles à la seconde et de gags à la minute, ce film est peut-être bien, effectivement, champion du monde.