Le film préféré des américains (cf. IMDB) est l'histoire d'une famille (ce qui ne surprendra guère) qui prospère dans le crime (doit-on vraiment s'en étonner ?). La famille avant toute chose, donc : mariages, baptèmes, repas interminables pendant que les enfants courent autour de la table -de l'universel, avec juste un peu plus de pasta et d'enterrements que la moyenne. Ensuite viennent les affaires : une subtile économie du service rendu et du respect dû, de l'influence monnayée et de l'intimidation musclée ("on n'est pas des communistes !" comme ils le disent eux-même) -avec juste un peu plus de coups de feu que la moyenne. Surtout : l'histoire d'un héritage empoisonné, ou comment le regard insouciant d'un beau jeune homme intègre se fige progressivement. Les meurtres sont filmés comme des cérémonies religieuses, sa résistible ascension à lui comme une damnation.
On ne change pas une famille qui gagne. Vous voulez la suite ? Vous aurez le préquel (30 ans avant) et le séquel (5 ans après) pour le même prix ! Histoire de bien comprendre comment, en deux générations, on passe du petit racket de quartier à l'escroquerie grandeur nature (en l'occurrence, le pillage en règle de Cuba). Le crime organisé vit sa révolution industrielle, en quelque sorte. Michaël a pris la place de son père, et il s'en montre digne. Le plus dur -le baptème du sang inaugural- a déjà eu lieu dans l'épisode précédent. Mais la famille n'est plus ce qu'elle était : le frangin restant n'est pas le plus brillant, la frangine ne sait pas ce qu'elle veut, et Kay ose dire qu'elle n'est pas contente. On ne peut même plus compter sur les politiciens, qui envoient Michaël en commission d'enquête. Grandeur et décadence du crime business, apogée flamboyante du murder show.
Au Vietnam, dans les années 70 (et à plein d'autres endroits et plein d'autres époques), des hommes ont eu le sentiment de vivre la fin du monde. On appelle ça la guerre. Ca provoque généralement un mélange d'horreur et de fascination, de dégoût et de jouissance. Ca exacerbe tout : la connerie et le sublime -deux formes de folie qui finissent, dans ces conditions, par se ressembler. Au Vietnam, donc, dans les années 70, les Américains ont tenté d'acclimater les fleurons de leur culture (le surf, les playmettes de Play Boy et le rock'n roll) dans le bourbier des rizières. Ca n'a pas très bien marché. Ils ont tenté le napalm, aussi... Evidemment, ce film plein de bruit et de fureur ne fait pas dans la demi-mesure. Il relève plutôt de l'expérience sensorielle extrême, en évoquant un retour aux sources de la barbarie, et mène sur une révélation (le vrai sens d'"apocalypse" en grec) obscure qu'on n'est pas près d'oublier.