Au début, un type poursuivi, de nuit, par des malfrats, s'arrête 5mn pour papoter joies matrimoniales avec un inconnu qui lui a tendu la main. Le polar prend, déjà, le chemin des écoliers. Et puis, le type repart dare-dare aller plutôt emmerder son frangin. Le frangin est, comme le héros de Detour, pianiste de bistrot. Mais, lui, c'est aux autres qu'il porte malheur. Aux femmes surtout. Le film sera l'occasion de faire le tri entre les vrais et les faux frères (les vrais Saroyan Brothers s'appellent Edouard, Richard, Chico et Fido...), mais contribuera pas mal à embrouiller les genres : il entretient l'art subtil de filmer les choses sérieuses comme des conneries, et les conneries comme des choses sérieuses. Tarentino l'a sûrement regardé en boucle, et c'est impossible de le lui reprocher.
Chez M. JLG, la femme est une femme est un petit animal charmant. Un peu pute, un peu conne, mais tellement charmante. Pour lui plaire, on a le droit de l'insulter un peu, mais gentiment. Elle a l'habitude. Pas fichue de faire correctement la cuisine, mais capable de répondre. Le seul vrai problème est que, cette conne, elle n'attend que de se faire épouser et d'avoir des enfants. En cas de refus du compagnon officiel, elle peut demander ça au premier voisin venu. J'vous jure, des fois. Et en chantant, s'il vous plait. Et on est heureux, et on rigole, et le monde est coloré et enchanté comme chez Jacquot. Des fois, M. JLG oublie un peu, ce con, que l'humour et la légèreté ne sont pas son fort. C'est un homme est un homme.
Jules, germanique mélancolique, tombe en amitié avec Jim, dandy français. Ils fréquentent Shakespeare, les cafés et beaucoup de jolies parisiennes. Ils vivent à toute vitesse. Le jour où ils rencontrent Catherine, elle leur rappelle quelque chose comme l'image de la beauté. C'est la première qui court plus vite qu'eux : Jules l'épouse. Ils font bien de se dépêcher, la Grande Guerre arrive. Puis les fluctuations du désir et le tourbillon de la vie. Ce film est une merveille de drame léger. Il est raccord avec ces stock-shot des années folles qui y sont intégrés, et qui montrent la vie en accéléré, comme en courant, à 23 images/seconde. Il est raccord aussi avec le présent de la mémoire, le goût de la liberté et la saveur inoubliable du bonheur en allé.
Faut vraiment pas avoir regardé la télé depuis de longues années pour avoir envie d'acheter le DVD de la Grande vadrouille. C'est mon cas. Et, après 20 ans d'abstinence de ce film, je peux le dire : c'est vraiment drôle ! Qu'il passe là-dedans plein de clichés franchouillards sur l'homosexualité supposée des anglais ou le goût de l'ordre des allemands, ça ne fait aucun doute. Que son succès s'explique en partie parce qu'il a contribué à réconcilier la génération de mes parents et grands-parents avec leurs souvenirs de guerre peu glorieux, c'est fort possible. Cela n'enlève rien au plaisir de voir les grands duellistes comiques du cinéma française, dans leur numéro sado-maso favori, transformer chaque scène en sketch. Grâce à eux, un film sympathique se transforme en icône nationale.
Ce film, c'est les années 70 (post crise pétrolière) de la classe moyenne à lui tout seul. Pas de message révolutionnaire là-dedans, pourtant. Juste que les meilleurs copains sont ceux avec qui on joue au foot dans un pré le dimanche. Que les trucs essentiels ne se disent que devant un verre au bistrot ou un gigot à découper. Qu'à la quarantaine passée, la vie commence à sentir le roussi. Qu'il n'est pas rare de connaître des problèmes d'argent, de perdre quelques femmes et quelques illusions, et de commencer à camoufler les pépins de santé qui pointent. Ce film n'a pas mal vieilli, bien au contraire : en le voyant, je retrouve mes parents (côtés militants en moins) rajeunis. S'ils sont encore vivants pour toujours, c'est grâce à M. Sautet.
Deux modes de discours en parrallèle : d'un côté, une petite conf scientifique du professeur Laborit sur l'évolution des espèces, la vie sur Terre et l'interprétation des comportements (des souris et des hommes). De l'autre, une fiction qui entremèle les destins de trois personnages aussi dissemblables par leur origine que comparables par leurs difficultés à vivre. Ces trois-là ont nourri de nobles ambitions, ont été bien partis pour les accomplir. Mais ils finissent tous par nager un peu dans un costume trop grand pour eux, et auncun oncle d'Amérique ne vient les sauver du naufrage. Le discours scientifique distancié, comme mode d'emploi ironique de la comédie humaine. Le romanesque, comme horizon de l'observation objective (des souris et des hommes). A apprécier avec tous ses yeux, toutes ses oreilles et tous ses cerveaux.