A Metropolis, il y a la ville d'en haut -où les bien-nés s'amusent dans d'éternels jardins - et la ville d'en bas -où les mal-nés triment 10h par jour à faire tourner des machines infernales. C'est la division verticale du capital et du travail, une sacrée fracture que seul un Messie-médiateur amoureux pourra, peut-être, réduire. A condition de ne pas se laisser abuser par une femme fatale aux deux visages... Le recit, construit comme une symphonie, est complexe, mythique, mystique. Les décors sont grandioses, les effets bluffants, les foules inquiétantes à souhait. C'est de l'expressionnisme à angle droit, une grande machine de cinéma : l'oeuvre d'un grand horloger virtuose.
Le Deus ex-Machina de cette histoire est invisible et immortel, et c'est le maître du monde. Il a son temple (la Bourse), son clergé (les banquiers) et ses adorateurs (les boursicotteurs et les cocottes). Il y a bien quelques bizarres excentriques qui prétendent ignorer son culte : cet aviateur Hamelin, par exemple. Mais, même lui, il lui doit quelques courbettes pour espérer réaliser sa traversée de l'Atlantique. Saccard est de ceux qui ont le pouvoir de réaliser ce genre de rêve. Quand sa banque prend l'eau, il spécule sur la vie des hommes et sur la corruptibilité des femmes. Le film est comme un grand monopoly grandeur nature (superbe plateau !) où les plus fidèles du Maître ont toujours un coup d'avance. Vous croyiez encore qu'il a fallu une bonne crise pour soupçonner que les dés du capitalisme sont peut-être un peu pipés ? Que la mondialisation du fric a attendu la fin du XXème siècle ? Les bonnes blagues...