Les 775 films en DVD d'Isabelle
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film(s) relevant du genre : vive la (critique) sociale !

94 réponses classées par dates


Bronenosets Potyomkin - Cuirassé Potemkine (Le)

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Réalisé par : Sergei M. Eisenstein (1898 - 1948)
En : 1925, Russie
Genre(s) : culte ou my(s)tique /entre Berlin et Moscou /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 75 mn, NB

Critique perso :

Sur le cuirassé Potemkine, la viande est pourrie, les gradés sont perfides et les marins courageux. Mutinerie ! Sur les quais d'Odessa, attendent de braves prolétaires solidaires. Une révolte ? Non, Tsar, une révolution !.. Mais les soldats d'Odessa, aussi, sont perfides (d'ailleurs, on ne voit jamais leur visage). Le monde, filmé par Eisenstein, est un tableau abstrait aux lignes pures, peuplé de visages intenses. Rares sont ceux qui mèlent, comme lui, aussi bien les portraits individuels aux mouvements de foule, et les paysages naturels au monde des machines. Titanic lui a piqué tous ses plans de turbines et de pistons et innombrables sont les films qui rejoueront pour de rire le coup du landau dans l'escalier (cf. Brazil par exemple). Une révolution...

Stachka - Grève (La)

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Réalisé par : Sergei M. Eisenstein (1898 - 1948)
En : 1925, Russie
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 82 mn, NB

Critique perso :

Historiquement, le premier film du Grand Russe, une histoire de grève ouvrière. Les personnages : des prolétaires très pauvres et très opprimés, des capitalistes vieux, adipeux et suffisants, des mouchards qui ont des têtes de mouchards, des policiers qui n'en ont pas (de têtes), des enfants et des gueux, des machines et des chevaux. Le décor : une usine, des bureaux, des cités, des grands espaces, des têtes. C'est qu'on n'est pas dans une grève à la mode piquet : plutôt le grand air, le grand vent, des masses qui se rentrent dedans, un bouillonnement d'idées, un flot de trognes et de corps. Des cercles et des lignes droites qui bougent, s'affrontent, comme mus par une énergie animale : ce Grand Russe-là est un Kandinski du réel.

Oktyabr - Octobre

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Réalisé par : Sergei M. Eisenstein (1898 - 1948)
En : 1928, Russie
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Pour célébrer en images le 10ème anniversaire de sa Révolution, la Russie ne pouvait, évidemment, que faire appel à lui. Pour l'occasion, il se démène : il remplit ses images de textes, accumule les signes, plante des forêts de symboles. Il filme des hommes vides (les réacs) qui se transforment en pantins, et des hommes pleins d'idéal (les bolchéviques) qui se transforment en statues pour l'éternité. Il filme Lenine qui parle à la tribune et la foule qui envahit le palais de Pétersbourg comme autant d'idéogrammes sur l'écran blanc de l'Histoire (il semblerait que Trotsky, lui, ait été coupé au montage de la révision historique). Jamais un film muet n'aura été aussi plein de paroles de concepts.

Chienne (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1931, France
Acteurs principaux : Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Guignol nous avertit : ce n'est pas un "drame social" ni une "comédie morale", et il ne faudra y chercher aucune leçon. On y verra juste, en effet, les méfaits de l'argent sur l'amour -et de l'amour sur l'argent. On y compatira aux malheurs d'un petit monsieur nommé Legrand, au coeur trop grand pour le portefeuille. On y croisera une poule dans une peau de vache, une chienne déguisée en fleur. On y rencontrera Dédé, batteur de pavé innocent aux mains sales. Pas un qui n'ait bradé son coeur dans le grand bazar des sentiments illusoires. Et Renoir qui crée quasiment le genre noir (un certain Fritz Lang s'en souviendra dans La Rue Rouge...).

On purge bébé

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1931, France
Acteurs principaux : Fernandel (1903 - 1971), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 62 mn, NB

Critique perso :

Une pochade de Feydeau, scatologique et misogyne, jouée entre potes et tournée en quelques jours : drôle de débuts pour une carrière comme celle de Renoir. Scènes de la vie bourgeoise et conjugale, fin XIXème. Pour une fois, pas d'amant dans le placard, mais une femme qu'on voudrait bien y mettre (au placard). Une histoire de commande de pots de chambre pour l'armée française qui interfère avec la constipation passagère du fiston capricieux. Michel Simon en notable mielleux (et cocu of course). Première apparition de Fernandel. Premier film parlant de son auteur, comme le babillage émerveillé de quelqu'un qui vient d'apprendre à parler. Un petit galop d'entrainement avant de passer aux choses sérieuses...

Boudu sauvé des eaux

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1932, France
Acteurs principaux : Charles Granval (1882 - 1943), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 81 mn, NB

Critique perso :

Boudu, clodo un rien dépressif depuis que son chien l'a laché, a la bonne idée de se jeter dans la Seine juste sous les yeux de M. Lestingois, brave bougeois progressiste (c'est-à-dire qui aime les livres et trompe sa femme avec la bonne). Sauvé des eaux, l'anar pratiquant rencontre donc son théoricien : l'humaniste compatissant. Il s'incruste, fait preuve de bonne volonté pour s'adapter aux usages de la maison, et de désirs pressants auprès des dames qui y vivent. Sur une chanson populaire, la douce contagion du plaisir gagne du terrain. Avec lui, tout peut arriver. Mais, au bout du compte, Boudu sera le seul fidèle à lui-même : prophète hédoniste, inculte incurrable, bon à rien professionnel. Insaisissable, comme l'eau d'où il vient et où il retourne. D'ailleurs, il se réincarnera bientôt en marinier insubmersible. Mais c'est une autre histoire.

Baby Face - Liliane

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Réalisé par : Alfred E. Green (1889 - 1960)
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Barbara Stanwyck (1907 - 1990), John Wayne (1907 - 1979)
Genre(s) : New York - New York /Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 71 mn, NB

Critique perso :

Lily a été élevée -si on peut dire- à la dure. Son papa tient une espèce de bistrot, mais il tire surtout ses clients, et ses revenus, des beaux yeux -et de la jolie silhouette- de sa fille. Il y a tout de même, parmi les clients, des gens qui savent lire. Y'en a même un à l'accent allemand qui offre à Lily "La volonté de puissance" pour la draguer, c'est dire (un nietzschéen revendiqué dans un film américain ? on hallucine...). Un fois le papa parti brûlé en enfer, c'est le moment pour Lily de trouver une situation à la hauteur de ses talents. Direction New York, donc, et le plus haut building qu'elle peut trouver. Plein d'hommes, cela va sans dire, qui ne manquent pas non plus de remarquer ses compétences et sa jolie silhouette -ni ses beaux yeux bien sûr, qui n'ont jamais froid, malgré leur air innocent. Son ascension sociale fulgurante se mesure à la sophistication de sa coiffure, au poids de ses fourrures et au numéro de l'étage où elle est affectée. Les choses vraiment sérieuses commencent au niveau des chefs, pères et fils... Film (dé)culotté typique de l'époque pré-code Hays (tellement qu'on hallucine !).

Heros for Sale - Héros à vendre

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Réalisé par : William A. Wellman (1896 - 1975)
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Loretta Young (1913 - 2000)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 76 mn, NB

Critique perso :

Entre la Grande Guerre et la Grande Dépression, en Amérique, c'était un peu la foire aux héros, aux martyrs et aux salauds. Aux pauvres et aux parvenus. Y'en avait plein les rues, on pouvait devenir l'un ou l'autre en moins de deux, pour un rien, par hasard ou par erreur. C'est ce qui arrive à Tom Holmes, faux traitre et vrai type bien, sorte de nouveau Jean Valjean au pays du capitalisme roi. Pour lui comme pour pas mal d'autres, sortir de la pauvreté est aussi dur que sortir des tranchées. Et faut pas trop compter sur les institutions pour se faire aider. C'e'st un peu La vie est belle en mode réaliste, ou comment la vie en société se transforme en moins de deux en guerre sans merci… Pêchu et pas nunuche !

Zéro de conduite

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Réalisé par : Jean Vigo (1905 - 1934)
En : 1933, France
Acteurs principaux : Jean Dasté (1904 - 1994)
Genre(s) : poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 41 mn, NB

Critique perso :

D'abord, c'est des bruits, des gestes. Des gamins dans un train. Puis d'autres, sur le quai. Ambiance rentrée des classes dans un pensionnat pour garçons en province, début XXème siècle. Les petits anges ont un corps. Le surveillant Huguet est un bon bougre : il a vu tous les Charlot. Et le réalisateur, lui, tous les Bunuel qu'il a pu. Le surveillant général n'a pas l'art des réveils en douceur. Le principal n'est peut-être pas à la hauteur de sa tâche. Les pensionnaires les plus hardis -ceux qui fument dans les toilettes, bien sûr- fomentent un complot. Le plan inclut la plus belle bataille de pollochons du cinéma, la plus réjouissante émeute jamais filmée. Récit d'anti-apprentissage sulfureux (à l'époque) et poétique (même maintenant) et étonnant (pour toujours).

Toni

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1935, France
Acteurs principaux : Charles Blavette (1902 - 1967)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /heurs et malheurs à deux /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 81 mn, NB

Critique perso :

Arrivée d'un train dans une gare de Provence (La Ciotat ? Peut-être...) : ça parle espagnol, ça chante italien, c'est plein d'étrangers qui viennent prendre le pain -et les femmes- des français. Parmi eux : Toni (qui a pourtant déjà un accent marseillais d'au moins trois générations). Et, effectivement, en matière de femmes, les choses sont assez rondement menées : il séduit Marie, sa logeuse mais préfère Josefa qui lui fait la coup de la guêpe dans le cou. Mais Fernand, le méchant cadre de la carrière de pierres qui l'emploie, l'épouse avant lui, et du coup lui épouse Maris. Après, ça tourne de plus en plus mal, avec cette espèce de fatalité tranquille qui a l'air de pousser là-bas aussi bien que les olives. Le ton, semi ethno-documentaire, fait l'effet de s'inventer en route, avec une maladresse qui a l'air toute naturelle. Avec ses ouvriers et ses paysans en première ligne, c'est du proto-Ken Loach-sur garrigue, autrement dit du pré-Guédiguian.

Mr. Deeds Goes to Town - Extravagant Mr. Deeds (L')

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Réalisé par : Frank Capra (1897 - 1991)
En : 1936, USA
Acteurs principaux : Jean Arthur (1900 - 1991), Gary Cooper (1901 - 1961)
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

C'est le conte de fée que les américains adorent se raconter à eux-mêmes : l'histoire d'un homme simple et bon, un average man sorti de sa cambrousse qui, par son bon sens terrien et boy scout, donne des leçons de savoir-vivre à la bonne société blasée et satisfaite de New York. Faut dire qu'il n'est pas mu par l'argent (louche, ça, à se demander s'il est vraiment américain), qu'il écrit des poèmes pour cartes de voeux (et on veut nous faire croire que c'est comme ça qu'il gagne sa vie !) et qu'il n'a même pas de petite amie (ce serait dommage de ne pas avoir l'occasion de sauver au moins une newyorkaise -la pire, si possible !- du marasme). Faut dire aussi qu'il a la tête de Gary Cooper, alors tout passe comme une lettre à la mailbox. C'est comme ça que les américain ont réussi à faire avaler leurs contes de fée au monde entier.

You Only Live Once - J'ai le droit de vivre

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Réalisé par : Fritz Lang (1890 - 1976)
En : 1937, USA
Acteurs principaux : Henry Fonda (1905 - 1982), Sylvia Sidney (1910 - 1999)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /les chocottes à zéro /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

Henry Fonda en méchant ? Non, il n'y a pas que Sergio qui a osé. Fritz, déjà... Mais lui, c'était par ruse. Une ruse pour faire comprendre aux américains que même les ex-taulards ont du coeur, parfois. Que même, ils peuvent être sincères, pleins de bonne volonté, et mériter l'amour des plus belles et gentilles filles du pays. Que même, ils pourraient de temps en temps avoir de bonnes raisons de ne pas faire complètement confiance à la société qui, des fois, peut les condamner à tort. Mais là-dessus, ils ont toujours été un peu durs d'oreilles, les américains. Au point qu'il y a des gars qui sont tellement américains qu'ils n'arrivent pas à croire eux-mêmes à leur innocence. C'est dire les dégats.

Marseillaise (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1938, France
Acteurs principaux : Charles Blavette (1902 - 1967), Julien Carette (1897 - 1966), Lise Delamare (1913 - 2006), Louis Jouvet (1887 - 1951), Pierre Renoir (1885 - 1952)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en France profonde /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 135 mn, NB

Critique perso :

Il était une fois un roi qui, au réveil du 15 juillet 1789, apprend une mauvaise nouvelle. Ca, c'est l'histoire officielle, celle des livres, celle des stars de cinéma, et elle dure 2mn. Tout le reste du film, c'est le contraire : la Révolution vue du côté des figurants qui en sont les vrais héros : le peuple, le vrai. Celui qui est mal peigné, parle avec un accent, braconne des lapins dans la garrigue, apprend à manier le fusil pour la première fois et fait le piquet de grève devant les usines (ah non, pardon, je confonds, ça c'était l'actu de l'époque du tournage). On suit donc un bataillon marseillais en route vers le Nord pour porter main forte à ces empotés de la capitale -provinciale, en plus, la Révolution, on aura tout vu ! Quelques belles scènes de fraternisation au coin du feu, de bataille pas rangée dans les jardins des Tuileries : la fresque ne manque pas de souffle. Et, comme de bien entendu, tout finit par une chanson…

Règle du jeu (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1939, France
Acteurs principaux : Julien Carette (1897 - 1966), Marcel Dalio (1900 - 1983), Paulette Dubost (1911 - 2011), Jean Renoir (1894 - 1979)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

Au début, on est dans un reportage radiophonique en direct. On passe dans un salon bourgeois. Des fois, on se croit dans une pièce de boulevard -mais pleine de répliques dignes du meilleur théâtre classique. A d'autres moments, c'est une comédie sentimentale, une satire sociale, un drame mondain. Décidément, ce film ne respecte aucune loi de construction dramatique et d'unité de ton ! Ses multiples personnages -bien que réunis ponctuellement pour une partie de chasse- ont bien du mal à constituer une société homogène. On dirait qu'ils jouent chacun une partition différente, tout en faisant mine de tenir leur rang. C'est la veille de la guerre et chacun joue perso : voilà qui ne présage rien de bon. Quant à Renoir, acteur inattendu et chef d'orchestre virtuose de cette inquiétante cacophonie, il démontre par l'absurde que l'illusoire harmonie sociale ne tient qu'à un fil. Oeuvre de chef !

Grapes of Wrath (The) - Raisins de la colère (Les)

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Réalisé par : John Ford (1894 - 1973)
En : 1940, USA
Acteurs principaux : John Carradine (1906 - 1988), Henry Fonda (1905 - 1982)
Genre(s) : carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 128 mn, NB

Critique perso :

Quand Tom rentre chez lui après avoir purgé 4 ans de prison, il rencontre un pasteur qui a perdu la foi, et des paysans qui ont perdu leur terre. C'est la faute aux proprios, aux patrons des proprios, aux banquiers des patrons des proprios, aux patrons des banquiers des patrons des proprios -bref, à personne. A Mme La Grande-Crise-de-29 (promise à une grande descendance). Pa' et Ma' sont réfugiés chez tontons, et ils s'apprètent à partir eux aussi. L'exode s'engage donc vers la terre promise "qui ruisselle de lait et de miel" : la Californie... Dans un tacot surchargé qui fume comme une loco, ils traversent la misère et l'injustice, l'exploitation et la suspicion. L'esprit de révolte souffle où il veut, mais il souffle fort. On dirait du Ken Loach évangélisé : Qu'elle était verte sa colère !

Magnificent Ambersons (The) - Splendeur des Amberson (La)

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1942, USA
Acteurs principaux : Anne Baxter (1923 - 1985), Joseph Cotten (1905 - 1994), Tim Holt (1918 - 1973), Agnes Moorehead (1900 - 1974)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

Les Amberson sont les rois de leur quartier. Ils vivent dans une maison qui ressemble à une cathédrale gothique. Mais, dès le début du film, leur splendeur s'écrit déjà au passé antérieur : le père a été riche, la fille capricieuse. Elle a préféré à son fiancé fantasque un mari à tête de comptable. Leur fils est devenu le vieux con le plus jeune de ville. Le récit au présent se focalise sur sa confrontation avec l'ex-fiancé fantasque, de retour au pays, en passe de devenir le vieux monsieur le plus jeune de la ville. On dirait la vieille histoire du chêne et du roseau, dans la tempête de l'histoire. Les personnages de cette histoire entretiennent d'ailleurs tous avec un grand raffinement l'art de se gâcher mutuellement la vie -et de rater la leur. Les acteurs sont suivis à la culotte, par une caméra à hauteur de nombril. Tourné par Welles (Mr. Amberson, c'est lui ?), relifté par Wise : on dirait un grand fim aux ailes coupées.

Tree Grows in Brooklyn (A) - Lys de Brooklyn (Le)

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1945, USA
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 128 mn, NB

Critique perso :

Ca se passe à New-York (made in Hollywood), début XXème siècle (made in du milieu), dans un taudis réglementaire pour émigrés fraichement débarqués qui en sont encore à leur première leçon de rêve américain. C'est le genre d'histoire que doivent adorer les ex-profs de ZEP en retraite : celle de la bonne petite élève méritante, qui réussira à sortir de sa condition par sa bonne volonté, et par Shakespeare. C'est aussi le genre d'histoire que doivent adorer les artistes qui ont réussi : celle du raté pathologique (père de la précédente) qui s'est perdu dans sa bohème mais dont la fantaisie a réussi tout de même à embellir un peu la petite vie de sa modeste famille. Moins efficacement que M. Corleone, qui a dû être son voisin, mais plus honnêtement tout de même. C'est le genre d'histoire qui avait de quoi tenter le débuttant cinéaste Kazan. Il n'avait pas encore eu l'occasion de visiter tous ses côtés obscurs, mais était déjà capable de faire le genre de film social qui peut plaire à tout le monde.

Cluny Brown - Folle ingénue (La)

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Réalisé par : Ernst Lubitsch (1892 - 1947)
En : 1946, USA
Acteurs principaux : Sara Allgood (1879 - 1950), Charles Boyer (1899 - 1978), Jennifer Jones (1919 - 2009), Peter Lawford (1923 - 1984)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Ils ne pensent qu'à ça -mais n'en montrent jamais rien. Ils ne parlent que de ça -sans jamais rien en dire. C'est un peu comme les politiciens de cette époque, qui ne parlaient jamais de guerre non plus avec Hitler. De quoi est-il question, alors ? De tuyauterie, de bonnes manières. De ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Par exemple, qu'il n'est pas très correct pour une jeune fille de s'occuper de la plomberie. Et que si un homme ose s'intéresser aux domestiques, c'est qu'il a au moins l'excuse d'être un dissident tchèque. Et que rien d'intéressant n'arrive si on ne fait jamais rien de pas correct. On sent le maître qui sourit derrière chaque sous-entre-entendu, jubile derrière chaque geste subtilement incongru. Et cligne de ses yeux malins derrière les paupières de sa caméra.

Ladri di biciclette - Voleur de bicyclette (Le)

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Réalisé par : Vittorio De Sica (1902 - 1974)
En : 1948, Italie
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Ce film est, quelques années après Rome, ville ouverte, le deuxième manifeste du néoréalisme italien, qui consista à sortir des caméras en plein air pour filmer la dignité des exclus et des perdants. Ricci, donc, est de ceux-là. Pas du genre causant. Au début, pourtant, il dégotte un bon boulot qui consiste à placarder des affiches de Gilda sur les murs de Rome. Mais, dès le premier jour, il se fait voler son indispensable outil de travail : sa bicyclette. Faire un chef d'oeuvre avec ça n'était pas gagné d'avance (j'en sais quelque chose : je viens de me faire voler mon vélo, aussi !). Mais Ricci a un fils aussi craquant que le Kid de Charlot. Mais il est brave et courageux, et la société cruelle. Mais les plus désespérés sont les plans les plus beaux.

Heiress (The) - Héritière (L')

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Réalisé par : William Wyler (1902 - 1981)
En : 1949, USA
Acteurs principaux : Montgomery Clift (1920 - 1966), Miriam Hopkins (1902 - 1972), Ralf Richardson (1902 - 1983), Olivia de Havilland (1916 - )
Genre(s) : New York - New York /du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

Henry James, grand coupeur de cheveux en 4000, a inspiré cette histoire de jeune femme sous influence, dans la bonne société new-yorkaise du XIXème siècle. La jeune femme est censée être très moche et très fade (bien qu’incarnée par Olivia de Havilland), si mal aimée de son père, docteur de la haute, qu’il n’imagine pas un instant qu’on puisse la courtiser pour autre chose que ses sous à lui, surtout si on est fauché et beau comme Montgomery Clift. Une fois toutes les pièces du jeu posées, il n’y a plus qu’à observer la lente destruction d’un coeur par tout ceux qui sont censés lui vouloir du bien. L’héritage (financier et biologique) comme malédiction et obstacle au bonheur : la leçon de maître Henri est, comme on pouvait s’y attendre, subtile et ambiguë, mais néanmoins assez claire, même découpée en 4000. Film de prestige typique de l’âge d’or hollywoodien, en mode beau boulot.

Kind Hearts and Coronets - Noblesse oblige

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Réalisé par : Robert Hamer (1911 - 1963)
En : 1949, Angleterre
Acteurs principaux : Joan Greenwood (1921 - 1987), Alec Guinness (1914 - 2000), Dennis Price (1915 - 1973)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, NB

Critique perso :

La quintessence du British sense of humor ! Sic Alec Guinness, avant de se prendre pour Obi-Wan Kenobi, était l'acteur emblématique du genre. Ici, il incarne à lui tout seul les huit victimes successives d'un sérial killer aux manières de gentleman. Il faut dire que ce dernier tue pour la bonne cause : celle de sa maman, née noble mais rejetée par sa famille après une mésalliance, et pour récupérer un titre de noblesse qu'il estime devoir lui revenir. Sur les inconvénients de prendre un peu trop au sérieux les codes de l'aristocratie britannique et la perversion qu'ils recellent, on n'a guère fait mieux, have we ?

Place in the Sun (A) - Place au soleil (Une)

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Réalisé par : George Stevens (1904 - 1975)
En : 1951, USA
Acteurs principaux : Montgomery Clift (1920 - 1966), Elizabeth Taylor (1932 - 2011), Shelley Winters (1922 - 2006)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 122 mn, NB

Critique perso :

Il y a deux sortes d'américaines : celles qui fabriquent les maillots de bain à la chaîne, et celles qui les portent sans jamais se salir les mains au travail. Il n'y a qu'une sorte d'américain : celui qui veut tout, comme George Eastman. Avec Alice, sa collègue ouvrière : une idylle de l'ombre. Avec Angela, la mondaine ingénue : le grand jeu et la belle vie. Il est long, pourtant, le chemin qui va de l'une à l'autre. George, auquel Montgomery Clift prête son regard brûlant et ses épaules de vaincu, a le tort de vouloir les aimer toutes les deux, et de croire aux slogans de son pays. Verdict implacable : coupable. Coupable d'avoir eu honte de l'une et envie de l'autre. Coupable d'avoir voulu apprendre à nager dans le grand bain.

Deadline - U.S.A - Bas les masques

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Réalisé par : Richard Brooks (1912 - 1992)
En : 1952, USA
Acteurs principaux : Ethel Barrymore (1879 - 1959), Humphrey Bogart (1899 - 1957), Kim Hunter (1922 - 2002)
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Le compte à rebours a commencé pour Ed, rédacteur en chef super-compétent du « Day », quotidien new yorkais sous pression. Avec ses journalistes, il a des plusieurs affaires sur le feu, Ed : une sombre histoire de politicien véreux, celle d’une jeune fille retrouvée nue et noyée dans son manteau de fourrure. Et quelques autres, comme d’hab. Il a aussi une ex-femme désabusée, sur le point de refaire sa vie sans lui. Et là-dessus, les filles indignes du fondateur du journal veulent revendre le titre à la concurrence pour le liquider. Un vrai emploi du temps de super-héros. Un vrai film de super héros de la démocratie avec des vrais gens dedans.

Ikiru - Vivre

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1952, Japon
Acteurs principaux : Takashi Shimura (1905 - 1982)
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 143 mn, NB

Critique perso :

On s'est tous posé la question : qu'est-ce qu'on ferait si on savait n'avoir plus que quelques mois à vivre ? Réponse nippone en 3 leçons : s'amuser, tenter une rencontre, agir. Comme ça, ça a l'air facile mais quand on a enterré sa femme et qu'on s'est déjà enterré soi-même sous la paperasserie pendant 30 ans, tout est à réapprendre. Et un film là-dessus, c'est encore plus dur à réussir : éviter le mélo, préserver le silence et le mystère, privilégier la délicatesse... Mais la morale est claire : un type à l'enterrrement duquel l'ambiance monte à mesure que les réserves de saké baissent n'a certainement pas raté sa vie !

Saikaku ichidai onna - Vie d'O'Haru, femme galante

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Réalisé par : Kenji Mizoguchi (1898 - 1956)
En : 1952, Japon
Acteurs principaux : Toshirô Mifune (1920 - 1997), Takashi Shimura (1905 - 1982), Kinuyo Tanaka (1910 - 1977)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /vers le soleil levant /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Dame O'Haru naît en plein coeur du Japon médiéval, dans une noble famille. Manque de bol : elle naît femme, et cela seul suffira à son éternel malheur. A croire qu'elle l'a bien cherché : elle est trop belle, trop gentille, trop aimante, trop soumise. Les étapes de son chemin de croix se confondent avec chacun des hommes qu'elle a connus, qu'ils soient père, amants, maris ou maquereaux (ce qui de toute façon revient au même) : rien que des brutes, avec plus ou moins de savoir-vivre. Chaque plan du film rend sensible son enfermement, réduit son espace vital, la met en cage. Trop belle, trop gentille, trop aimante, trop soumise. Trop bon.

Salaire de la peur (Le)

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1953, France
Acteurs principaux : Yves Montand (1921 - 1991), Charles Vanel (1892 - 1989)
Genre(s) : les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 141 mn, NB

Critique perso :

Une petite communauté de losers de tous pays, égarés dans un trou de boue en Amérique centrale, se retrouve à glander dans le café du Marius local. Y'a même deux parigots qui y font connaissance. Ils auront tout le temps d'approfondir les présentations : les voilà embarqués (après plus d'une heure de glande, tout de même) dans un convoi exceptionnel à haut risque et haut gain potentiel -une traversée de l'enfer à 20km/h. Ce n'est pas tant la nature qu'il faut craindre, ici, que l'inhumaine industrie des hommes, leur capacité à créer des pièges plus grand qu'eux. Une histoire de mâles entre eux -des vrais, des durs, des ruisselants (de whisky, de sueur ou de pétrole, à votre goût), victimes avant l'heure de la mondialisation de la misère, celle qui mesure en dollars la valeur d'un mec.

Barefoot Contessa (The) - Comtesse aux pieds nus (La)

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Réalisé par : Joseph L. Mankiewicz (1909 - 1993)
En : 1954, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Ava Gardner (1922 - 1990), Edmond O'Brien (1915 - 1985)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /la parole est d'or /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, couleur

Critique perso :

Comme toujours avec Mankiewicz, c'est un film sur la duplicité. Mais la duplicité sincère, la duplicité comme fidélité à ses origines. Ava Gardner, au top de sa beauté, y est une danseuse de cabaret espagnole devenue star hollywoodienne. Elle parvient sans mal à nous faire croire à cette histoire de Cendrillon qui ne renonce pas totalement à ses haillons, et poussera le paradoxe jusqu'à tromper son mari par amour pour lui. Son histoire nous est racontée en flash-back par plusieurs personnes qui assistent à son enterrement (on se doute donc que ça ne finira pas très bien). Un conte de fées spéculaire et désenchanté avec Bogart dans le rôle de la marraine, ça ne se refuse pas !

On the Waterfront - Sur les quais

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1954, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), Karl Malden (1912 - 2009), Eva Marie Saint (1924 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Sur les quais de la Nouvelle Amsterdam, y'a des dockers qui triment. Y'en a d'autres qui commandent. Et y'a ceux qui encaissent.
Dans les rues de la Nouvelle Amsterdam, y'a des dockers qui trainent. Y'en a qu'on retrouve morts et personne sait pourquoi. Y'a aussi un curé qui voudrait bien savoir. Pourquoi.
Sur les toits de la Nouvelle Amsterdam, y'a des pigeons qu'attendent qu'un docker les nourisse. Ou bien qu'on les libère.
Et puis, sur les quais de la Nouvelle Amsterdam, y'a Terry le beau gosse, jeune retraité des rings. C'est l'frère d'un magouilleur, mais il a le coeur pur. La conscience pas tranquille.
Terry, le gentil traitre...

Salt of the Earth - Sel de la terre (Le)

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Réalisé par : Herbert J. Biberman (1900 - 1971)
En : 1954, USA
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 94 mn, NB

Critique perso :

Dans les années 70, des chanteuses MLF chez Agnès Varda rappelaient : "papa Hengel disait qu'à la maison, l'homme est le bourgeois, et la femme est le prolétariat". C'est le résumé de ce drôle d'ovni marxiste-féministe, brulôt culte et maudit -et tout sauf américain- réalisé par un arrière-cousin back-listé de Ken Loach. Il y est question d'une grève de mineurs (majoritairement mexicains) qui dure des mois, dans un bled près de la frontière dont le Shérif est un arrière-cousin de Georges Bush Jr. (avec des moustaches). Au moment où tout risque de foirer, les femmes s'en mèlent, sauvent le mouvement, l'honneur et leur dignité. Merci mesdames. Le prolétariat du prolétariat aura des lendemains qui chantent au MLF.

Traversée de Paris (La)

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Réalisé par : Claude Autant-Lara (1901 - 2000)
En : 1956, France
Acteurs principaux : Bourvil (1917 - 1970), Jean Gabin (1904 - 1976), Jacques Marin (1919 - 2001), Louis de Funès (1914 - 1983)
Genre(s) : Paris /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

Paris, quelque part entre l’arrivée des troupes allemandes et la libération. Les gens font mine de vivre comme si de rien n’était, mais en fait rien ne va. Tout le monde se suspecte et s’observe, le moindre morceau de savon est une denrée rare, les rognons un plat de luxe. Dans un café à l’ambiance lourde, un pauvre type en embauche un autre à la nuit tombée, pour transporter des grosses valises à pieds, d’Austerlitz à Montmartre. Des valises pleines de morceaux d’un cochon tout juste égorgé dans une cave -autant dire de l’or, mais de l’or qui a une odeur. Une odeur qui attire les chiens. Les chiens de toutes sortes et de toutes espèces… Cette longue nuit où il se passe des trucs pas très clairs, c’est comme une métonymie de l’occupation toute entière. Une sale période qui révèle le côté obscur de ceux qui la traversent. Une nuit qui manque singulièrement de héros, mais pas complètement de braves types.

King in New-York (A) - Roi à New-York

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1957, Angleterre
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /pour petits et grands enfants /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

Le dernier monarque d'un royaume d'opérette -non, il n'a pas épousé Grace Kelly- destitué par une révolution, débarque fauché à New-York. Il y découvre la pub, l'info-spectacle et le lifting. Il comprend surtout qu'il n'a aucune leçon de démocratie à recevoir de la part d'un pays en pleine paranoïa MacCarthiste, qui assassine si bien ses petits Mozart... Amer plutôt que drôle, pas très vif et pas très léger, comme chargé déjà de tout ce qui sortira de pire des années à venir -comme nous le rappelleront, plus tard, The Truman Show et Lost in Translation. Ce roi déchu d'une époque bénie à la recherche de sa grandeur perdue est le seul pour lequel on voterait bien.

Gigi

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Réalisé par : Vincente Minnelli (1903 - 1986)
En : 1958, USA
Acteurs principaux : Leslie Caron (1931 - ), Maurice Chevalier (1888 - 1972), Louis Jourdan (1919 - 2015)
Genre(s) : Paris /du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 119 mn, couleur

Critique perso :

Bienvenue sur une planète étrange : Paris en 1900. Les autochtones y sont terriblement exotiques et raffinés -en un mot : français. Et ils cotoient une autre race encore plus mystérieuse : la française. Là, par exemple, dans ce petit appartement à l'intérieur purpurin, vivent 3 générations de cocottes -enfin, la dernière, Gigi n'a pas 17 ans, elle est encore en couveuse. Elle ne montre d'ailleurs pas beaucoup de dispositions naturelles pour l'affectation requise par son futur emploi, dont elle ignore encore a peu près tout. A coup de somptueux tableaux vivants (recyclés de My Fair Lady) et de chansons enjouées (idem), et en ayant l'air de ne pas y toucher, Minnelli tape fort là où ça va mal. Il montre la cruelle élégance d'une broyeuse de jeunes filles en gants blancs : la bonne société bourgeoise, cette grande mère maquerelle de si bonne compagnie.

Jalsaghar - Salon de musique (Le)

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Réalisé par : Satyajit Ray (1921 - 1992)
En : 1958, Inde
Genre(s) : en avant la musique /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Grandeur et décadence d'un aristocrate bengali en pleine déconfiture -mais avec les honneurs. Le salon de musique, c'est le joyau de son palais. Son coeur empoisonné. L'aristocrate, c'est souvent le cas, a aussi un voisin parvenu : aucune éducation, plein de sous. Lui est très fort pour gaspiller les siens en s'enivrant de fumée, de musique et d'orgueil -mais avec les honneurs, tel un Guépard ramolli. Il y a aussi là-dedans un parfum d'Autant en emporte le vent intimiste, ou de Titanic en chambre. Un Ray peut en cacher un autre. Ce serait dommage de rater ce train-là.

Some Came Running - Comme un torrent

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Réalisé par : Vincente Minnelli (1903 - 1986)
En : 1958, USA
Acteurs principaux : Arthur Kennedy (1914 - 1990), Shirley MacLaine (1934 - ), Dean Martin (1917 - 1995), Frank Sinatra (1915 - 1998)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

Dans le bus, il a encore son uniforme de soldat. Il revient de la guerre avec pas mal d'amertume dans ses bagages, et une fille collée à ses basques depuis la nuit d'avant. Il revient « chez lui » mais il a pris de la bouteille, toutes sortes de bouteilles. Son frangin n'a jamais bougé. Il devait être un peu planqué, maintenant il tient la banque. Lui, il a déjà publié un livre et il voudrait faire écrivain, encore. En fait, il veut tout : la respectabilité et l'encanaillement. Il drague la prof de littérature locale, tout en sympathisant avec les joueurs de poker. C'est le genre de ville un peu perdue mais pas trop, où tout est possible et tout est coincé en même temps. Où tout change mais où tout le monde fait comme si rien n'avait changé. Où on peut tout réussir et (encore plus facilement) tout rater. L'Amérique, en un tout petit peu plus petit. Qui suis-je, qui j'aime, quoi faire de ma vie ? that is the question, that is the big question... And this is a big film.

Magliari (I) - Profession: magliari

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Réalisé par : Francesco Rosi (1922 - 2015)
En : 1959, Italie
Acteurs principaux : Renato Salvatori (1934 - 1988), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 111 mn, NB

Critique perso :

On est dans le milieu des émigrés italiens venus chercher, avec papiers (plus ou moins) en règles, du boulot plus au nord, dans la froide Allemagne (un truc complètement démodé). Magliari, ça a l'air d'être (à peu près) la traduction de Bidone en dialecte napolitain de Hanovre. Ca veut dire débrouille, arnaques, (petits) arrangements avec la conscience. C'est la vocation de Totonne, (très) bon dans le métier. Il essaie d'y initier Mario, (nettement) moins doué. Mais Mario a une belle gueule ; il prend de l'avancement en plaisant à la patronne, tandis que Totonne se lance dans la carrière d'apprenti-parrain-marchand de tissus à son compte. Portrait de groupe (quasiment) sans solidarité, (presque) sans femmes et sans (beaucoup d') argent, pour qui la bonne volonté ne fait pas (du tout) le bonheur.

Room at the Top - Chemins de la haute ville (Les)

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Réalisé par : Jack Clayton (1921 - 1995)
En : 1959, Angleterre
Acteurs principaux : Simone Signoret (1921 - 1985)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire d'un petit mec qui voudrait bien devenir grand. Attention, le décor a de l'importance : Angleterre, province laborieuse, au sortir de la guerre. Joe, le petit mec, vient du fond du trou du prolétariat. Même pas héros de guerre, mais belle gueule bien remplie, de l'ambition et une haute opinion de lui-même. Il vient de grimper comptable respectable, mais ne compte pas en rester là. D'autant que le boss upper class du coin à une fille à marier. Pour Joe, ce serait presque du gâteau s'il ne contactait un déplorable attachement contre-productif pour l'épouse française délaissée du gougeat local -Simone, dans le rôle qui lui vaudra son Oscar. L'art de gagner sa Place au soleil tout en perdant à peu près tout le reste a rarement été servi avec autant de rage et d'énergie noires.

Apartment (The) - Garçonnière (La)

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1960, USA
Acteurs principaux : Jack Lemmon (1925 - 2001), Shirley MacLaine (1934 - ), Fred MacMurray (1908 - 1991), Ray Walston (1914 - 2001)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Ca se passe dans l'immense immeuble d'une compagnie d'assurance new-yorkaise. Les chefs sont en haut, ils disposent de grands bureaux individuels et de plaques à leur nom. Les employés ordinaires sont en bas, ils travaillent côte à côte sur d'interminables files de bureaux anonymes. Le pouvoir, l'argent et l'arrogance sont réservés aux uns, l'exploitation et la servilité aux autres. Jack Lemmon incarne un petit employé des bas étages qui a l'espoir de sortir du rang parce qu'il daigne prêter son appartement à ceux d'en haut en mal de garçonnière discrète. Shirley Mac Laine est une fille d'ascenceur (social ?) courtisée par les hautes sphères. Ce sera dur de rapprocher ces deux-là parce que l'amour, aussi, est plutôt réservé aux étages supérieurs... Une comédie grinçante et amère qui est aussi une critique sévère de la corruption "à tous les étages" de la société. Jubilatoire, drôle et intelligent.

Vita difficile (Una) - Vie difficile (Une)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1961, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Lea Massari (1933 - ), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, NB

Critique perso :

Silvio est un brave garçon. Pendant la guerre, il fait le bon choix : il se retrouve dans le camp des anti-fascistes et se terre bravement dans un moulin abandonné pendant des mois, aux bons soins d’Elena, paysanne locale qui a tué à sa place un méchant nazi. Reconnaissant, il embarque Elena à la fin de la guerre partager sa vie de journaliste romain intègre et misérable. Brave garçon il est, brave garçon il restera. Il consacre sa vie à dénoncer les puissants, même si les puissants le sont souvent plus que lui. Accessoirement, il passe aussi sa vie à reconquérir Elena, pas sûre, elle, d’avoir fait le bon choix, et plus prompte aux accommodements avec les transformations de l’Italie de l’époque. Une Italie décidément pas trop faite pour les braves garçons. Le film est, lui, infiniment drôle et cruel, pied de nez aux puissants et hommage désabusé aux braves garçons dépassés par les événements. Du tout meilleur choix !

Eva

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Réalisé par : Joseph Losey (1909 - 1984)
En : 1962, France
Acteurs principaux : Stanley Baker (1928 - 1976), Virna Lisi (1937 - 2014), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 116 mn, NB

Critique perso :

Eva est une garce, les hommes le savent depuis un bon bout de temps. Elle est libre et elle n'aime personne, même Tyvian devrait s'en douter. Mais bon, vous voyez ce que c'est : elle s'incruste chez lui par hasard, squatte son tourne-dique et sa baignoire, et l'homme ne se sent plus de joie. Pourtant, il a déjà tout ce qu'il faut : une petite Dolce vita, de brillantes fréquentations, une jolie fiancée. Il s'est même fait une réputation (totalement usurpée) d'écrivain à la mode. Eva, rien, mais au moins elle ne triche pas avec sa réputation. Le jazz remplit sa vie, grâce à l'argent des hommes. Mais l'homme en veut toujours plus, vous voyez ce que c'est. Jamais content, toujours frustré. Une femme qui se vend sans céder à son charme irrésistible, non mais vous imaginez ça possible, vous ? Le ver est dans le fruit de la bourgeoisie depuis un bon bout de temps.

Salvatore Giuliano

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Réalisé par : Francesco Rosi (1922 - 2015)
En : 1962, Italie
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 123 mn, NB

Critique perso :

Salvatore Giuliano est un bandit, un autonomiste, un mafieux, un bon fils (en Sicile, tout cela est un peu mélangé). Toute sa brève -mais brillante- carrière, il l'a passée dans les 10kms qui entourent sa maison natale. Et, malgré une débauche de moyens, la police a eu toutes les peines du monde à l'y dénicher (en Sicile, ça se passe souvent comme ça). Ses méthodes sont pourtant connues au moins depuis Pépé le Moko : réseau de complicités indémêlable, corruptions, intimidations... Salvatore Giuliano, ce sont les autres qui en parlent le mieux. En fait, il n'en parlent pas avec leurs mots (en Sicile, ça ne se fait pas), mais avec leurs corps, leurs gestes et leurs gueules burinées par le soleil et la misère. Salvatore Giuliano est un aimant invisible : ce film est son portrait en pieds mais de dos, dans l'ombre, sans qu'aucun plan ne permette d'identifier son visage. Sec, brut, magnifique (en Sicile...).

Sorpasso (Il) - Fanfaron (Le)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1962, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

C'est une journée de 15 août dans Rome déserte. Il fait trop beau et trop chaud pour travailler, pourtant Roberto travaille son droit (romain, sans doute). Il fait trop beau et trop chaud pour ne rien faire, c'est un temps à attirer les mouches. Justement, voilà Bruno qui débarque dans la vie de Roberto. Et qui l'embarque illico pour un voyage vers nulle part dans sa voiture de frimeur, pédale au plancher et klaxon au vent. Bruno, c'est la fine fleur de la connerie locale. Sympa, rigolo et dupe de rien. Taxeur, glandeur et refileur de pots cassés. Roberto, c'est la fine fleur de la civilisation inutile. Poli, timide et réservé. Faible, aveugle et impuissant. Un pot de fer (en toc) et un vase de Chine. Le genre de types faits pour s'entendre à merveille tant qu'ils ne se connaissent pas. Une des premières strada pellicula (road movie en italien) du cinéma (un genre qui ira loin), mais qu'il est déjà bien dur de sorpasser (dépasser, en italien).

Mostri (I) - Monstres (Les)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marisa Merlini (1923 - 2008), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

Les monstres bipèdes forment une espèce animale assez répandue. Ils feraient des voisins très fréquentables s'ils n'étaient pas juste un peu pourris, veules et magouilleurs. Ils ont l'ego et le verbe hauts, très hauts même - mais tout le reste au ras des pâquerettes. Petits monstres de la dernière averse, vieux monstres des neiges d'antant (quand on est monstre, on est monstre). Tableau de famille avec voitures et prestige à entretenir : regardez comme ils font le beau, ces fiers mâles, tous unis dans le puissant syndicat de la connerie universelle. Des vrais coqs empâtés. Portrait de l'Italie comme un zoo où se serait installée une fête foraine pleine de miroirs déformants. Portraits d'humains ordinaires, mes semblables mes frères.

Journal d'une femme de chambre (Le)

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1964, France
Acteurs principaux : Jean-Claude Carrière (1931 - ), Georges Géret (1924 - 1996), Jeanne Moreau (1928 - 2017), Michel Piccoli (1925 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en France profonde /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Dans la famille Pervers Ordinaires, il y a le grand-père, fétichiste des bottines et de Huysmans. Il y a la fille, tellement riche qu'elle est frustrée de tout, et il y a son époux, tellement frustré d'elle qu'il saute sur tout ce qui bouge. Quelques domestiques aussi, bien sûr, tellement habitués aux vices de la famille qu'ils savent à peine quels sont ceux qu'ils n'ont pas eux-mêmes. Et enfin il y a Célestine, la nouvelle femme de chambre tout juste débarquée de Paris, seule âme libre de la maison. Forcément elle intrigue, Célestine, elle attire les regards, les instincts et les sollicitations. Elle est comme un tableau blanc (ou noir, à votre guise), un miroir inversé tendu à tous. Elle est aussi belle qu'ils ne le sont pas, mais malheureusement impuissante à guérir à elle toute seule toute la bonne bougeoisie de son époque.

Kiss Me, Stupid - Embrasse-moi, idiot

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1964, USA
Acteurs principaux : Dean Martin (1917 - 1995), Kim Novak (1933 - ), Ray Walston (1914 - 2001)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, NB

Critique perso :

A Climax, Nevada (nulle part entre Las Vegas et Hollywood), il ne se passe jamais rien. Comme quoi : se méfier de la pub... Mais il suffit d'y parachuter, sous un prétexte mécanique quelconque, un crooner très célèbre et très libidineux pour que la population locale atteigne la température d'ébullition. Enfin, pas n'importe qui tout de même mais, pour Orville J. Sponner, natif névrosé aspirant à son 1/4h d'heure de gloire, artiste aussi inspiré que frustré, cette présence est la chance de sa vie. Et le pire risque aussi pour sa charmante épouse, fan de la première heure du crooner libidineux. Pour optimiser ses chances (c'est-à-dire garantir ses gains tout en limitant ses risques), Orville se lance dans le plan le plus foireux de sa vie qui, apparemment, n'en manque pas. Beethoven, le nombril de Polly et le pamplemousse de L'Ennemi public : tout est bon pour arriver à ses fins. Mais Climax est si petit que tourner le dos au pire est le plus sûr moyen d'y arriver. Comme quoi : se méfier de tout, de tout le monde, et surtout de soi-même.

My Fair Lady - My fair Lady

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Réalisé par : George Cukor (1899 - 1983)
En : 1964, USA
Acteurs principaux : Rex Harrison (1908 - 1990), Audrey Hepburn (1929 - 1993)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 170 mn, couleur

Critique perso :

Suite à un pari stupide, le professeur Higgins (bien aspirer le "H") décide de faire sauter toutes les classes (sociales) en 6 mois à son élève-cobaye Eliza Doolittle -fleuriste de rue. Comment s'y prend-il ? Facile : la spécialité du professeur Higgins, c'est la phonétique. Or, l'habit ne fait peut-être pas le moine, mais l'habit + l'accent des beaux quartiers et la langue chatiée fait facilement la lady ! Mais changer de langage, c'est changer d'identité (les écrivains le savent bien). Eliza Doalot l'apprend vite, tandis que l'ignoble Higgins doit apprendre, lui, que l'être humain parlant est doué d'un peu plus d'autonomie et de sensibilité que le perroquet. Suprêmement méchant, profond et allègre.

Chinoise (La)

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Réalisé par : Jean-Luc Godard (1930 - )
En : 1967, France
Acteurs principaux : Juliette Berto (1947 - 1990), Jean-Pierre Léaud (1944 - ), Anne Wiazemsky (1947 - 2017)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Ils sont cinq, ils vivent ensemble confortablement dans un grand appart bourgeois mais attention, ce sont des révolutionnaires -tendance Mao foncé. Des vrais, des pros, à peine camouflés derrière des activités officielles (étudiants, artistes…). Leur occupation principale est de se former et de s’entretenir dans la connaissance approfondie d’un inépuisable petit livre (rouge). Ils causent beaucoup, font un peu d’atelier artistique, n’ont pas l’air de beaucoup baiser. Des espèces de moines modernes, en fait. A vrai dire, on ne comprend pas grand chose à leurs débats, et c’est pas sûr qu’eux mêmes y comprennent quelque chose. Qu’ils répondent à un interviewer invisible (le maître du logis et du film, bien sûr) ou se coupent la parole, ils frôlent souvent le ridicule d’assez près, et ne donnent pas des masse envie de les suivre. Le film-tract-collage qui annonce mai 68 mais aussi les attentats terroristes, le pop-art, les communautés foireuses, l’activisme, les gueules de bois qui suivent et le naufrage de Godard. Respect (mais en rigolant en coin).

Party (The)

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Réalisé par : Blake Edwards (1922 - 2010)
En : 1968, USA
Acteurs principaux : Peter Sellers (1925 - 1980)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

A première vue, comme ça, c'est un acteur indien timide et zèlé. Méfiance, en fait c'est une bombe (comique) à retardement, le plus grand gaffeur professionnel jamais inventé par le cinéma. Méfiance méfiance, en plus, c'est Peter Sellers. Pour le récompenser d'avoir étourdiment dynamité un tournage en se prenant un peu trop bien pour Gunga Din, il est étourdiment invité à une party hollywoodienne, avec producteurs chauves et starlettes affriolantes. La maison est un peu celle de Mon oncle, les cuisines sont un peu celles du restau de Play Time, les invités sont un peu ceux de la Dolce vita. Jusqu'ici, tout va (un peu trop) bien. Mais notre indien débarque là-dedans et la catastrophe tranquille peut commencer. L'essentiel, en fait, se passe presque toujours au deuxième plan : derrière, après. Et quand, en fin de soirée, débarquent enfin quelques alliés zèlés (danseurs russes et fils de famille revenant d'un happening avec un éléphant), c'est le bouquet-soirée-mousse final. Le plaisir du gag lent, mais qui dure longtemps.

Teorema - Théorème

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Réalisé par : Pier Paolo Pasolini (1922 - 1975)
En : 1968, Italie
Acteurs principaux : Massimo Girotti (1918 - 2003), Silvana Mangano (1930 - 1989), Terence Stamp (1939 - ), Anne Wiazemsky (1947 - 2017)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 98 mn, NB/couleur

Critique perso :

Hypothèse : une famille bourgeoise (bonne comprise).
1ère partie. Un télégramme : "Arrive demain". Un type est là, effectivement. Beau comme un ange, lit Rimbaud. En moins de 3/4 d'heure, il s'est fait toute la famille (bonne comprise) - enfin, c'est plutôt les autres qui lui sautent dessus, d'ailleurs.
2ème partie. Un autre télégramme, Il part. Les autres n'ont plus qu'à devenir ce qu'ils sont : saint, artiste ou débauché, ce qui bien sûr revient au même, pour Pasolini. Bon, on n'a sans doute pas appris les maths dans les mêmes écoles, mais il faut reconnaître que sa démonstration est claire et tranchante : un petit coup de grâce et hop, c'est toute la "petite bourgeoisie" (comme on disait à l'époque) qui explose.

V ogne broda net - Pas de gué dans le feu

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1968, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

1917, quelque part en Russie. Ca bougeait pas mal, là bas, à l'époque. Y'avait pas mal d'idéalistes qui battaient la campagne, et de méchants contre-révolutionnaires qui ne se laissaient pas faire. Pour les femmes, le choix était moins grand. Infirmière ou fille à soldat (rouge bien sûr) ou les deux, c'était les principaux choix. Tanya est dans le premier camp, elle opère dans un train ambulant qui suit les troupes. En fait, personne avant ne s'était vraiment aperçu qu’elle était une femme. Personne, avant un gentil soldat. Ils sont un peu empotés, tous les deux, ils ont d'autres choses (une Révolution, par exemple) à faire. Ils ne se connaissent même pas eux-mêmes. Tanya découvre qu'à défaut de bien manier les idéologies, elle se débrouille pas mal avec les crayons et les pinceaux. Elle devient une artiste brut, un joyau (bien) caché dans une armée en marche. Un film en état de mouvement perpétuel. Il fallait bien une Révolution pour changer à ce point le regard d'un spectateur. Pas mal du tout !

Dragao da Maldade contra o Santo Guerreiro (O) - Antonio das Mortes

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Réalisé par : Glauber Rocha (1939 - 1981)
En : 1969, Bresil
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /en avant la musique /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Ecoutez, bonnes gens, la balade de l'infortuné Antonio (normalement, c'est en portugais du Brésil, traduction approximative). Mercenaire des puissants, démon exterminateur, c'est Antonio de la Mort qui tue. Mais, après avoir trucidé un sous-sous-commandant Marcos de carnaval de plus et croisé le regard absent d'une sainte, Antonio change son fusil de cible. Antonio vire mystique, bloc de volonté butée, tueur à rage au service des pauvres. Un objet filmique non identifiable et non assimilable, comme une forte tête qui aurait le regard dans les nuages. Une chanson de gestes poétique deguisée en sud-western folklorique -et inversement-.

Easy Rider

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Réalisé par : Dennis Hopper (1936 - 2010)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Karen Black (1939 - 2013), Peter Fonda (1940 - ), Dennis Hopper (1936 - 2010), Jack Nicholson (1937 - )
Genre(s) : carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Le film qui a mis a bat le « système des studios » hollywoodien et à 50 ans de style et d’élégance de mise en scène ressemble à du travail d’amateur. D’ailleurs, ça l’est. Il montre la chevauchée pas très fantastique de deux bikers -un pas beau et un taiseux- à travers le pays. Ils viennent de se renflouer en traficotant avec le Mexique, ils ont décidé de rouler de Los Angeles à la Nouvelle Orléans -pour arriver si possible au moment du carnaval. En fait, le carnaval, il est sur la route. C’est l’Amérique la vraie qu’ils rencontrent : ses paysages majestueux, ses fermiers héroïques, ses communautés de hippies utopistes et, surtout, ses hordes de gros bouseux collés à leur patelin paumé. C’est eux les plus nombreux, en fait, et à la fin c’est eux qui gagnent. End of the dream, à peine qu’il commençait à naître. D’où, sans doute, ce goût d’inachevé, qui passe des personnages aux spectateurs. La moitié du budget a dû passer en essence, l’autre en ravitaillement weed (les acteurs ont-ils été payés autrement ?). Quand à la fin l’un des héros reconnaît que « We blew it » (on a tout foiré), on se demande s’il ne parle pas de l’ensemble du film…

Fiancée du pirate (La)

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Réalisé par : Nelly Kaplan (1931 - )
En : 1969, France
Acteurs principaux : Michel Constantin (1924 - 2003), Julien Guiomar (1928 - 2010), Bernadette Lafont (1938 - 2013), Jacques Marin (1919 - 2001), Claire Maurier (1929 - ), Jean Parédès (1914 - 1998)
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

Dans le village de Tellier (!!), on vit un peu comme au XIXème siècle. Il y a des notables, des proprios, des petits commerçants et des bouseux, organisés en régime quasi-féodal. Les hommes sont toujours fourrés au bistro, les femmes (à quelques exceptions près) quasi invisibles. Il y a même une sorcière qui vit avec sa fille et sa chèvre dans une cabane au fond des bois. Tout le monde les méprise et les exploite à mort, sous prétexte de ne pas les avoir dénoncées à la police quand elles ont débarqué. Mais quand la mère meurt dans l’indifférence générale, sa fille, revancharde, se met à changer d’attitude et de vie. La morale bourgeoise, elle s’en balance (et le chante (et le rechante)). Comme elle suscite toutes les convoitises, elle réaménage cosy sa bicoque et, faute de concurrence, impose ses tarifs. Elle ne tarde pas à bien tenir tous les mâles (et pas que) du canton par le bout de la queue, elle va pouvoir accomplir sa vengeance… Mi-Chabrol rural, mi-Maupassant relooké, c’est anar, gonflé, mal léché, féministe et réjouissant.

They Shoot Horses, Don't They ? - On achève bien les chevaux

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Réalisé par : Sydney Pollack (1934 - 2008)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Bruce Dern (1936 - ), Jane Fonda (1937 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Un marathon de danse : il n'y a que les américains en plein crise pour inventer un truc pareil. Ca se joue en couple, le but est de tenir debout le plus longtemps possible en bougeant les pieds (10mn de pause toutes les 2h). Les meilleurs tiennent plus d'un mois. Moi qui serais plutôt assez douée pour les marathons de sommeil, c'est une des pires tortures que je puisse imaginer. Ces jeux du cirque modernes, scénarisés par la misère et la bêtise, attirent le gratin de Hollywood (comme spectateurs) et les cramés du rêve américain (comme concurrents). On suit le parcours d'un couple de hasard : un cow-boy égaré en ville et une poupée pleine de rage qui fait non non non. Quelques flash forward de mauvaise augure laissent présager très tôt que ces losers qui n'ont plus que leur fatigue à vendre peuvent tomber encore plus bas. Métaphore cruelle d'à peu près tout ce qu'il y a de pire dans le monde occidental...

In nome del popolo italiano - Au nom du peuple italien

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1971, Italie
Acteurs principaux : Yvonne Furneaux (1928 - ), Vittorio Gassman (1922 - 2000), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Un petit juge italien intègre et barbu doit enquêter sur la mort d'une jeune fille. La jeune fille fréquentait des vieux messieurs, pour le plus grand profit de ses braves parents provinciaux. Parmi les fréquentations, le petit juge repère Lorenzo Santenocito, un industriel multicarte, pollueur-escroc-magouilleur multirécidiviste, le tout-Rome corrompu à lui tout tout seul. Tout ce qu'il adore. Il prend donc l'enquête à coeur et Lorenzo en grippe, et se lance dans une partie de cache-cache qui n'amuse que lui (et les spectateurs). Le combat entre les deux grands monstres se joue à armes inégales, voiture de luxe contre vespa. Il y a décidément quelque chose de pourri dans l'empire romain de l'après-guerre. Heureusement, au même moment, l'Italie gagne la coupe du monde de foot. L'honneur est donc sauf.

Avanti !

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1972, USA
Acteurs principaux : Jack Lemmon (1925 - 2001)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 140 mn, couleur

Critique perso :

Cours d'italien élémentaire à usage de businessman américain (stressé, cela va sans dire). Au programme : ethnologie des rites funéraires des îles du sud, bain de soleil et dîner forcé en amoureux... Rossellini avait pourtant prévenu : on croit faire un Voyage en Italie pour régler une affaire d'héritage, et on se retrouve face à l'éternité. Billy Wilder, lui, a plus de 2h devant lui et c'est un coquin. Il se perd dans les couloirs d'un hôtel géré par les descendants méditerranéens de Feydeau, infiltré d'autochtones trop typiques pour ne pas être vrais... Malgré de mauvaises dispositions initiales, le businessman apprend vite. Par exemple, que la traduction approximative mais correcte de "Avanti !", ça pourrait être "vas-y coco", ou encore "cours-y vite (il va filer...)".

Pied Piper (The) - Joueur de flûte (Le)

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1972, Angleterre
Acteurs principaux : Donovan (1946 - ), John Hurt (1940 - 2017), Donald Pleasence (1919 - 1995)
Genre(s) : conte de fées relooké /du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Dans un Moyen-âge crapoteux en proie aux démons de la cupidité et de la guerre, circule, comme un ilôt d'innocence, une troupe de baladins en roulotte. C'est à Hamelin qu'ils débarquent. Les rats, porteurs d'un méchant virus, sont arrivés avant eux. A l'intérieur des remparts, d'autres rats à figure humaine s'affairent. Seule la flûte magique (et enchantée) d'un musicien parviendra à sortir la ville de la mouise. Mais l'impressario improvisé du coin ne respecte pas son contrat : malheur à la population ! Avec cette légende sombre comme un cauchemar, on est plus proche du 7ème sceau que de Peau d'âne. Jacques Demy dévoile enfin son côté obscur. Perçoit-il l'arrivée prochaine d'une nouvelle peste dont il sera lui-même la victime (il mourra du sida) ? En tous cas, il réussit aussi bien à désenchanter les contes de fée qu'il savait rendre le réel merveilleux.

Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil

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Réalisé par : Jean Yanne (1933 - 2003)
En : 1972, France
Acteurs principaux : Bernard Blier (1916 - 1989), Jean-Roger Caussimon (1918 - 1985), Jacques François (1920 - 2003), Daniel Prévost (1939 - ), Michel Serrault (1928 - 2007), Marina Vlady (1938 - ), Jean Yanne (1933 - 2003)
Genre(s) : en avant la musique /nanar pur sucre /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Christian Gerber, sorte de Régis Debray populo qui, après avoir couru les maquis sud-américains pour interviewer des guerilleros barbus, retrouve à Paris son poste de journaliste-radio. Les années 70 battent leur plein de kitchitude. Le gadget du moment, c'est ce truc avec deux boules en plastique au bout d'une ficelle, qu'il faut faire se cogner entre elles le plus longtemps possible. Hair (le spectacle) fait un tabac, la Superstar du moment (sur les ondes de la radio, au moins) s'appelle Jésus-Christ. C'en est trop pour Gerber, libertaire dans l'âme (qu'il n'a pas) et mauvais esprit sur pattes (d'eph). Il se fait virer, puis, bientôt (opportunisme aidant), promu et, enfin (intégrité aidant), crucifié sur l'autel d'une société aux valeurs Kleenex. Une grosse farce narcissique, assez gonflée (à l'air du temps).

Jeder für sich und Gott gegen alle - Enigme de Kaspar Hauser (L')

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Réalisé par : Werner Herzog (1942 - )
En : 1974, Allemagne
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

C'est le jour de Pentecôte de l'an de grâce 1828 que Kaspar est tombé du ciel, pile sur la place de Nuremberg. Pas tout à fait un bébé-loup ou un Enfant sauvage (il a dépassé les 20 ans). Pas non plus un idiot (il aime la musique et écrit son nom). Non, plutôt un homme-bébé qui n'a jamais vécu avec d'autres hommes -autrement dit un rien du tout, une marionnette entre les mains d'un démiurge sadique. Quelques bonnes âmes tentent de lui apprendre le métier de grande personne, de lui trouver une place dans le monde ailleurs qu'au magasin des accessoires exotiques. Il devient une sorte de philosophe-artiste brut, riche de ses seuls yeux intranquilles où on lit la stupeur et le désespoir d'être au monde. Des fois, la vérité est bien inspirée.

Valseuses (Les)

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Réalisé par : Bertrand Blier (1939 - )
En : 1974, France
Acteurs principaux : Gérard Depardieu (1948 - ), Patrick Dewaere (1947 - 1982), Isabelle Huppert (1953 - ), Miou-Miou (1950 - ), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

C'est l'hisoire de deux petits mecs, joués par deux petits jeunes inconnus (un certain Dewaere et un certain Depardieu) qui mènent une enquète sur le plaisir féminin et emmerdent le monde. C'est une espèce de road-movie à la française, plein de mots qu'on n'avait jamais entendus avant au cinéma et de rencontres incongrues, au bord des routes, sur une plage, dans un train et une multitude de chambres. C'est l'invention d'un style, la caricature d'une époque, la provocation d'un langage, la fureur d'une liberté hautement revendiquée. Les acteurs, le genre et les fringues ont vielli depuis, l'énergie de leur jeunesse est restée sur l'écran.

Barry Lyndon

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1975, Angleterre
Acteurs principaux : Marisa Berenson (1946 - ), Ryan O'Neal (1941 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 184 mn, couleur

Critique perso :

Il semble que Kubrick n'aimait pas beaucoup son époque (cf. Lolita, Dr Folamour) et mettait peu d'espoir dans l'avenir (cf. Orange mécanique). Avec ce film, nous voilà rassuré : il n'avait pas non plus beaucoup d'estime pour le passé ! Pas même dans le XVIIIème siècle, où sembla culminer pourtant le sens du raffinement et de la maîtrise de soi. Pour preuve, on suit l'éducation -pas sentimentale du tout- d'un jeune bourgeois-paysan-pauvre de cette époque. Sorti d'Irlande, il devient, via l'armée, la feinte et le cynisme, un parfait bourgeois-homme du monde-riche. Puis un rien du tout. Les images de ce film éclairé à la bougie, on ne les avait jamais vues avant. La cruauté des hommes, hélas, est de toutes les époques...

Jeanne Dielman, 23 Quai du Commerce, 1080 Bruxelles - Jeanne Dielman, 23 Rue du Commerce

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Réalisé par : Chantal Akerman (1950 - 2015)
En : 1975, Belgique
Acteurs principaux : Delphine Seyrig (1932 - 1990)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 201 mn, couleur

Critique perso :

Jeanne est le parfait prototype de la parfaite bourgeoise respectable. Elle est veuve, élève seule son grand fiston à hormones, tient son parfait intérieur du plus parfait mauvais goût de l'époque avec une conviction parfaite qui force de le respect. Une femme, sous le regard d'une femme qui ne montre que ce qu'on ne montre pas d'habitude : tout le temps qu'il faut pour ne rien faire d'autre (courses, cuisine, ménage...) que simplement maintenir à flot une vie de parfaite desperate housewive. Une vie tellement bien (en)cadrée que c'en est insupportable. Jeanne, donc, lave, nettoie, plie, range, arrange tout ce qu'elle touche, ne fait jamais la cuisine sans son tablier ni l'amour sans une petite serviette en dessous. Ben oui, faut bien gagner sa vie, quand même -mais pas plus d'un homme par jour, à domicile, pas plus que le temps de cuisson du plat du jour. Un jour, les patates sont trop cuites et on comprend qu'il a dû se passer quelque chose d'inhabituel, d'inconcevable, d'indécent, quelque chose de pas prévu au programme de cette vie-là. Le lendemain, on comprend que ça ne s'arrange pas. Il va falloir remédier au problème... Simplement génial et glaçant !

Muso (Den) - Jeune fille (La)

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Réalisé par : Souleymane Cissé (1940 - )
En : 1975, Mali
Acteurs principaux : Balla Keita
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 88 mn, NB/couleur

Critique perso :

Une famille africaine, mais riche : papa est patron, maman se pomponne, deux jeunes filles qui vivent leur vie de jeune fille. Sauf que l'une est muette, comme la souffrance des femmes de son pays : victime idéale pour le beau parleur glandu du quartier, qui vient juste de quitter la boîte du papa. L'intrigue principale est simple et désespérée. Mais on prend au début pour de la maladresse ce qui est en fait de l'audace : un récit plein de digressions, d'ellipses, plein de gens, plein de vie. Du coup, le film est autant une tragédie antique qu'un docu sur la vie à Bamako, ou qu'un tract militant sur la condition féminine. La société entière entre dans l'image comme la musique dans le son : en douce, par imprégnation. Comme la sourde colère du réalisateur contre la misère matérielle des pauvres, et la misère morale des riches.

Brutti sporchi e cattivi - Affreux, sales et méchants

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nino Manfredi (1921 - 2004)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Affreux, certes. Sales, incontestablement. Méchants, à coup sûr. Mais d'abord et avant tout : pauvres. Entassés comme des rats dans un bric à brac de fortune, mais avec vue sur le Vatican. Dans les années 70, il y avait encore des bidonvilles à Rome (et ailleurs aussi). Et des pauvres. L'heure n'est plus à la dignité qu'ils manifestaient chez Rosselini, De Sica ou Pasolini. Ici, c'est plutôt Shakespeare dans un tas d'ordures, avec des gens pas sympas dont rien de bon ne sort. Miroir à peine déformant de la société normale, de ceux qui savent y mettre les formes (beaux, propres et gentils) mais qui, au fond, partagent les mêmes valeurs : l'argent, l'argent et l'argent (et le sexe, aussi). Et si l'on est parfois tenté de rire, c'est avec la grossièreté du désespoir.

Giornata particolare (Una) - Journée particulière (une)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1977, Italie
Acteurs principaux : Sophia Loren (1934 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au début : bandes d'actu d'époque, qui commentent la triomphale visite de courtoisie du Fuhrer au Duce. On se croirait dans un remake pas drôle de To Be or Not to Be ou du Dictateur. Puis : début d'une journée pas comme les autres pour Antonietta, une ménagère romaine de moins de 50 ans -mais avec 6 gamins et 2 000 ans de machisme sur le dos. Sa marmaille et son mari s'en vont faire le salut fasciste au camarade visteur, en compagnie de la totalité de leur immeuble. Tous ? Non, un homme est resté là, aussi, dans l'appartement d'en face, au milieu de ses livres, dans un autre monde. Grâce à un oiseau en cage, à une concierge à moustache et à quelques malentendus, Antonietta et Gabriel s'échangent quelques mots, et même un peu plus, et même ce qu'ils n'ont pas, sur fond de discours militaires et de musique martiale. A peine une étincelle, le temps de croire que Trois Mousquetaires peuvent quelque chose contre deux tyrans. Rien, mais qui sauve l'honneur. Rien, mais qui change la vie.
PS : Honte aux DVDs René Chateau, qui ne proposent que la VF, et même pas avec la voix de Mastroianni !

Baara - Travail (Le)

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Réalisé par : Souleymane Cissé (1940 - )
En : 1978, Mali
Acteurs principaux : Balla Keita
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

La Ligne générale suit le destin d'un pousseur de charriots des rues de Bamako. Exploité par des pauvres qui ne peuvent pas payer leur course, il se fait embaucher par un ingénieur plein de bonne volonté, avant de finir manipulé par un patron pas étouffé par les scrupules. Le fond du tableau est une fresque ambitieuse sur la circulation de l'argent dans toutes les couches de la société, et sur ce qui préoccupe tout le monde : travailler pour manger, manger pour travailler. L'Afrique aussi sait ce que signifie le pouvoir du capital et l'aliénation des masses. Heureusement, l'Afrique aussi a son Ken Loach.

Lady Oscar

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1979, Japon
Acteurs principaux : Catriona MacColl (1954 - ), Lambert Wilson (1958 - )
Genre(s) : Paris /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Il était une fois au XVIIIème siècle, un aristocrate old school qui en a marre de faire des filles, et qui décide donc d'appeler la dernière Oscar. La demoiselle, qui en prend pour 20 ans de psychanalyse, devient donc une escrimeuse redoutable au service très rapproché de Marie-Antoinette. Elle affole son nigaud de copain d'enfance roturier, trouble l'amant de la reine et pas mal d'autres courtisan(ne)s, mais reste inflexible sur les principes, allant même jusqu'à boxer un certain Maximilien de Robespierre qui lui a manqué de respect. Mais un petit coeur bat pourtant sous son uniforme d'opérette. Les malheurs de la France et les beaux yeux d'André (le copain d'enfance) ne la laissent finalement pas indifférente. Après qu'une telle forteresse soit tombée, la prise de la Bastille est presque une formalité. Mais c'est une autre Histoire...

Tema - Thème (Le)

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1979, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - ), Mikhail Ulyanov (1927 - 2007)
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

Kim Yesenin est un écrivain russe. Donc torturé, concerné, engagé, arrogant, chiant. Normalement, il vit à Moscou, mais là il est en tournée en province (comme on ne doit plus dire), accompagné d'un confrère encore pire que lui et d'une jeune maîtresse pas passionnante (et apparemment pas non plus très passionnée). Il s'incruste dans la visite guidée d'un musée local. La guide est jolie, voilà que la province l'intéresse finalement plus que prévu. Il retrouve la fille dans un dîner le soir, il essaie de lui faire le coup du grand écrivain russe : passionné, passionnant, possessif, arrogant, chiant. Elle ne marche pas. Elle a pourtant été amoureuse de lui, quand elle avait 10 ans. Mais maintenant, elle préfère l'authentique. Elle ne s'intéresse plus qu’à un poète-paysan du terroir local, un artiste un vrai, brut et inconnu, mort et oublié de tous si elle n'était pas là. Et voilà de quoi relancer la machine du grand écrivain russe. Amoureux, concerné, inspiré, torturé, vain. Engagé, passionné, jaloux, arrogant, chiant.

Mon oncle d'Amérique

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1980, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), Jean Dasté (1904 - 1994), Gérard Depardieu (1948 - ), Marie Dubois (1937 - 2014), Nicole Garcia (1946 - ), Roger Pierre (1923 - 2010), Brigitte Roüan (1946 - )
Genre(s) : la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Deux modes de discours en parrallèle : d'un côté, une petite conf scientifique du professeur Laborit sur l'évolution des espèces, la vie sur Terre et l'interprétation des comportements (des souris et des hommes). De l'autre, une fiction qui entremèle les destins de trois personnages aussi dissemblables par leur origine que comparables par leurs difficultés à vivre. Ces trois-là ont nourri de nobles ambitions, ont été bien partis pour les accomplir. Mais ils finissent tous par nager un peu dans un costume trop grand pour eux, et auncun oncle d'Amérique ne vient les sauver du naufrage. Le discours scientifique distancié, comme mode d'emploi ironique de la comédie humaine. Le romanesque, comme horizon de l'observation objective (des souris et des hommes). A apprécier avec tous ses yeux, toutes ses oreilles et tous ses cerveaux.

Chambre en ville (Une)

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1982, France
Acteurs principaux : Richard Berry (1950 - ), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Michel Piccoli (1925 - ), Dominique Sanda (1948 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /en France profonde /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 92 mn, NB/couleur

Critique perso :

Nantes, quelques années avant Lola. Grève d'ouvriers dans les chantiers navals, rififi domestique chez les bourgeois. Tout converge vers l'appartement de Mme Langlois, un antre purpurin rongé par l'ombre, à mi-chemin entre la cathédrale et la préfecture. La dame est une ex-baronne qui a perdu sa particule et ses illusions en épousant un colonel, mort depuis en Indochine. Pour éponger ses dettes et son gros-plant, elle loue une chambre à un ouvrier (en grève) et tente de rabibocher le tout récent mariage de sa garce de fille Edith. Le beau métallo se bat pour défendre ses droits (au bonheur), Edith aussi, Ils sont faits l'un pour l'autre, aussi à poil l'un que l'autre, avec ou sans fourrure. Ce film, c'est comme une pierre de volcan : dense, sombre, dure et rapeuse, très longuement cuite et recuite dans les entrailles de la terre (et du réalisateur), et qui vient exploser à la figure des tièdes. Du Demy en musique, mais sans voiles.

Draughtsman's Contract (The) - Meurtre dans un jardin anglais

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Réalisé par : Peter Greenaway (1942 - )
En : 1982, Angleterre
Acteurs principaux : Anthony Higgins (1947 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Au début, les joueurs décident de la règle du jeu et la signent devant témoin. L'équipe du château joue en blanc, le visiteur extérieur (un artiste bien conscient de sa valeur) en noir. Au milieu du film, ils changent de côté, de maillots et même de règles... Le terrain est une belle propriété, l'époque la fin du XVIIIème siècle anglais. Il est, officiellement, question de dessiner le château sous tous ses angles, tout en profitant de la châtelaine par tous les bouts. Mais, à force de dessiner ce qu'il a devant les yeux, notre challenger finit par capter ce qu'il ne devrait pas : ce qui est là et ce qui est caché, et le temps qui passe. En fait, il invente la caméra à 12 images par semaine. Pour autant, ce n'est pas toujours lui qui évalue le mieux les coups à l'avance. Pour son premier film, l'esthète Greenaway soigne tout : le scénario brillamment tarabiscoté, les dialogues subtilement enluminés, les costumes soigneusement asticotés et les cadres bien sûr, savamment géométrisés (il a même fait les dessins lui-même). Il donne cette impression de maîtrise suprème qu'il refuse à son personnage. Mauvais joueur, mais excellent cinéaste !

Finyé - Vent (Le)

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Réalisé par : Souleymane Cissé (1940 - )
En : 1982, Mali
Acteurs principaux : Balla Keita
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Jours du bac à Bamako. Révisions de dernières minutes, joints, musique et amourettes, comme pour presque tous les lycéens du monde (non, non, pas pour moi !). Conciliabules, ambiance fébrile, suspicions sur les résultats. Le gouverneur militaire a trois femmes, des grosses lunettes orange et du souci à se faire. Non seulement ses femmes se crèpent les tresses, mais le vent de la connaissance et celui de la révolte se liguent contre ses méthodes douteuses et musclées. Pire : sa propre fille se joint aux rebelles. Version black en vraie V.O. de Hair (moins les chansons), façon naturalisme magique, poétique et politique. Très gonflé, très étonnant, très bien !

Do the Right Thing

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Réalisé par : Spike Lee (1957 - )
En : 1989, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Spike Lee (1957 - ), John Turturro (1957 - )
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

A Brooklyn comme ailleurs, des fois, il fait trop chaud pour travailler. Mais, à Brooklyn, y'a juste un peu plus de noirs qu'ailleurs en Amérique. Et un peu d'italo-américains, aussi. Entre autres. Un beau melting pot dans une cocotte-minute. Y'en a quelques uns qui travaillent, quand même, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Y'en a beaucoup qui causent, aussi. Ou alors qui se contentent de regarder. Ou qui écoutent de la musique. Un peu trop fort, parce qu'il fait trop chaud, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Ou alors, c'est la pizza qui était un peu trop épicée. En tout cas, c'est sûr, il faisait trop trop chaud dans cette cocotte-minute. Fallait que ça sorte, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Des fois, à Brooklyn ou ailleurs, il fait trop chaud pour vivre.

Jésus de Montréal

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Réalisé par : Denys Arcand (1941 - )
En : 1989, Canada
Acteurs principaux : Lothaire Bluteau (1957 - ), Rémy Girard (1950 - ), Yves Jacques (1956 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Quelle mouche a bien pu piquer l'auteur du Déclin de l'empire américain pour qu'il se lance ainsi, lui le chantre des intellos libertins, dans un Jésus au pays du show-biz -anticlérical certes, mais très fidèle aux Evangiles ? En fait, il parle toujours de la même chose : des fondements de la civilisation occidentale (la raison, la foi) et de ce qui la menace (l'argent, le commerce des corps). Et par la même occasion, il rend hommage aux acteurs de théâtre, à Dostoievski, à l'Homme qui en savait trop et à To Be or Not to Be. Pour tout cela, il lui sera beaucoup pardonné.

Milou en mai

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Réalisé par : Louis Malle (1932 - 1995)
En : 1990, France
Acteurs principaux : Paulette Dubost (1911 - 2011), Michel Duchaussoy (1938 - 2012), Miou-Miou (1950 - ), Michel Piccoli (1925 - )
Genre(s) : en France profonde /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

C'est un jeune vieux veuf qui vit à la campagne avec sa maman et qui s'appelle Milou -on ne saura pas s'il a eu un chien qui s'appelait Tintin. La maman -très vieille France- a le bon goût de mourir au moment où s'annonce le printemps 68. La famille, étendue à quelques invités et pique-assitettes de passage, tiendra lieu de groupe de camarades, l'enterrement tiendra lieu de défilé de manif, et le partage des biens maternels d'héritage à liquider. A part ça, c'est presque comme à Paris : plein de faux-frères en état second. Le huis-clos à l'air libre, encerclé de dangereux grévistes, permet une relecture ironique (et très drôle) de L'Ange exterminateur (hommage de Jean-Claude Carrière au scénario qu'il aurait pu écrire). La révolution au vert mode d'emploi, par ceux qui auraient pu ne pas passer complètement à côté.

Riff-Raff

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Réalisé par : Ken Loach (1936 - )
En : 1990, Angleterre
Acteurs principaux : Robert Carlyle (1961 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Un chantier immobilier pourri, dans une banlieue de Londres pourrie, mené par un pourri de patron : bienvenue au joyeux pays de Margaret. On se doute bien que ceux qui travaillent là -touristes sans carte de séjour, bidouilleurs en fin de droit, déclassés de longue durée...- n'ont pas trop le choix -et qu'ils ont intérêt à fermer leur gueule. Mais toutes les Margaret du monde ne peuvent les empêcher de former un groupe d'humains -le début de l'espoir, chez Ken Loach. Steeve trouve tout de suite sa place dans cette petite communauté. Il se déniche même une copine chanteuse, et l'installe dans son squat -une île précaire de liberté dans un océan de misère. Tract terrible et joyeux contre l'horreur économique ; portrait joyeux et terrible du bordel ambiant.

Van Gogh

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Réalisé par : Maurice Pialat (1925 - 2003)
En : 1991, France
Acteurs principaux : Jacques Dutronc (1943 - ), Elsa Zylberstein (1968 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 158 mn, couleur

Critique perso :

Un type descend d'un train, va se faire soigner chez un docteur, mange et dort dans une auberge à 3 sous. Il a le dos courbé et l'air de se foutre de tout. Il enfile des canons avec les paysans du coin. Ce qui fait drôle, c'est quand on le voit peindre dans les champs les tableaux les plus chers du monde, et que les autres l'appellent Van Gogh sans avoir l'air de comprendre ce qu'ils disent. Les femmes l'aiment, les hommes le supportent plus difficilement, font mine de s'intéresser à sa peinture. L'étrangeté du monde est dans ses toiles, son étrangeté au monde est dans son regard -celui de Jacques Dutronc dont l'ironie muette et l'inquiétant détachement donnent le vertige. Ce type là n'est pas doué pour le bonheur, juste pour en donner aux autres. Du très très grand art...

Player (The)

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 1992, USA
Acteurs principaux : Karen Black (1939 - 2013), John Cuzack (1966 - ), Peter Falk (1927 - 2011), Peter Gallagher (1955 - ), Jeff Goldblum (1952 - ), Angelica Huston (1951 - ), Jack Lemmon (1925 - 2001), Andie MacDowell (1958 - ), Malcolm McDowell (1943 - ), Sydney Pollack (1934 - 2008), Tim Robbins (1958 - ), Alan Rudolf (1943 - ), Greta Scacchi (1960 - ), Dean Stockwell (1936 - ), Bruce Willis (1955 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Griffin Mill (Mr. M pour les intimes) est un enfoiré de 1ère classe de Sunset Blvd. Il assure la lourde tâche de choisir, pour le compte d'un grand studio hollywoodien, les quelques heureux Lauréats dont le scénario sera produit. Evidemment, son costume de Citizen Kane fait des rancuniers et des envieux : il travaille au milieu d'une bande de Freaks qui ne pensent qu'à prendre sa place. Un soir, dans un accès de panique, il fait une grosse connerie irréparrable (de plus). Certes il a eu, juste avant, le temps d'échanger quelques mots au téléphone avec un Ange bleu. Mais, le moindre Témoin à charge pourrait le faire tomber. En fait, il a La Corde au cou... Quant à Altman, lui, il s'amuse : non content de battre haut la main le record, précédemment détenu par La Soif du mal, du plus long plan séquence d'ouverture, il s'attaque aussi à celui du plus grand nombre de citations (visuelles ou sonores) de films anciens dans un film (j'ai oublié : il y a aussi Le Voleur de bicyclette). Et il montre par la même occasion que le cinéma n'est pas -toujours- fait par des cons.

Raining Stones

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Réalisé par : Ken Loach (1936 - )
En : 1993, Angleterre
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Bob est un bon bougre heureux en ménage. Il est même catho, c'est dire comme Loach a l'esprit large. Mais il manque de sous, donc de tout -sauf d'imagination. Et voilà que la fifille a besoin de se déguiser en nonne -le costume est très cher- pour sa première communion. D'où, pour assurer, un enchaînement de plans-débrouilles foireux avec son pote Tommy, de galères qui prennent l'eau et de bonne volonté embourbée au fond de divers marécages. Il a aussi l'orgueil un peu mal placé et la descente de bière un peu en pente, l'ami Bob. Mais bon, des fois, même chez Loach, le ciel est avec les hommes de bonne volonté. Un ciel pour qui la mort d'un homme -un beau salaud, of course- peut être légitime. Mine de rien, même quand ils nous font un peu rire (comme ici), ses films ne disent toujours que ça : contre ceux qui les exploitent et les écrasent, les prolos font bien de retrousser leurs manches -pour cogner !

Ladybird Ladybird - Ladybird

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Réalisé par : Ken Loach (1936 - )
En : 1994, Angleterre
Acteurs principaux : Crissy Rock (1958 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 101 mn, couleur

Critique perso :

Au bout de 2mn, n'importe quel spectateur normalement constitué devrait déjà sentir l'eau salée lui monter aux pupilles. Maggie chante dans un karaoké, et c'est comme si sa vie en dépendait. D'ailleurs, c'est le cas. Heureusement, il y a au moins un bon gars dans le pub qui s'en rend compte. On apprend, avec lui, ce qui bout dans Maggie : 4 enfants, de 4 pères différents, placés dans 4 foyers différents. Un passé lourd comme une enclume et comme les coups de poing qu'elle a déjà largement encaissés. La bon gars va s'employer à alléger les souvenirs, et à fabriquer avec elle d'autres enfants, puisqu'il n'y a que comme ça que Maggie se sent vivante. Toujours borderline, toujours en rage, mais toujours vivante. Au bout de 2h, si vos yeux ne se sont pas complètement noyés dans un océan d'eau salé, c'est que vous n'êtes pas un spectateur normalement constitué.

Festen

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Réalisé par : Thomas Vinterberg (1969 - )
En : 1998, Danemark
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

C'est la fête chez les grands bourgeois. Le patriarche a 60 ans, une gentille femme, de beaux enfants, une superbe demeure avec domestiques au sous-sol. Et, comme il se doit, de magnifiques secrêts honteux qui ne demandent qu'à sortir. C'est l'aîné, Christian, qui leur ouvre la porte. C'est les employés du sous-sol qui le soutiennent. C'est tous les autres qui se précipitent pour colmater. Alors bon, certes, la non-réaction des invités -pas très crédible, j'espère- sent la figuration bon marché. Alors aussi, la beaufferie du frangin -qui n'a même pas l'excuse d'être un faux-frère- est lestée à tous les métaux les plus lourds. En fait, les vidéos de famille des autres -surtout quand le petit cousin qui filme se prend pour un artiste- sont rarement supportables très longtemps. Sauf peut-être quand la famille elle-même est pire. Peut-être le seul film pour lequel le canular Dogme 95 méritait d'être inventé.

Vie rêvée des anges (La)

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Réalisé par : Erick Zonca (1956 - )
En : 1998, France
Acteurs principaux : Elodie Bouchez (1973 - ), Grégoire Colin (1975 - ), Natacha Régnier (1974 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 113 mn, couleur

Critique perso :

Celle qui croyait aux autres, celle qui n'y croyait pas... Isa la brune est douée pour les contacts et la débrouille joyeuse. Elle fait la route, déniche des petits boulots et ouvre toutes les portes avec son sourire. Marie, elle, est une boule d'énergie contractée, un hérisson blond qui ne sait pas comment exprimer sa révolte. Elles vont vivre ensemble le temps d'un hiver dans le Grand Nord (à Lille...). Ce film, c'est comme un gros bloc de vie brute qui nous tombe dessus. Les actrices sont extra. Elles expérimentent dans leur corps la lutte des classes et le cheminement spirituel. Deux anges passent...

Ressources humaines

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Réalisé par : Laurent Cantet (1961 - )
En : 1999, France
Acteurs principaux : Jalil Lespert (1976 - )
Genre(s) : en France profonde /pas drôle mais beau /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Un jeune cinéaste français qui se coltine le problème des 35h dans une petite usine de province, en faisant jouer des acteurs recrutés aux guichets de l'ANPE : c'était pas gagné d'avance. Et bien, c'est plus que réussi : criant de vérités jamais dites sur le monde du travail et surtout (c'est là le coeur du sujet) sur ceux à qui leurs études permettent de prétendre à une promotion sociale. Franck en fait partie : son père est ouvrier, lui porte la cravate pour faire un stage dans les bureaux. Traitre à tous, en lutte (des classes) avec lui-même, il cherche sa place. Et nous, on a trouvé un nouveau cinéaste à aimer.

Bread and Roses

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Réalisé par : Ken Loach (1936 - )
En : 2000, Angleterre
Acteurs principaux : Adrien Brody (1973 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Los Angeles : ses stars, ses buildings... et, de l'autre côté des vitres, ses passagers clandestins venus du Mexique. Ils travaillent de nuit, balaient, nettoient et se taisent, en parfaits hommes invisibles qu'on leur demande d'être. Rosa et sa soeur Maya sont de ceux-là. Trop heureuses d'être là pour oser, en plus, réclamer quoi que ce soit (congés payés, sécu et paiement des heures sup). Heureusement, Ken Loach veille et leur dépèche un syndicaliste comme il les aime, débrouillard et insolent, pour donner une leçon de politique à ses grands frères d'outre Atlantique. Ils les auront, ces exclus, leurs roses -épines comprises, qu'ils s'empresseront de planter dans le talon du géant américain.

Dancer in the dark

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Réalisé par : Lars von Trier (1956 - )
En : 2000, Danemark
Acteurs principaux : Jean-Marc Barr (1960 - ), Björk (1965 - ), Catherine Deneuve (1943 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire de deux stars top glamour qui essaient de nous faire croire qu'elles sont OS dans une usine américaine pourrie, habillées en guenilles, à s'échiner de nuit pour gagner des clopinettes dans un trou perdu où, en plus, des nazes prétendent leur donner des leçons de chant et de danse pour monter une comédie musicale amateur. On rêve. C'est surtout l'histoire d'un cinéaste sadique qui a l'air de prendre plaisir à inventer les pires malheurs possibles qui puissent accabler les meilleurs braves gens possibles. Et faudrait que ça nous plaise, en plus, et qu'il passe pour un humaniste. Non, trop c'est trop, too much for me. C'est l'un des très rares films qui m'ait donné envie d'étrangler son auteur à plusieurs reprises. Sur ce coup là, je lui suis juste reconnaissante de m'avoir parlé d'Oldrich Novy, sinon, je ne lui dis pas merci.

Dayereh - Cercle (Le)

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Réalisé par : Jafar Panahi (1960 - )
En : 2000, Iran
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Le cercle, hélàs, est souvent vicieux. C'est, dans ce film, le lieu symbolique de l'enfermement perpétuel des femmes en Iran, comme cette roue verticale où s'épuisent les souris en cage. Maudites dès leur naissance, voilées, battues, encadrées comme d'éternelles mineures, traquées et surveillées en permanence par des barbus en tenue militaire (sans doute les sinistres "gardiens de la révolution"), coupables, forcément coupables de tout, condamnées à perpet' à attendre le bon vouloir des hommes... Clandestines de leur propre vie, elles sont réduites, au mieux, à la précaire solidarités des humiliées. Dans ce Yol au féminin, on en suit 3, 5, 6, formant une Ronde sans fin : uniques dans leur personnalité, identiques dans leur soumission, toutes infiniment belles et terriblement malheureuses. Haletant comme un documentaire, accablant comme un pamphlet, vrai comme une fiction.

Faute à Voltaire (La)

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Réalisé par : Abdellatif Kechiche (1960 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Sami Bouajila (1966 - ), Elodie Bouchez (1973 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 130 mn, couleur

Critique perso :

Jallel est un étranger sans papiers à Paris. Un passager clandestin de la vie. Au début, il fait mine. D'être quelqu'un d'autre. Petits boulots, gros sacrifices. Il touche presque du doigt l'objet de son désir : une femme, un statut, des papiers, le gros lot. Presque. En fait, c'est là qu'il perd tout. Détour par la case hôpital psy, tout à refaire. Il n'a plus envie de rien mais ce sont les autres (surtout une autre) qui vont avoir envie de lui. Alors, c'est son corps qui va le reconquérir. Lui permettre de retrouver son équilibre au milieu du déséquilibre. De réapprendre à marcher, quoi. Jusqu'à ce qu'un jour, à la station de métro Nation on lui fasse comprendre qu'il n'est toujours pas le bienvenu... C'est un film du genre râpeux, pas cool, pas sympa, pas marrant. Pas feelgood du tout. Avec des scènes trop longues et quelques éclairs de fraternité cabossée. Un film de passager clandestin de la vie, comme tout le monde.

Ville est tranquille (La)

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Réalisé par : Robert Guédiguian (1953 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Ariane Ascaride (1954 - ), Jean-Pierre Darroussin (1953 - ), Gérard Meylan (1952 - ), Julie-Marie Parmentier (1981 - )
Genre(s) : en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 89 mn, couleur

Critique perso :

La ville, c'est Marseille. Et tranquille, ce n'est pas précisément l'adjectif qui surgit spontanément quand on pense à elle. Et pour cause ! S'y croisent des politiciens corrompus, des retraités mafieux, des petits postulants fascistes, un tueur à gages, quelques prostituées junkies et des ouvriers en rupture de travail ou de syndicats... La faune, a priori, n'y est donc pas particulièrement attrayante. Sauf que, sauf que, ce sont les mêmes, ou leurs très proches, qui sont aussi capables d'expérimenter le sacrifice maternel, l'accueil de l'étranger, l'ouverture à l'art des plus démunis et l'indéfectible fidélités des anciennes amours... Ironique et contradictoire, ce portrait collectif s'impose par sa complexité, son énergie désespérée et son humanité.

Gosford Park

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 2001, USA
Acteurs principaux : Alan Bates (1934 - 2003), Helen Mirren (1945 - ), Kristin Scott Thomas (1960 - ), Maggie Smith (1934 - ), Emily Watson (1967 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

Les voitures sont de 1930, le manoir et ses meubles sont victoriens, ses occupants le temps d'un week-end de la plus haute lignée du genre homo britannicus. Il y a une armée de domestiques, aussi, mais à l'étage au dessous. Les infos, les services, les frustrations et les désirs circulent dans tous les couloirs et tous les escaliers, de bouche à bouche et de mains en mains, de haut en bas et de bas en haut. Ca mange et ça parle, aussi. Le maître de céans a tellement d'ennemis dans la place qu'il réussit à se faire assassiner plusieurs fois... On dirait parfois le script de La Règle du jeu rewrité par Agatha Christie. A d'autres, c'est un ballet de marionnettes en maison de poupées grandeur nature. Tout le temps, c'est une caméra en liberté dans une prison dorée.

Mies vailla menneisyyttä - Homme sans passé (L')

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Réalisé par : Aki Kaurismäki (1957 - )
En : 2002, Finlande
Acteurs principaux : Kati Outinen (1961 - ), Markku Peltola (1956 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 97 mn, couleur

Critique perso :

Un type dans un train. A l'arrivée, il se fait dépouiller et tabasser. Il est mort. Il ressuscite mais il a tout oublié. En fait, en 10 mn il a été complètement réinitialisé (d'ailleurs, il ressemble à L'Homme invisible) et nous, spectateurs, en savons autant que lui sur lui-même. Il lui (nous) reste donc le temps d'un film pour apprendre à vivre dans le monde des hommes. Dur dur, le monde des hommes, quand on a perdu son numéro de sécu. Il commence par le commencement : prendre une bière avec le voisin, planter 3 pommes de terre, inviter une fille et écouter du rock... Pas besoin d'éclats spectaculaires -surtout que là-haut, en Finlande, on cause et on rigole plutôt avec les yeux. Un film qui arriverait presque à faire croire que le monde est habitable -bien sûr c'est un conte de fées.

Promeneur du champ de Mars (Le)

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Réalisé par : Robert Guédiguian (1953 - )
En : 2005, France
Acteurs principaux : Michel Bouquet (1925 - ), Jalil Lespert (1976 - )
Genre(s) : Paris /en France profonde /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 117 mn, couleur

Critique perso :

C'est un vieil homme que tout le monde appelle "M. Le Président". On dirait que Mitterrand lui ressemble. Il vit dans les ors de son Palais. Il est amoureux de l'éternité. Et puis, il y a un jeune homme, aussi. On dirait qu'il ressemble à tout le monde. Il vit dans les tracas de la banalité. Il est amoureux du vieil homme, qui lui fait l'honneur de quelques-unes de ses paroles. Le dernier Roi de la Vème République se meurt. Il pontifie, donne des leçons de séduction, joue la coquette et l'érudit qu'il était. Le jeune homme écoute, enquête, encaisse, n'arrive pas à jouer au méchant qu'il n'est pas. Comme lui, Guédiguian (ex-militant communiste proclamé) ne peut s'empêcher d'avoir de la tendresse pour le vieil homme (il envoie sa fille lui faire la bise). Hommage de l'idéaliste au pragmatique qu'il n'a pas eu envie d'être.

Travaux, on sait quand ça commence...

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Réalisé par : Brigitte Roüan (1946 - )
En : 2005, France
Acteurs principaux : Carole Bouquet (1957 - ), Marcial Di Fonzo Bo (1968 - )
Genre(s) : Paris /conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Mme Chantal est une grande avocate de la cause des sans-papiers. Le genre bobo, gauche-guacamol (son truc, c'est plutôt les sud-américains). Quand Mme Chantal plaide, elle se transforme en sorcière bien-aimante : irrésistible. Chez elle, elle met ses convictions en pratique. Puisqu'un petit ravalement d'intérieur est nécessaire, autant employer les hommes sans papiers (et sans qualités -surtout pour le travail manuel) qu'elle défend devant les tribunaux. Mais là, le charme opère à l'envers : Mme Chantal a l'art de transformer tous ses employés en empotés façon Impossibles M. Bébé. Luxe, calme et volupté valent bien un petit chaos d'appartement. Difficile de faire plus bidonnant sur la crise des logements parisiens.

Wallace & Gromit in The Curse of the Were-Rabbit - Wallace & Gromit et le Mystère du lapin-garou

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Réalisé par : studios Aardman
En : 2005, Angleterre
Genre(s) : jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pour petits et grands enfants /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 85 mn, couleur

Critique perso :

Ca se passe dans une petite communauté de la campagne anglaise, qui ne vit que pour son prestigieux concours annuel de grosses légumes. Cette année, la récolte miraculeuse semble menacée par une attaque coordonnée de hordes de lapins affamés. Heureusement, Wallace & Gromit, inventeurs omni-compétents, veillent. Mais ce serait négliger un peu vite que, derrière le moindre sujet vivant de sa Gracieuse Majesté, sommeille un Mr. Hyde-Hulk ou un Jack-Dorian Gray Kong, animal à poils longs et à idées courtes, éventreur (de citrouilles) et trucideur (de carottes). Après avoir acclimaté la haute technologie et le film noir à la mortelle banalité des provinces britishs, voilà que Wallace et son chien laissent le thriller envahir leur potager, et le monstre végétarien dévoiler la monstruosité carnivore de ses concitoyens. Les anglais ont trouvé le(s) superhéro(s) en pantoufles à la hauteur de leur flegme immortel.

Across the Universe

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Réalisé par : Julie Taymor (1952 - )
En : 2007, USA
Acteurs principaux : Bono (1960 - ), Jim Sturgess (1978 - ), Evan Rachel Wood (1987 - )
Genre(s) : New York - New York /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 133 mn, couleur

Critique perso :

Fin des années 60 : un petit gars de Liverpool à la recherche de son paternel se décide à traverser l'Atlantique pour le retrouver. Personne ne l'attend, lui, à l'arrivée. Mais il tombe sur une bande d'étudiants en plein trip contre la guerre du Vietnam. Ils s'installent à New York et commencent, presque sans bouger, un Magical Mystery Tour (qui ne figure pourtant pas dans la BO) dans l'Amérique flower power, à la rencontre entre autres d'un certain (I am the) Walrus et d'une certaine (Dear) Prudence. Ils sont bourrés d'idées et d'idéaux (comme la mise en scène), en quête de Revolution et en quête d'eux-mêmes. Hey Jude (ben oui, c'est comme ça qu'il s'appelle), faudra quand même patienter un peu avant d'envoyer Lucy (ben oui, c'est comme ça qu'elle s'appelle) in the Sky... La musique de Quatre garçons dans le vent comme mode d'emploi (les sons, les couleurs et le saint esprit) de toute une époque. Un coup à vous faire regretter de ne pas être né au bon moment.

Louise-Michel

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Réalisé par : Kervern & Delépine
En : 2008, France
Acteurs principaux : Mathieu Kassovitz (1967 - ), Bouli Lanners (1965 - ), Yolande Moreau (1953 - ), Benoît Poelvoorde (1964 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 94 mn, couleur

Critique perso :

Quelque part au Nord : une usine avec des (femmes) ouvrières et quelques (hommes) patrons. Un jour, elle n'est plus là, elle est partie faire sa grande migration vers l'Est. Une seule solution : se venger du patron. Une ouvirère lambda, pas plus à l'aise pourtant avec le français qu'avec le grec, se charge de dénicher le tueur à gages idéal. Et elle le trouve, même s'il est un peu fauché tendance mégalo. Elle s'appelle Louise, il s'appelle Michel - à moins que ce ne soit le contraire. Mais les patrons ont une facheuse tendance à se délocaliser aussi vite que leurs usines. Le contrat tourne alors au road-movie artisanal. Les plans sont presque fixes mais, comme les personnages, ils cachent presque toujours quelque chose. Et le film est tellement anar qu'il mélange et inverse tous les genres. C'est de la tragédie poilante, du thriller trash, de la romance désespérée. On en ressort en se sentant tout propre, comme un gant de toilette retourné.

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