Pour fêter le début du cinéma parlant, Hitchcock, déjà gros mais pas encore grand, se lance, comme il fera souvent, dans l'adaptation d'une pièce de théâtre contemporaine à succès... et oublie par la même occasion les règles les plus élémentaires de sa vraie langue, ce parler en images qu'il a commencé à inventer. C'est peu dire que la pièce a peu d'intérêts et que le film est raté : un mélo irlandais vaguement socio-politque, en huis clos sordide, chez des prolos au fond du trou, le tout à cause du manque de sens de responsabilité des hommes de la famille. Ca commence comme une comédie pas drôle et ça se termine en drame pas touchant. Quand il fait chanter ses personnages, c'est même pas sous la menace, c'est juste pour tester ses micros. Zéro mystère, pas un pence de suspense ni un gramme d'ambiguïté : qu'est allé faire Hitch dans cette absence de galère ?
Un gentil jeune couple avec enfant en excursion touristique loin de chez lui sympathise un peu vite avec un type étrange (un champion de ski français, louche ça) et se retrouve bientôt avec un cadavre, un enlèvement et un lourd secret sur le dos. Ca vous rappelle quelque chose ? Non, ça n'est pas avec James Stewart mais avec un Peter Lorre à mèche blonde. Oui, pourtant, y'a bien le coup de (la) cymbale ! Heureusement d'ailleurs, parce que sinon le reste du scénar est un peu tissé de cordes blanches. Un dentiste louche, une secte louche, pas très discrets ces espions... Pourtant, le film est un peu plus brut, moins poli à l'americanwayoflife puritaine que l'autre. Ici, madame est championne de ball-trap, elle a moins peur des armes que la police anglaise. Non mais !
Un type dont on ne sait rien accueille chez lui une inconnue et, parce qu'elle lui raconte une histoire d'espions à dormir debout, la laisse coucher dans son lit. Au matin, comme la fille a un poignard dans le dos, le type se croit obligé d'aller en Ecosse, pour aller dire il ne sait pas vraiment quoi à il ne sait pas vraiment qui (il n'est pas exclu, d'ailleurs, qu'il ait tout rêvé). Le début et la fin évoquent L'Homme qui en savait trop, le milieu est un pré-make de La Mort aux trousses, c'est-à-dire la traversée somnambulique (mais pleine d'énergie) d'une histoire dont l'enjeu se modifie en permanence. Quelque chose comme la quête éperdue de la mémoire perdue des origines de la quête (tout Hitch, déjà, quoi).
A Londres, la nuit, se promènent de drôles d'oiseaux. Ce M. Verloc, par exemple : il fuit tellement la lumière qu'il vient de saboter l'éclairage public ; il fuit tellement la lumière qu'il vit dans un cinéma. M. Verloc a une épouse, aussi, qui ne se doute de rien, et un enquêteur de Scottland Yard aux fesses qui, lui, a les plus noirs soupçons. Derrière l'écran (de son cinéma et de ses nuits blanches), devant un étrange aquarium (qui en anticipe un autre), se trament de sombres complots. Il s'agit cette fois de faire exploser une bombe en plein coeur de Londres (décidément très en avance, les gars). Une histoire à tiroirs et à double fonds, qui permet à Hitchcok d'aiguiser ses meilleurs crayons : le suspense des comptes à rebours, la victime innocente, la surprise du destin qui abolit les surprises... Sans oublier les oiseaux, qui n'y sont pour rien et qui se vengeront.
Certes, il y a une histoire d'espionnage dont le prétexte est (presque) aussi obscur pour ses héros que pour le spectateur. Certes, il y a du marivaudage dans l'air. Des coups de fil intrusifs, des choses cachées derrière les portes, et derrière les notes de musique. Du jeu, des décors de studio, du style. Un train, des morts. Du fétichisme (un bouton), des messages codés. Des personnages qui ne savent pas bien ce qu'ils font là -mais qui n'arrivent pas encore à faire mine de ne pas y attacher d'importance. Bref, ça ressemble à du Hitchcock qui aurait en main toutes les clés de sa maison, mais qui n'aurait pas encore trouvé toutes les bonnes serrures.
Ca commence du côté des Carpates, au pays des contes de fées qui font peur, dans un hôtel où une brochette d'occidentaux se retrouve coincés par la neige. Il y a là des demoiselles yankees, une mamie gâteau et quelques célibataires britanniques -entre autres. Que diable allaient-ils faire dans ces montagnes ? On n'en saura rien mais, un peu plus tard, ils se retrouvent dans un train. La mamie gâteau disparaît, non seulement du décor (pas si facile, il n'y en a que deux dans tout le film : l'hôtel et le train), mais de la tête de tous les passagers - tous sauf une, une yankee du genre têtue. Un grand jeu de piste commence alors sur le thême "à la recherche de la vieille dame tombée dans un trou de mémoire". Un jeu pour se regarder de derrière le miroir, un jeu pour avoir peur pour de rire.
Dans la famille Hitchcock, cette oeuvre-là est un peu un enfant caché. Une histoire de naufrageurs située au XIXème siècle, un film en costumes avec un gang à trognes, des bagarres à mains nues, des carrioles, des chevaux et des maquettes de bateaux en pleine tempête dans un verre d’eau… mais avec aussi, en contrebande comme il se doit, pas mal de hitchcockeries déjà bien identifiées : le gentil couple-malgré-lui qui se forme dans la fuite, les agents doubles, l’art de se jeter dans la gueule du loup (et d’en ressortir), le climax qui donne vertige… et, évidemment, quelques excellents acteurs anglais en flagrant délit de cabotinage. Une dernière anglaiserie avant de passer à Hollywood.
C'est sur la French Riviera (lieu d'envoutement classique des films américains) qu'ils font connaissance. Il est anglais, veuf, très riche. Elle est jeune et innocente. Ils se marient et vont habiter dans la somptueuse demeure de Monsieur, à l'aura mystérieuse. Machine (comment s'appelle-t-elle, au fait ? personne ne l'appelle par son prénom) se retrouve à la tête d'une maison où tout est trop grand pour elle, où tout porte la griffe de Rebecca, la première épouse. Problème : comment lui faire oublier son ex ? Comment se faire aimer d'une propriété où tout -choses et êtres- est encore sous le charme de l'autre ? Comment lutter contre un fantôme qui ne se manifeste que dans les vivants ? Un drôle de cauchemar luxueux, un thriller mental au style gothique flamboyé, avec ce qu'il faut de fièvre et de secrets.
Tout commence dans un train : début de la romance. Tout continue dans un décor de cottage anglais avec vent dans les chapeaux, chevaux et bal du soir : mariage. Elle s'appelle Lina, il s'appelle Johnnie. Mais, à partir de là, on n'est plus dans le même film. Lina, qui ne voit pas bien de près sans ses lunettes, commence tout de même à trouver que son cher époux exagère. Est-il irresponsable, menteur, voleur, escroc voire plus (si affinités monétaires) ? La maison de Lina -et sa vie- ressemble de plus en plus à une toile d'araignée de lumières et d'ombres. Un tournage en sentiments subjectifs, avec dénouement final trop beau (comme Johnnie) pour être honnête.
Les japonais viennent de s'en prendre à Pearl Harbour. Hitch, passé à l'ouest (de l'Atlantique) depuis Rebecca, veut participer à l'effort de guerre. Alors, il s'en prend aux ennemis du dedans, aux combattants de la Liberté planqués derrière les américains bon teint, aux saboteurs du politiquement correct. Il choisit ses alliés parmi les prolos anars et les aristocrates du coeur, les artistes et les freaks. L'histoire a un goût de déjà vu et un parfum de à revoir : c'est une marche forcée à l'intérieur de la démocratie, east by south east. Le gentil rencontrera la fille des rêves américains. Le méchant sera perdu parce qu'il n'a pas de tailleur anglais. Tout est pour le mieux dans le meilleur des films de propagande possible.
Au commencement, Dieu créa la famille américaine moyenne. Et puis, le petit dernier, avec son premier vélo, fit une chute et se fractura le crâne. Devenu grand, il est parti vivre ailleurs, a fait d'autres bêtises. Il rêve de veuves joyeuses. Il s'appelle Charlie. Un jour, il revient hanter le foyer de sa grande soeur qui, elle, a su (re)constituer une parfaite famille américaine moyenne (avec maison typique, jardin, garage, mari et enfants), et dont la fille aînée s'appelle Charlie, en hommage à l'enfant prodige. L'ange déchu parviendra-t-il à pervertir l'ange ingénue qui porte son nom ? Après avoir sérieusement écorné les joies matrimoniales (cf. ses premiers films américains), Hitchcock introduit un soupçon de Soupçons dans le paradis familial.
Le Docteur Edwardes est en fait un imposteur, sa Maison est un asile de fous. Ca démarre sur de bonnes bases. La douce (et belle) Constance, elle, est une vraie top psychanaliste de la Maison, qui semble avoir reçu (en vain) les tranferts de tous ses patients et de tous ses collègues. Elle craque pour le faux (mais beau) docteur amnésique, qui pourrait bien être le cas (et l'homme) de sa vie. Le faux (mais beau) Edwardes a des morts à aller récupérer au fond de son trou de mémoire. Et la douce (et belle) Constance, elle, se trouvera bien quelques portes à ouvrir et un père à tuer. La clé des révélations à double fond réside dans un rêve obscur, mis en image par M. Dali himself. Bien mieux qu'une leçon de psychanalyse pour les nuls, un grand film fantas(ma)tique pour tous les grands névrosés que nous sommes.
Imaginons que le personnage de La Mort aux trousses soit un vrai espion, et que l'héroïne de Casablanca doive donner des gages de bonne conduite patriotique : le monde à l'envers ! A l'image du film entier, où tout le monde ment et joue la comédie. Sous prétexte de raison d'Etat, bien sûr. Parce que l'amour, il faut bien sûr faire mine, dans ce monde-là, de ne pas y croire. Pour y croire, le spectateur, lui, a droit au plus long baiser en pointillé de l'histoire du cinéma (entrecoupé de dialogues sur le poulet dans le frigo, pour détourner le code Hays). Mais ce n'est que le début : le reste du film est une longue jouissance retardée où la tension monte, se cristallise sur des objets fétiches (clé, bouteille, tasse) avant la délivrance finale. Difficile de ne pas adorer.
Un (très) bel avocat doit assurer la défense d'une (très) belle veuve accusée d'avoir empoisonné son mari aveugle -à moins que le (très) beau valet du défunt n'ait quelque chose à se reprocher... Une moitié du film pour l'enquête, une autre pour le procès, déguisements et perruques comprises (ça se passe à Londres). Dialogues subtils, effets de manche, ombres menaçantes, cadrages brillants. Mais on comprend vite que le verdict n'est pas l'enjeu majeur du récit, puisque les personnages sont déjà tous, avant qu'il ne tombe, condamnés à perpet' à la douleur d'aimer sans retour.
Vue sur une rue de New-York très calme. Un cri. La caméra se tourne vers l'intérieur de l'appart. Contrechamp de l'autre côté des rideaux, où deux élégants jeunes hommes en étranglent un troisième. On ne quittera plus ni l'appart (3 pièces-cuisine, mais on ne voit jamais la chambre) ni le plan (8 bobines de 10mn chacune, mais on voit à peine les transitions) -enfin, il m'a bien semblé apercevoir une coupe et un contrechamp, mais ils font sans doute partie du jeu. Et pour raconter quoi, ce simili plan-séance traficoté ? Le buffet froid donné par les deux dandys-assassins sur le cadavre encore tout chaud de leur victime. Le lien qui les attache ne se réduit sans doute pas à la corde qui leur a servi d'arme. Pour les démasquer, on ne pourra guère compter sur la vieille excentrique de service : elle a vu Les Enchaînés mais ne vaut pas Miss Marple. Mais leur prof en toutes choses, lui, a le regard bien affuté. Comme quoi il ne faut jamais croire avoir dépassé son maître.
Ca sent le piège : les amants sont en fait des époux, et apparemment plus tellement si épris que ça. Ils vivent en Australie, début XIXème. Pour se retrouver là-bas à ce moment-là, faut soit porter un uniforme, soit avoir eu des choses à se reprocher, et à fuir. On sait assez vite à quelle catégorie appartient chacun des personnages : tous enfermés dans leur rôle, leur histoire, leur héritage social, leurs petites prisons portatives. Pour zigzaguer à l'aise dans cette geôle, Hitchcock met des ailes à sa caméra. Il la fait virevolter dans les pièces, fureter entre ses acteurs, capter en douce la moindre esquisse de geste, la moindre ébauche de sentiment. L'histoire rappelle un peu celle de Rebecca : c'est du lourd, mais filmé par un papillon. Là sans doute est le piège... le gros monsieur cacherait-il donc une âme de midinette ?
Guy, un champion de tennis bien propre sur lui, croise dans un train un admirateur anonyme et empressé, prêt à accomplir ses désirs les plus inavouables. Il en oublie son briquet. Il va le regretter. Le film démarre donc sur une espèce de pacte faustien. La suite sera, pour Guy, l'occasion de franchir, les unes après les autres, toutes les marches de l'enfer. Par lâcheté, mensonge, compromission. Secrête attirance, peut-être ? En Méphisto de fête foraine décidément de plus en plus envahissant, Robert Walker tient le rôle de sa vie. Le genre de films qui laisse des traces (un plan de meurtre réfléchi par des lunettes, un briquet tombé au fond d'une bouche d'égout, un manège infernal) même quand on a tout oublié.
Un décor de théâtre, un sombre complot en vase clos, un scénario à la Colombo, avec mondains pervers et objets fétiches dans les rôles principaux : c'est tout ce qu'il faut à Hitch. Fidèle à son dicton qui veut que meilleur est le méchant, meilleur est le film, il case là une des pires crapules les mieux habillées de son cinéma : un ambitieux opportuniste, faux-cul et manipulateur : bref, un vrai metteur en scène. Il est marié à quelqu'un à sa hauteur : une dame très élégante bien qu'un peu garce et hypocrite sur les bords -capable de tuer un homme avec ses jolies petits bras et ses ciseaux de couture, tout de même. L'un veut tuer l'autre, mais l'autre a l'art de tout gacher. Que le fin mot de l'histoire dépende d'une clé volée dans le porte-monnaie de la dame n'étonnera que ceux qui ignorent tout de la psychanalyse.
Le meurtre mode d'emploi selon sir Alfred. Jeff a la jambe cassé et le platre qui le démange. Alors, il fait comme tout le monde : il regarde par la fenêtre dans la cour de l'immeuble en face de chez lui. Et il voit tout -ou presque : les étapes de la vie, les saisons de l'amour, les heurs et malheurs des hommes. Le reste, quand son infirmière et sa fiancée lui en laissent l'occasion, il a tout le temps de l'imaginer (ça tombe bien : il a beaucoup d'imagination !). Hitchcock invente le thriller en pyjamas, le huis clos avec vue sur le monde, la tragédie humaine dans une maison de poupée -bref, il ré-invente (une fois de plus) le cinéma.
Replay, en couleur et en plus long. La même histoire d'homme ordinaire embarqué malgré lui dans une embrouille d'espionnage (cf. aussi Les 39 marches, entre autres). Cette fois, l'homme est marié à une ex-chanteuse (elle a changé d'arme mais ça reste utile), ils ont un petit garçon et ils sont en vacances au Maroc. Il est toujours censé en savoir trop, mais on a plutôt l'impression qu'il navigue encore dans le fog (d'ailleurs, c'est le seul personnage qui ne connaît rien à la musique). Quelques péripéties plus tard, tout converge aussi vers l'Albert Hall de Londres. Là, le meilleur du film : Hitch fait passer la musique au premier plan, il inverse la figure et le fond, en quelque sorte. La cymbale devient le personnage principal. Et c'est la musique, encore et toujours, qui achèvera le dénouement final. Bien joué, maestro ! Un film un peu mineur mais que sera sera toujours aussi plaisant.
Une version possible : un homme est obsédé par une femme, parce qu'elle ressemble à une autre, une qui l'avait fait tourner en rond et en bourrique dans les rues de San Francisco avant de se suicider (parce qu'elle-même était obsédée par une autre femme morte un siècle auparavant). Une autre version (pas plus simple) : les trois femmes n'en font qu'une, ou peut-être deux. Une autre : c'est l'homme qui a tout inventé - ou tout rêvé (comme dans Laura), ou tout mis en scène... Vertige de l'amour et de la culpabilité, spirale du temps et du désir : bienvenue au pays des fantasmes de Mr. Hitchcock ! On y tutoie des abîmes dangereux et sublimes, souvent blondes : très très haut dans mon Panthéon personnel.
Roger Thornhill, publicitaire new-yorkais surbooké mais sans histoires, est pris pour un certain Geoges Kaplan, ce qui lui vaut d'être kidnappé par une bande d'espions qui ne lui veut pas que du bien -et lancé dans une histoire de fous. Plus tard, c'est lui qui les poursuivra, de New-York à Chicago direction Rushmore (north by northwest of course), en se faisant passer pour Georges Kaplan. Les rôles s'inversent et s'échangent sans cesse dans ce cauchemar délicieusement emberlificoté où un homme finit par en devenir un autre. Roger devient donc Georges, endossant une identité inventée de toute pièce (au cinéma, on s'appelle ça un personnage), pour vivre une autre vie que la sienne (au cinéma, on appelle ça un scénario). Ce film est un musée du cinéma à lui tout seul, tant il enchaîne les scènes d'anthologie : le meurtre aux Nations Unies, l'attaque d'un avion en rase campagne, la poursuite sur les têtes du mont Rushmore, le train s'enfonçant dans un tunnel... Une histoire de fous relookée en film d'espionnage glamour, à revoir régulièrement comme on rend visite à un vieux pote délicieusement pervers.
Marion -très bien en soutien-gorge- n'a pas la conscience tranquille : elle vient de voler 40 000 $ à son patron. Dans sa fuite, elle se réfugie au Bates Motel. Mauvaise idée. Surtout que Janet Leigh, elle aurait dû se souvenir du motel de La Soif du mal. Norman Bates, le jeune proprio, sourire d'ange mais regard de hibou, n'a pas, lui, le subconscient tranquille. Et puis, elle n'aurait jamais dû prendre une douche... Ah ! LA fameuse scène de la douche ! On en est encore tout dégoulinant d'eau, de sang et de peur. On n'en est pourtant qu'au milieu du film, et on vient de perdre une héroïne. Bon, je ne raconte pas tout le reste : suffit de savoir que le film est une plongée de plus dans les profondeurs marécageuses de nos cauchemars, l'ancêtre de tous les films d'horreur actuel -le gore en moins, le génie en plus.
Deux histoires pour le prix d'un film ! D'abord, une parade de séduction raffinée entre deux grands enfants en costume d'adulte qui sortent le grand jeu. Et puis, là-dessus, de drôles d'oiseaux menaçants se mettent à assombrir sérieusement le ciel et l'avenir du petit village de bord de mer qui sert de décor. Evidemment, Hitchcock n'explique rien, ne force aucune interprétation symbolique de cet étrange rapprochement ; mais nous, pauvres humains, nous ne pouvons pas nous empêcher d'essayer de faire du sens avec tout ça : violence sexuelle, étrangeté du monde, rebellion de la nature, défi à la raison et au contrôle... On est attaqué en plein inconscient, on a compris quelque chose et on ne sait pas quoi, c'est le pouvoir des grands films.
Marnie est charmante. Dommage qu'elle soit un peu cleptomane. Et frigide. Marnie est folle. De temps en temps, elle voit la vie en rouge. Elle a des terreurs et une voix d'enfant pendant les orages. Son patron, lui, est amateur de bêtes sauvages. Il l'a connue ailleurs "brunette with legs". Il la trouve aussi pas mal en blonde. Il la présente à papa, l'emmène dans ses écuries, lui force un peu la main (et pas que la main). Il fait ce que Alfred aurait adoré faire à Tippy, si j'ai bien compris les biographes. Un drôle de cours de psychanalyse illutrée (en couleur) pour débutants, façon Dr. Ewardes à l'envers. Ou cauchemar à l'endroit.
Guerre froide : un dignitaire russe lache son camp, les cubains ne sont pas contents, ce qui inquiète les américains. Pour démèler l'affaire, on fait intervenir un contact neutre, le genre qui se fait une certaine idée de sa mission. Comme il est français, il est autorisé à tromper sa femme avec une charmante agent double cubaine. Mais comme il n'est pas britannique, il n'a pas droit pour autant au glamour de James Bond (lui, son code, ce serait plutôt 0SS 117, c'est dire). Une histoire d'espions de 2ème division, donc, où les décors ont l'air plus réels que les personnages -sauf Fidel et le Che, qui font de la figuration. Pour le reste, plutôt du Hitch de 2ème division.