Un rêve de journaliste : disposer du journal du lendemain avant même qu'il ne soit écrit. Un cauchemar d'être humain : connaître avant tout le monde les méfaits qui se commettront bientôt au coin de la rue et la date de sa propre mort, sans rien pouvoir y changer... Eternelle ambivalence de toutes les pulsions et de tous les fantasmes. Voici donc l'un des fleurons du fantastique tranquille de René Clair, où l'imagination remplace les effets spéciaux et la fantaisie l'angoisse. On est plus proche de La Vie est belle que des films de Murnau, Whale et autres effrayeurs en chefs comme Cooper et Schoedsack. C'est qu'ils ne sont pas si nombreux, ceux qui ont tenté d'attaquer l'inconscient par la face sud (celle qui est éclairée par le soleil...).
Le vénérable Docteur Faust se voit remettre une médaille pour l'ensemble de son oeuvre. Autant dire qu'il a raté sa vie et qu'il n'en a plus pour longtemps. A peine le temps de remercier toute l'équipe qu'il n'eut jamais et voilà Méfisto, démon de second plan mais bien cabotin quand même, qui lui montre le miroir de ce qu'il aurait pu être. Et voici qu'apparaît sur un écran magique (sans doute fabriqué à Hollywood) : beauté, gloire et fortune. L'amour est aussi disponible en option, mais pas forcément compatible avec le reste du scénario. Le mythe est donc revisité en version vaguement post-atomique et néo-poétique, mais en conservant princesse, bohémienne et sacs d'or. De la bonne vieille ouvrage qualité française, donc, avec les meilleurs cabotins du moment, mais qui a tout de même un peu de mal à croire à sa jeunesse éternelle. Et qui sera bientôt bien perturbé par un truc nouveau venant de la mer...
Claude a deux vies : le jour, c'est un professeur de musique rêveur -et chahuté-, le soir c'est un compositeur d'opéra, rêveur aussi -et bien sûr complètement ignoré. Un ange musicien égaré dans un monde de cacophonie. Comme aucune de ces vies n'a l'air satisfaisante, il en a même une troisième : en fait, la bonne, c'est quand il dort. Gérard Philippe, à peine sorti du pays des merveilles de Juliette, replonge. Accro aux rêves dont il est le héros, encore. Ici, ils sont plus variés dans le temps et l'espace (la Révolution, les colonies, la Belle Epoque..), on sent qu'il est plus allé au cinéma. On dirait même qu'il a vu le Minuit in Paris de Woody Allen, tellement qu'on s'y croirait (Hemingway et Gertrud Stein en moins). Les réalisateurs vieillissants des années 50 n'aimaient décidément pas leur époque, ils espéraient encore que le cinéma les en sauvent.