Trois soeurs, une servante. Plus la douleur, omniprésente. Celle qu'on subit (une des soeurs agonise, dans les râles et les grimaces), celle qu'on s'inflige à soi-même (une autre soeur a l'air d'aimer ça, dans les râles et les grimaces). La douleur de ne pas être aimé, celle de ne pas réussir à aimer (là, ça concerne tout le monde, sauf la servante peut-être). La douleur de ne compter pour rien dans le jeu social (et v'la la servante servie). La peur de la mort. La palette : sanguine à souhait. Purpurine. A se demander comment les robes de chambre immaculées résistent aux fondus au rouge. Film à éviter lors d'humeurs suicidaires. A admirer sans modération le reste du temps.
Johan et Marianne, 10 ans de mariage, 2 enfants, couple modèle. Lui : parle bien, dit ne pas douter, se sent un peu enfermé. Elle : réservée, a peur de douter, ne se rend pas encore compte de son enfermement. En fait, le ver est déjà dans le fruit du paradis conjugal. A la première tentatrice venue, Johan se tire. Marianne pleure un peu, mais au fond c'est elle qui a la meilleure part. Ils se déchirent, se séparent, se revoient, se redéchirent. En fait, on ne les voit s'embrasser et se désirer qu'au plus fort de leurs scènes de ménage. Les corps ne veulent jamais la même chose que les paroles qui en sortent. Les années passent. Johan et Marianne, 10 ans de divorce, couple modèle. Un film de chambre avec vue sur les âmes par temps d'orage. Avec deux musiciens experts dans l'art du sentiment qui traverse un visage.
C'est l'histoire d'une mère qui n'a jamais supporté d'avoir des enfants moins brillants qu'elle. C'est l'histoire d'une fille qui n'a jamais supporté d'avoir une mère plus brillante qu'elle. La mère est une pianiste de renommée mondiale, toujours en tournée planétaire. La fille est une modeste journaliste et l'épouse d'un pasteur -gentil le pasteur. Il y a aussi une autre fille, clouée sur un fauteuil roulant, le corps tordu d'une douleur qu'elle a bien du mal à formuler. On est dans la maison du pasteur. La mère et la fille, toujours en représentation d'elles-mêmes, sont sur-cadrées par les cloisons de la maison, dont toutes les pièces finissent par ressembler à une scène de théâtre. Elles se parent de couleurs complémentaires. La nuit blanche-règlement de comptes peut commencer. La rencontre des deux grands Bergman de l'histoire du cinéma fait de sombres et éclatantes étincelles.
Voici l'homme. C'est un écrivain, un acteur, un poète, un philosophe. Un artiste, quoi. Et un père. Un nain entre les doigts de Dieu, un Dieu qui ne sait pas quoi faire de ses dix doigts. C'est un ange et une bête, un milieu entre tout et rien, comme disait l'autre. C'est le Christ et c'est Ponce Pilate. Le reste du monde, pendant ce temps, ne va pas bien. Peut-être même qu'il est déjà mort, que l'apocalypse est déjà passée par là. En désespoir de tout, l'homme n'a plus qu'à prier, et à renoncer. A tout, aussi, sauf à l'amour. Comme c'est à la fois un saint et un dingue, on ne sait pas trop s'il a sauvé le monde, ou s'il a tout crâmé pour rien -ce en quoi ce genre de films diffère sensiblement de ceux de Bruce Willis. Ce dialogue en altitude entre une grand nordiste et un grand slave est de ceux qui élèvent le regard vers le haut... très haut.