J'ai une théorie sur Almodovar : il me semble que ses personnages sont toujours travaillés par l'idée d'être quelqu'un d'autre. Aucun de ses films ne l'illustre mieux que celui-ci. Voici donc : une fille qui a toujours envié sa mère artiste (la mère lui a refait le coup de Sonate d'automne), un travesti compatissant, un juge qui joue à être son propre indic (et encore, je ne vous dit pas tout), et un mort qui aimait les femmes et que peu de monde regrette. Enfermés dans leur rôle, dans leur tête ou en prison, ceux-là ne sont à l'aise qu'en changeant d'identité par le travestissement, l'art et la dissimulation (et le sacrifice, aussi !). L'émotion, les couleurs et la musique sont aussi de la partie, comme pour un magnifique feu d'artifices tragique.
Victor est né sous une bonne étoile -en néon- et dans un bus désert. Pourtant, sa vie de jeune jomme ne démarre pas très fort : il a 20 ans quand une jolie fille, un flic jaloux et une balle pedue l'envoient en prison sous le signe d'Archibald de la Cruz. Au bout de 10mn, on a compris que cette histoire allait se coltiner avec le désir, les fantasmes et la violence -et ne pas lésiner sur les symbôles. Victor, qui a appris la pédagogie en prison, apprend à faire l'amour avec Clara. Il ne lui restera plus qu'à apprendre la vie avec Helena. C'est l'histoire du passage de la théorie à la pratique, donc, et de l'incarnation des sentiments. Un des plus beaux films d'Almodovar.