Nom : Stavisky, prénom : Affaire… En général, on en a vaguement entendu parler, mais de là à savoir exactement de quoi il s’agit… D’ailleurs, même à la fin du film, c’est pas sûr qu’on en sache beaucoup plus. Récap : en 1934, un escroc multicarte meurt dans des circonstances pas claires, ce qui provoque des émeutes et fait tomber un gouvernement. Resnais se concentre sur les derniers mois de la vie du bonhomme et lance le compte-à-rebours de sa mort annoncée. Ce qui l’intéresse, c’est l’agent multiple : français de l’étranger, juif à un moment où c’était pas hyper recommandé, dépressif enjoué, comédien en perpétuelle quête d’un nouveau rôle, arnaqueur multirécidiviste fidèle en amitié (et en amour). Insaisissable, comme l’argent qui apparemment lui file entre les phalanges. Comme le montage, qui joue à saute-mouton avec le temps. Stavisky, c’est une sorte de catalyseur et de révélateur d’une période passablement agitée (Trotsky fait un caméo dans le film). Un mystère, un oignon dont on n’atteindra jamais vraiment le coeur. Un homme-film.
C'est l'hisoire de deux petits mecs, joués par deux petits jeunes inconnus (un certain Dewaere et un certain Depardieu) qui mènent une enquète sur le plaisir féminin et emmerdent le monde. C'est une espèce de road-movie à la française, plein de mots qu'on n'avait jamais entendus avant au cinéma et de rencontres incongrues, au bord des routes, sur une plage, dans un train et une multitude de chambres. C'est l'invention d'un style, la caricature d'une époque, la provocation d'un langage, la fureur d'une liberté hautement revendiquée. Les acteurs, le genre et les fringues ont vielli depuis, l'énergie de leur jeunesse est restée sur l'écran.
Ce film, c'est les années 70 (post crise pétrolière) de la classe moyenne à lui tout seul. Pas de message révolutionnaire là-dedans, pourtant. Juste que les meilleurs copains sont ceux avec qui on joue au foot dans un pré le dimanche. Que les trucs essentiels ne se disent que devant un verre au bistrot ou un gigot à découper. Qu'à la quarantaine passée, la vie commence à sentir le roussi. Qu'il n'est pas rare de connaître des problèmes d'argent, de perdre quelques femmes et quelques illusions, et de commencer à camoufler les pépins de santé qui pointent. Ce film n'a pas mal vieilli, bien au contraire : en le voyant, je retrouve mes parents (côtés militants en moins) rajeunis. S'ils sont encore vivants pour toujours, c'est grâce à M. Sautet.
Deux modes de discours en parrallèle : d'un côté, une petite conf scientifique du professeur Laborit sur l'évolution des espèces, la vie sur Terre et l'interprétation des comportements (des souris et des hommes). De l'autre, une fiction qui entremèle les destins de trois personnages aussi dissemblables par leur origine que comparables par leurs difficultés à vivre. Ces trois-là ont nourri de nobles ambitions, ont été bien partis pour les accomplir. Mais ils finissent tous par nager un peu dans un costume trop grand pour eux, et auncun oncle d'Amérique ne vient les sauver du naufrage. Le discours scientifique distancié, comme mode d'emploi ironique de la comédie humaine. Le romanesque, comme horizon de l'observation objective (des souris et des hommes). A apprécier avec tous ses yeux, toutes ses oreilles et tous ses cerveaux.
"C'est une joie et une souffrance" qu'il disait dans "Le dernier métro". Des fois, c'est même pire... L'amour qui crame tout sur son passage, qui rend fou de joie et malade de jalousie, raide dingue et raide mort, en même temps, fatalement : c'est ce qu'a voulu filmer Truffaut, ici et ailleurs (mais encore plus ici). L'histoire : ils se sont connus, terriblement aimés et fuis il y a huit ans. Ils se sont mariés chacun de leur côté, ont retrouvé ce qui ressemblait à de la paix. Ils redeviennent voisins par hasard. Quand ils se croisent dans le parking souterrain d'un supermarché (ce qui sera aussi l'enfer selon Demy), ça repart direct, c'est too much. Les corps ont gagné, ils sont trop faibles. En Dieux de l'Olympe fréquentant les hôtels douteux, Gégé et Fanny sont plus que crédibles. Leur cadre de vie terriblement banal (la campagne de province) ne colle décidément pas avec l'exceptionnelle intensité de leurs sentiments. Leurs dialogues récapitulent toutes les étapes et tous les détails d'une passion : exceptionnelle à vivre, terriblement banale à dire. Tout sauf de la paix, mais qui a envie de paix (à part les grands cramés)...