Un beau jour, quelque part entre la Riviera et Paris (c'est-à-dire quelque part sur le chemin du Paradis), elle pénètre dans un compartiment de train (et sans doute dans les rêves) de deux charmants messieurs endormis. Elle les dessine et s'endort à son tour. Sans doute pour qu'ils puissent entrer dans ses rêves à elle. Tout est contagieux, dans ce film ; le sommeil, le bonheur, le succès. L'amour, bien sûr. Mais à trois, forcément, dans trois pays différents, ça complique un peu la vie. Et tout le reste... Ils ne pensent qu'à ça mais n'en parlent jamais -enfin si, en fait, tout le temps, mais en parlant d'autre chose. Pour se donner le change, ils se fixent des règles -gentlemen agreement- qu'ils s'empressent de ne pas respecter. Rien à faire : les objets, les choses, les lieux, leur parlent toujours de la même chose. De ce dont ils ne veulent pas parler, bien sûr. Ce remake par anticipation de Jules et Jim -la tragédie en moins- est du genre à donner envie de se compliquer la vie.
En 1952, il s’est passé un truc embêtant dans la vie d’Elia Kazan. C’est à ce moment-là qu’il a évoqué quelques noms de potes communistes devant une certaine commission. C’est aussi à partir de là qu’il a commencé à faire des films intéressants, des films où il est question d’agents doubles et de légitimes trahisons. Ici, c’est carrément une troupe entière de cirque (dompteur de lions, clowns, acrobates et musiciens, familles comprises), qui, manque de bol, opère en Tchécoslovaquie, du mauvais côté du rideau de fer. Et rêve de passer de l’autre côté, en bloc et en musique, si possible. Pour éviter d’avoir à faire rire sur les prolétaires méritants et les méchants capitalistes. Si c’est pas de la belle justification a posteriori, ça y ressemble beaucoup. Apparemment, en tout cas, c’est pas le collectivisme qui le rebutait, Kazan, surtout pas celui d’une troupe soudée par le spectacle. Et coup de bol ou pas, il savait décidément faire du très bon cinéma avec (suspense, héros et traitres compris).