Hem, un de mes très rares regrets dans la constitution de ma DVDthèque. A priori pourtant, Cocteau et Melville sont plutôt dignes de confiance et d'estime, quand ils s'attaquent aux mythes. Mais ici, ils prétendent s'attaquer (un peu) à la réalité et ça colle nettement moins bien. La voix off tente désespérément d'introduire un peu de poésie en douce, dans la chambre de ces deux soit disant enfants un peu trop grands pour leur âge. Ils essaient de rejouer ingénuement Mme de La fayette ou "les liaisons dangereuses", on ne sait pas trop et d'ailleurs on s'en fiche. C'est prévisible et interminable. Parfois, les ailes de géant empêchent de bien faire.
Une gueule d'ange qui cache peut-être un salaud qui cache peut-être un vrai ange. Allez savoir ce qu'il mijotte sous son chapeau, le doulos ! En tous cas, là où il surpasse tout le monde, c'est dans la mise en scène. Les autres -les truands qu'il fréquente-, on retrouve toujours leur piste. Mais avec lui, la Police -qu'il fréquente aussi- n'y voit que du (coup de) feu. Et nous, pauvres spectateurs, itou (c'est souvent bon signe, au cinéma, de ne pas tout comprendre). Un bon petit noir qui en rappelle pas mal d'autres, bien serré, corsé et savoureux.
Il sort de prison (par les toits), prend un train (sans billet) et emménage dans un petit pavillon de banlieue (sans signer de bail). A l'autre bout du pays, une fusillade fait plusieurs morts dans un restaurant. En fait, les deux événements ont un certain lien de parenté... Bien sûr, le gentleman tueur fraîchement sorti de l'ombre a rapidement besoin de se remettre à flots. Pour cela, il va s'associer aux aristocrates cambrioleurs impliqués dans l'autre histoire. Bien sûr, il y a une femme perspicace et un flic fatal aussi sur le coup. Bien sûr, tout ne se passera pas exactement comme prévu. Mais la racaille de l'époque avait tout de même de la classe. Ils ont le geste précis, la parole économe. Avec leurs costumes-cravates, ils ont tous l'air de sortir d'une grande école. Ils sont ingénieurs en casses millimétrés, docteurs en loyauté au milieu du désastre. Droits dans leurs bottes, même quand elles sont embourbées jusqu'au cou.
C'était pendant la guerre -la dernière, jusqu'à nouvel ordre. Ils étaient français et engagés dans la seule armée digne de ce nom -celle de l'ombre. Ce sont des héros mutiques, pas causants, pas tendres, pas gentils. Des héros, quoi. Clandestins dans leur propre pays, dans leur propre vie. Leur grand chef est un grand mathématicien-épistémologue (ce qui n'est pas pour me déplaire). On le voit faire un tour à Londres, le temps de prendre les conseils et la médaille d'un grand type à petite moustache, et d'aller voir Autant en emporte le vent. Le reste du temps, c'est la guerre. Des nerfs, surtout, parce que c'est le nerf de la guerre. Il y a des morts -beaucoup- et presqu'aucune larme. Le film est sec et glacé, à son image. Chaleureux aussi, à la leur.