Les deux personnages principaux de cette histoire n'auraient jamais dû se rencontrer. D'ailleurs, ils mettent du temps à se trouver. Mais l'un a malencontreusement (et brièvement) croisé le fils de l'autre sur une route de campagne bretone. Le fils ne s'en est jamais relevé. Alors, l'autre s'est mis à parcourir (avec acharnement) toutes les villes de France pour retrouver l'un. Coup de bol, les rôles sont parfaitement distribués : le méchant chauffard est un serial connard idéal, le papa contrarié un gentleman écrivailleur. Et le scénar est poli aux meilleures écoles : c'est même une belle Hélène qui sera le cheval de Troie de la vengeance. Mais, même dans le meilleur des mondes possibles (c'est-à-dire au cinéma), c'est pas évident de tuer un homme, en bluffant un policier-cinéaste extra-lucide. Bluffer les spectateurs comme moi, c'est nettement plus facile.
C'est un jeune vieux veuf qui vit à la campagne avec sa maman et qui s'appelle Milou -on ne saura pas s'il a eu un chien qui s'appelait Tintin. La maman -très vieille France- a le bon goût de mourir au moment où s'annonce le printemps 68. La famille, étendue à quelques invités et pique-assitettes de passage, tiendra lieu de groupe de camarades, l'enterrement tiendra lieu de défilé de manif, et le partage des biens maternels d'héritage à liquider. A part ça, c'est presque comme à Paris : plein de faux-frères en état second. Le huis-clos à l'air libre, encerclé de dangereux grévistes, permet une relecture ironique (et très drôle) de L'Ange exterminateur (hommage de Jean-Claude Carrière au scénario qu'il aurait pu écrire). La révolution au vert mode d'emploi, par ceux qui auraient pu ne pas passer complètement à côté.