On n'a pas été introduits dans les formes mais, visiblement, ils sont amants (il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour...). Ils font aussi partie du grand monde -celui dans lequel ça ne se fait pas de se plaindre. Alors, quand elle sent qu'il s'éloigne, elle le quitte. C'est son genre. En fait, elle enrage et ne veut que sa perte. Mais il faudra y mettre les formes. Son atout, c'est qu'elle a l'art de bien parler, c'est-à-dire de ne rien dire qui la compromette tout en incitant les autres à agir dans le sens contraire à ce qu'elle semble dire -trop forte, quoi. Elle a quelques marionnettes en réserve, elle s'en sert. Mais dans le coeur des marionnettes, il se passe parfois des choses imprévisibles -et invisible. Et la grâce descend parfois par les fils les plus embrouillés, comme une flamme brûlante qui prendrait, pour tromper son (grand) monde, les formes les plus hiératiques et les plus épurées. Il n'y a pas de grâce, il n'y a que des preuves de grâce.
Roland, dandy glandeur, rencontre Cécile, une ancienne copine devenue maman et putain, dans le passage Pommeraye. La demoiselle de Nantes se fait appeler Lola, couche avec un marin américain de passage tout en attendant Michel, son premier et son seul amour. Or, justement, Michel est en ville après 7 ans d'absence (tiens, c'est l'âge d'Yvon, le fils de Lola), tandis que plusieurs autres Cécile guettent le grand amour au coin de la rue. Y'a plus qu'à regarder chacune chercher son chacun. Demy, déjà, sait y faire. On peut faire confiance à ses talents de marionnettiste, pour ne pas emmèler les fils de son intrigue virtuose : il arrive à concentrer en 3 jours et en quelques personnages toutes les étapes de la vie d'un coeur. Initialement, il voulait faire une comédie musicale en couleur. Il se contente finalement d'une épure en noir et blanc, tournée sans son mais pas sans brio : à défaut de choristes, c'est la caméra qui danse avec les acteurs et la lumière qui chante avec la ville.