Eve, jeune et charmante actrice, reçoit un prix d'interprétation au milieu de VIP en pingouins. Applaudissements, remerciements. Flash-back : moins d'un an avant, Eve (la même), dans le rôle de la fan anonyme faisant (pour de vrai) le pied de grue à la sortie des théâtres. Que s'est-il passé entre les deux ? Bette Davis, dans le rôle d'une célèbre actrice vieillissante et capricieuse (qui, bizarrement, lui va comme ses gants), arrivera dans l'intervalle à se rendre plus sympathique que l'onctueuse Eve, c'est dire. Mankiewicz prouve par l'exemple que manipulations, faux-semblants et mises en scènes sont les clés d'un spectacle réussi. Impeccable leçon de misanthropie (voire de misogynie) et de cynisme, pour ne plus jamais regarder les cérémonies des Oscar, César, Molière et patapon de la même façon.
Doc Erwin Riedenschneider, agrégé en combriolage juteux et metteur en scène affuté de son art, sort de prison et ne tarde pas à reprendre ses chères études. Pour mettre la main sur quelques bijoux, il a un scénario en or qui lui permet de choisir son casting : quelques stars incontestées de la cambriole, quelques seconds rôles de plus ou moins gros calibres. Le producteur-promoteur est véreux et amateurs de starlettes, ça n'étonnera personne. Préparation, exécution, conséquences : le plan (devenu) habituel (depuis) de toutes les écoles de casses, de cinéma et d'ailleurs. Comme d'hab, ce serait trop beau que tout se passe bien. Comme d'hab, tout est prévu sauf l'imprévisible : le hasard et la faiblesse des hommes -pas toujours la même, mais il suffit de la trouver. Quand la ville dort, tous les chats sont gris et tous les films sont noirs. Surtout les bons.
Une blonde et une brune de Little Rocks (Arkansas) partent à la pêche au coeur et au gros poisson dans une croisière transatlantique. L'une est fiancée et intéressée (et blonde), l'autre sentimentale. Bref, libres comme l'air. L'équipe olympique américaine (on ne sait pas trop de quoi, d'ailleurs) est aussi sur le bateau. Fausse piste : les sportifs se couchent à 9h et, avec leur entrainement à la grecque, on ne peut vraiment pas compter sur eux (cf. The Celluloid Closet). Et surtout (à l'époque en tout cas), ils ne gagnent pas un rond. Mais les amateurs ne manquent pas quand Marilyn -sexy comme jamais, blonde comme toujours, pétasse comme personne- est dans les parages. La pertinence de sa conversation fait d'ailleurs des bonds insoupçonnés quand il est question des choses importantes de l'existence : l'argent, les bijoux (Girls' Best Friends) et les fortunes personnelles. Même poursuivies par des juges intègres dans la ville d'Un Américain à Paris (à ne pas confondre avec Paris en France), pas de quoi s'en faire pour elles. Le rire est everyone's best friend.
On pourrait faire une thèse sur les symboles sexuels chez
Billy Wilder (ça a sans doute déjà été fait -sinon, j'ai raté ma vocation !) : mouvements involontaires du pouce, problèmes de tuyauterie et de bouteilles à déboucher, trappes cachées, démangeaisons, torticolis et courants d'air : un vrai artiste en allusions, sous-entendus et contournements de censure. Son héros préféré, l'Américain moyen, est ici encombré d'une imagination débordante et d'une bombe -pardon, d'une blonde- en voisine du dessus. En plus, il vient d'envoyer sa femme et son fils en vacances et, comme tous les Américains moyens, cultive avec soin son complexe de culpabilité. Le mythe est à portée de main, c'est beaucoup trop pour un Américain moyen.
Deux musiciens traqués et fauchés (qui ne trouvent rien de mieux que de se produire dans les tripots de Chicago en pleine Prohibition) se voient proposer, en dernier recours, un contrat à Miami... dans un orchestre féminin. Travestis incognito, ils font la connaissance de la joueuse de yukulélé de la bande, une fondante Sugar... On dirait des gamins dans une patisserie, déguisés en grandes personnes. Après, la mécanique des intrigues, déguisements, embrouilles et quiproquos s'emballe, d'autant que la sweet Sugar ne ménage pas ses efforts pour réchauffer l'atmosphère ("poo poo pee dou..."). Humour farfelu, situations et répliques d'anthologie : une comédie presque (parce que personne ne l'est vraiment, n'est-ce pas) parfaite.
Un chant du cygne qui porte malheur, un très beau film... Un jeune veuf et un (encore) jeune retraité à moustaches rencontrent une toute jeune divorcée douce comme un ange et belle comme Marilyn. Ils s'installent dans une baraque à moitié en chantier, éclusent quelques bières puis décident de recruter un mercenaire de rodéos pour aller chasser avec eux le mustang sauvage. Ce sont de grands enfants qui essaient de jouer aux cow-boys (sans indiens), des éclopés de partout à la recherche de paradis impossibles. Des petits points perdus dans l'immensité d'un écran de cinéma. Tristes à pleurer, bêtes et méchants, beaux comme des hommes.