Au début, Dorian est jeune, beau et amoureux : le portrait parfait du gendre idéal, tel que le peint son ami Basil. Mais, bientôt, perverti par un lecteur des "Fleurs du mal", il se met à fréquenter les bas-fonds de Londres (vers 1886, on y faisait décidément de mauvaises rencontres : Jack, Hide... qui est qui, telle est la question !). Ce qu'il y fait nous reste mystérieux, mais lui attire des ennuis et des ennemis. Lui voit des yeux partout mais garde son teint de bébé. La peinture, elle, traverse l'histoire de l'art à toute vitesse : il se voit dedans comme dans un miroir, mais il est bien le seul. Le roman d'Oscar Wilde m'avait fascinée. Lewin, déjà amateur des poèmes d'Omar Khayyan, de fantastique baroque et d'art raffiné, était l'homme de la situation. Un portrait, une chanson, deux tortues et un poignard : tous les éléments de sa Grande Oeuvre à venir sont déjà là.
Bel(le) tronche et (faux) ami, George Duroy est un provincial sans le sou, arriviste et pique-assiette, promis à une belle carrière mondaine dans le Paris de la fin du XIXème. Son principal atout : il a l’air d’un gentleman distingué et il plait aux femmes. Son principal fardeau : la même chose. Grâce à un copain de régiment (et surtout à la femme du copain), il devient journaliste : couverture idéale pour aller partout et être au courant de tout. La politique, l’économie… rien ne lui échappe, surtout pas la rubrique people, qu’il invente au passage. Pour le reste, il préfère évidemment rater sa vie (amoureuse) que la gâcher (socialement). Les femmes -ses femmes- sont largement aussi intelligentes que lui -et nettement plus sympas-, mais ce sont des femmes. Il arrivera brillamment à tout foirer. Avec élégance. Le film est tout aussi élégant, et ne foire rien.