Ce sont des vitelloni de capitale. Il y a un fils à papa (patron, le papa), qui entretient un peu les autres en ralant. Il y a l'étudiant éternel, le bidouilleur-magouilleur et l'acteur raté. Gueules d'anges, inquiétudes métaphysiques et comportements de gougeats. Il y a la secrétaire du papa du fils à papa, aussi, réputée pas commode parce qu'elle ne rêve pas de devenir bobonne et qu'elle est la seule qui leur tient tête. Ils s'ennuient beaucoup, ne savent pas quoi faire de l'énergie qu'ils n'ont pas, mais sauraient très bien quoi faire avec l'argent qu'ils n'ont pas non plus. Ils sont déjà las de la vie qu'ils n'ont pas encore vécue, à bout de souffle à force de glander. Ils jouent avec le feu, l'amour et le fric, jamais raccords avec leurs désirs, que d'ailleurs ils ignorent. Ils sont jeunes, quoi.
Dans le Japon de 1945, c'est pas la joie. Shûsaku, survivant déprimé et tuberculeux, est décidé à faire de lui-même une victime collatérale de plus. Il trouve un endroit charmant pour ça : une charmante auberge au bord d'une source thermale. Mais la fille de la maison est aussi charmante et le voilà requinqué. Ce sera son havre, son refuge intermittent en cas de coups de cafard pendant les 17 ans qui viennent. Elle, ce sera sa maîtresse à temps très partiel, pendant à peu près la même période. L'homme vit dans le béton, la femme est une source. L'homme est veule, la femme ne sait qu'attendre, se sacrifier et pleurer. Et pas qu'au Japon de l'après-guerre. En fait, les vrais héros de l'histoire sont Eros et Thanatos, qui jonglent avec les destins de chacun, comme se tressent et se courent après les deux magnifiques thèmes musicaux du film. Sublime mélo, beau comme du Sirk et triste comme du Ophüls.