Les 775 films en DVD d'Isabelle
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film(s) relevant du genre : portrait d'époque (après 1914)

140 réponses classées par dates


Oktyabr - Octobre

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Réalisé par : Sergei M. Eisenstein (1898 - 1948)
En : 1928, Russie
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Pour célébrer en images le 10ème anniversaire de sa Révolution, la Russie ne pouvait, évidemment, que faire appel à lui. Pour l'occasion, il se démène : il remplit ses images de textes, accumule les signes, plante des forêts de symboles. Il filme des hommes vides (les réacs) qui se transforment en pantins, et des hommes pleins d'idéal (les bolchéviques) qui se transforment en statues pour l'éternité. Il filme Lenine qui parle à la tribune et la foule qui envahit le palais de Pétersbourg comme autant d'idéogrammes sur l'écran blanc de l'Histoire (il semblerait que Trotsky, lui, ait été coupé au montage de la révision historique). Jamais un film muet n'aura été aussi plein de paroles de concepts.

Little Caesar - Petit Cesar (Le)

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Réalisé par : Mervyn LeRoy (1900 - 1987)
En : 1931, USA
Acteurs principaux : Douglas Fairbanks Jr. (1909 - 2000), Edward G. Robinson (1893 - 1973)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 79 mn, NB

Critique perso :

Ascension et chute de Rico, golden-boy du crime et self-made-truand, de format poche mais au mental de caïd. Comme il ne compte pas se cantonner toute sa vie aux caisses de stations services, il pose sa candidature chez un petit parrain régional. L'époque de la Prohibition est propice au petit commerce clandestin, Rico est engagé en CDD. Il ne lui reste plus qu'à devenir boss à la place du boss, à coups de balles dans la peau et de fanfaronnades. Au sommet de sa gloire, ses collègues de gachette lui offriront une montre, comme plus tard, à l'employé de la Rue rouge. Comme lui aussi, il finira pourtant misérablement dans le caniveau. Le film serait un brin théâtral sans la verve énergique d'Edward G. Il marque une date : celle où le noir et blanc bascule côté ombre.

Public Enemy (The) - Ennemi public (L')

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Réalisé par : William A. Wellman (1896 - 1975)
En : 1931, USA
Acteurs principaux : James Cagney (1899 - 1986), Jean Harlow (1911 - 1937)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 83 mn, NB

Critique perso :

Un petit docu sur la vie à Chicago au début du XXème siècle nous met dans le ton : les rues regorgent de petites cailleras à casquettes, toujours prêtes pour un mauvais (petit) coup. Mais les enfants grandissent et leurs coups aussi. Tom Powers est de ceux-là. Il a, comme son nom l'indique, une pile électrique dans le ventre et le poing baladeur. Il apprend vite à manier la gachette (et le demi-pamplemousse), à se rendre indispensable aux uns et encombrant aux autres. Dans ces cas-là, ce sont souvent les autres qui gagnent. Avec ce film et Little Caesar, sorti quasiment en même temps, le crime a trouvé son visage, son sourire malin et son énergie.

Grand Hotel - Grand Hôtel

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Réalisé par : Edmund Goulding (1891 - 1959)
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Lionel Barrymore (1878 - 1954), John Barrymore (1882 - 1942), Joan Crawford (1904 - 1977), Greta Garbo (1905 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, NB

Critique perso :

Sans doute le premier film choral de l'histoire du cinéma. Décor idéal : le Grand Hôtel de Berlin, son grand hall circulaire, sa porte en tambour, ses sept étages en cercles concentriques. Tout tourne, comme le destin. C'est là qu'échouent toutes les élites financières et artistiques de la ville. Où débarquent aussi tous les jaloux qui ont échoué à en faire partie ou à s'y maintenir. Ou qui en rêvent. Rien que des grands cabotins de leur vie qui font des drames à tous les étages, comme il se doit (d'autant que les stars doivent rentabiliser le peu de temps d'écran qui leur est alloué). Le temps de quelques jours, ils vont donc s'échanger le peu qu'ils n'ont déjà plus vraiment : un peu d'argent, un peu d'amour, un peu de vie (un peu de gloire ?). En le criant un peu fort sur les tréteaux -pardon, le plancher- tout de même. Pas mal, pour l'époque. Mais où sont les blockbusters d'antan ?

Heros for Sale - Héros à vendre

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Réalisé par : William A. Wellman (1896 - 1975)
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Loretta Young (1913 - 2000)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 76 mn, NB

Critique perso :

Entre la Grande Guerre et la Grande Dépression, en Amérique, c'était un peu la foire aux héros, aux martyrs et aux salauds. Aux pauvres et aux parvenus. Y'en avait plein les rues, on pouvait devenir l'un ou l'autre en moins de deux, pour un rien, par hasard ou par erreur. C'est ce qui arrive à Tom Holmes, faux traitre et vrai type bien, sorte de nouveau Jean Valjean au pays du capitalisme roi. Pour lui comme pour pas mal d'autres, sortir de la pauvreté est aussi dur que sortir des tranchées. Et faut pas trop compter sur les institutions pour se faire aider. C'e'st un peu La vie est belle en mode réaliste, ou comment la vie en société se transforme en moins de deux en guerre sans merci… Pêchu et pas nunuche !

Modern Times - Temps modernes (Les)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1936, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977), Paulette Goddard (1911 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Avec sa clairvoyance prophétique habituelle, Charlie Chaplin résume dans ce film les impasses du capitalisme mises à jour par la Grande Crise de 1929. Et il le fait avec ses tripes, avec son ventre. L'obsession du ventre est un leitmotiv de ses personnages ; la crise économique l'exacerbe : entre ceux qui meurent de faim et ceux qui, se mettant au service des machines, se font avaler, la marge est étroite. La fuite et l'improvisation sont les seules chances qui restent à Charlot. Ce petit bonhomme égaré dans l'écosystème urbain où il tente de survivre, transformé en machine à consommer et à produire, est notre frère pour toujours...

Carnet de bal (Un)

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Réalisé par : Julien Duvivier (1896 - 1967)
En : 1937, France
Acteurs principaux : Pierre Alcover (1893 - 1957), Harry Baur (1880 - 1943), Marie Bell (1900 - 1985), Fernandel (1903 - 1971), Louis Jouvet (1887 - 1951), Raimu (1883 - 1946), Françoise Rosay (1891 - 1974)
Genre(s) : en France profonde /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 144 mn, NB

Critique perso :

Mme Surgère vient de perdre son mari. Elle est riche, mais visiblement pas hyper satisfaite de sa situation. Elle retombe sur son carnet de bal de débutante (autrement dit la liste de ses prétendants de jeune fille) et se décide à aller vérifier, 20 ans plus tard, s'il n'y en aurait pas dans le stock qui lui aurait fait une meilleure vie... L'échantillonnage est soigné et varié : il y a un prêtre et un truand, un guide de haute montagne et un maire de province, quelques fantômes ou ombres d'eux-mêmes, aussi... Chaque visite est l'occasion d'une espèce de sketch, et prétexte à un petit film de genre -préciosités filmiques comprises. Il y en a de plus réussis que d'autres, comme les hommes qu'ils montrent. Mélancolie, mélancolie. Mais on n'est pas non plus hyper convaincus que la femme que l'on suit valait la peine qu'ils se fassent, eux, une autre vie. Et le film, du coup, aurait sans doute pu être meilleur s'il avait, lui, suivi d'autres voies. Mélancolie, mélancolie...

Grande illusion (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1937, France
Acteurs principaux : Julien Carette (1897 - 1966), Marcel Dalio (1900 - 1983), Jean Dasté (1904 - 1994), Pierre Fresnay (1897 - 1975), Jean Gabin (1904 - 1976), Dita Parlo (1906 - 1971), Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /épique pas toc
Caractéristiques : 114 mn, NB

Critique perso :

Pour dénoncer la guerre, Renoir a eu une intuition géniale : plutôt que de montrer une boucherie, il montre au contraire des soldats plus grands que la barbarie, des hommes qui ont su le rester, malgré tout. Ils sont aussi bien français qu'allemands, d'ailleurs. Et les batailles, d'ailleurs, sont toujours hors champs puisqu'on reste loin du front, dans un camp de prisonniers de la Grande Guerre. L'occasion de mener une grande enquête sur ce qui réunit et sépare vraiment les hommes. Et aussi sur le passage du XIXème au XXème siècle, quand même les gentilhommes d'antant se mettent à devenir républicains. Un monde en miniature, un changement de civilisation en condensé : parfois, le cinéma sait voir loin et grand...

Angels with Dirty Faces - Anges aux figures sales (Les)

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Réalisé par : Michael Curtiz (1886 - 1962)
En : 1938, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), James Cagney (1899 - 1986), Pat O'Brien (1899 - 1983), Ann Sheridan (1915 - 1967)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Au début, c'est comme dans l'Ennemi public : deux gamins des rues mettent au point un mauvais petit coup de plus. C'est raté. Celui qui court le plus vite réussit à sauver sa peau (des gendarmes) et son âme (il deviendra prêtre). Pour l'autre, c'est vraiment raté : maisons de redressement, prisons, mauvais petits coups qui deviennent des gros mauvais coups. Libéré, il roule des épaules et des mécaniques et revient habiter dans son ancien quartier, narguer son premier complice et montrer le (mauvais) chemin aux nouveaux gamins de son ex-rue. Conte moral(isant), heureusement pas trop gnangnan grâce au charme canaille de Cagney, à son énergie explosive (il a toujours l'air d'être à l'étroit dans ses costumes et entre 4 murs). Même la rédemption finale par le jeu (de basket ou de théâtre) se permet d'être ambigüe, c'est dire l'audace.

Hôtel du Nord

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1938, Allemagne
Acteurs principaux : Annabella (1909 - 1996), Arletty (1898 - 1992), Jean-Pierre Aumont (1911 - 2001), Bernard Blier (1916 - 1989), Paulette Dubost (1911 - 2011), Louis Jouvet (1887 - 1951), François Périer (1919 - 2002)
Genre(s) : Paris /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Encore un mythe qui passe de justesse la barre du potable à sauver. C'est un film choral, comme on ne le disait pas encore alors. Le décor : un hôtel au coeur de Paris, avec vue sur le canal St Martin et pittoresque à tous les étages. Les personnages principaux : Paris canaille, et Paris populo. Les histoires : des maris, des femmes, des amants, et quelques coups de feu. Celle qui est mise au premier plan (une histoire de petit couple tellement jeune, beau et amoureux que c'en est désespérant -c'est eux qui le pensent !) est de loin la plus tarte et la plus barbante. Heureusement, il y a quelques briscards, pas encore si vieux que ça, qui sauvent la mise. Ils s'incrustent, forcent un peu les portes de la fiction, changent l'atmosphère à force de brasser de l'air. Ils sont les seuls à parler parisien comme aucun parisien n'a jamais parlé. Les seuls à être dignes du mythe qu'ils ont créé.

Quai des brumes

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1938, France
Acteurs principaux : Pierre Brasseur (1905 - 1972), Jean Gabin (1904 - 1976), Robert Le Vigan (1900 - 1972), Michèle Morgan (1920 - 2016), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : en France profonde /heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Il y a des films qui deviennent mythiques pour de mauvaises raisons : une vague atmosphère d'époque, une réplique qui permet à des générations entières de draguer, les premiers pas d'une star... Quai des brumes possède tout cela, mais sa poésie s'est un peu égarée en chemin dans le brouillard. A moins d'être encore sensible à la poésie des quais, à la poésie des brumes, à la fatalité qui lie les destins des jeunes filles pas encore perdues à celui des mauvais garçons pas encore pourris. Pas gagné d'avance. Encore heureux qu'il lui reste quelques ingrédients indémodables : un méchant jublatoire (Michel Simon) et un couple éternel (Gabin/Morgan). Juste de quoi échapper de peu aux limbes de l'histoire, tout en restant à quai...

Jour se lève (Le)

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1939, France
Acteurs principaux : Arletty (1898 - 1992), Jules Berry (1883 - 1951), Jean Gabin (1904 - 1976)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

Un homme en tue un autre au seuil de son appartement haut perché. Le mort dévale l'escalier, le tueur s'enferme chez lui en attendant les gendarmes. Avant que le jour ne se lève, la nuit va être longue... Une nuit pour revoir l'essentiel de sa vie, résumée par les objets présents dans sa chambre, une petite vie d'ouvrier soudeur qui a bien le droit à sa(ses) petite(s) histoire(s) d'amour. Sauf qu'un autre homme s'en mèle toujours. C'est celui qui dévale l'escalier au début, il aime mener les hommes (surtout les femmes) et les chiens à la baguette, sa vraie profession est beau salopard. Le genre à déclencher tous les engrenages fatals. Le film qui a inventé le flash-back, le réalisme poétique, Arletty sortant de sa douche, les répliques de Prévert et les colères de Gabin : on s'incline...

Roaring Twenties (The) - Fantastiques années 20 (Les)

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Réalisé par : Raoul Walsh (1887 - 1980)
En : 1939, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), James Cagney (1899 - 1986)
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

Les années 20 dans le rétroviseur, commentées par une voix off habituée des discours officiels. En fait, les années 20 commencent dans les tranchées de France, entre 1914 et 1918. C'est là que se rencontrent Eddie, George, et Lloyd (comme le scénario est bien fichu, ils se retrouveront bien sûr plus tard). Le retour au civil est rude. Heureusement, vient la Prohibition. Eddie, qui ne fait rien comme tout le monde, fournit ses contemporains en bibine frelatée, tout en buvant du petit lait. Sa petite entreprise fleurit, ses amours piétinent. Quand vient la Crise, comme il ne fait toujours rien comme tout le monde, il se met à boire autre chose. Chronique douce-amère d'un temps où le monde semblait tourner sur la tête. Regard nostalgique et effaré sur une époque pas si lointaine (et pourtant tellement exotique), où personne ne faisait comme tout le monde. Portrait de l'adolescence turbulente de la modernité schizofrène.

Règle du jeu (La)

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Réalisé par : Jean Renoir (1894 - 1979)
En : 1939, France
Acteurs principaux : Julien Carette (1897 - 1966), Marcel Dalio (1900 - 1983), Paulette Dubost (1911 - 2011), Jean Renoir (1894 - 1979)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

Au début, on est dans un reportage radiophonique en direct. On passe dans un salon bourgeois. Des fois, on se croit dans une pièce de boulevard -mais pleine de répliques dignes du meilleur théâtre classique. A d'autres moments, c'est une comédie sentimentale, une satire sociale, un drame mondain. Décidément, ce film ne respecte aucune loi de construction dramatique et d'unité de ton ! Ses multiples personnages -bien que réunis ponctuellement pour une partie de chasse- ont bien du mal à constituer une société homogène. On dirait qu'ils jouent chacun une partition différente, tout en faisant mine de tenir leur rang. C'est la veille de la guerre et chacun joue perso : voilà qui ne présage rien de bon. Quant à Renoir, acteur inattendu et chef d'orchestre virtuose de cette inquiétante cacophonie, il démontre par l'absurde que l'illusoire harmonie sociale ne tient qu'à un fil. Oeuvre de chef !

Great Dictator (The) - Dictateur (Le)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1940, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977), Paulette Goddard (1911 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, NB

Critique perso :

Duel à mort entre les deux plus célèbres moustaches du XXème siècle : à ma droite l'infâme Hynkel, dictateur de la Tomania ; à ma gauche un petit barbier juif, amnésique et maladroit. Ils synthétisent à eux deux tous les degrés de l'(in)humanité et leur lutte s'annonce un brin déséquilibrée. Atouts du premier : sa virilité débordante. Chances du second : sa connaissance du ghetto, sa propention à la fuite. Mais, comme ils se ressemblent comme deux gouttes de vitriol, ce sont les autres qui vont y perdre leur latin. Ils auront droit à un discours chacun. Heureusement, maintenant, on sait depuis longtemps lequel a gagné la guerre...

Citizen Kane

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Joseph Cotten (1905 - 1994), Agnes Moorehead (1900 - 1974), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 119 mn, NB

Critique perso :

En 1941, Orson Welles a tout juste 25 ans. Il a déjà 10 ans de théâtre (et quelques coups d'éclat) derrière lui, tout le monde le traite comme un génie. Il est plein d'ambition, Hollywood lui fait un pont d'or. Et voilà que, pour son premier film, il imagine ce que pourrait être sa vie si, en plus, il était riche et con. Il fait la bio de son ennemi intime : un petit jeune naïf et sincère qui nait avec une mine d'or entre les mains et pas grand chose d'autre à se mettre dans le coeur. Qui s'achete (la rédaction d') un journal le jour de ses 25 ans. Puis apprend à devenir, progressivement, un capitaliste arrogant et manipulateur d'opinion, à l'aise dans les eaux troubles de la presse et de la politique. Opportuniste en politique, tête de mule en tout. Qui mourra seul et incompris de tous, en emportant dans sa tombe le secret dérisoire de son innocence perdue. Il y en a qui se sont reconnus... Pour tenter l'impossible inventaire d'une vie, Welles invente les nouvelles règles du jeu du cinéma. Impose une nouvelle construction du récit, tourne des plans impossibles. Ce petit blanc-bec a donné des leçons à tout le monde.

Meet john Doe - Homme de la rue (L')

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Réalisé par : Frank Capra (1897 - 1991)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Walter Brennan (1894 - 1974), Gary Cooper (1901 - 1961), Barbara Stanwyck (1907 - 1990)
Genre(s) : conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 122 mn, NB

Critique perso :

Pour sauver son job, une journaliste excitée -mais belles jambes- bidonne un article dont le héros s'appellerait John Doe, autant dire Jean Dupont ou M. Toutlemonde. Triomphe. Tout le monde veut connaître le type, il n'y a plus qu'à l'inventer. Pour l'incarner, elle caste un vagabond sans le sou -mais belle gueule- et lui fait lire les dicours de son papa humaniste. Capra se moque de sa morale de boy-scout, tout en la donnant à entendre avec conviction. Et puis la machine s'emballe, John Doe devient une icône. Sa pygma-lionne est débordée sur sa droite par une ombre de populisme cynique (à marionnette, marionnette et demi), on ne sait plus trop à quel saint se vouer. Reste John, fidèle à lui-même, prophète sans qualités qui accomplit les écritures des autres. Print the legend et la légende fut. Une nouvelle Genèse de l'Amérique.

Casablanca

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Réalisé par : Michael Curtiz (1886 - 1962)
En : 1942, USA
Acteurs principaux : Ingrid Bergman (1915 - 1982), Humphrey Bogart (1899 - 1957), Marcel Dalio (1900 - 1983), Sydney Greenstreet (1879 - 1954), Peter Lorre (1904 - 1964), Claude Rains (1889 - 1967), Conrad Veidt (1893 - 1943)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 102 mn, NB

Critique perso :

Le Maroc, dernier refuge avant le désespoir (cf. Morocco). C'est un film qui en est plusieurs. Peut-être une fresque politique sur l'Amérique qui décide, en 1942, d'entrer en guerre pour libérer l'Europe, au nom des liens anciens entre les deux continents. Ou alors, un mélo tragique sur l'amour impossible entre un tenancier de bistrot et son ancienne maîtresse, retrouvée par hasard. Ensemble, ils auraient inventé la résistance glamour -celle dont le principal titre de gloire est de réussir à finir les bouteilles de champagne français avant que les allemands ne s'en emparent. Ou alors, c'est le drame de la lutte clandestine contre le nazisme, traquée jusque dans les colonies... Bref, de toute façon un film aussi généreux en intrigues, personnages, scènes d'anthologie et niveaux de lecture n'est sûrement pas devenu mythique pour rien. Play it again (and again...).

To Be or Not to Be

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Réalisé par : Ernst Lubitsch (1892 - 1947)
En : 1942, USA
Acteurs principaux : Felix Bressart (1892 - 1949), Carole Lombard (1908 - 1942), Robert Stack (1919 - 2003), Henry Victor (1892 - 1945)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /jeu dans le jeu /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

Comment peut-on être nazi, telle est la question ?! Et en 42, il y avait de quoi se la poser... Là où Lubitsch est gonflé, c'est qu'il traite en comédie un thème pareil. Là où il est carrément génial, c'est qu'il choisit pour héros une troupe de comédiens plus familiers des répliques de Shakespeare que des méthodes d'interrogatoire du contre espionnage. Mais tant qu'à se jeter dans la gueule de la Gestapo, autant se déguiser en loup ! Et pour démasquer des imposteurs, rien ne vaut une plus grande imposture encore (ça pourraît bien être, d'ailleurs, une excellente définition du théâtre). Tout cela nous vaut une perle quasi-unique (avec Le Dictateur, bien sûr) : un film de propagande hilarant.

Corbeau (Le)

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1943, France
Acteurs principaux : Pierre Fresnay (1897 - 1975), Pierre Larquey (1884 - 1962), Ginette Leclerc (1912 - 1992), Noël Roquevert (1892 - 1973), Louis Seigner (1903 - 1991)
Genre(s) : en France profonde /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 92 mn, NB

Critique perso :

Un corbeau, maintenant, tout le monde sait ce que c'est. Normal, c'est grâce à ce film (avant, c'était plutôt les écrivains qui inventaient de nouveaux mots). Un corbeau, donc, inonde de lettres anonymes et fielleuses les habitants d'un petit village en racontant plein d'horreurs. En plus, elles sont presque toutes vraies. Atmosphère, atmosphère (enfin, non, ça c'est dans un autre film). Sauf que, derrière les horreurs, il y a aussi pas mal de bonne volonté et beaucoup de souffrances. Mélange de portait collectif, de comédie de moeurs et d'intrigue policière, ce film a marqué son époque et valu quelques ennuis à Clouzot à la Libération. Il n'y a que la vérité humaine qui blesse...

Hangmen Also Die - Bourreaux meurent aussi (Les)

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Réalisé par : Fritz Lang (1890 - 1976)
En : 1943, USA
Acteurs principaux : Walter Brennan (1894 - 1974)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /entre Berlin et Moscou /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 140 mn, NB

Critique perso :

Pour les Praguois de 1940, les bourreaux avaient un nom : Heydrich, représentant d'Hitler. Ca n'a pas dû chagriner grand monde quand il a été assassiné. Mais le film va plus loin : il raconte comment un peuple entier en arrive à prendre sur lui le crime d'un seul -tel un messie à l'envers. Et comment, une fois n'est pas coutume, ses héros s'inventent un prétexte amoureux pour cacher une cause politique. Le grand Brecht est au scénario. Pour l'image, on peut faire confiance à Lang. Il a prouvé dans M qu'il savait regarder une histoire avec ses deux yeux (un pointé sur la police, un dans les bas-fonds). Il refait le coup ici, en laissant traîner sa caméra aussi bien au siège de la Gestapo que chez les résistants. Je ne sais pas si le récit contient une quelconque once de vérité, mais il le mérite.

Stage Door Canteen - Cabaret des étoiles (Le)

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Réalisé par : Frank Borzage (1894 - 1962)
En : 1943, USA
Acteurs principaux : Ralph Bellamy (1904 - 1991), Katharine Hepburn (1907 - 2003)
Genre(s) : New York - New York /en avant la musique /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 132 mn, NB

Critique perso :

Soit disant que, pendant World War II, le monde du spectacle a contribué à l’effort de guerre en s’occupant d’une cantine-salle de spectacle réservée aux GI en plein New York. Soit disant qu’on pouvait y croiser plein de people du théâtre ou du cinéma : les vaguement connus faisaient le service, les has been le ménage, les stars le spectacle ou le management en coulisse. Gros régiment de jeunes filles pour faire -heu…- la conversation. Enfin, quand on dit gens « connus » ou « stars » dans le personnel, c’est avec les critères des bobos américains de l’époque : au regard d’un(e) français(e) même extrêmement cinéphile d’aujourd’hui (au hasard : moi), c’est tout juste si on en reconnait deux ou trois. On a plutôt l’impression d’assister à une interminable soirée « Maritie et Gilbert Carpentier » (désolée, ça en dit long sur mon âge : disons Drucker pour les plus jeunes) avec vagues intrigues pour faire patienter entre deux shows. Réservé aux historiens du music hall, ou aux masos de la cinéphilie.

Passage to Marseille - Passage pour Marseille

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Réalisé par : Michael Curtiz (1886 - 1962)
En : 1944, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Sydney Greenstreet (1879 - 1954), Peter Lorre (1904 - 1964), Michèle Morgan (1920 - 2016), Claude Rains (1889 - 1967)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 109 mn, NB

Critique perso :

1944 : la guerre est presque finie, alors on va nous la raconter en marche arrière, en flash-backs emboîtés les uns dans les autres (4 niveaux : ça vaut bien Inception !) pour remonter jusqu'aux accords de Munich. Il y a deux journalistes dans l'histoire. Le premier est un petit jeune innocent qui découvre la guerre en spectateur : elle est cachée dans le paysage, littéralemente invisible. Le deuxième est un tough guy embourbé dans les combats (intellectuels puis réels) jusqu'au cou depuis le début. Il est devenu hors la loi, il a du sang sur les mains, mais c'est quand même lui qui a épousé Michèle Morgan. Comme on n'a pas les moyens d'embaucher le monde entier pour la figuration, on se contentera d'un vieux rafiot et de quelques avions, mais l'essentiel y est. La B.O. n'a pas dû coûter très cher non plus : on y entend surtout des versions instrumentales de la Marseillaise (moins emballante que dans Casablanca) et de "en passant par la Lorraine" (sans doute parce que le bâteau s'appelle "ville de Nancy"). A la fin, on sent poindre l'espoir d'un monde (et d'un homme) nouveau. Bref, de la belle allégorie déguisée en film d'action.

Roma, città aperta - Rome, ville ouverte

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1945, Italie
Acteurs principaux : Anna Magnani (1908 - 1973), Marcello Pagliero (1907 - 1980)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Décors naturels, prises rapides, impression de vie palpitante : dans les derniers soubressauts de la guerre, Rossellini crée le cinéma moderne. Avec les modestes habitants d'un modeste immeuble romain, il fait des héros de la résistances. Il invente Anna Magnani. Non, assène-t-il : tous les italiens n'étaient pas fascistes. Pour sauver l'honneur, il y a eu des ouvriers, des enfants, des prêtres. 30 ans avant Aldo Moro, il voyait déjà ce qui pouvait rapprocher les cathos et les gauchos : leur même foi en l'humanité, pour contrer la barbarie des surhommes (qui n'y croyaient déjà plus, aux surhommes). Et il fait une fresque modeste et fervente, comme prise sur le vif et à la dérobée, devenue une étape cruciale de l'histoire du cinéma.

Paisa

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1946, Italie
Genre(s) : pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Le seul bon côté des guerres, c'est qu'elles permettent parfois à des peuples de se rencontrer -enfin, de se cotoyer plutôt, parce que la rencontre, c'est autre chose. Ainsi, en 44, les américains ont cotoyé les européens -et, à quelques exceptions près, les européens étaient bien contents de les voir arriver. Mais ça ne suffit pas forcément à faire des rencontres. Illustration italienne en six tableaux du sud au nord, du printemps 44 à l'hiver 45. Six sketchs, six quiproquos que ni la bonne volonté, ni la solidarité, ni même l'amour ou la foi ne permettent de lever complètement. Les êtres et les peuples restent le plus souvent opaques les uns aux autres, sauf face à la mort, peut-être. Les combats les plus durs se passent dans les coeurs et dans les têtes...

Sciuscià

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Réalisé par : Vittorio De Sica (1902 - 1974)
En : 1946, Italie
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Juste après Rome, ville ouverte, juste avant Le Voleur de bicyclette, juste en même temps que Paisa. Rome, qui a perdu la guerre -et tout le reste-, est devenue un repère de magouilleurs qui trafiquent leur misère avec les soldats américains. Ils sont deux amis, deux petits "shoeshine" des rues, qui ne rêvent que de cheval et de liberté. Ils ont le tort, comme tous les Olvidados du monde, de croire ce que leur racontent les adultes. Ils ont le temps d'un film pour apprendre comment fonctionne leur justice. Réquisitoire terrible et glaçant contre une société qui fait de ses petits Mozart des assassins.

Quai des orfèvres

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1947, France
Acteurs principaux : Charles Blavette (1902 - 1967), Bernard Blier (1916 - 1989), Suzy Delair (1917 - ), Louis Jouvet (1887 - 1951), Pierre Larquey (1884 - 1962)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 102 mn, NB

Critique perso :

Le quai des orfèvres, c'est bien sûr le siège de la Police Judicière. Pourtant, ce film ne traite pas des moeurs de la police, mais de celles (plus légères, paraît-il) du milieu des cabarets de music-hall, avec ses numéros de cirque et de chansons populaires. Mais il y a bien un crime et beaucoup de suspects, pas mal de faux alibis et de vrais secrets. Avec son petit tralala, Suzy Delair n'a vraiment pas besoin de castagnettes et Blier -le père- fait sa mauvaise tête de mari jaloux (à tort, bien sûr). En flic roublard, Jouvet est le clou du spectacle. Au petit poil, comme on disait alors !

Germania anno zero - Allemagne année zéro

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1948, Italie
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 78 mn, NB

Critique perso :

Edmund est un ange blond d'une douzaine d'années. Edmund est né du mauvais côté -côté allemand- à une mauvaise période -les années 30. Dans les ruines post-apocalyptiques de Berlin dévastée, il cherche de quoi aider ce qui lui reste de famille à subsister : troc, marché noir et combines, dont il est plus souvent la victime que l'instigateur. Comme tous les enfants, c'est une éponge. Et le climat délétère de l'époque n'est pas très bon pour une poitrine d'enfant. Le chantre de la résistance italienne montre qu'il aime aussi ses ennemis : les nazis -du moins, qu'il n'a rien contre leurs rejetons. Parce que les premières victimes des guerres, ce sont les enfants. Ca rappelle vaguement quelque chose : l'éternelle histoire de l'innocent qui expie la faute de ses pères.

Kind Hearts and Coronets - Noblesse oblige

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Réalisé par : Robert Hamer (1911 - 1963)
En : 1949, Angleterre
Acteurs principaux : Joan Greenwood (1921 - 1987), Alec Guinness (1914 - 2000), Dennis Price (1915 - 1973)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, NB

Critique perso :

La quintessence du British sense of humor ! Sic Alec Guinness, avant de se prendre pour Obi-Wan Kenobi, était l'acteur emblématique du genre. Ici, il incarne à lui tout seul les huit victimes successives d'un sérial killer aux manières de gentleman. Il faut dire que ce dernier tue pour la bonne cause : celle de sa maman, née noble mais rejetée par sa famille après une mésalliance, et pour récupérer un titre de noblesse qu'il estime devoir lui revenir. Sur les inconvénients de prendre un peu trop au sérieux les codes de l'aristocratie britannique et la perversion qu'ils recellent, on n'a guère fait mieux, have we ?

Rendez-vous de juillet

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Réalisé par : Jacques Becker (1906 - 1960)
En : 1949, France
Acteurs principaux : Nicole Courcel (1930 - 2016), Daniel Gélin (1921 - 2002), Maurice Ronet (1927 - 1983), Louis Seigner (1903 - 1991)
Genre(s) : Paris /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, NB

Critique perso :

A la sortie de la guerre, c'est bien connu, les jeunes étaient zazous. Ca veut dire qu'ils n'avaient pas encore tombé la veste, mais qu'ils commençaient à oser se passer de cravate. Qu'ils fréquentaient des caves obscures, résonnant d'une musique nouvelle venue d'Amérique. Ca veut dire surtout qu'ils étaient comme tous les jeunes de toutes les époques : ils avaient des rêves (en gros : voyager, aimer et faire l'artiste) qui ne plaisaient pas à leurs parents... Ils vivaient en bande, ils avaient un monde à explorer et à reconstruire. C'était une génération insubmersible (cf. leur voiture). C'est un film indémodable.

Third Man (The) - Troisième homme (Le)

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Réalisé par : Carol Reed (1906 - 1976)
En : 1949, Angleterre
Acteurs principaux : Joseph Cotten (1905 - 1994), Trevor Howard (1913 - 1988), Alida Valli (1921 - 2006), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /entre Berlin et Moscou /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

Les ruines de Vienne après la deuxième guerre, un air de cythare et un train qui entre en gare. En descend un candide écrivain américain, à la recherche d'un ami qui lui a promis du travail. L'ami est mort, l'officier anglais qui régit les lieux n'est guère accueillant, les comparses qui suivent l'enterrement n'inspirent pas la sympathie, sauf une très belle femme... Bref, que de très bonnes raisons de ne surtout pas s'attarder en ville. Il reste, il ose même aller mettre le nez dans les égouts du passé. Mensonges, trafics, chantages, trahisons, manipulations, guerre de l'ombre et de la lumière, distorsion des valeurs : on aura droit à tout. D'ailleurs, tout est tellement sens dessus-desous qu'il n'y a pas moyen de mettre la caméra à l'horizontale. Le temps d'une scène de 10 mn et d'une réplique d'anthologie sur les coucous suisses (de son invention, paraît-il), Orson Welles incarne à jamais la séduction et le cynisme absolu du mal.

White Heat - Enfer est à lui (L')

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Réalisé par : Raoul Walsh (1887 - 1980)
En : 1949, USA
Acteurs principaux : James Cagney (1899 - 1986), Virginia Mayo (1920 - 2005), Edmond O'Brien (1915 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 114 mn, NB

Critique perso :

Cody Jarrett est un drôle de zig. Avec sa bande de truands-objets, il joue à l'attaque des trains en marche. Il s'en met plein les poches mais ne dépense rien. Avec sa femme-objet, il joue à la poupée (ou le contraire). Avec les gendarmes, il joue au chat et à la souris. Le seul être vivant avec qui il ne rigole pas, c'est sa môman. Cinglé, migraineux, aiguisé comme un couteau, il ne devra sa chute qu'à un Cheval de Troie dissimulé dans un autre Cheval de Troie. Et encore, ce grand bébé a l'art de transformer sa chute en son plus beau triomphe. L'archétype du film noir tardif : redoutablement efficace, dégénéré, plein de fulgurances -comme son héros. "Put the blame on mame", comme disait l'autre.

African Queen (The)

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1951, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Katharine Hepburn (1907 - 2003)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914) /épique pas toc
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Guerre de 14, en pleine brousse africaine, loin de tout. Une vieille fille anglaise, qui a suivi dans ce trou son frère missionnaire, et un aventurier frustre se retrouvent sur un bateau -le fameux African Queen. Personne ne tombe à l'eau, mais c'est thé à 5h contre gin à la bouteille. Ils échaffaudent pourtant bientôt un projet extravagant : en gros, transformer leur raffiot rafistolé en lanceur de roquettes et attaquer le plus gros navire allemand de la région. En route, ils font connaissance avec l'Afrique et avec eux-mêmes. Ce bizarre mélange d'héroïsme en haillons pour has-been qui ont de beaux restes et de romantisme exotique arrive à nous faire croire à l'aristocratie du coeur. Et à l'improbable magie du cinéma.

Casque d'or

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Réalisé par : Jacques Becker (1906 - 1960)
En : 1952, France
Acteurs principaux : Claude Dauphin (1903 - 1978), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Serge Reggiani (1922 - 2004), Simone Signoret (1921 - 1985)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 96 mn, NB

Critique perso :

Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils dansent bien ensemble. Elle s'appelle Marie, il est charpentier. Pour cela et pour leur bonne bouille, on leur donnerait volontiers le bonheur sans confession. Mais elle est maquée, il est fiancé. Ils sont pauvres, le monde est contre eux. Le monde, c'est ceux de la bande à Félix, des loulous d'arrière-boutique et de ruelles sombres. Paris : ses pavés, ses guinguettes et sa belle époque, réinventés pour nous. Noir comme ses rues noires, clair comme le soleil sur la Seine, comme notre mémoire l'imaginera à jamais. En prime, un mélo intense sur la seule chose qui compte : le prix du bonheur.

Deadline - U.S.A - Bas les masques

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Réalisé par : Richard Brooks (1912 - 1992)
En : 1952, USA
Acteurs principaux : Ethel Barrymore (1879 - 1959), Humphrey Bogart (1899 - 1957), Kim Hunter (1922 - 2002)
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Le compte à rebours a commencé pour Ed, rédacteur en chef super-compétent du « Day », quotidien new yorkais sous pression. Avec ses journalistes, il a des plusieurs affaires sur le feu, Ed : une sombre histoire de politicien véreux, celle d’une jeune fille retrouvée nue et noyée dans son manteau de fourrure. Et quelques autres, comme d’hab. Il a aussi une ex-femme désabusée, sur le point de refaire sa vie sans lui. Et là-dessus, les filles indignes du fondateur du journal veulent revendre le titre à la concurrence pour le liquider. Un vrai emploi du temps de super-héros. Un vrai film de super héros de la démocratie avec des vrais gens dedans.

Plaisir (Le)

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Réalisé par : Max Ophüls (1902 - 1957)
En : 1952, France
Acteurs principaux : Pierre Brasseur (1905 - 1972), Henri Crémieux (1896 - 1980), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Claude Dauphin (1903 - 1978), Paulette Dubost (1911 - 2011), Jean Gabin (1904 - 1976), Daniel Gélin (1921 - 2002), Ginette Leclerc (1912 - 1992), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Louis Seigner (1903 - 1991), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : Paris /en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Rien de tel qu'un grand viennois pour adapter notre Maupassant national (maison Tellier comprise, mais je ne crois pas que ce soit celle de mes ancêtres). On y voit des humains de toutes conditions (bourgeois, putains ou artistes, c'est tout comme) errer dans le labyritnthe de leur vie, coincés qu'ils sont dans des désirs frustrés et des destins étriqués. Et qui, parfois, trouvent tout de même une petite voie, un petit passage secret qui mène à leur innocence, un raccourci inattendu vers la grâce qu'ils ont perdue. Un petit moment de plaisir derrière les barreaux de leur morne existence. Ephémère ou illusoire, cela va sans dire, mais c'est déjà ça, juste le temps d'apercevoir ce qui aurait pu être. Et on voit ça par l'oeil d'une caméra malicieuse, plus libre qu'eux puisqu'elle traverse les murs et le temps -et les âmes aussi, parfois. C'est beau comme une partie de campagne, c'est triste pareil. Mais le bonheur (même celui du spectateur) n'est pas toujours gai...

Pane, amore e fantasia - Pain, amour et fantaisie

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Gina Lollobrigida (1927 - ), Marisa Merlini (1923 - 2008)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Antonio est rentré dans la gendarmerie principalement, semble-t-il, pour le prestige supposé que l'uniforme confère auprès des dames. Le poil qui blanchit mais le coeur toujours vert, il trimballe ses galons, sa moustache et sa guitare au gré de ses affectations dans l'Italie profonde. A Sangliena, petit village (imaginaire) haut perché où il débarque, deux demoiselles retiennent son attention : une sauvageonne dévergondée qu'il laisse généreusement à son benet de subalterne, et une sage-femme plus mûre mais non moins gironde, qu'il trimballe généreusement partout sur son vélo -visiblement, il n'a que ça à faire. C'est un peu Don Juan chez Don Camillo, sans la dimension politique ni métaphysique - ni quoi que ce soit d'autre que pittoresque, d'ailleurs. Du pain et des jeux (de séduction) : tout ce que les italiens ont toujours aimé. Quant à la fantaisie, c'est à peu près celle de mes grands-parents.

Vitelloni (I)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Alberto Sordi (1920 - 2003), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

20 ans avant, le petit garçon de Amarcord avait déjà la trentaine. En fait, ils sont 5 mais parlent d'une seule voix (off) ; ce sont des vitelloni, c'est-à-dire des glandus, des bons-à-rien -poil dans la main. Ils habitent en couple avec leur mamma, ou leur papa, ou les deux. Ils font de grands projets en arpentant les pavés. Leur chef, c'est Faustau, celui qui plait aux dames. Plus intrépide que les autres, il tente le coup de se marier et, même, de travailler. Mais, pour vendre de la pacotille religieuse, il se fait la tête de El et on a décidément du mal à lui faire confiance. Les autres se contentent d'être des piliers de fêtes, blasés d'avance de la catastrophe tranquille de leur vie qui s'annonce. C'est pas drôle tous les jours, la Dolce vita de province.

Pane, amore e gelosia - Pain, amour et jalousie

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Gina Lollobrigida (1927 - ), Marisa Merlini (1923 - 2008)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Ca commence le lendemain matin de la dernière nuit du précédent : une vraie suite, quoi. Mais comment relancer les affaires de coeur, apparemment bien stabilisées à l'issue du premier épisode ? Bon sang mais c'est c'est bien sûr : instiller un peu de jalousie là-dedans, à coup de quiproquos (plus ou moins) bien sentis. Un peu de comedia del arte (mais pas trop quand même : faudrait pas que les filles prennent goût au spectacle non plus !), un peu de superstition tournée en dérision (mais le bon père est toujours bien bon !), un peu de morale bien pensante (la jolie sage-femme qui a retrouvé son amour de jeunesse n'a plus qu'à reboutonner son corsage !). Bref, après un peu de pagaille (et de pasta) passagère, tout rentre finalement dans le meilleur des ordres possibles. Difficile d'être très drôle sur de telles bases...

Senso

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Farley Granger (1925 - 2011), Christian Marquand (1927 - 2000), Alida Valli (1921 - 2006)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Elle adore l'opéra. Elle est belle comme une actrice, noble comme une héroïne et elle vit à Venise qui, même occupée par les autrichiens, est le plus beau décor du monde. Elle a un cousin qui résiste avec panache et un mari qui collabore avec veulerie. Autrement dit : elle est mûre à point pour un destin de Bovary de 1ère catégorie. Sûr qu'elle ne demanderait pas mieux que de s'abandonner au premier uniforme ennemi à jolie figure venu. Il vient, et il est beau. Ah l'amour... impossible, interdit si possible, c'est ce qui fait les meilleures histoires. Mais tout de même, il abuse un peu, des fois, le bel officier. Il a besoin de sous. Tout de même, il a l'art de faire avaler les couleuvres. Jusqu'au trognon, A l'opéra aussi, les (meilleures) histoires d'amour finissent mal (en général). Elle n'a pas tiré le bon rôle, elle n'a droit qu'au malheur et à l'humilation. Elle va tout perdre, elle a tout perdu. Sauf, comme les meilleures tragédiennes, l'art d'être à la hauteur de toutes les trahisons qu'elle s'est déjà faites à elle-même.

Touchez pas au grisbi

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Réalisé par : Jacques Becker (1906 - 1960)
En : 1954, France
Acteurs principaux : Jean Gabin (1904 - 1976), Jeanne Moreau (1928 - 2017), Lino Ventura (1919 - 1987)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 94 mn, NB

Critique perso :

Si Pépé le Moko avait survécu et était rentré à Paris, il se serait sans doute appelé Max. Il aurait pris un peu de bouteille et aurait continué à régner sur son petit monde : des gars du milieu -pourtant pas loin du bout du rouleau, mais avec de beaux restes-, et des mômes enjoleuses qui savent lever la jambe. Il aurait parlé le pigalais, fréquenté le restau des copains, le cabaret des copines. Et il aurait connu Riton, l'ami de 20 ans, le seul à qui on fait confiance pour la chasse au grisbi -non, ce n'est pas un ours brun mais il attire les mouches, les renards et les abeilles. Un patriarche qui a de la classe, des débuttants prometteurs (une certaine Moreau, un certain Ventura), une belle histoire d'amitié virile et pudique.

Rebel Without a Cause - Fureur de vivre (La)

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Réalisé par : Nicholas Ray (1911 - 1979)
En : 1955, USA
Acteurs principaux : James Dean (1931 - 1955), Dennis Hopper (1936 - 2010), Natalie Wood (1938 - 1981)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

L'adolescent est un animal à sang chaud. Il aime errer là où il n'est pas censé aller, et faire exactement le contraire de ce que lui disent ses congénaires adultes. En famille, l'adolescent a une facheuse tendance à s'opposer à l'absence d'autorité de ses géniteurs. En fait, il n'est jamais content. L'adolescent est aussi un animal grégaire. En bandes, les individus s'enferment dans des carrosseries ou s'échangent leur blouson : c'est qu'ils sont en pleine mue et qu'ils n'ont pas encore reconstitué leur carapace. Dans la nature, l'adolescent a une espérance de vie limitée. C'est un animal perdu au milieu de l'univers qui n'a pas encore appris à s'en foutre. C'est un homme en entier qui n'a pas encore eu le temps de l'oublier.

Giant - Géant

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Réalisé par : George Stevens (1904 - 1975)
En : 1956, USA
Acteurs principaux : Carroll Baker (1931 - ), James Dean (1931 - 1955), Rock Hudson (1925 - 1985), Mercedes McCambridge (1916 - 2004), Elizabeth Taylor (1932 - 2011), Rod Taylor (1930 - 2015)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 293 mn, couleur

Critique perso :

Une grande saga familiale qui voudrait, sans doute, être pour le Texas du XXème siècle ce que fut Autant en emporte le vent pour la Georgie du XIXème. 30 ans de vie commune, donc, pour Jordan, son plat pays et ses miliers de vaches, et Leslie, recrutée à Washington, un seul cheval mais de beaux yeux. Dans le rôle du méchant (successivement) : une belle soeur, quelques bons vieux préjugés racistes ou machistes, le temps qui passe... Dans le rôle, plus inattendu, de l'autre qui dérange (un peu), un marginal parvenu qui mettra 30 ans à comprendre que l'argent ne fait pas le bonheur. James Dean, de toute façon, joue dans un autre film. La civilisation vient de l'Est, et des femmes. Pour la richesse, descendez au sous-sol. Ca lorgne pas mal du côté de Douglas Sirk (surtout Ecrit sur du vent et Imitation of Life) mais ça préfigure surtout Dallas (le feuilleton).

Traversée de Paris (La)

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Réalisé par : Claude Autant-Lara (1901 - 2000)
En : 1956, France
Acteurs principaux : Bourvil (1917 - 1970), Jean Gabin (1904 - 1976), Jacques Marin (1919 - 2001), Louis de Funès (1914 - 1983)
Genre(s) : Paris /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

Paris, quelque part entre l’arrivée des troupes allemandes et la libération. Les gens font mine de vivre comme si de rien n’était, mais en fait rien ne va. Tout le monde se suspecte et s’observe, le moindre morceau de savon est une denrée rare, les rognons un plat de luxe. Dans un café à l’ambiance lourde, un pauvre type en embauche un autre à la nuit tombée, pour transporter des grosses valises à pieds, d’Austerlitz à Montmartre. Des valises pleines de morceaux d’un cochon tout juste égorgé dans une cave -autant dire de l’or, mais de l’or qui a une odeur. Une odeur qui attire les chiens. Les chiens de toutes sortes et de toutes espèces… Cette longue nuit où il se passe des trucs pas très clairs, c’est comme une métonymie de l’occupation toute entière. Une sale période qui révèle le côté obscur de ceux qui la traversent. Une nuit qui manque singulièrement de héros, mais pas complètement de braves types.

Tricheurs (Les)

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1958, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Jacques Marin (1919 - 2001), Laurent Terzieff (1935 - 2010)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

A la fin des années 50, déjà, les djeun's, comme on ne le disait pas encore, posaient problème. Toujours à traîner dans les cafés, à boire et à draguer, au lieu d'avoir envie de bosser comme tout le monde. Parfois, ils faisaient des boums dans le château de leurs parents toujours absents, et manifestaient leur révolte en vidant la cave et en couchant avec n'importe qui dans le lit des parents toujours absents -l'horreur. En ce temps-là, déjà, venir de la banlieue était infamant, mais parce que ça voulait dire à l'époque porter une cravate et crêcher à Neuilly -l'horreur. Décidément, il y avait bien quelque chose de pourri au royaume du cinéma français : ces jeunes-là ont déjà mille ans, ils n'ont pas l'air de croire à leur cynisme. On ne prédit aucun avenir intéressant aux acteurs : à part au second rôle à longue figure, qui s'empressera de fuir cette galère au théâtre, et à un quasi-figurant à grandes oreilles qui ne tardera pas à passer à l'ennemi, dans le camp de la jeunesse qui se filme elle-même. Le film d'un vieux ronchon donneur de leçons.

Room at the Top - Chemins de la haute ville (Les)

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Réalisé par : Jack Clayton (1921 - 1995)
En : 1959, Angleterre
Acteurs principaux : Simone Signoret (1921 - 1985)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire d'un petit mec qui voudrait bien devenir grand. Attention, le décor a de l'importance : Angleterre, province laborieuse, au sortir de la guerre. Joe, le petit mec, vient du fond du trou du prolétariat. Même pas héros de guerre, mais belle gueule bien remplie, de l'ambition et une haute opinion de lui-même. Il vient de grimper comptable respectable, mais ne compte pas en rester là. D'autant que le boss upper class du coin à une fille à marier. Pour Joe, ce serait presque du gâteau s'il ne contactait un déplorable attachement contre-productif pour l'épouse française délaissée du gougeat local -Simone, dans le rôle qui lui vaudra son Oscar. L'art de gagner sa Place au soleil tout en perdant à peu près tout le reste a rarement été servi avec autant de rage et d'énergie noires.

A bout de souffle

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Réalisé par : Jean-Luc Godard (1930 - )
En : 1960, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Roger Hanin (1925 - 2015), Jean Seberg (1938 - 1979)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Michel Poiccard est aux abois, traqué par la police. De toute façon, il l'a bien cherché. Dès le début, il a tué un flic et il a préféré la vendeuse du "Hérald Tribune" à celle des "Cahiers du cinéma"... Deux erreurs fatales. Il voudrait ressembler à Bogart, il n'aura droit qu'au destin maudit de ses personnages. Quelques notes jazzy obsédantes rythment ses dernières bravades inutiles. Godard filme le Paris qu'il connaît : les cinémas des Champs Elysées, les cafés et les chambres de bonne. Il y case ce qu'il connaît aussi fort bien : une intrigue à l'américaine sur un vague scénario de série noir. La greffe prend grâce à un jeune inconnu à grandes oreilles qui nous balance en face : "si vous n'aimez pas, allez vous faire foutre !". Une grande vague (nouvelle) d'insolence et de liberté.

Rocco e i suoi fratelli - Rocco et ses frères

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Claudia Cardinale (1938 - ), Nino Castelnuovo (1936 - ), Suzy Delair (1917 - ), Alain Delon (1935 - ), Annie Girardot (1931 - 2011), Roger Hanin (1925 - 2015), Renato Salvatori (1934 - 1988)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 168 mn, NB

Critique perso :

Quatre frères du sud débarquent un soir sans prévenir, avec mama et barda, à la soirée de fiançaille du cinquième frère, installé à Milan : début de l'exil. A cette époque, en Italie, le réalisme n'est déjà plus très neo, et Visconti commence à devenir ce qu'il est. Ses personnages habitent une cave, mais se promènent sur le toit des cathédrales. Parmi les cinq frères, il en pioche surtout deux : Rocco et Simone. Un saint et un salaud, le bon et la brute-truand dans la même famille. Et une femme, pour leur permettre de devenir ce qu'ils sont. Deux frères, deux boxeurs, deux anges en exil sur la terre.

Rokudenashi - Bon à rien

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Réalisé par : Kiju Yoshida (1933 - )
En : 1960, Japon
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

Ce sont des vitelloni de capitale. Il y a un fils à papa (patron, le papa), qui entretient un peu les autres en ralant. Il y a l'étudiant éternel, le bidouilleur-magouilleur et l'acteur raté. Gueules d'anges, inquiétudes métaphysiques et comportements de gougeats. Il y a la secrétaire du papa du fils à papa, aussi, réputée pas commode parce qu'elle ne rêve pas de devenir bobonne et qu'elle est la seule qui leur tient tête. Ils s'ennuient beaucoup, ne savent pas quoi faire de l'énergie qu'ils n'ont pas, mais sauraient très bien quoi faire avec l'argent qu'ils n'ont pas non plus. Ils sont déjà las de la vie qu'ils n'ont pas encore vécue, à bout de souffle à force de glander. Ils jouent avec le feu, l'amour et le fric, jamais raccords avec leurs désirs, que d'ailleurs ils ignorent. Ils sont jeunes, quoi.

One, Two, Three - Un, deux, trois

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1961, USA
Acteurs principaux : James Cagney (1899 - 1986)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

Allons droit au but : il ne s'agit pas ici de football mais de comédie et de politique. Le film a été tourné à Berlin en 1961 (au coeur de l'action). La guerre y est froide, mais pas l'atmosphère. On ne savait rien, encore, du politiquement correct : les allemands coté ouest sont bien sûr tous d'anciens nazis, ceux de l'est récitent leur catéchisme communiste, les russes de service sortent tout droit de Ninotchka, la jeune première américaine est une écervelée (elle s'appelle Scarlett et vient d'Atlanta, c'est tout dire !). Au milieu du foutoir, droit dans ses bottes, s'ébat le représentant de Coca Cola himself, plus truand encore que les autres (on l'a reconnu, c'est James Cagney : dans les années 20, il ne vendait pas que du coca !), metteur en scène survolté d'intrigues de plus en plus tarabiscotées. En débit de paroles à la seconde et de gags à la minute, ce film est peut-être bien, effectivement, champion du monde.

Vita difficile (Una) - Vie difficile (Une)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1961, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Lea Massari (1933 - ), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, NB

Critique perso :

Silvio est un brave garçon. Pendant la guerre, il fait le bon choix : il se retrouve dans le camp des anti-fascistes et se terre bravement dans un moulin abandonné pendant des mois, aux bons soins d’Elena, paysanne locale qui a tué à sa place un méchant nazi. Reconnaissant, il embarque Elena à la fin de la guerre partager sa vie de journaliste romain intègre et misérable. Brave garçon il est, brave garçon il restera. Il consacre sa vie à dénoncer les puissants, même si les puissants le sont souvent plus que lui. Accessoirement, il passe aussi sa vie à reconquérir Elena, pas sûre, elle, d’avoir fait le bon choix, et plus prompte aux accommodements avec les transformations de l’Italie de l’époque. Une Italie décidément pas trop faite pour les braves garçons. Le film est, lui, infiniment drôle et cruel, pied de nez aux puissants et hommage désabusé aux braves garçons dépassés par les événements. Du tout meilleur choix !

Advise & Consent - Tempête à Washington

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1962, USA
Acteurs principaux : Henry Fonda (1905 - 1982), Charles Laughton (1899 - 1962), Peter Lawford (1923 - 1984), Walter Pidgeon (1897 - 1884), Gene Tierney (1920 - 1991)
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 142 mn, NB

Critique perso :

Emoi à Washington : le Président vient de nommer un nouveau secrétaire d'Etat sans consulter personne. Le Sénat doit valider. L'heureux nominé a apparemment tout pour inspirer confiance : quand il était jeune, il a été Young Mr. Lincoln. Enfin, dans l'histoire, il est plutôt suspecté d'avoir fréquenté des communistes -vous imaginez l'horreur. D'où : commission d'enquête, tractations, appel à témoins. Deux camps s'affrontent : celui de la "majorité", tiraillé de contradictions internes (très plurielle, en fait), et celui de "l'opposition", mené par le sénateur Cooley, vieux renard des tribunes depuis au moins 2000 ans (cf. Spartacus). Cela nous vaut une petite visite guidée des coulisses du pouvoir, en passant par les sous-sols de la politique et les égouts des luttes d'influence. Il semble, hélas, parfois, que le service de l'Etat importe un peu moins que les ambitions perso, et la vérité que les effets de manche. Heureusement, c'est pas chez nous que ça se passerait comme ça.

Salvatore Giuliano

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Réalisé par : Francesco Rosi (1922 - 2015)
En : 1962, Italie
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 123 mn, NB

Critique perso :

Salvatore Giuliano est un bandit, un autonomiste, un mafieux, un bon fils (en Sicile, tout cela est un peu mélangé). Toute sa brève -mais brillante- carrière, il l'a passée dans les 10kms qui entourent sa maison natale. Et, malgré une débauche de moyens, la police a eu toutes les peines du monde à l'y dénicher (en Sicile, ça se passe souvent comme ça). Ses méthodes sont pourtant connues au moins depuis Pépé le Moko : réseau de complicités indémêlable, corruptions, intimidations... Salvatore Giuliano, ce sont les autres qui en parlent le mieux. En fait, il n'en parlent pas avec leurs mots (en Sicile, ça ne se fait pas), mais avec leurs corps, leurs gestes et leurs gueules burinées par le soleil et la misère. Salvatore Giuliano est un aimant invisible : ce film est son portrait en pieds mais de dos, dans l'ombre, sans qu'aucun plan ne permette d'identifier son visage. Sec, brut, magnifique (en Sicile...).

Cardinal (The) - Cardinal (Le)

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1963, USA
Acteurs principaux : John Huston (1906 - 1987), Romy Schneider (1938 - 1982), Tom Tryon (1926 - 1991), Raf Vallone (1916 - 2002)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 175 mn, couleur

Critique perso :

Le générique est très beau : un homme en noir avance, seul, dans le magnifique décor tout en pavés, escaliers et colonnades de l'architecture vaticane. Une fourmi traverse l'éternité. Stephen Fermoyle, donc, est prêtre. Formé à Rome mais américain de coeur et irlandais d'origine, carrure d'athlète, intelligence de compétition. C'est un spécialiste de l'histoire de la réforme. Ca tombe bien, le monde bouge : on le voit au turbin des âmes en divers points du monde occidental, entre les deux guerres mondiales. On suit ses problèmes de conscience et ses intéractions avec le monde des hommes. Sérieux comme un pape (qu'il n'est pas), un peu trop poli et honnête (pour le devenir), il croise la route de beaucoup de puissants et de gros cons, de femmes idéales et de filles perdues. Il résiste à la tentation d'épouser Romy Schneider, ce qui prouve la force de sa vocation. Une grande fresque en rouge et noir, plus politique (façon Tempête à Washington) que spirituelle (façon Dix commandements). Assez impressionnante au bout du compte.

Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb - Dr Folamour

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Réalisé par : Stanley Kubrick (1928 - 1999)
En : 1964, USA
Acteurs principaux : Sterling Hayden (1916 - 1986), George C. Scott (1927 - 1999), Peter Sellers (1925 - 1980)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

C'était au temps où la guerre froide risquait bien de ne pas le rester très longtemps. Une petite étincelle (un gradé parano, par exemple - Sterling Hayden, encore plus gun-crazy que dans Johnny Guitar) pouvait à tout moment mettre le feu (atomique) aux poudres. Mais, ce que Kubrick filme mieux que tout et tous, c'est comment la proximité de la catastrophe émoustille les instincts guerriers les plus sauvages de l'homme (au sens purement masculin, pour une fois !), leur bêtise virile et suicidaire. Ils atteignent sans mal le fond du ridicule, pour notre plus grande jubilation, ces mâles frustrés. Le fin mot de l'histoire, laissé au sinistre Dr Folamour (génial Peter Sellers), en dit long sur le peu d'espoir qui nous est laissé...

Masculin féminin

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Réalisé par : Jean-Luc Godard (1930 - )
En : 1966, France
Acteurs principaux : Brigitte Bardot (1934 - ), Chantal Goya (1946 - ), Marlène Jobert (1943 - ), Jean-Pierre Léaud (1944 - )
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Dans "masculin", il y a "masque" et "cul" ; dans "féminin" il n'y a rien (extrait du dialogue). Dans les bistrots, il y a des dragueurs, et des jeunes filles à draguer. Préoccupations politiques pour les hommes (la conscience ouvrière, la guerre au Vietnam), chansons et cosmétiques pour les femmes (Salut les copains, mais surtout ne me mets pas enceinte). Une mort violente tous les 1/4h. Portrait d'une France qui s'ennuie mais ne le sait pas encore. Portrait d'une jeunesse concernée, portrait d'une jeunesse qui s'en fout. Enfants de Marx et de Coca-Cola (extrait des intertitres). Des gestes, des choses, des sondages : inventaire avant liquidation. Dans féminin, finalement, il y a "fin".

Chinoise (La)

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Réalisé par : Jean-Luc Godard (1930 - )
En : 1967, France
Acteurs principaux : Juliette Berto (1947 - 1990), Jean-Pierre Léaud (1944 - ), Anne Wiazemsky (1947 - 2017)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Ils sont cinq, ils vivent ensemble confortablement dans un grand appart bourgeois mais attention, ce sont des révolutionnaires -tendance Mao foncé. Des vrais, des pros, à peine camouflés derrière des activités officielles (étudiants, artistes…). Leur occupation principale est de se former et de s’entretenir dans la connaissance approfondie d’un inépuisable petit livre (rouge). Ils causent beaucoup, font un peu d’atelier artistique, n’ont pas l’air de beaucoup baiser. Des espèces de moines modernes, en fait. A vrai dire, on ne comprend pas grand chose à leurs débats, et c’est pas sûr qu’eux mêmes y comprennent quelque chose. Qu’ils répondent à un interviewer invisible (le maître du logis et du film, bien sûr) ou se coupent la parole, ils frôlent souvent le ridicule d’assez près, et ne donnent pas des masse envie de les suivre. Le film-tract-collage qui annonce mai 68 mais aussi les attentats terroristes, le pop-art, les communautés foireuses, l’activisme, les gueules de bois qui suivent et le naufrage de Godard. Respect (mais en rigolant en coin).

Hori, ma panenko - Au feu, les pompiers

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Réalisé par : Milos Forman (1932 - 2018)
En : 1967, Tchécoslovaquie
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 71 mn, couleur

Critique perso :

C'est un bal des pompiers au fin fond d'un trou tchèque, vu comme par un petit trou dans le rideau de fer. Le doyen doit être honoré pour ses 86 ans, ses loyaux services et son cancer. Les jeunes viennent pour draguer, les vieux pour piller discrétos les lots de la tombola. Un commando de ringards s'improvise jury sélectionneur d'un concours de Miss qui ne semble pas tenir toutes ses promesses. Un empoté trouve même le moyen de mettre le feu à sa maison alors que l'orchestre s'essayait à une version fanfare d'un tube des Beatles, c'est dire comment tout fout le camp. En fait, tout le monde veut bien un peu de solidarité, à condition que ce soit les autres qui soient solidaires. C'était en Tchécoslovaquie, quand elle s'estimait encore avoir le droit de se moquer des apparatchiks en casquette.

Baisers volés

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1968, France
Acteurs principaux : Daniel Ceccaldi (1927 - 2003), Claude Jade (1948 - 2006), Michael Lonsdale (1931 - ), Jean-Pierre Léaud (1944 - ), Delphine Seyrig (1932 - 1990)
Genre(s) : Paris /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

1968. Antoine Doinel, l'ado turbulent des 400 coups est devenu un jeune homme romantique. Enthousiaste et maladroit, éternel étonné doutant de tout. De belles mains qui bougent beaucoup, et inventent des gestes qui n'appartiennent qu'à elles. Toujours amateur de littérature -surtout Balzac, Stendhal et Flaubert- et de jolies femmes -surtout celles chez qui on mange du fromage, et qui ont des parents sympas. Il essaie tous les métiers, tous les lits, toutes les humeurs. Instable mais pas révolté -sa mèche est ce qu'il a de plus rebelle. L'adolescence grave a fait place à une jeunesse étourdie et pétillante : le plus léger de la série des Antoine Doinel, le plus drôle et le plus euphorisant. Un personnage qui a bien vieilli, regardé avec indulgence, comme en arrière, avec la nostalgie de ce qu'il n'a pas encore vécu.

Party (The)

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Réalisé par : Blake Edwards (1922 - 2010)
En : 1968, USA
Acteurs principaux : Peter Sellers (1925 - 1980)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

A première vue, comme ça, c'est un acteur indien timide et zèlé. Méfiance, en fait c'est une bombe (comique) à retardement, le plus grand gaffeur professionnel jamais inventé par le cinéma. Méfiance méfiance, en plus, c'est Peter Sellers. Pour le récompenser d'avoir étourdiment dynamité un tournage en se prenant un peu trop bien pour Gunga Din, il est étourdiment invité à une party hollywoodienne, avec producteurs chauves et starlettes affriolantes. La maison est un peu celle de Mon oncle, les cuisines sont un peu celles du restau de Play Time, les invités sont un peu ceux de la Dolce vita. Jusqu'ici, tout va (un peu trop) bien. Mais notre indien débarque là-dedans et la catastrophe tranquille peut commencer. L'essentiel, en fait, se passe presque toujours au deuxième plan : derrière, après. Et quand, en fin de soirée, débarquent enfin quelques alliés zèlés (danseurs russes et fils de famille revenant d'un happening avec un éléphant), c'est le bouquet-soirée-mousse final. Le plaisir du gag lent, mais qui dure longtemps.

V ogne broda net - Pas de gué dans le feu

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1968, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale ! /épique pas toc
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

1917, quelque part en Russie. Ca bougeait pas mal, là bas, à l'époque. Y'avait pas mal d'idéalistes qui battaient la campagne, et de méchants contre-révolutionnaires qui ne se laissaient pas faire. Pour les femmes, le choix était moins grand. Infirmière ou fille à soldat (rouge bien sûr) ou les deux, c'était les principaux choix. Tanya est dans le premier camp, elle opère dans un train ambulant qui suit les troupes. En fait, personne avant ne s'était vraiment aperçu qu’elle était une femme. Personne, avant un gentil soldat. Ils sont un peu empotés, tous les deux, ils ont d'autres choses (une Révolution, par exemple) à faire. Ils ne se connaissent même pas eux-mêmes. Tanya découvre qu'à défaut de bien manier les idéologies, elle se débrouille pas mal avec les crayons et les pinceaux. Elle devient une artiste brut, un joyau (bien) caché dans une armée en marche. Un film en état de mouvement perpétuel. Il fallait bien une Révolution pour changer à ce point le regard d'un spectateur. Pas mal du tout !

Armée des ombres (L')

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Réalisé par : Jean-Pierre Melville (1917 - 1973)
En : 1969, France
Acteurs principaux : Jean-Pierre Cassel (1932 - 2007), Claude Mann (1940 - ), Paul Meurisse (1912 - 1979), Simone Signoret (1921 - 1985), Lino Ventura (1919 - 1987)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /la parole est d'or /pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 136 mn, couleur

Critique perso :

C'était pendant la guerre -la dernière, jusqu'à nouvel ordre. Ils étaient français et engagés dans la seule armée digne de ce nom -celle de l'ombre. Ce sont des héros mutiques, pas causants, pas tendres, pas gentils. Des héros, quoi. Clandestins dans leur propre pays, dans leur propre vie. Leur grand chef est un grand mathématicien-épistémologue (ce qui n'est pas pour me déplaire). On le voit faire un tour à Londres, le temps de prendre les conseils et la médaille d'un grand type à petite moustache, et d'aller voir Autant en emporte le vent. Le reste du temps, c'est la guerre. Des nerfs, surtout, parce que c'est le nerf de la guerre. Il y a des morts -beaucoup- et presqu'aucune larme. Le film est sec et glacé, à son image. Chaleureux aussi, à la leur.

Easy Rider

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Réalisé par : Dennis Hopper (1936 - 2010)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Karen Black (1939 - 2013), Peter Fonda (1940 - ), Dennis Hopper (1936 - 2010), Jack Nicholson (1937 - )
Genre(s) : carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Le film qui a mis a bat le « système des studios » hollywoodien et à 50 ans de style et d’élégance de mise en scène ressemble à du travail d’amateur. D’ailleurs, ça l’est. Il montre la chevauchée pas très fantastique de deux bikers -un pas beau et un taiseux- à travers le pays. Ils viennent de se renflouer en traficotant avec le Mexique, ils ont décidé de rouler de Los Angeles à la Nouvelle Orléans -pour arriver si possible au moment du carnaval. En fait, le carnaval, il est sur la route. C’est l’Amérique la vraie qu’ils rencontrent : ses paysages majestueux, ses fermiers héroïques, ses communautés de hippies utopistes et, surtout, ses hordes de gros bouseux collés à leur patelin paumé. C’est eux les plus nombreux, en fait, et à la fin c’est eux qui gagnent. End of the dream, à peine qu’il commençait à naître. D’où, sans doute, ce goût d’inachevé, qui passe des personnages aux spectateurs. La moitié du budget a dû passer en essence, l’autre en ravitaillement weed (les acteurs ont-ils été payés autrement ?). Quand à la fin l’un des héros reconnaît que « We blew it » (on a tout foiré), on se demande s’il ne parle pas de l’ensemble du film…

Model Shop

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Anouk Aimée (1932 - ), Gary Lockwood (1937 - ), Jean Sorel (1934 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 92 mn, couleur

Critique perso :

George est le parfait jeune américain modèle 60ies : uniforme jean-tee shirt-baskets, bien éduqué mais pas super motivé par le mode de vie de ses parents, cool et sympa. Il vit à L.A., au milieu des derricks, avec une blonde qui se verrait bien en haut de l'affiche. Il a des potes cools et sympas qui jouent de la musique (les Spirit, pour les amateurs), d'autres qui donnent dans le journalisme underground. Ambiance peace and love. Un jour qu'il cherche des sous à taxer, il croise une fille en blanc qu'il prend pour Eurydice. En fait, c'est Lola. Elle est là parce que Michel, son prince charmant, a foutu le camp avec la belle de la Baie des anges. 24h de la vie d'un homme sans boulot qui, en quelques heures, perd tout ce qui lui reste, et que l'armée veut envoyer passer ses vacances au Vietnam. Mais il a trouvé Lola qui lui a rendu l'envie du bonheur, alors qu'elle ne savait pas elle-même où elle l'avait rangée. Keep trying, George. C'est la traduction en idiome local de la maxime éternelle des films de Demy.

They Shoot Horses, Don't They ? - On achève bien les chevaux

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Réalisé par : Sydney Pollack (1934 - 2008)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Bruce Dern (1936 - ), Jane Fonda (1937 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Un marathon de danse : il n'y a que les américains en plein crise pour inventer un truc pareil. Ca se joue en couple, le but est de tenir debout le plus longtemps possible en bougeant les pieds (10mn de pause toutes les 2h). Les meilleurs tiennent plus d'un mois. Moi qui serais plutôt assez douée pour les marathons de sommeil, c'est une des pires tortures que je puisse imaginer. Ces jeux du cirque modernes, scénarisés par la misère et la bêtise, attirent le gratin de Hollywood (comme spectateurs) et les cramés du rêve américain (comme concurrents). On suit le parcours d'un couple de hasard : un cow-boy égaré en ville et une poupée pleine de rage qui fait non non non. Quelques flash forward de mauvaise augure laissent présager très tôt que ces losers qui n'ont plus que leur fatigue à vendre peuvent tomber encore plus bas. Métaphore cruelle d'à peu près tout ce qu'il y a de pire dans le monde occidental...

Topaz - Etau (L')

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1969, USA
Acteurs principaux : Claude Jade (1948 - 2006), Philippe Noiret (1930 - 2006), Michel Piccoli (1925 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /les chocottes à zéro /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 127 mn, couleur

Critique perso :

Guerre froide : un dignitaire russe lache son camp, les cubains ne sont pas contents, ce qui inquiète les américains. Pour démèler l'affaire, on fait intervenir un contact neutre, le genre qui se fait une certaine idée de sa mission. Comme il est français, il est autorisé à tromper sa femme avec une charmante agent double cubaine. Mais comme il n'est pas britannique, il n'a pas droit pour autant au glamour de James Bond (lui, son code, ce serait plutôt 0SS 117, c'est dire). Une histoire d'espions de 2ème division, donc, où les décors ont l'air plus réels que les personnages -sauf Fidel et le Che, qui font de la figuration. Pour le reste, plutôt du Hitch de 2ème division.

Zabriskie Point

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1970, USA
Acteurs principaux : Rod Taylor (1930 - 2015)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Zabriskie Point, c’est un coin paumé de la Vallée de la Mort, en Californie. Du désert jaune à perte de vue, un infini de sable gratiné au soleil. C’est là que se retrouvent Mark, étudiant contestataire et emprunteur d’avion occasionnel (pseudo Karl Marx, pour les flics) et Daria, employée-modèle-voire plus d’un entrepreneur audacieux (promoteur d’une station balnéaire en plein désert - une mauvaise interprétation de ces paradis artificiels dont parlent ses contemporains, sans doute). Ils y font l’amour-pas la guerre, en rêvant y être rejoints par tous ceux qui ont aussi jeté la clé (de leur maison bleue). Bon, très bien mais ça s’appelle pas Vallée de la Mort pour rien et le road-trip-psychédélique movie ne se terminera pas très bien pour Mark. Daria, elle, enverrait bien tout valser (son patron et toutes ses babioles capitalistes avec) dans un feu d’artifice Pink Floyd final. Antonioni, lui, a 58 ans mais il se verrait bien à la pointe de la contestation hippie. Toujours dans les bon plans, les bons coups et les bons coins, Michelangelo !

In nome del popolo italiano - Au nom du peuple italien

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1971, Italie
Acteurs principaux : Yvonne Furneaux (1928 - ), Vittorio Gassman (1922 - 2000), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Un petit juge italien intègre et barbu doit enquêter sur la mort d'une jeune fille. La jeune fille fréquentait des vieux messieurs, pour le plus grand profit de ses braves parents provinciaux. Parmi les fréquentations, le petit juge repère Lorenzo Santenocito, un industriel multicarte, pollueur-escroc-magouilleur multirécidiviste, le tout-Rome corrompu à lui tout tout seul. Tout ce qu'il adore. Il prend donc l'enquête à coeur et Lorenzo en grippe, et se lance dans une partie de cache-cache qui n'amuse que lui (et les spectateurs). Le combat entre les deux grands monstres se joue à armes inégales, voiture de luxe contre vespa. Il y a décidément quelque chose de pourri dans l'empire romain de l'après-guerre. Heureusement, au même moment, l'Italie gagne la coupe du monde de foot. L'honneur est donc sauf.

Cabaret

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Réalisé par : Bob Fosse (1927 - 1987)
En : 1972, USA
Acteurs principaux : Marisa Berenson (1946 - ), Liza Minnelli (1946 - ), Michael York (1942 - )
Genre(s) : en avant la musique /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Les chansons, ça peut aider à consoler les chagrins d'amour. Ca permet de ne pas craindre la pluie, d'espérer aller au-delà des arcs-en-ciel. Mais de là à se confronter avec l'Allemagne nazie, c'est une autre paire de manchettes... C'est pourtant ce que tente ce film, à travers la petite histoire de Sally, chanteuse de cabaret et de son collocataire Brian, étudiant anglais, et de quelques autres. Evidemment, depuis l' Ange bleu plus personne ne s'étonne de trouver, dans les cabarets allemands, des dames avec des jambes interminables. Mais les parenthèses musicales très désenchantées qui ponctuent le récit n'ont plus à offrir que leurs sarcasmes ironiques et grinçants. Les derniers petits ilôts d'innocences sont menacés par une grande vague brune. Chantons sous le 3ème Reich, pendant qu'il en est encore temps...

Godfather (The) - Parrain (Le)

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1972, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), James Caan (1939 - ), John Cazale (1935 - 1978), Robert Duvall (1931 - ), Sterling Hayden (1916 - 1986), Diane Keaton (1946 - ), Al Pacino (1940 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 175 mn, couleur

Critique perso :

Le film préféré des américains (cf. IMDB) est l'histoire d'une famille (ce qui ne surprendra guère) qui prospère dans le crime (doit-on vraiment s'en étonner ?). La famille avant toute chose, donc : mariages, baptèmes, repas interminables pendant que les enfants courent autour de la table -de l'universel, avec juste un peu plus de pasta et d'enterrements que la moyenne. Ensuite viennent les affaires : une subtile économie du service rendu et du respect dû, de l'influence monnayée et de l'intimidation musclée ("on n'est pas des communistes !" comme ils le disent eux-même) -avec juste un peu plus de coups de feu que la moyenne. Surtout : l'histoire d'un héritage empoisonné, ou comment le regard insouciant d'un beau jeune homme intègre se fige progressivement. Les meurtres sont filmés comme des cérémonies religieuses, sa résistible ascension à lui comme une damnation.

Roma - Fellini Roma

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1972, Italie
Acteurs principaux : Federico Fellini (1920 - 1993), Anna Magnani (1908 - 1973)
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 128 mn, couleur

Critique perso :

Pour faire le portrait d'une ville -surtout d'une capitale éternelle !- il faut commencer par la regarder de loin : de la province et de l'enfance. Après, on peut commencer à s'approcher, mais tout doucement et par des chemins détournés. En donnant des coups de sonde historiques (l'antiquité, la guerre, maintenant) et géographiques, verticalement (les sous-sols, les rues, les escaliers et les ascenceurs) et horizontalement (à pied, à cheval, en voiture... en métro et en moto, aussi). Ne pas oublier de montrer, surtout, que cette ville est en perpétuelle représentation d'elle-même, que le goût du spectacle traverse les époques et contamine aussi bien ses filles de joie que ses hommes de Dieu (ils sont fous ces romains !). Si tout y est, le résultat pourrait bien être génial.

Tout le monde il est beau tout le monde il est gentil

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Réalisé par : Jean Yanne (1933 - 2003)
En : 1972, France
Acteurs principaux : Bernard Blier (1916 - 1989), Jean-Roger Caussimon (1918 - 1985), Jacques François (1920 - 2003), Daniel Prévost (1939 - ), Michel Serrault (1928 - 2007), Marina Vlady (1938 - ), Jean Yanne (1933 - 2003)
Genre(s) : en avant la musique /nanar pur sucre /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Christian Gerber, sorte de Régis Debray populo qui, après avoir couru les maquis sud-américains pour interviewer des guerilleros barbus, retrouve à Paris son poste de journaliste-radio. Les années 70 battent leur plein de kitchitude. Le gadget du moment, c'est ce truc avec deux boules en plastique au bout d'une ficelle, qu'il faut faire se cogner entre elles le plus longtemps possible. Hair (le spectacle) fait un tabac, la Superstar du moment (sur les ondes de la radio, au moins) s'appelle Jésus-Christ. C'en est trop pour Gerber, libertaire dans l'âme (qu'il n'a pas) et mauvais esprit sur pattes (d'eph). Il se fait virer, puis, bientôt (opportunisme aidant), promu et, enfin (intégrité aidant), crucifié sur l'autel d'une société aux valeurs Kleenex. Une grosse farce narcissique, assez gonflée (à l'air du temps).

Amarcord

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1973, Italie
Acteurs principaux : Magali Noël (1932 - 2015)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 127 mn, couleur

Critique perso :

Fellini plonge dans sa mémoire d'enfant. Il se souvient de ses profs fatigués, de ses camarades de classe et de leurs complots de pissotières. Il se souvient de son confesseur enrhumé. Il se souvient de tout ce qui tombe du ciel : les aigrettes du printemps, la neige des mauvais jours, les premiers désirs. Il se souvient de types en chemises noires à la gachette chatouilleuse. Il se souvient d'une dame en rouge qui attirait tous les regards. Il se souvient de Fred Astaire et de Gary Cooper. Il se souvient d'un prince arabe et de ses 40 sirènes. Il se souvient d'une buraliste généreuse. Il se souvient de sa famille : son père maçon, sa mère dévouée et leurs engueulades qui mettaient du sel dans le potage. Il se souvient d'un grand père encore vert. Il se souvient d'un oncle trop grand pour son âge, qui jouait à tonton perché en réclamant "una dona" pour passer l'été. Il se souvient de ses souvenirs et il invente un film au présent de la mémoire (Kusturica lui a tout piqué), grand et fou comme l'enfance.

Godfather: Part II (The) - Parrain II (Le)

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1974, USA
Acteurs principaux : John Cazale (1935 - 1978), Robert De Niro (1943 - ), Robert Duvall (1931 - ), Diane Keaton (1946 - ), Al Pacino (1940 - ), Harry Dean Stanton (1926 - 2017), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 200 mn, couleur

Critique perso :

On ne change pas une famille qui gagne. Vous voulez la suite ? Vous aurez le préquel (30 ans avant) et le séquel (5 ans après) pour le même prix ! Histoire de bien comprendre comment, en deux générations, on passe du petit racket de quartier à l'escroquerie grandeur nature (en l'occurrence, le pillage en règle de Cuba). Le crime organisé vit sa révolution industrielle, en quelque sorte. Michaël a pris la place de son père, et il s'en montre digne. Le plus dur -le baptème du sang inaugural- a déjà eu lieu dans l'épisode précédent. Mais la famille n'est plus ce qu'elle était : le frangin restant n'est pas le plus brillant, la frangine ne sait pas ce qu'elle veut, et Kay ose dire qu'elle n'est pas contente. On ne peut même plus compter sur les politiciens, qui envoient Michaël en commission d'enquête. Grandeur et décadence du crime business, apogée flamboyante du murder show.

Stavisky...

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1974, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Charles Boyer (1899 - 1978), Gérard Depardieu (1948 - ), Anny Duperey (1947 - ), Michael Lonsdale (1931 - ), François Périer (1919 - 2002), Claude Rich (1929 - 2017)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Nom : Stavisky, prénom : Affaire… En général, on en a vaguement entendu parler, mais de là à savoir exactement de quoi il s’agit… D’ailleurs, même à la fin du film, c’est pas sûr qu’on en sache beaucoup plus. Récap : en 1934, un escroc multicarte meurt dans des circonstances pas claires, ce qui provoque des émeutes et fait tomber un gouvernement. Resnais se concentre sur les derniers mois de la vie du bonhomme et lance le compte-à-rebours de sa mort annoncée. Ce qui l’intéresse, c’est l’agent multiple : français de l’étranger, juif à un moment où c’était pas hyper recommandé, dépressif enjoué, comédien en perpétuelle quête d’un nouveau rôle, arnaqueur multirécidiviste fidèle en amitié (et en amour). Insaisissable, comme l’argent qui apparemment lui file entre les phalanges. Comme le montage, qui joue à saute-mouton avec le temps. Stavisky, c’est une sorte de catalyseur et de révélateur d’une période passablement agitée (Trotsky fait un caméo dans le film). Un mystère, un oignon dont on n’atteindra jamais vraiment le coeur. Un homme-film.

Valseuses (Les)

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Réalisé par : Bertrand Blier (1939 - )
En : 1974, France
Acteurs principaux : Gérard Depardieu (1948 - ), Patrick Dewaere (1947 - 1982), Isabelle Huppert (1953 - ), Miou-Miou (1950 - ), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

C'est l'hisoire de deux petits mecs, joués par deux petits jeunes inconnus (un certain Dewaere et un certain Depardieu) qui mènent une enquète sur le plaisir féminin et emmerdent le monde. C'est une espèce de road-movie à la française, plein de mots qu'on n'avait jamais entendus avant au cinéma et de rencontres incongrues, au bord des routes, sur une plage, dans un train et une multitude de chambres. C'est l'invention d'un style, la caricature d'une époque, la provocation d'un langage, la fureur d'une liberté hautement revendiquée. Les acteurs, le genre et les fringues ont vielli depuis, l'énergie de leur jeunesse est restée sur l'écran.

Vincent, François, Paul et les autres

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Réalisé par : Claude Sautet (1924 - 2000)
En : 1974, France
Acteurs principaux : Stéphane Audran (1932 - 2018), Gérard Depardieu (1948 - ), Marie Dubois (1937 - 2014), Yves Montand (1921 - 1991), Michel Piccoli (1925 - ), Serge Reggiani (1922 - 2004)
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 109 mn, couleur

Critique perso :

Ce film, c'est les années 70 (post crise pétrolière) de la classe moyenne à lui tout seul. Pas de message révolutionnaire là-dedans, pourtant. Juste que les meilleurs copains sont ceux avec qui on joue au foot dans un pré le dimanche. Que les trucs essentiels ne se disent que devant un verre au bistrot ou un gigot à découper. Qu'à la quarantaine passée, la vie commence à sentir le roussi. Qu'il n'est pas rare de connaître des problèmes d'argent, de perdre quelques femmes et quelques illusions, et de commencer à camoufler les pépins de santé qui pointent. Ce film n'a pas mal vieilli, bien au contraire : en le voyant, je retrouve mes parents (côtés militants en moins) rajeunis. S'ils sont encore vivants pour toujours, c'est grâce à M. Sautet.

Three Days of the Condor - Trois jours du Condor (Les)

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Réalisé par : Sydney Pollack (1934 - 2008)
En : 1975, USA
Acteurs principaux : Faye Dunaway (1941 - ), Robert Redford (1936 - ), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 117 mn, couleur

Critique perso :

C'est un agent de la CIA version bobo-cool, qui vient au boulot en motocyclette et qui sait lire - pas trop comme James Bond, donc. Son boulot, c'est même de lire des romans toute la journée, pour y dénicher des histoires qui pourraient provenir -ou être destinées à- d'autres agents comme lui. Faut vraiment être scénariste à la CIA pour inventer un truc pareil. Le pire, c'est que c'est à cause de ça que tous ses collègues se font zigouiller. Dans le genre polar-politique-parano des années 70, le film se pose là. Mais quand il commence à évoquer le pétrole du Moyen-Orient, on tend l'oreille. A croire que Pollack a trouvé son scénario en lisant les journaux des années 90. En voyant qu'il a logé son noeud de vipères dans une des deux grandes tours qui pavoisaient alors au sud de Manhattan, on se dit même qu'il a sacrément bien visé, le bougre. Au bout du compte, on est tout à fait convaincu qu'inventer la réalité, c'est un boulot dangereux.

Brutti sporchi e cattivi - Affreux, sales et méchants

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nino Manfredi (1921 - 2004)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Affreux, certes. Sales, incontestablement. Méchants, à coup sûr. Mais d'abord et avant tout : pauvres. Entassés comme des rats dans un bric à brac de fortune, mais avec vue sur le Vatican. Dans les années 70, il y avait encore des bidonvilles à Rome (et ailleurs aussi). Et des pauvres. L'heure n'est plus à la dignité qu'ils manifestaient chez Rosselini, De Sica ou Pasolini. Ici, c'est plutôt Shakespeare dans un tas d'ordures, avec des gens pas sympas dont rien de bon ne sort. Miroir à peine déformant de la société normale, de ceux qui savent y mettre les formes (beaux, propres et gentils) mais qui, au fond, partagent les mêmes valeurs : l'argent, l'argent et l'argent (et le sexe, aussi). Et si l'on est parfois tenté de rire, c'est avec la grossièreté du désespoir.

Eléphant, ça trompe énormément (Un)

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Réalisé par : Yves Robert (1920 - 2002)
En : 1976, France
Acteurs principaux : Guy Bedos (1934 - ), Claude Brasseur (1936 - ), Danièle Delorme (1926 - 2015), Victor Lanoux (1936 - 2017), Jean Rochefort (1930 - 2017)
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Etienne est en peignoir sur une terrasse, en face de l'Arc de Triomphe. Flash-back : 6 semaines plus tôt, dans un parking souterrain, Etienne surprend une dame en rouge rejouer le coup de la jupe de Marilyn dans Sept ans de réflexion. Il se sent illico le coeur en vacances. Ce qu'il se garde bien de dire à sa famille et à ses potes de tennis et de toujours : Simon, le docteur hypocondriaque et son encombrante maman, Bouly et ses femmes, Daniel et son secret. Etienne, donc, voudrait bien revoir sa dame en rouge. Il la drague à l'ancienne : en forêt, sur sa jument Belle de jour, lors de RDV clandestins et anonymes. La voix off distanciée, une fois de plus, fait merveille. Vaudeville relooké, film de potes, chronique sociologique. Tournage est un peu sans surprises mais comédiens impecs et répliques qui tuent. Qu'on ne s'y trompe pas : on apprécie énormémement.

Io sono un autarchico - Je suis un autarcique

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Avant d'être un quadragénaire minoritaire, Nanni a été un vingtenaire autarcique -ce qui semble vouloir dire, ici, minoritaire parmi les minoritaires. Papa isolé, marié mais séparé, autonome mais vivant de subventions paternelles, individualiste mais toujours au milieu de sa bande : le parfait emmerdeur. Il ne manque pas une occasion de faire la tronche, surtout quand il s'agit de participer au n-ième spectacle de théâtre expérimental fauché -et engagé, naturalmente- monté par son pote le plus intello. Son ex lui reproche de ne jamais réussir à avoir l'air tendre, elle a bien raison. Lui aussi, c'est comme ça qu'il est le meilleur. Cinéphile, déjà, et déjà pas très sympa avec certains de ses futurs confrères. Un brouillon de Journal intime filmé en super 8, mais déjà du vrai cinéma.

Giornata particolare (Una) - Journée particulière (une)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1977, Italie
Acteurs principaux : Sophia Loren (1934 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au début : bandes d'actu d'époque, qui commentent la triomphale visite de courtoisie du Fuhrer au Duce. On se croirait dans un remake pas drôle de To Be or Not to Be ou du Dictateur. Puis : début d'une journée pas comme les autres pour Antonietta, une ménagère romaine de moins de 50 ans -mais avec 6 gamins et 2 000 ans de machisme sur le dos. Sa marmaille et son mari s'en vont faire le salut fasciste au camarade visteur, en compagnie de la totalité de leur immeuble. Tous ? Non, un homme est resté là, aussi, dans l'appartement d'en face, au milieu de ses livres, dans un autre monde. Grâce à un oiseau en cage, à une concierge à moustache et à quelques malentendus, Antonietta et Gabriel s'échangent quelques mots, et même un peu plus, et même ce qu'ils n'ont pas, sur fond de discours militaires et de musique martiale. A peine une étincelle, le temps de croire que Trois Mousquetaires peuvent quelque chose contre deux tyrans. Rien, mais qui sauve l'honneur. Rien, mais qui change la vie.
PS : Honte aux DVDs René Chateau, qui ne proposent que la VF, et même pas avec la voix de Mastroianni !

Nous irons tous au paradis

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Réalisé par : Yves Robert (1920 - 2002)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Guy Bedos (1934 - ), Claude Brasseur (1936 - ), Danièle Delorme (1926 - 2015), Victor Lanoux (1936 - 2017), Jean Rochefort (1930 - 2017)
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Etienne et sa bande d'Un Eléphant ça trompe énormément tente un revers et monte au filet. Encore des histoires de copains (entre mecs exclusivement) plus ou moins inséparables, d'infidélités conjugales plus ou moins fantasmées et de petits arrangements avec la vie. Etienne se prend pour l'inspecteur Clouseau, Bouly hésite entre Dom Juan et papa Poule, Simon choisit ses patientes en connaisseur et Daniel veut se marier. C'est comme si on les connaissait depuis toujours. C'est comme si on était déjà sûr de les retrouver un jour au paradis des personnages.

Baara - Travail (Le)

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Réalisé par : Souleymane Cissé (1940 - )
En : 1978, Mali
Acteurs principaux : Balla Keita
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

La Ligne générale suit le destin d'un pousseur de charriots des rues de Bamako. Exploité par des pauvres qui ne peuvent pas payer leur course, il se fait embaucher par un ingénieur plein de bonne volonté, avant de finir manipulé par un patron pas étouffé par les scrupules. Le fond du tableau est une fresque ambitieuse sur la circulation de l'argent dans toutes les couches de la société, et sur ce qui préoccupe tout le monde : travailler pour manger, manger pour travailler. L'Afrique aussi sait ce que signifie le pouvoir du capital et l'aliénation des masses. Heureusement, l'Afrique aussi a son Ken Loach.

Ecce bombo

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1978, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella, le filmeur en super 8 de Je suis un autarcique (qui ressemble toujours terriblement à Nanni Moretti) vit encore chez ses parents (avec sa soeur). Il doit avoir un peu plus de sous, il tourne avec une meilleure caméra. Mais il se prend de plus en plus pour le metteur en scène de sa propre vie, et de celle des gens qui l'entourent. Il leur demande de rejouer certaines scènes, invente leurs répliques quand elles ne lui plaisent pas, accessoirement visite le tournage d'autres (ou officie sa copine) ou une espèce de festival rock en plein air dont il semble être le seul participant. Il choisit toujours avec goût les filles avec qui il joue (même quand elles sont mariées à un copain). Et c'est sans doute pour alimenter le making of de sa petite existence qu'il invente avec sa bande de potes un groupe « d'autoconscience » pas excessivement productif. En fait, c'est comme s'il se faisait passer des bouts d'essais à lui-même, comme s'il préparait le casting de son propre biopic. C'est sa manière à lui de faire de la radio libre, comme elles commencent à apparaître à l'époque. Un autoportrait en Vitelloni cinéphile de capitale, un petit film libre.

Apocalypse Now

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1979, USA
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), Robert Duvall (1931 - ), Laurence Fishburne (1961 - ), Harrison Ford (1942 - ), Dennis Hopper (1936 - 2010), Christian Marquand (1927 - 2000), Martin Sheen (1940 - )
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 202 mn, couleur

Critique perso :

Au Vietnam, dans les années 70 (et à plein d'autres endroits et plein d'autres époques), des hommes ont eu le sentiment de vivre la fin du monde. On appelle ça la guerre. Ca provoque généralement un mélange d'horreur et de fascination, de dégoût et de jouissance. Ca exacerbe tout : la connerie et le sublime -deux formes de folie qui finissent, dans ces conditions, par se ressembler. Au Vietnam, donc, dans les années 70, les Américains ont tenté d'acclimater les fleurons de leur culture (le surf, les playmettes de Play Boy et le rock'n roll) dans le bourbier des rizières. Ca n'a pas très bien marché. Ils ont tenté le napalm, aussi... Evidemment, ce film plein de bruit et de fureur ne fait pas dans la demi-mesure. Il relève plutôt de l'expérience sensorielle extrême, en évoquant un retour aux sources de la barbarie, et mène sur une révélation (le vrai sens d'"apocalypse" en grec) obscure qu'on n'est pas près d'oublier.

Blechtrommel (Die) - Tambour (Le)

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Réalisé par : Volker Schlöndorff (1939 - )
En : 1979, Allemagne
Acteurs principaux : Daniel Olbrychski (1945 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /entre Berlin et Moscou /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 142 mn, couleur

Critique perso :

Oskar, comme tous les hommes de sa famille, a toujours adoré vivre dans les jupes de sa mère. Il est blond comme son père polonais, têtu comme son père allemand. A 3 ans, il décide d'arrêter une fois pour toute de grandir, et se consacre à plein temps à son tambour. Cette audacieuse initiative lui permet de traverser les années 30-40 incognito, libre dans sa tête dans son corps d'enfant, tambour éternellement mineur. Oskar, c'est un peu une vigie qui n'arrête pas de sonner l'alerte, mais que personne n'écoute. C'est un grand homme qui veut rester petit dans un pays qui, lui, se trouve trop petit pour ses grandes ambitions. C'est comme l'Allemagne qui se projetterait dans une chambre noire : à l'envers, en miniature, mais terriblement ressemblante.

Human Factor (The)

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1979, USA
Acteurs principaux : John Gielgud (1904 - 2000), Robert Morley (1908 - 1992)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Une drôle d'histoire d'espionnage tragique, mâtinée d'humour anglais où, pour réchauffer un peu la guerre froide agonisante, on fait appel au bon vieil apartheid sud-africain, alors florissant. Le cadre, c'est la cellule africaine des services secrets anglais, peuplée de petits fonctionnaires paisibles et discrets : des Sherlock Holmes en attaché-case, des James Bond de bureau. Malgré leur volonté affichée de mettre leur vie dans des petites boîtes étanches, elle prend l'eau. Il y a des fuites. Et le téléphone, comme ailleurs, est en train de devenir l'instrument de torture le plus raffiné de ce monde raffiné. Un film pour rire, pleurer et avoir peur tout à la fois. Pour transformer tout spectateur en agent double.

Mon oncle d'Amérique

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1980, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), Jean Dasté (1904 - 1994), Gérard Depardieu (1948 - ), Marie Dubois (1937 - 2014), Nicole Garcia (1946 - ), Roger Pierre (1923 - 2010), Brigitte Roüan (1946 - )
Genre(s) : la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Deux modes de discours en parrallèle : d'un côté, une petite conf scientifique du professeur Laborit sur l'évolution des espèces, la vie sur Terre et l'interprétation des comportements (des souris et des hommes). De l'autre, une fiction qui entremèle les destins de trois personnages aussi dissemblables par leur origine que comparables par leurs difficultés à vivre. Ces trois-là ont nourri de nobles ambitions, ont été bien partis pour les accomplir. Mais ils finissent tous par nager un peu dans un costume trop grand pour eux, et auncun oncle d'Amérique ne vient les sauver du naufrage. Le discours scientifique distancié, comme mode d'emploi ironique de la comédie humaine. Le romanesque, comme horizon de l'observation objective (des souris et des hommes). A apprécier avec tous ses yeux, toutes ses oreilles et tous ses cerveaux.

Naissance du jour (La)

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1980, France
Acteurs principaux : Danièle Delorme (1926 - 2015), Dominique Sanda (1948 - ), Jean Sorel (1934 - )
Genre(s) : en France profonde /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

Se sentant sur la fin de sa vie, une dame qui s'appelle Colette se sent assez sage comme ça pour se permettre de faire poireauter dans son potager son gentil voisin trop jeune pour elle. Vial, le voisin, a toujours quelque chose à tripotter entre les mains, mais manque un peu de belles paroles en l'air. Colette, elle, a le stylo et le caractère bien trempés et comme elle sait s'en servir, c'est elle qui mène la danse (qu'elle ne danse plus, justement) en observant et manipulant tout ce beau monde de loin. Et puisqu'elle décide aussi du temps qu'il fait, elle décrète que son automne à elle vaudra bien une naissance... Un joli miroir plein de mots et de lumière pour Agnès, qui le lui rendra bien.

Terrazza (La) - Terrasse (La)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1980, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Serge Reggiani (1922 - 2004), Remo Remotti (1924 - 2015), Ugo Tognazzi (1922 - 1990), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Un grand buffet avec des pâtes et des haricots, sur une grande terrasse romaine. Les convives sont nombreux, intelligents, énervés. En majorité : des intellos-bobos, caviar-cocos. Ils bossent dans la culture politique, ou dans la politique culturelle. Ils ont tout vu, tout lu, tout connu, ils se sont tant aimé. Il y a Enrico, qui n'arrive pas à écrire le scénario du film en 5 sketchs, qui pourtant se déroule devant nous. Luigi et Amedeo, qui n'arrivent pas à retenir leur femme, qui pourtant leur doit tout. Sergio, qui n'arrive pas à retenir le semblant de vie qu'il a pourtant sauvé de la guerre. Et Mario qui, en amour comme en politique, n'arrive clairement pas à écrire des textes clairs. Des mâles drôlement tragiques, tragiquement drôles. On a beau les voir de plusieurs point de vue, sous plusieurs angles : ils sont toujours aussi las, lâches et fuyants. Portrait de l'artiste en hommes vieillissants.

Lili Marleen

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Réalisé par : Rainer Werner Fassbinder (1945 - 1982)
En : 1981, Allemagne
Acteurs principaux : Rainer Werner Fassbinder (1945 - 1982), Hanna Schygulla (1943 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Armée d'une pauvre chanson de cabaret recyclée, Willie, modeste employée de bastringue (mais beau cul), traverse la guerre presque sans encombres. Malgré un amant juif, elle a des protecteurs à galons et des millions de fans, ce qui compense largement. Elle en perd son nom, pour s'identifier à celui de sa chanson. C'est fou le nombre de soldats morts en l'écoutant -sans compter ceux qui écoutaient Marlene chanter la même chose, de l'autre côté des lignes. C'est fou le nombre de vitres, parois et cloisons qui la séparent de la réalité. Fassbinder regarde l'Allemagne dans le miroir de son passé nazi et il ne l'aime pas. Il la trouve futile et vulgaire. Otage de sa pompe, vendue au confort, pas sortie de ses rêves de midinette.

Draughtsman's Contract (The) - Meurtre dans un jardin anglais

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Réalisé par : Peter Greenaway (1942 - )
En : 1982, Angleterre
Acteurs principaux : Anthony Higgins (1947 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Au début, les joueurs décident de la règle du jeu et la signent devant témoin. L'équipe du château joue en blanc, le visiteur extérieur (un artiste bien conscient de sa valeur) en noir. Au milieu du film, ils changent de côté, de maillots et même de règles... Le terrain est une belle propriété, l'époque la fin du XVIIIème siècle anglais. Il est, officiellement, question de dessiner le château sous tous ses angles, tout en profitant de la châtelaine par tous les bouts. Mais, à force de dessiner ce qu'il a devant les yeux, notre challenger finit par capter ce qu'il ne devrait pas : ce qui est là et ce qui est caché, et le temps qui passe. En fait, il invente la caméra à 12 images par semaine. Pour autant, ce n'est pas toujours lui qui évalue le mieux les coups à l'avance. Pour son premier film, l'esthète Greenaway soigne tout : le scénario brillamment tarabiscoté, les dialogues subtilement enluminés, les costumes soigneusement asticotés et les cadres bien sûr, savamment géométrisés (il a même fait les dessins lui-même). Il donne cette impression de maîtrise suprème qu'il refuse à son personnage. Mauvais joueur, mais excellent cinéaste !

Finyé - Vent (Le)

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Réalisé par : Souleymane Cissé (1940 - )
En : 1982, Mali
Acteurs principaux : Balla Keita
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Jours du bac à Bamako. Révisions de dernières minutes, joints, musique et amourettes, comme pour presque tous les lycéens du monde (non, non, pas pour moi !). Conciliabules, ambiance fébrile, suspicions sur les résultats. Le gouverneur militaire a trois femmes, des grosses lunettes orange et du souci à se faire. Non seulement ses femmes se crèpent les tresses, mais le vent de la connaissance et celui de la révolte se liguent contre ses méthodes douteuses et musclées. Pire : sa propre fille se joint aux rebelles. Version black en vraie V.O. de Hair (moins les chansons), façon naturalisme magique, poétique et politique. Très gonflé, très étonnant, très bien !

Victor/Victoria

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Réalisé par : Blake Edwards (1922 - 2010)
En : 1982, USA
Acteurs principaux : Julie Andrews (1935 - ), James Garner (1928 - 2014)
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 129 mn, couleur

Critique perso :

Se faire passer, le temps d'un numéro de music-hall, pour un homme qui se ferait passer pour une femme : voilà la géniale idée soufflée à Victoria, artiste lyrique fauchée, par un impressario vieillissant, sans emploi, plaqué et homosexuel. Chiche ! D'autant que ce jeu des apparences devient vite un brillant prétexte pour faire émerger la bissexualité qui sommeille en chacun de nous. A l'image des personnages du film, le Paris d'avant guerre qui sert de décor à l'histoire est un réjouissant labyrinthe de faux-semblants. Blake Edwards se régale (et nous avec !), mélange les genres et les sexes, et offre à sa chère Julie Andrews son plus beau rôle.

Zelig

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1983, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Mia Farrow (1945 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 79 mn, NB/couleur

Critique perso :

Incroyable : le seul film où Woody change de lunettes ! Faut dire, on le reconnaîtrait trop vite. Faut dire, c'est pas lui du tout, c'est Léonard Zelig, figure oubliée de l'entre-deux guerres, que nous présente ce fort instuctif documentaire. Zelig, c'est l'homme caméléon, le "conformiste outrancier" que son extrême désir de se fondre dans la foule (gros parmi les gros, noir parmi les noirs, docteur parmi les docteurs...) finit par l'en faire sortir (de la foule). Les français trouvent qu'il est le symbole de n'importe quoi (et ils ont bien raison !). Dans des documents d'archives (presque) authentiques, on le voit faire la bise à Josephine Baker, semer la pagaille sur le balcon du pape Pie XI et dans le dos d'Hitler au congrès de Munich... Pour ce qui est des commentateurs contemporains, c'est le plus beau casting qu'on puisse trouver : Susan Sontag, Saul Bellow, Bruno Bettleheim, etc. ! Zelig, l'homme qui est tous les autres, est le plus grand des artistes et ce film-là est le plus jubilatoire que je connaisse.

Once Upon a Time in America - Il était une fois en Amérique

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Réalisé par : Sergio Leone (1929 - 1989)
En : 1984, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Robert De Niro (1943 - ), Joe Pesci (1943 - ), James Woods (1947 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /portrait d'époque (après 1914) /épique pas toc
Caractéristiques : 229 mn, couleur

Critique perso :

Noodles fume de l'opium. Non pas pour oublier, mais pour se souvenir d'oublier éternellement. Oublier éternellement sa jeunesse de James Cagney, apprenti parrain sur les trottoirs de New-York. Oublier Deborah, celle qu'il a toujours aimé, celle qui n'a jamais voulu de lui. Oublier Max, celui qu'il a toujours aimé, celui qu'il a trahi. En fait, ce qu'il ne lui pardonnera jamais, à Max, c'est qu'il est encore plus fort que lui : Max, il a réussir à trahir une trahison. En quelques décennies, il en est passé du sang sous le pont de Brooklyn. Oublier éternellement que la clé du coffre est restée cachée dans le balancier de la pendule, comme toujours, même si le magot s'est envolé. La version western du mythe de l'ouest était une histoire de vengeance. La version noire, c'est une histoire de vengeance contre soi-même. Noodles en rit encore.

Purple Rose of Cairo (The) - Rose pourpre du Caire (La)

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1985, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Jeff Daniels (1955 - ), Mia Farrow (1945 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 84 mn, couleur

Critique perso :

Qui n'a osé rencontrer personnellement, "pour de vrai", les héros de ses films fétiches ? Bon début d'idée. Et si maintenant, en plus, ces héros pouvaient sortir physiquement de l'écran, si de la salle obscure on pouvait les voir nous voir, réagir à nos réactions et improviser face aux contretemps, comme au théâtre. Ca, on n'a jamais osé l'imaginer et Woody en fait un film génial. Il transforme l'écran de cinéma en porte magique et poreuse entre deux mondes que tout oppose. Lequel est le mirroir, le leurre de l'autre ? Qui, dans chacun d'eux, tire les ficelles ? Ce conte de fée cruel est un fabuleux hommage au mythe même du cinéma, à son ambiguïté, au plaisir que nous prenons tous à nous tromper nous-mêmes en faisant mine de croire à ses histoires.

Sans toit ni loi

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Réalisé par : Agnès Varda (1928 - )
En : 1985, France
Acteurs principaux : Sandrine Bonnaire (1967 - ), Yolande Moreau (1953 - )
Genre(s) : en France profonde /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Un sale matin, Mona est retrouvée morte de froid dans un fossé. Mona faisait la route, celle du sud, autour de Nîmes. Elle a croisé le petit monde des sédentaires du cru. Elle a partagé un peu de leur vie, leur a tendu le miroir de ce qu'ils ne sont pas, ou plus, ou n'oseront jamais être : libre... Elle les emmerde, elle n'est pas sympa, Mona. Plutôt hargneuse, rageuse : c'est que sa vie en dépend. Elle ne la préserve que tant qu'elle bouge, tant qu'elle suit la direction pointée par cette main tricottée sur son pull (la même main que dans Jacquot de Nantes, sans doute). Mona, c'est comme une nomade sans chameaux dans le désert du monde. Un faux docu qui est un vrai grand film, sur une autre façon d'être en vie, sur une autre façon de faire du cinéma.

Himmel über Berlin (Der) - Ailes du désir (Les)

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Réalisé par : Wim Wenders (1945 - )
En : 1987, Allemagne
Acteurs principaux : Solveig Dommartin (1961 - 2007), Peter Falk (1927 - 2011), Bruno Ganz (1941 - ), Otto Sander (1941 - 2013)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914) /poésie en image
Caractéristiques : 127 mn, NB/couleur

Critique perso :

Les anges sont parmi nous. Invisibles (sauf aux enfants), ils voient tout, entendent toutes nos pensées, traversent les murs (même celui de Berlin, alors bien debout !) et ne peuvent (presque) rien pour influencer le cours du monde et le destin des hommes -commes les artistes, peut-être. Ils nous plaignent et nous envient parfois, nous pauvres mortels, d'avoir des sens et des émotions. Alors certains franchissent la barrière (des espèces) pour apprendre à vivre vraiment... Ce magnifique poème visuel, ode incantatoire à l'humanité, à l'amour et à ceux qui en témoignent dans leur art, est là pour nous rappeler encore et encore la dureté et la beauté du monde.

Intervista

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1987, Italie
Acteurs principaux : Anita Ekberg (1931 - 2015), Federico Fellini (1920 - 1993), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Le cinéma mode d'emploi : des rêves et des studios, des grues et des conféttis, de la mémoire et des projecteurs. Il faut aussi, c'est mieux, quelques éléphants, une baleine (prénommée Anika), et un acteur-magicien (prénommé Marcello). Et, au milieu du chaos comme un poisson dans l'eau de son bocal préféré : un grand type en chapeau à la voix douce, qui ne feint pas d'en être l'organisateur (il l'est !). Il suffit qu'il ait tout prévu pour que l'imprévisible dont il avait besoin surgisse. Il suffit qu'il rêve de l'Amérique (celle de Kafka et de DeMille) pour les indiens de ses westerns viennent à lui tout seuls. Il suffit qu'il soit là pour me rendre heureuse. C'est un film qui serait à la fois son propre making-of, sa propre pub (interviews, bande-annonce et bêtisier compris), et sa propre négation (par la télévision), sans jamais cesser d'être lui-même, c'est-à-dire introuvable.

Radio Days

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1987, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Jeff Daniels (1955 - ), Mia Farrow (1945 - ), Diane Keaton (1946 - ), Tony Roberts (1939 - ), Dianne Wiest (1948 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 85 mn, couleur

Critique perso :

Quand on n'aime pas la télé, la moindre des choses, c'est d'aimer la radio. La radio, c'est comme un monde parallèle où les gens sont forcément plus grands et plus beaux, puisqu'on ne les voit jamais. La radio, c'est la voix de l'enfance. D'ailleurs ce film est le seul de Woody Allen qui parle de l'enfance. C'est une chronique schizophrène qui mélange les souvenirs du monde réel et ceux de cet autre monde que la radio introduit en douce dans les maisons. Un monde multiple, où les faits divers et l'actualité sérieuse cotoient les potins mondains et les feuilletons romanesques. Mine de rien, la vie quotidienne en est toute transformée. Tata aime les chansons, maman préfère les interviews de vedettes... Ce film, c'est comme sur les ondes : il y en a pour tous les goûts...

Do the Right Thing

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Réalisé par : Spike Lee (1957 - )
En : 1989, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Spike Lee (1957 - ), John Turturro (1957 - )
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

A Brooklyn comme ailleurs, des fois, il fait trop chaud pour travailler. Mais, à Brooklyn, y'a juste un peu plus de noirs qu'ailleurs en Amérique. Et un peu d'italo-américains, aussi. Entre autres. Un beau melting pot dans une cocotte-minute. Y'en a quelques uns qui travaillent, quand même, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Y'en a beaucoup qui causent, aussi. Ou alors qui se contentent de regarder. Ou qui écoutent de la musique. Un peu trop fort, parce qu'il fait trop chaud, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Ou alors, c'est la pizza qui était un peu trop épicée. En tout cas, c'est sûr, il faisait trop trop chaud dans cette cocotte-minute. Fallait que ça sorte, dans la pizzeria du coin ou dans la rue. Des fois, à Brooklyn ou ailleurs, il fait trop chaud pour vivre.

Angel at My Table (An) - Ange à ma table (Un)

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Réalisé par : Jane Campion (1954 - )
En : 1990, Nouvelle-Zélande
Acteurs principaux : Kerry Fox (1966 - )
Genre(s) : pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 158 mn, couleur

Critique perso :

Forcément, avec son gros corps maladroit, ses frusques usées et sa grosse tignasse rousse sur les verts patûrages néo-zélandais, elle fait un peu tache. Et puis, ça vit dans un trou à rats et ça voudrait faire des études littéraires ? Janet Frame -c'est son nom- est pourtant paraît-il une des plus grandes écrivaines de son pays. Mais, toute sa vie, elle s'est sentie de trop, pas à la bonne place, pas à sa place du tout. La bonne société de son temps pensait visiblement la même chose, puisqu'elle l'a envoyée des années entières chez les fous, avec doses réglementaires d'électrochocs. Le plus dingue, c'est qu'elle s'en soit sortie. En scènes brèves et quotidiennes, défile la vie très ordinaire d'un très banal génie terriblement timide. Et ça donne le seul biopic supportable que je connaisse, parce que son héroïne n'est pas une star, que sa vie est le contraire du glamour et qu'elle n'a jamais eu aucun destin à accomplir, à part celui de faire tache. Une vraie artiste, quoi.

Conte de printemps

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Réalisé par : Eric Rohmer (1920 - 2010)
En : 1990, France
Acteurs principaux : Hugues Quester (1948 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 108 mn, couleur

Critique perso :

Tiens, une femme qui pense. Parler, ça, oui, elles ont toujours su faire, chez Rohmer. Mais penser comme une philosophe qu'elle est, en citant Kant et Hegel, c'est plus rare. En plus, Jeanne est jeune et jolie, momentanément éloignée de chez elle et de son copain officiel. Libre quoi, à tout point de vue. A une soirée emmerdante, elle sympathise avec une autre égarée qui tient beacoup à lui faire rencontrer son père. Il faut attendre pas mal pour voir venir le climax du film : le temps de compter jusqu'à trois, Jeanne va vivre un petit, tout petit moment d'égarement. Il y a une histoire de collier, aussi, dont on ne sait pas ce qu'il est devenu. Perdu, volé ou caché, c'est les trois options possibles. Et c'est à peu près tout. Trois fois rien. Ca ne fait pas un pitch très sexy mais ça sufit à faire un film. Jeune et joli, éloigné de tout. Libre quoi.

Godfather: Part III (The) - Parrain III (Le)

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Réalisé par : Francis Ford Coppola (1939 - )
En : 1990, USA
Acteurs principaux : Helmut Berger (1944 - ), Andy Garcia (1956 - ), Diane Keaton (1946 - ), Jo Mantegna (1947 - ), Al Pacino (1940 - ), Remo Remotti (1924 - 2015), Raf Vallone (1916 - 2002), Eli Wallach (1915 - 2014)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 162 mn, couleur

Critique perso :

20 ans plus tard... Désormais, Michaël est clean : plus rien d'illégal dans son activité, il est simplement devenu capitaliste immobilier. Il est aussi diabétique, papa gateau et en quête de rédemption. Il a bien un neveu un peu turbulent qui voudrait renouer avec les bonnes vieilles méthodes (ça, c'est le côté Mean Street) mais lui préfère traiter avec les huiles de la finance et du Vatican (ça, c'est le côté Tempête à Washington et Le Cardinal). Son seul fiston veut devenir chanteur lyrique, et ne trouve rien de mieux à faire que d'entraîner tout le monde dans une représentation piégée (ça, c'est le côté Homme qui en savait trop). Mais Michaël en a vu d'autres : malgré ses cheveux blancs, il a encore de l'allure et pourrait bien re-séduire Kay (ça, c'est le côté Dallas). Le crépuscule de la lignée vaut bien un dernier opéra.

Miller's Crossing

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Réalisé par : frères Coen
En : 1990, USA
Acteurs principaux : Gabriel Byrne (1950 - ), Albert Finney (1936 - ), Marcia Gay Harden (1959 - ), John Turturro (1957 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Chicago, la Prohibition. Deux bandes rivales, des alliés douteux, des politiciens véreux, une poule et un conseiller des princes très écouté : Tom. Ses faiblesses : les courses, le whisky et son grand coeur d'artichaud. Ses armes : savoir très bien encaisser les coups de poing et savoir encore mieux convaincre ses interlocuteurs qu'il est plus intelligent qu'eux. Face aux mitraillettes, il s'en sort pas mal, le beau Tom, sauf à la fin où il se trouve réduit à la dernière extrémité : tirer un coup de feu sur un de ses semblables... On est dans le rêve d'un grand ado retors et malicieux qui aurait trop regardé "les incorruptibles" et on aime ça !

Milou en mai

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Réalisé par : Louis Malle (1932 - 1995)
En : 1990, France
Acteurs principaux : Paulette Dubost (1911 - 2011), Michel Duchaussoy (1938 - 2012), Miou-Miou (1950 - ), Michel Piccoli (1925 - )
Genre(s) : en France profonde /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

C'est un jeune vieux veuf qui vit à la campagne avec sa maman et qui s'appelle Milou -on ne saura pas s'il a eu un chien qui s'appelait Tintin. La maman -très vieille France- a le bon goût de mourir au moment où s'annonce le printemps 68. La famille, étendue à quelques invités et pique-assitettes de passage, tiendra lieu de groupe de camarades, l'enterrement tiendra lieu de défilé de manif, et le partage des biens maternels d'héritage à liquider. A part ça, c'est presque comme à Paris : plein de faux-frères en état second. Le huis-clos à l'air libre, encerclé de dangereux grévistes, permet une relecture ironique (et très drôle) de L'Ange exterminateur (hommage de Jean-Claude Carrière au scénario qu'il aurait pu écrire). La révolution au vert mode d'emploi, par ceux qui auraient pu ne pas passer complètement à côté.

Toto le héros

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Réalisé par : Jaco van Dormael (1957 - )
En : 1991, Belgique
Acteurs principaux : Michel Bouquet (1925 - ), Bouli Lanners (1965 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 91 mn, couleur

Critique perso :

Au moment de sa sortie (j'étais jeune), j'avais adoré. Evidemment, maintenant que je vois les sources (Boulevard du Crépuscule, Sueurs froides, Le Mépris entre autres, et quelques poèmes) et les coutures (tout arrive 2 fois, comme dans Little Big Man), ça m'impressionne moins. N'empêche, l'idée de départ est formidable : le héros, Toto von Chickensoup, belge pur frites, est persuadé d'avoir été échangé à sa naissance, et d'avoir donc vécu une vie qui n'était pas faite pour lui. Il a le complexe de l'imposteur à l'envers, il se sent déguisé malgré lui en type banal. Il faut dire que son horloge interne s'est arrêtée quand il avait sept ans, pour le punir d'avoir un peu trop aimé sa grande soeur. Cette histoire d'une vie sans histoire - et sans vie - a le charme et la maladresse d'un conte pour ceux qui n'ont jamais appris à faire la différence entre leurs rêves et leurs souvenirs.

Ba wang bie ji - Adieu ma concubine

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Réalisé par : Chen Kaige (1952 - )
En : 1993, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Leslie Cheung (1956 - 2003), Gong Li (1965 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 171 mn, couleur

Critique perso :

A 10 ans, Douzi est abandonné par sa maman dans les coulisses de l'opéra de Pékin. Pour le faire accepter, elle a dû lui couper au couteau un petit doigt surnuméraire. Bientôt, on le force à chanter que (sans contrefaçon) il est une fille. Forcément, faut pas s'étonner après tout ça s'il a des problèmes d'identité sexuelle. Il devient, donc, chanteur d'opéra. Son rôle fétiche, c'est celui de la concubine malheureuse d'un roi. Son acteur fétiche, c'est le roi. Mais lui, hélas (l'acteur), lui préfère une vraie concubine. Bref, le coup classique des comédiens qui prennent le rôle de leur vie un peu trop à coeur. Mais, derrière les sentiments éternels, derrière la tradition immuable de l'opéra chinois, la vie politique de leur pays au XXème siècle connaît quelques rebondissements et coups de théâtre -qu'ils traversent comme des ombres. Fresque intimiste, mélo énorme ; à la largeur de son ambition.

Short Cuts

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 1993, USA
Acteurs principaux : Peter Gallagher (1955 - ), Jennifer Jason Leigh (1962 - ), Jack Lemmon (1925 - 2001), Andie MacDowell (1958 - ), Frances McDormand (1957 - ), Julianne Moore (1960 - ), Tim Robbins (1958 - ), Madeleine Stowe (1958 - ), Tom Waits (1949 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 187 mn, couleur

Critique perso :

Ca commence par une campagne de projection massive d'insecticide par hélicos (façon Apocalypse Now) et ça finit par un tremblement de terre. Bref, on est un peu comme dans Le Septième sceau : en sursis très provisoire de la colère du ciel. Que font les humains de L.A., en attendant ? Pas mal de bêtises. Ils s'agitent, s'énervent, vont à la pêche aux truites et aux coeurs, pleurent leurs amours perdues. Le temps de quelques heures, des secrets bien noyés referont surface, le petit Finnegan ne se réveillera pas... Altman met à nu ses personnages : depuis Nashville, on ne l'avait jamais vu aussi en forme avec autant de monde. Son incroyable montage réussit à ménager de multiples passerelles entre de multipes histoires. Plein de petites choses qui finissent par faire un grand film.

Forrest Gump

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Réalisé par : Robert Zemeckis (1952 - )
En : 1994, USA
Acteurs principaux : Tom Hanks (1956 - ), Gary Sinise (1955 - ), Robin Wright Penn (1966 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 142 mn, couleur

Critique perso :

L'Amérique telle qu'elle voudrait qu'on la voie : pas fut-fut, mais la meilleure en tout. Forrest Gump en est la conscience claire. 75 de QI, né sous le signe du KKK (Naissance d'une nation), ça ne l'empêche pas d'habiter la maison d'Autant en emporte le vent, d'apprendre à Elvis à danser le rock, de serrer la main de 3 présidents de la république américaine (au moins, contrairement à l'innocent de Bienvenue Mr. Chance, il ne leur fait pas une grosse impression !), de survivre à Apocalypse Now, d'inspirer "imagine" à John Lennon, de déclencher le Watergate et d'inventer le jogging. Un ange, à défaut d'être un crac. Evidemment, il y a bien sa copine Jenny qui, elle, se coltine avec le côté obscur de la mémoire nationale (sex, drog and R&R façon Hair ou Georgia), mais c'est pour mieux s'en repentir à la fin. Réac et charmeur, brillant et énervant comme l'Amérique. Comme un imbécile heureux qui est né quelque part.

J'ai pas sommeil

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Réalisé par : Claire Denis (1948 - )
En : 1994, France
Acteurs principaux : Béatrice Dalle (1964 - ), Alex Descas (1958 - ), Yekaterina Golubeva (1966 - 2011), Laurent Grévill (1961 - ), Line Renaud (1928 - )
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Paris la nuit comme un écosystème, la niche écologique naturelle de tous les déplacés, les déclassés, les déphasés, tous ceux qui ne devraient pas y être et qui y sont quand même. Par malchance, par amour ou par hasard, ce qui revient souvent au même. Pour tenir, ils ne se battent pas tous avec les mêmes armes (l'action, le charme, le silence ou le couteau, à votre guise), mais tous ils essaient. Ca ne réussit pas souvent, ou pas longtemps. Entre eux, ils se croisent beaucoup et se ratent encore plus. Avec eux-mêmes, c'est pareil. Claire Denis sait capter comme personne des corps, des décors et des ambiances, et comment tout s'assemble et se mélange. Les gueules et les atmosphères, c'est son créneau. Son film a le goût des nuits blanches amères et la texture des petits matins passés au javel.

Oublie-moi

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Réalisé par : Noémie Lvovsky (1964 - )
En : 1994, France
Acteurs principaux : Valeria Bruni Tedeschi (1961 - ), Emmanuelle Devos (1964 - ), Laurent Grévill (1961 - ), Emmanuel Salinger (1964 - ), Philippe Torreton (1965 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Elle s'appelle Nathalie, elle vit officiellement avec Antoine mais harcèle Eric, son ex, et cherche à coucher avec Fabrice, son rien du tout. Rien que des gentils garçons, pourtant. Elle veut tout, dit le contraire de tout et ne sait plus ce qu'elle veut. La parole est sa principale arme, elle s'en sert pour séduire et pour faire mal, mais elle se blesse au moins autant que les autres avec. Elle fait n'importe quoi et ne va sans doute pas fort, elle énerve même ses meilleures amies. Portrait virtuose de chieuse en majesté, de celles qu'on aurait du mal à supporter plus que le temps d'un film. Portrait aussi, par la même occasion, d'une nouvelle génération d'acteurs, de celle qu'on va adorer pendant les 20 années qui viennent. Noémie commence sans fard, par sa pilule la plus amère ; elle apprendra plus tard à napper ses déprimes du sucre de son humour.

Roseaux sauvages (Les)

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Réalisé par : André Téchiné (1943 - )
En : 1994, France
Acteurs principaux : Elodie Bouchez (1973 - ), Gaël Morel (1972 - ), Stéphane Rideau (1976 - )
Genre(s) : en France profonde /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Début des années 60, début de l'été, quand la lumière commence à envahir la campagne du sud-ouest. Pourtant, pas si loin, de l'autre côté de la mer, la France est en guerre. Ca préoccupe les hommes. Et par contagion, les ados qui préparent leur bac. Les roseaux souples du titre, ce sont eux. Ils font leur début en tout. Ils sont à l'âge où ils font connaissance avec le personnage qu'ils auront à jouer le reste de leur existence, et qui ne ressemble pas forcément à ce qu'ils imaginaient quelques années, quelques mois, quelques semaines auparavant. Ils passent A travers le miroir. Ils apprennent le maniement de nouveaux sentiments et de nouveaux mots. Ils en sont tout bouleversés. Nous aussi.

Trois couleurs : blanc

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Réalisé par : Krzysztof Kieslowski (1941 - 1996)
En : 1994, France
Acteurs principaux : Julie Delpy (1969 - ), Zbigniew Zamachowski (1961 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 91 mn, couleur

Critique perso :

Coiffeur pour dames polonaises archi-diplômé, Karol est devenu mari impuissant en France. Déchu, abandonné, il ne réussit à regagner son pays que d'un cheveu, caché dans une valise (c'était juste avant qu'on se rende compte que l'homme est devenu une marchandise...). Il se refait une santé et une fortune avec les moyens pas très nets du bord, et trouve un moyen pas très propre de faire revenir sa chère ex-épouse française chez lui (question de vie ou de mort). Il s'agit d'une histoire de couple mais aussi, bien sur, des relations entre l'est et l'ouest. Dans la trilogie, ce film-là est le plus politique. C'est aussi le plus drôle, ironique et grinçant. Epais et froid comme de la neige.

Land and Freedom

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Réalisé par : Ken Loach (1936 - )
En : 1995, Angleterre
Acteurs principaux : Ian Hart (1964 - ), Frédéric Pierrot (1960 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914) /épique pas toc
Caractéristiques : 109 mn, couleur

Critique perso :

Liverpool 1995 : un vieil homme meurt, ça n'intéresse pas grand monde à part sa petite-fille. Espagne, 1936 : le même, en plus jeune, militant communiste enthousiaste, vient offrir ses petits bras à la cause républicaine. Il rejoint le POUM, un groupe de prolétaires de tous pays unis dans la lutte, un peu anars, un peu révolutionnaires, rouges et noirs comme leurs foulards. Le problème, c'est qu'on ne fait pas une bonne révolution avec de bonnes intentions. Il faut aussi apprendre à utiliser des pétoires, à se méfier de ses alliés et à essayer de suivre les aléas des intérêts russes. Ken Loach est bien le seul à être capable de démèler dans un film les querelles crypto-trotkistes. Il est le seul à pouvoir faire sentir ce que frères d'armes veut dire. Il est le seul à filmer l'histoire comme un documentaire, et à voir dans les papys de son pays des héros pour la jeunesse d'aujourd'hui.

Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)

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Réalisé par : Arnaud Desplechin (1960 - )
En : 1996, France
Acteurs principaux : Mathieu Amalric (1965 - ), Jeanne Balibar (1968 - ), Marion Cotillard (1975 - ), Marianne Denicourt (1966 - ), Emmanuelle Devos (1964 - ), Chiara Mastroianni (1972 - ), Denis Podalydès (1963 - ), Emmanuel Salinger (1964 - ), Thibauld de Montalembert (1962 - )
Genre(s) : Paris /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 178 mn, couleur

Critique perso :

Dans mon album de famille de cinéma, mes grands-parents habitaient le village de Jour de fête. Mes parents ont bien connu Vincent, François, Paul et les autres. Et moi, j'ai fait mes études avec les zigottos de ce film, du genre à se nourrir de mots et à ne jamais s'arrêter de penser. On a fréquenté les mêmes librairies, discuté des heures dans les mêmes cafés, arpenté les mêmes rues et les mêmes allées des mêmes parcs parisiens. Et nul doute que si j'avais croisé Mathieu Amalric, normalien philosophe "nul avec les filles", je l'aurais trouvé craquant (comme 3 des filles du film). Le montage, brillant, multiplie les effets de mémoire. Et une voix off très littéraire (on la croirait sortie de chez Mme de la Fayette - ou de chez La Collectionneuse) parvient à donner une dimension épique et romanesque au quotidien de ces jeunes gens. Notre vie était donc si passionnante et on ne le savait pas !

On connaît la chanson

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1997, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - ), Jean-Pierre Bacri (1951 - ), Jane Birkin (1946 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), André Dussolier (1946 - ), Agnès Jaoui (1964 - ), Lambert Wilson (1958 - )
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Ce n'est pas une comédie musicale mais il y a des chansons, ou plutôt des morceaux de tubes de variété mimés en play-back par les acteurs. L'histoire ? Un vaudeville qui ne dit pas son nom, quelques péripéties dérisoires dans la vie d'une demi-douzaine de bobos parisiens plus ou moins névrosés-dépressifs, mais suffisamment bien éduqués pour faire bonne figure. En public, ils soutiennent des thèses ou causent crise du chômage ou de l'immobilier. Ils se font la cour à l'ancienne. Mais c'est Sylvie Vartan, France Gall ou Alain Bashung qui chantent sur la BO de leurs petits cinémas intérieurs. Resnais pose sur ce petit monde un regard d'entomologiste compatissant. Depuis Maupassant, on sait que le bonheur n'est pas gai -mais la dépression des autres, des fois, oui...

Aprile

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1998, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 78 mn, couleur

Critique perso :

En Italie comme ailleurs, il est de mauvais avrils -celui de 94, qui a vu l'élection d'un certain Berlusconi- et il en est de plus joyeux -la naissance de Pietro Moretti 1er, deux ans plus tard. Moretti-le père fait du cinéma. Pendant cette période, il hésite entre le documentaire sur l'état de son pays où l'appelle son devoir, et cette comédie musicale sur un pâtissier trotskiste des années 50, dont il rêve depuis Journal intime. Filmer les foules en manif ou son bébé en couches culottes ? Quella è la questiona ! Mais son art poétique, lui, est fixe -comme sa caméra- comme sa capacité intacte à s'énerver devant la lâcheté, le mensonge et les mauvais films américains. Autoportrait narquois en papa névrosé, journal à ciel ouvert, succulente gâterie "de gauche" d'un artisan-expert.

Thin Red Line (The) - Ligne rouge (La)

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Réalisé par : Terrence Malick (1943 - )
En : 1998, USA
Acteurs principaux : Adrien Brody (1973 - ), John Cuzack (1966 - ), Elias Koteas (1961 - ), Sean Penn (1960 - ), John C. Reilly (1965 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 170 mn, couleur

Critique perso :

Des hommes, des crocodiles et des grands arbres. On entend des chants indigènes qui ont l'air de souhaiter la bienvenue au paradis. Mais derrière la colline, un peu plus loin, il y a des japonais et des canons. C'est la guerre à Guadalcanal, Hollywood y a dépêché un bataillon de ses meilleurs représentants (mâles exclusivement). Ce sont des soldats qui, le matin en se rasant ou le soir au coin du feu, parlent du sens de la vie plutôt que de leurs photos de pin-up. Des hommes qui doutent, qui pensent donc qui sont. La ligne rouge, c'est sans doute celle qui les sépare de la nature. Ou de leur propre nature, de leur propre barbarie. Ou de leur propre mort. C'est la ligne à suivre pour aller derrière la colline. En tout cas, de celles qu'on franchit diffcilement, à contre coeur. C'est la ligne de l'ennemi, c'est son sang -ou le mien. Un film de guerre philosophique, beau, terrible et assez pompeux, comme il se doit.

Sweet and Lowdown - Accords et désaccords

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1999, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Samantha Morton (1977 - ), Sean Penn (1960 - ), Uma Thurman (1970 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Le plus grand guitariste du monde, bien sûr, c'est Django Reinhardt. Le deuxième, c'est Emmet Ray. Comme souvent les artistes (surtout chez Woody), Emmet est une perle d'art dans un corps et une tête de brute. A la guitare, certes, un demi-Dieu. Mais pour le reste, peu de centres d'intérêts présentables : la musique des nègres, les rats des décharges, les trains. Avec les femmes, il est tellement beau parleur que seules une muette et une cérébrale-intégrale arrivent à le supporter. Surtout qu'il n'est que le deuxième plus grand guitariste du monde après Django Reinhardt. Alors, il lui reste l'argent, les fringues et les belles voitures. La frime et la belle vie, pendant que, dans ces années-là, tout le monde rame. Il lui reste aussi un rêve d'Hollywood et quelques espoirs décus. Lui qui ne sera jamais que le deuxième plus grand guitariste du monde après Django Reinhardt.

Vie ne me fait pas peur (La)

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Réalisé par : Noémie Lvovsky (1964 - )
En : 1999, France
Acteurs principaux : Jean-Luc Bideau (1940 - ), Nelly Borgeaud (1931 - ), Valeria Bruni Tedeschi (1961 - ), Daniel Ceccaldi (1927 - 2003), Emmanuelle Devos (1964 - ), Julie-Marie Parmentier (1981 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Elles sont quatre copines de lycée, pour la vie évidemment. A cet âge-là, tout ce qu'on dit est fait pour qu'on y croie soi-même, comme le titre performatif le laisse entendre. Elles voudraient bien, donc, ne pas craindre ce qui les attend dans la vie, elles en attendent beaucoup, mais ne savent pas quoi. C'est long, la salle d'attente des années lycées. Les parents n'y comprennent pas grand chose, les garçons sont mignons mais un peu cloches, les hommes sont un peu trop vieux, la musique est trop forte. En quelques mois, quelques années, elles vont apprendre à faire connaissance avec elles-mêmes. Noémie en a visiblement été si marquée que, plus tard, elle aura encore envie d'y retourner, pour n'y pas changer grand chose. C'est là sans doute, qu'elle a trouvé la recette de ses meilleurs films à venir.

Faute à Voltaire (La)

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Réalisé par : Abdellatif Kechiche (1960 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Sami Bouajila (1966 - ), Elodie Bouchez (1973 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 130 mn, couleur

Critique perso :

Jallel est un étranger sans papiers à Paris. Un passager clandestin de la vie. Au début, il fait mine. D'être quelqu'un d'autre. Petits boulots, gros sacrifices. Il touche presque du doigt l'objet de son désir : une femme, un statut, des papiers, le gros lot. Presque. En fait, c'est là qu'il perd tout. Détour par la case hôpital psy, tout à refaire. Il n'a plus envie de rien mais ce sont les autres (surtout une autre) qui vont avoir envie de lui. Alors, c'est son corps qui va le reconquérir. Lui permettre de retrouver son équilibre au milieu du déséquilibre. De réapprendre à marcher, quoi. Jusqu'à ce qu'un jour, à la station de métro Nation on lui fasse comprendre qu'il n'est toujours pas le bienvenu... C'est un film du genre râpeux, pas cool, pas sympa, pas marrant. Pas feelgood du tout. Avec des scènes trop longues et quelques éclairs de fraternité cabossée. Un film de passager clandestin de la vie, comme tout le monde.

Goût des autres (Le)

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Réalisé par : Agnès Jaoui (1964 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Anne Alvaro (1951 - ), Jean-Pierre Bacri (1951 - ), Alain Chabat (1958 - ), Agnès Jaoui (1964 - ), Gérard Lanvin (1950 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

Les préjugés, aveuglements et petites intolérances sans conséquences sont les défauts du monde les mieux partagés, et n'épargnent ni les chefs d'entreprise ni les artistes. C'est sur cette idée simple qu'Agnès Jaoui a bâti son film en prenant soin -ce qui est beaucoup moins simple- de donner sa chance à chacun de ses personnages. Et ils sont nombreux, les personnages ! Tout un microcosme, et quelques lieux clés (un café, une entreprise) où les identités sociales se croisent à défaut de se rencontrer. Il faut des agents doubles (une actrice prof d'anglais pour arrondir ses fins de mois, un ancien flic garde du corps) et un peu d'art aussi (la peinture, le théâtre) pour briser l'étanchéité des univers où chacun évolue. Des rôles taillés sur mesure dans un scénario de haute couture : de la belle et réjouissante ouvrage !

Ville est tranquille (La)

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Réalisé par : Robert Guédiguian (1953 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Ariane Ascaride (1954 - ), Jean-Pierre Darroussin (1953 - ), Gérard Meylan (1952 - ), Julie-Marie Parmentier (1981 - )
Genre(s) : en France profonde /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 89 mn, couleur

Critique perso :

La ville, c'est Marseille. Et tranquille, ce n'est pas précisément l'adjectif qui surgit spontanément quand on pense à elle. Et pour cause ! S'y croisent des politiciens corrompus, des retraités mafieux, des petits postulants fascistes, un tueur à gages, quelques prostituées junkies et des ouvriers en rupture de travail ou de syndicats... La faune, a priori, n'y est donc pas particulièrement attrayante. Sauf que, sauf que, ce sont les mêmes, ou leurs très proches, qui sont aussi capables d'expérimenter le sacrifice maternel, l'accueil de l'étranger, l'ouverture à l'art des plus démunis et l'indéfectible fidélités des anciennes amours... Ironique et contradictoire, ce portrait collectif s'impose par sa complexité, son énergie désespérée et son humanité.

Yi Yi

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Réalisé par : Edward Yang (1947 - 2007)
En : 2000, Taiwan
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 170 mn, couleur

Critique perso :

Il y a des films qui nous rappellent qu'on a des membres de sa famille qui vivent aux antipodes - que peut-être, même, c'est nous qui y vivons. Toutes les étapes d'une vie en un peu moins de 3h : les apprentissages, les découvertes, les déceptions, les compromis, les détours capricieux du destin qui jamais, pourtant, ne repasse deux fois exactement au même endroit. Et tout ça, dans quelques jours de la vie de N.J., cadre dans une société d'informatique qui ne se porte pas très bien (ni le cadre ni la société, d'ailleurs). La technique ne peut rien contre la mélancolie des hommes -sauf quand elle donne naissance à un cinéma aussi sublime.

Gosford Park

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 2001, USA
Acteurs principaux : Alan Bates (1934 - 2003), Helen Mirren (1945 - ), Kristin Scott Thomas (1960 - ), Maggie Smith (1934 - ), Emily Watson (1967 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

Les voitures sont de 1930, le manoir et ses meubles sont victoriens, ses occupants le temps d'un week-end de la plus haute lignée du genre homo britannicus. Il y a une armée de domestiques, aussi, mais à l'étage au dessous. Les infos, les services, les frustrations et les désirs circulent dans tous les couloirs et tous les escaliers, de bouche à bouche et de mains en mains, de haut en bas et de bas en haut. Ca mange et ça parle, aussi. Le maître de céans a tellement d'ennemis dans la place qu'il réussit à se faire assassiner plusieurs fois... On dirait parfois le script de La Règle du jeu rewrité par Agatha Christie. A d'autres, c'est un ballet de marionnettes en maison de poupées grandeur nature. Tout le temps, c'est une caméra en liberté dans une prison dorée.

25th Hour - 24 heures avant la nuit

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Réalisé par : Spike Lee (1957 - )
En : 2002, USA
Acteurs principaux : Edward Norton (1969 - ), Barry Pepper (1970 - ), Philip Seymour Hoffman (1967 - 2014)
Genre(s) : New York - New York /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 135 mn, couleur

Critique perso :

Monty, ex-dealer flambloyant dénoncé aux stup', a 24h de liberté devant lui. Après, il aura droit à 7 ans de réfexion derrière les barreaux. Il lui reste une copine magnifique, un père, un chien, des chefs. Quelques comptes à régler, avec les autres et avec lui-même. Ses deux principaux potes d'enfance s'en sont apparemment mieux sortis, mais ils se cognent aussi à leurs propres lignes blanches. Pas de Place au soleil pour tout le monde. Petits arrangements avec la tentation. Transgressions et conséquences. New-York, amputée de ses tours, a la même gueule de bois que ses héros. Après la flambe, retour à (Ground) Zero. Premier grand film post-trauma, sur les erreurs d'aiguillage et les aubes amères.

Chicago

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Réalisé par : Rob Marshall (1960 - )
En : 2002, USA
Acteurs principaux : Richard Gere (1949 - ), John C. Reilly (1965 - ), Renée Zellweger (1969 - ), Catherine Zeta-Jones (1969 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en avant la musique /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 113 mn, couleur

Critique perso :

And now, ladies and gentlemen : le show ! C'est-à-dire le film, c'est-à-dire la vie en mieux. En Amérique, c'est là la mesure de toutes choses : de la justice, de la presse, du bizness. Brillante illustration dans le Chicago des années 20, sous le signe du Magicien d'Oz, de Cukor et de Minnelli, qui nous ont appris à faire chanter nos rêves. Chiche, donc : fantasmes à gogo sous forme de montage parrallèle généralisé, pour illustrer les rêves de starlette de Roxy Hart, la jolie meurtrière emprisonnée. Un peu des Hommes préfèrent les blondes, beaucoup de Cabaret (hommage à Bob Fosse, créateur du spectacle, oblige), une tonne de paillettes. Et le pire arrive forcément : le show (c'est-à-dire le rêve) devient réalité. Must go on...

Frida

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Réalisé par : Julie Taymor (1952 - )
En : 2002, USA
Acteurs principaux : Antonio Banderas (1960 - ), Salma Hayek (1966 - ), Alfred Molina (1953 - ), Edward Norton (1969 - ), Geoffrey Rush (1951 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 123 mn, couleur

Critique perso :

Peinture à l'hollywoodienne de la plus mexicaine des peintres. Frida Khalo est au Mexique ce que Diego Rivera fut un moment pour elle : une idole (après, elle l'a épousé). Sa vie est un roman, il n'y manque pas une touche de musique, pas une note de couleur, pas un parfum de mythe. Rockefeller, Breton et Trotsky font de la figuration, King Kong passe dans le décor. De la souffrance, de l'amour et encore de la souffrance. Le biopic est un peu épicé, mais pas trop. La douleur est sur l'écran, qui fait tout de même un peu écran à la douleur. Des petites tentatives timides pour mettre de la vie dans le tableau, en rendant vivants les tableaux. Mais ces toiles, pour ce qu'on peut en voir, gagnent fastoche le match de l'intensité dramatique avec la peinture hollywoodienne.

Meglio gioventù (La) - Nos meilleures années

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Réalisé par : Marco Tullio Giordana (1950 - )
En : 2003, Italie
Acteurs principaux : Alessio Boni (1966 - ), Luigi Lo Cascio (1967 - ), Maya Sansa (1975 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 400 mn, couleur

Critique perso :

Mon film préféré de l'année 2003 : 6h, 40 ans de vie (des années 60 à nos jours) , un pays (l'Italie), une famille. Italienne, donc, certes, mais dont les membres préfèrent les livres et les voyages au football et à la télé. Une famille sur plusieurs générations : évidemment il est, au bout du compte, beaucoup question de transmission, d'héritage, de mémoire. L'esprit du temps et le vent du destin soufflent en coulisse. Le secret des meilleurs récits, de ceux qui font sens, c'est de tisser un réseau de rimes, de connexions, de fils qui relient les faits, les gestes et les êtres à travers le temps et l'espace, c'est d'entrelacer les vies individuelles avec les événements historiques, Stromboli , Rocco et ses frères et la musique des Parapluies de Cherbourg. Tel pas de porte plusieurs fois le décor d'un dernier adieu, tel voyage commencé par l'un et fini par un autre, une génération plus tard, telle rencontre qui mettra 20 ans à prendre sens. Ce film a un tissage tellement subtil qu'il se confond sans peine à la trame de nos propres souvenirs. Si le cinéma est un songe, nous sommes tous fait de l'étoffe de ce songe-là.

Aviator (The)

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Réalisé par : Martin Scorsese (1942 - )
En : 2004, USA
Acteurs principaux : Alan Alda (1936 - ), Kate Beckinsale (1973 - ), Cate Blanchett (1969 - ), Willem Dafoe (1955 - ), Leonardo DiCaprio (1974 - ), Ian Holm (1931 - ), Jude Law (1972 - ), John C. Reilly (1965 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /portrait d'époque (après 1914) /épique pas toc
Caractéristiques : 170 mn, couleur

Critique perso :

20 ans dans la vie d'un homme et dans l'histoire d'Hollywood. Le type s'appelle Howard Hughes, et il a deux passions qui ont à peu près le même âge que lui : les avions et le cinéma. Et les femmes, mais pas n'importe lesquelles : Jean, Kate, Ava... entre (beaucoup) d'autres. Ca doit être too much pour un seul homme : Howard est un cinglé en surcis. Comme dans tous les films américains, il prend ses décisions debout, en parlant très vite et en fronçant à peine le sourcil. Comme dans tous les films de son auteur, il est aussi un ange déchu qui dégringole (deux fois) du ciel (la deuxième fois, son coeur passe à droite, ce qui est très mauvais signe). Scorsese, lui a une seule passion : le cinéma. Et les femmes. Dans ce miroir par procuration, plein de guest stars rêvées, il se cherche une famille et trouve surtout toutes les névroses qui vont avec.

Promeneur du champ de Mars (Le)

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Réalisé par : Robert Guédiguian (1953 - )
En : 2005, France
Acteurs principaux : Michel Bouquet (1925 - ), Jalil Lespert (1976 - )
Genre(s) : Paris /en France profonde /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 117 mn, couleur

Critique perso :

C'est un vieil homme que tout le monde appelle "M. Le Président". On dirait que Mitterrand lui ressemble. Il vit dans les ors de son Palais. Il est amoureux de l'éternité. Et puis, il y a un jeune homme, aussi. On dirait qu'il ressemble à tout le monde. Il vit dans les tracas de la banalité. Il est amoureux du vieil homme, qui lui fait l'honneur de quelques-unes de ses paroles. Le dernier Roi de la Vème République se meurt. Il pontifie, donne des leçons de séduction, joue la coquette et l'érudit qu'il était. Le jeune homme écoute, enquête, encaisse, n'arrive pas à jouer au méchant qu'il n'est pas. Comme lui, Guédiguian (ex-militant communiste proclamé) ne peut s'empêcher d'avoir de la tendresse pour le vieil homme (il envoie sa fille lui faire la bise). Hommage de l'idéaliste au pragmatique qu'il n'a pas eu envie d'être.

Caimano (Il) - Caïman (Le)

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 2006, Italie
Acteurs principaux : Margherita Buy (1962 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Silvio Orlando (1957 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

C'est le film où Nanni fait le tour de ses meilleurs ennemis. D'abord, il se déguise en son contraire : un ex-producteur de nanars anticommunistes, un has been névrosé, incompétent, fauché et en retard d'une ou deux époque(s). Aussi papa en instance de divorce, mais ça, ça le rendrait plutôt sympathique, c'est par là que Nanni pourrait bien ne pas être si différent. Pour brouiller les pistes, il se regarde aussi dans le miroir d'une jeune postulante cinéaste aussi motivée que stressée par sa propre ambition. Le genre citoyenne concernée, altère egotte en plus jeune et moins blasée. Enfin, il affronte sa bête noire, l'espèce d'hydre bronzé à la tête d'à peu près tout en Italie. Il lui pique son texte, le dé-joue et le dé-sincarne en lui otant tout folklore. Et là, ça ne fait plus rire du tout. Autoportrait en négatif, en creux et en décalé. C'est en s'éloignant de lui-même que Moretti s'en rapproche le mieux.

Across the Universe

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Réalisé par : Julie Taymor (1952 - )
En : 2007, USA
Acteurs principaux : Bono (1960 - ), Jim Sturgess (1978 - ), Evan Rachel Wood (1987 - )
Genre(s) : New York - New York /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 133 mn, couleur

Critique perso :

Fin des années 60 : un petit gars de Liverpool à la recherche de son paternel se décide à traverser l'Atlantique pour le retrouver. Personne ne l'attend, lui, à l'arrivée. Mais il tombe sur une bande d'étudiants en plein trip contre la guerre du Vietnam. Ils s'installent à New York et commencent, presque sans bouger, un Magical Mystery Tour (qui ne figure pourtant pas dans la BO) dans l'Amérique flower power, à la rencontre entre autres d'un certain (I am the) Walrus et d'une certaine (Dear) Prudence. Ils sont bourrés d'idées et d'idéaux (comme la mise en scène), en quête de Revolution et en quête d'eux-mêmes. Hey Jude (ben oui, c'est comme ça qu'il s'appelle), faudra quand même patienter un peu avant d'envoyer Lucy (ben oui, c'est comme ça qu'elle s'appelle) in the Sky... La musique de Quatre garçons dans le vent comme mode d'emploi (les sons, les couleurs et le saint esprit) de toute une époque. Un coup à vous faire regretter de ne pas être né au bon moment.

Persepolis

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Réalisé par : Marjane Satrapi (1969 - )
En : 2007, France
Genre(s) : animation /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 96 mn, NB/couleur

Critique perso :

Elle a connu deux guerres, une révolution et quelques morts, mais son coeur de punk-hard-rockeuse is not de(a)d. Waouh, balaise. Elle s'appelle Marjane, elle est iranienne, française, rebelle, chieuse, artiste et pas mal d'autres choses encore. En lignes et en traits, en noir et en blanc (et un peu en couleur), en chair et en os, et toujours en énergie bouilonnante. C'est pas très original ça, au cinéma, l'éducation d'une jeune fille, de 5 à 25 ans : une famille, des amis, des amours, toujours pareil. Sauf quand la fille est tout de même plus vivante que la mort qu'elle rencontre, plus drôle que la tragédie qu'elle effleure, plus intéressante que la vie qu'elle n'aura pas en restant chez elle peinard. A la hauteur, finalement, de la Grande Histoire qu'elle cotoie, et de la sienne. Waouh, balaise.

Se, jie - Lust, Caution

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Réalisé par : Ang Lee (1954 - )
En : 2007, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Tony Leung Chiu Wai (1962 - ), Wei Tang (1979 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 157 mn, couleur

Critique perso :

Shanghai et Hong-Kong, début du XXème siècle, alors que la Chine est occupée par les japonais. Comme toujours dans ces cas-là, il y a des collabos et des résistants. M. Yee est un collabo de haut rang très très méchant et très très séduisant, un tortionnaire en chef et un homme raffiné qui a le charme noir de Tony Leung. Le rôle des résistants très très gentils qui veulent le tuer est pris par une troupe de comédiens amateurs, nationalistes et idéalistes, et par leur jeune première ingénue, la jolie Wong Chia Chi. Pour faire illusion, elle va devoir passer pro et donner -de plus en plus- de sa personne. Quand elle joue au Mah-jong avec les amies de Mme Yee, elle joue à jouer au Mah-Jong -ce qui nuit d'ailleurs sensiblement à ses performances dans ce jeu. Avec M. Ye, elle joue carrément avec le feu -en improvisant pas mal sur les règles... Avec ce Lorenzaccio érotique, l'éclectique Ang Lee refait le coup du caméléon mal dans sa peau, du taiseux dont le corps menace sans cesse de dévoiler ce que l'esprit s'acharne à dissimuler. Quelque chose à cacher, M. Lee ?

Plages d'Agnès (Les)

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Réalisé par : Agnès Varda (1928 - )
En : 2008, France
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Agnès, mamie-pas-gâteau du cinéma français vient d'avoir 80 balais (dont quelques balayettes). Elle les raconte à sa manière, inventant par la même occasion de genre de l'auto-docu-fiction-bio-pic. Faut dire qu'elle a eu une vie exceptionnelle : des rencontres, des voyages, de la création top niveau. Tout cela est illustré à la fois très littéralement (on remonte le temps ? je marche à l'envers), très métaphoriquement (j'égrène le sable, j'envoie des trapèzes volants sur la plage) et de façon très éclatée (façon puzzles, façon miroirs, façon patchwork). Avec une malice de vieux matou, la voilà qui se déguise (en charbonnier ou en patate), se reconstitue (en petite fille ou en jeune artiste), se réinvente (en mère abandonnée et en femme libre). Elle tape l'incruste dans des tableaux célèbres (Picasso, Magritte), ou invite ses potes arty (Calder, Jim Morrison, Chris Marker et un certain Jacquot) dans les siens. Des vieilles dames indignes comme ça, on en voudrait bien pour grand-mère ou comme petite-fille !

Serious Man (A)

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Réalisé par : frères Coen
En : 2009, USA
Acteurs principaux : Fred Melamed (1956 - ), Michael Stuhlbarg (1968 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 106 mn, couleur

Critique perso :

Années 50. Larry Gopnik a toujours été un serious man : bon mari, bon père, bon prof (de physique à la fac), bon soutien de famille (pour son frère largué), bon juif… bref, parfait bon américain moyen de ville moyenne. Et voilà que tout ce qu’il a patiemment construit au cours de sa bonne vie semble se dérober : sa femme se tire avec un collègue bien plus âgé, ses enfants lui échappent, ses étudiants contestent leurs notes, ses voisins se comportent bizarrement, sa santé vacille… En fait, tout devient incertain et ambigu, et même les rabbins n’y peuvent rien. Pourtant, décrypter les signes et les équations, c’est ce que la science et la religion lui ont toujours garanti. Capter les ondes du ciel, avec la Torah ou les antennes de son toit, ça a toujours semblé facile. Mais là, ça coince. Maintenant, c’est le Principe d’incertitude, qu’il enseigne dans ses cours, qui prend le dessus. On ne sait toujours pas si le chat (ou le dibbouk) de Schrödinger est mort ou vivant, c’est dire. Et de la théorie à la pratique, il y a décidément une vie. Et un film. Drôle et profond.

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