Ils ne pensent qu'à ça -mais n'en montrent jamais rien. Ils ne parlent que de ça -sans jamais rien en dire. C'est un peu comme les politiciens de cette époque, qui ne parlaient jamais de guerre non plus avec Hitler. De quoi est-il question, alors ? De tuyauterie, de bonnes manières. De ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Par exemple, qu'il n'est pas très correct pour une jeune fille de s'occuper de la plomberie. Et que si un homme ose s'intéresser aux domestiques, c'est qu'il a au moins l'excuse d'être un dissident tchèque. Et que rien d'intéressant n'arrive si on ne fait jamais rien de pas correct. On sent le maître qui sourit derrière chaque sous-entre-entendu, jubile derrière chaque geste subtilement incongru. Et cligne de ses yeux malins derrière les paupières de sa caméra.
Dans un riche ranch du Sud -façon Autant en emporte le vent, quelques années avant-, vivent un vieux sénateur réac et impotent, sa femme qui a tout le temps l'air de pleurer en silence, et leurs deux fils : le gentil progressiste et le séduisant vilain garçon. On leur met dans les pattes une jolie métisse -lointaine cousine à secourir. Et plein de beufs et de chevaux à déplacer, surveiller et dresser. Avec de telles bases, il ne faut pas s'attendre à beaucoup de nuances : de la passion et des coups de feu. Comme dans l'incroyable duel final, qui conjugue l'amour et la mort dans un bain de poussière et de soleil. Un joyau de sang dans un monde de brutes.
Un port italien après la guerre, cuit à l'étouffé. Un yankee désabusé, flanqué de trois complices pas tout à fait à la hauteur et d'une brune épouse explosive, fait la connaissance d'un couple de faux aristocrates so british avec qui il doit voyager. Ca s'observe, ça s'agite, ça se raconte des histoire. Ca cause chateaux en Espagne et uranium en Afrique. Les femmes et les mensonges circulent un peu trop vite. La pompe à récit déraille parfois autant que celle du bateau pourri censé les accueillir à son bord (dès que le capitaine aura déssoulé). Que vont-ils donc faire dans ce raffiot ? Se raconter d'autres histoires, of course. Un African Queen pour rire, hommage à la fiction qui ne mène nulle part et au plaisir du voyage immobile dans un bateau ivre.