On ne change pas une famille qui gagne. Vous voulez la suite ? Vous aurez le préquel (30 ans avant) et le séquel (5 ans après) pour le même prix ! Histoire de bien comprendre comment, en deux générations, on passe du petit racket de quartier à l'escroquerie grandeur nature (en l'occurrence, le pillage en règle de Cuba). Le crime organisé vit sa révolution industrielle, en quelque sorte. Michaël a pris la place de son père, et il s'en montre digne. Le plus dur -le baptème du sang inaugural- a déjà eu lieu dans l'épisode précédent. Mais la famille n'est plus ce qu'elle était : le frangin restant n'est pas le plus brillant, la frangine ne sait pas ce qu'elle veut, et Kay ose dire qu'elle n'est pas contente. On ne peut même plus compter sur les politiciens, qui envoient Michaël en commission d'enquête. Grandeur et décadence du crime business, apogée flamboyante du murder show.
45-57 : quelques années dans l'histoire de la musique américaine. Quelques années dans l'histoire de l'âge d'or du musical. Quelques années dans la vie d'un couple désaccordé : une chanteuse à chignon et un fanfaron du saxo. Il fonce, elle dit non, elle cède. Il exagère, elle craque. Ils sont passionnés tous les deux, mais de musique avant toute chose -et pas de la même. Robert en impose en roi de l'impro toujours en mouvement, insupportable et charmeur. Liza épate dans le rôle de sa mère qui tournerait dans un film de son père. En Amérique aussi, tout finit par des chansons -même l'amour. Une tragédie en notes et en néons ; le brouillon ou le remake d'un film musical idéal qui n'existera jamais.
Raging bull est une bête, un taureau : c'est un boxeur -le genre poids lourd et cervelle plume. Il doit tout à ses poings : son argent, sa gloire, sa femme. Mais qui a vécu par les poings périra par les poings... Alors, parce que rien ne lui a jamais résisté, peut-être, il se laisse un jour démolir sur un ring sans réagir. Rédemption, rédemption... Un boxeur sans ses poings, ça ne peut que devenir un manager de cabaret gras et vulgaire. Qu'importe, lui, au moins, sait ce dont il est capable. De Niro, plus génial caméléon que jamais, incarne ce type à la recherche de son âme : il arriverait presque à me faire aimer la boxe, c'est dire !
Années 80, New-York, USA. Le culte aux alouettes du moment, c'est le talk-show télé mâtiné de stand-up. Son pape s'appelle Jerry, son plus fidèle adepte Rupert Pu(m)pkin. Rupert est un fan fou furieux, à tendances monomaniaques insistantes. Imposteur chieur, mythomane insupportable et content de lui, génial peut-être. Il rêve d'être Jerry à la place de Jerry. Et pour cela, il bosse dur : il s'entraine à faire la bise à Liza, à rire au bon moment aux blagues de ses invités, à affronter avec sérénité les applaudissements les plus déchainés... seul, au fond de sa cave, telle une citrouille qui croit se transformer elle-même en carrosse. Or, il ne faut jamais contrarier une citrouille mythomane, ça la rend capable de réussir... Portrait amer des enfants perdus de la télé, New-York, années 80, et partout ailleurs depuis.
Noodles fume de l'opium. Non pas pour oublier, mais pour se souvenir d'oublier éternellement. Oublier éternellement sa jeunesse de James Cagney, apprenti parrain sur les trottoirs de New-York. Oublier Deborah, celle qu'il a toujours aimé, celle qui n'a jamais voulu de lui. Oublier Max, celui qu'il a toujours aimé, celui qu'il a trahi. En fait, ce qu'il ne lui pardonnera jamais, à Max, c'est qu'il est encore plus fort que lui : Max, il a réussir à trahir une trahison. En quelques décennies, il en est passé du sang sous le pont de Brooklyn. Oublier éternellement que la clé du coffre est restée cachée dans le balancier de la pendule, comme toujours, même si le magot s'est envolé. La version western du mythe de l'ouest était une histoire de vengeance. La version noire, c'est une histoire de vengeance contre soi-même. Noodles en rit encore.
Je ne sais pas si Terry Gilliam avait entendu parler de l'effet papillon. Lui, en tout cas, a inventé l'effet moustique. C'est un stupide moustique écrasé tombé sur un listing qui est le point de départ cataclysmique de ce film. Fatal engrenage parce que, dans le monde de Brazil, les papiers, les machines et les tuyaux sont bien plus importants que les hommes : un moustique, et tout peut dérailler. D'ailleurs, tout déraille. Au fait, où et quand ça se passe ? Bonne question ! Il y a des gens qui travaillent (plus ou moins), des riches qui se pavanent et des pauvres qui rament, des faux-culs, des clandestins et des fonctionnaires. Donc c'est à peu près comme ici et maintenant et toujours -mais en pire. Ce monde-là, on ne l'a jamais vu nulle part mais on a l'impression de le reconnaître tout de suite. C'est par où la sortie ? Alors là, pas de bonne réponse. Essayer la musique et le rêve, à tout hasard.