Les Amberson sont les rois de leur quartier. Ils vivent dans une maison qui ressemble à une cathédrale gothique. Mais, dès le début du film, leur splendeur s'écrit déjà au passé antérieur : le père a été riche, la fille capricieuse. Elle a préféré à son fiancé fantasque un mari à tête de comptable. Leur fils est devenu le vieux con le plus jeune de ville. Le récit au présent se focalise sur sa confrontation avec l'ex-fiancé fantasque, de retour au pays, en passe de devenir le vieux monsieur le plus jeune de la ville. On dirait la vieille histoire du chêne et du roseau, dans la tempête de l'histoire. Les personnages de cette histoire entretiennent d'ailleurs tous avec un grand raffinement l'art de se gâcher mutuellement la vie -et de rater la leur. Les acteurs sont suivis à la culotte, par une caméra à hauteur de nombril. Tourné par Welles (Mr. Amberson, c'est lui ?), relifté par Wise : on dirait un grand fim aux ailes coupées.
Disons pour simplifier qu'on aurait affaire à une relecture post-western un peu trash et très ironique du "laboureur et ses enfants" : une histoire de glandus au bout du rouleau qui s'improvisent chercheurs d'or au Mexique, à la suite d'un vieux briscard. Ils ont été chauffés à blanc par la misère, mais c'est une fois le filon déniché que le plus dur commence. Ils doivent patauger dans la boue sous un soleil de plomb, rester discrets, planquer leur récolte, se méfier de tout le monde. Ils sont quatre, comme les trois mousquetaires, mais avec des armes à feu et des bandits à sombreros aux trousses. Et puis, à force de fouiller la terre, ils se creusent en eux-mêmes d'insondables boyeux creux. Ils pillent si bien qu'ils se retrouvent avec l'âme toute rabottée : à la fin, on a l'impression de voir les leur toute nues (et celle de Bogart est pas belle à voir). Il y a des hommes qui ne valent sans doute pas leur pesant de pépites. Le film, oui.