Au moment de sa sortie (j'étais jeune), j'avais adoré. Evidemment, maintenant que je vois les sources (Boulevard du Crépuscule, Sueurs froides, Le Mépris entre autres, et quelques poèmes) et les coutures (tout arrive 2 fois, comme dans Little Big Man), ça m'impressionne moins. N'empêche, l'idée de départ est formidable : le héros, Toto von Chickensoup, belge pur frites, est persuadé d'avoir été échangé à sa naissance, et d'avoir donc vécu une vie qui n'était pas faite pour lui. Il a le complexe de l'imposteur à l'envers, il se sent déguisé malgré lui en type banal. Il faut dire que son horloge interne s'est arrêtée quand il avait sept ans, pour le punir d'avoir un peu trop aimé sa grande soeur. Cette histoire d'une vie sans histoire - et sans vie - a le charme et la maladresse d'un conte pour ceux qui n'ont jamais appris à faire la différence entre leurs rêves et leurs souvenirs.
Quelque part au Nord : une usine avec des (femmes) ouvrières et quelques (hommes) patrons. Un jour, elle n'est plus là, elle est partie faire sa grande migration vers l'Est. Une seule solution : se venger du patron. Une ouvirère lambda, pas plus à l'aise pourtant avec le français qu'avec le grec, se charge de dénicher le tueur à gages idéal. Et elle le trouve, même s'il est un peu fauché tendance mégalo. Elle s'appelle Louise, il s'appelle Michel - à moins que ce ne soit le contraire. Mais les patrons ont une facheuse tendance à se délocaliser aussi vite que leurs usines. Le contrat tourne alors au road-movie artisanal. Les plans sont presque fixes mais, comme les personnages, ils cachent presque toujours quelque chose. Et le film est tellement anar qu'il mélange et inverse tous les genres. C'est de la tragédie poilante, du thriller trash, de la romance désespérée. On en ressort en se sentant tout propre, comme un gant de toilette retourné.