Dans les caves de l'Opéra de Paris, parfois, une ombre sort de l'ombre. Elle terrorise les danseuses en tutu, trucide quelques machinos et hypnotise la belle Catherine, doublure de diva, de derrière le mur de sa loge. Une fois, pour montrer qu'elle n'est pas contente, elle fait tomber le lustre de la grande salle sur les spectateurs. En fait, l'ombre s'appelle Eric. La plupart du temps, il vit au 6ème dessous, mais il ne dédaigne pas hanter les toits, si besoin. Des fois, il se déguise en Mort - pas besoin de se forcer beaucoup, d'ailleurs. En ce moment, on joue Faust, ça doit être son opéra préféré. N'y tenant plus, il kidnappe la belle Catherine pour lui donner des leçons de solfège (au 6ème dessous). Le reste appartient à la légende gothique du lieu, et du cinéma.
Le Deus ex-Machina de cette histoire est invisible et immortel, et c'est le maître du monde. Il a son temple (la Bourse), son clergé (les banquiers) et ses adorateurs (les boursicotteurs et les cocottes). Il y a bien quelques bizarres excentriques qui prétendent ignorer son culte : cet aviateur Hamelin, par exemple. Mais, même lui, il lui doit quelques courbettes pour espérer réaliser sa traversée de l'Atlantique. Saccard est de ceux qui ont le pouvoir de réaliser ce genre de rêve. Quand sa banque prend l'eau, il spécule sur la vie des hommes et sur la corruptibilité des femmes. Le film est comme un grand monopoly grandeur nature (superbe plateau !) où les plus fidèles du Maître ont toujours un coup d'avance. Vous croyiez encore qu'il a fallu une bonne crise pour soupçonner que les dés du capitalisme sont peut-être un peu pipés ? Que la mondialisation du fric a attendu la fin du XXème siècle ? Les bonnes blagues...
Guignol nous avertit : ce n'est pas un "drame social" ni une "comédie morale", et il ne faudra y chercher aucune leçon. On y verra juste, en effet, les méfaits de l'argent sur l'amour -et de l'amour sur l'argent. On y compatira aux malheurs d'un petit monsieur nommé Legrand, au coeur trop grand pour le portefeuille. On y croisera une poule dans une peau de vache, une chienne déguisée en fleur. On y rencontrera Dédé, batteur de pavé innocent aux mains sales. Pas un qui n'ait bradé son coeur dans le grand bazar des sentiments illusoires. Et Renoir qui crée quasiment le genre noir (un certain Fritz Lang s'en souviendra dans La Rue Rouge...).
Boudu, clodo un rien dépressif depuis que son chien l'a laché, a la bonne idée de se jeter dans la Seine juste sous les yeux de M. Lestingois, brave bougeois progressiste (c'est-à-dire qui aime les livres et trompe sa femme avec la bonne). Sauvé des eaux, l'anar pratiquant rencontre donc son théoricien : l'humaniste compatissant. Il s'incruste, fait preuve de bonne volonté pour s'adapter aux usages de la maison, et de désirs pressants auprès des dames qui y vivent. Sur une chanson populaire, la douce contagion du plaisir gagne du terrain. Avec lui, tout peut arriver. Mais, au bout du compte, Boudu sera le seul fidèle à lui-même : prophète hédoniste, inculte incurrable, bon à rien professionnel. Insaisissable, comme l'eau d'où il vient et où il retourne. D'ailleurs, il se réincarnera bientôt en marinier insubmersible. Mais c'est une autre histoire.
Lily a été élevée -si on peut dire- à la dure. Son papa tient une espèce de bistrot, mais il tire surtout ses clients, et ses revenus, des beaux yeux -et de la jolie silhouette- de sa fille. Il y a tout de même, parmi les clients, des gens qui savent lire. Y'en a même un à l'accent allemand qui offre à Lily "La volonté de puissance" pour la draguer, c'est dire (un nietzschéen revendiqué dans un film américain ? on hallucine...). Un fois le papa parti brûlé en enfer, c'est le moment pour Lily de trouver une situation à la hauteur de ses talents. Direction New York, donc, et le plus haut building qu'elle peut trouver. Plein d'hommes, cela va sans dire, qui ne manquent pas non plus de remarquer ses compétences et sa jolie silhouette -ni ses beaux yeux bien sûr, qui n'ont jamais froid, malgré leur air innocent. Son ascension sociale fulgurante se mesure à la sophistication de sa coiffure, au poids de ses fourrures et au numéro de l'étage où elle est affectée. Les choses vraiment sérieuses commencent au niveau des chefs, pères et fils... Film (dé)culotté typique de l'époque pré-code Hays (tellement qu'on hallucine !).
C'est l'effervescence dans les couloirs du conservatoire d'art dramatique : aujourd'hui, on recrute les p'tits jeunes de la prochaine promotion. Se presse donc là une bande de postulants cabotins, tous plus insupportables les uns que les autres. Comme on pouvait le craindre, ce sont les pires qui sont pris -enfin, non, les pires, ce sont ceux qui ont été pris l'année d'avant. Ils sont tous jeunes, bêtes et beaux, c'est-à-dire, vus par ceux qui ne le sont plus (voir aussi Les Tricheurs), du genre à jouer avec leurs coeurs qu'ils pensent avoir déjà blasés, du genre à faire des paris stupides sur les sentiments auxquels ils pensent échapper. Mais qui n'hésitent jamais pour autant à en faire des tonnes avec leur peu (de talent) qu'ils ont. Pour paraphraser leur maître (à l'envers), ils mettent un peu trop de jeu dans leur (pseudo) vie, et pas assez de vie dans leur (imitation de) jeu. Ah, le maître... C'est bien simple, ses 10mn de présence à l'écran sont les seules dont on se souvienne. Y'a encore du boulot, les p'tits jeunes...
Encore un mythe qui passe de justesse la barre du potable à sauver. C'est un film choral, comme on ne le disait pas encore alors. Le décor : un hôtel au coeur de Paris, avec vue sur le canal St Martin et pittoresque à tous les étages. Les personnages principaux : Paris canaille, et Paris populo. Les histoires : des maris, des femmes, des amants, et quelques coups de feu. Celle qui est mise au premier plan (une histoire de petit couple tellement jeune, beau et amoureux que c'en est désespérant -c'est eux qui le pensent !) est de loin la plus tarte et la plus barbante. Heureusement, il y a quelques briscards, pas encore si vieux que ça, qui sauvent la mise. Ils s'incrustent, forcent un peu les portes de la fiction, changent l'atmosphère à force de brasser de l'air. Ils sont les seuls à parler parisien comme aucun parisien n'a jamais parlé. Les seuls à être dignes du mythe qu'ils ont créé.
Un homme en tue un autre au seuil de son appartement haut perché. Le mort dévale l'escalier, le tueur s'enferme chez lui en attendant les gendarmes. Avant que le jour ne se lève, la nuit va être longue... Une nuit pour revoir l'essentiel de sa vie, résumée par les objets présents dans sa chambre, une petite vie d'ouvrier soudeur qui a bien le droit à sa(ses) petite(s) histoire(s) d'amour. Sauf qu'un autre homme s'en mèle toujours. C'est celui qui dévale l'escalier au début, il aime mener les hommes (surtout les femmes) et les chiens à la baguette, sa vraie profession est beau salopard. Le genre à déclencher tous les engrenages fatals. Le film qui a inventé le flash-back, le réalisme poétique, Arletty sortant de sa douche, les répliques de Prévert et les colères de Gabin : on s'incline...
Paris, après la révolution russe, mais avant la 2ème Guerre -un petit enclos de paradis. Débarque un trio de moujiks mandatés par les soviets pour y négocier des bijoux légalement extorqués aux traitres blancs. Fiasco de la troupe, dépassée par la subtilité diplomatique locale. Pour rattraper ce qui peut l'être, les bolcheviques envoient leur meilleur atout : Ninotchka. Ninotchka, c'est la révolution prolétarienne incarnée, un ordinateur implacable dans un corps de femme -et quel corps ! A Paris, elle remet vite les affaires en ordre. Et fait la connaissance d'un dandy dont le blanc des yeux l'intéresse. Il lui enseigne les mensurations de la Tour Eiffel, et à lever le sourcil gauche -entre autres. Entre deux paradis, son coeur ne balance pas très longtemps... Les dialogues doivent pas mal au génial Billy , le charme beaucoup aux interprètes, la touche irrésistible entièrement à Lubitsch.
Ca a brièvement l'apparence d'un film noir à l'anglo-saxonne mais en fait, c'est une comédie à la française, sorte de Drôle de drame parisien. Un murder case (whodunit, comme dirait Agatha) en vase clos, vu que l'assassin -un serial killer à cartes de visites (avec meurtres en caméra subjective, s'il vous plait !)- a eu le bon goût de laisser les traîner (ses cartes) à son adresse. Au 21 (3 puissance 3), donc, il y a une pension de (sans-)familles excentriques : la vieille fille qui écrit des romans policiers, le magicien qui ne se produit plus nulle part, l'ex-boxeur aveugle (et son infirmière), le militaire en retraite d'on ne sait où (même pas lui) -j'en passe et des pires, tous le genre potentiel suspect, comme dans Le Corbeau, mais en plus drôle. Déguisé en pasteur, l'inspecteur Vorobechik -bientôt rejoint par son exubérante fiancée- n'est pas le moins pittoresque de la bande. Ils ne seront d'ailleurs pas trop de deux pour affronter un aussi ubiquitaire assassin... Un bon divertissement qui date d'une époque où ça en manquait un peu (de divertissement pas de serial killers...).
La main du diable est une main gauche (évidemment). Elle ne coûte presque rien en argent (un peu de son âme en gage, quand même) et rapporte amour, gloire, richesse… et juste une petite malédiction éternelle en cas de possession prolongée. Roland Brissot, artiste peintre qui, sans elle, était médiocre, se coltine au cours d'une fuite dans un chalet de montagne le long récit en flash-back de sa fatale acquisition. Le flash remontera même jusqu'au Moyen Age, on ne mégote pas sur l'ambiance trouble. Evidemment, tout cela est assez pompé sur Faust (via Nerval), mais c'est aussi un des très beaux et rares exemples de cinéma fantastico-gothique-expressionniste français. Et au fait, en 1943, qui donc avait la main (gauche) sur le pays ? Ah, certes, ça n'a rien à voir puisque c'est la Continental, firme allemande, qui a produit le film. Quand même, il a l'air largement aussi métaphorique -et aussi bon !- que les Visiteurs du soir, dans le genre.
On n'a pas été introduits dans les formes mais, visiblement, ils sont amants (il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour...). Ils font aussi partie du grand monde -celui dans lequel ça ne se fait pas de se plaindre. Alors, quand elle sent qu'il s'éloigne, elle le quitte. C'est son genre. En fait, elle enrage et ne veut que sa perte. Mais il faudra y mettre les formes. Son atout, c'est qu'elle a l'art de bien parler, c'est-à-dire de ne rien dire qui la compromette tout en incitant les autres à agir dans le sens contraire à ce qu'elle semble dire -trop forte, quoi. Elle a quelques marionnettes en réserve, elle s'en sert. Mais dans le coeur des marionnettes, il se passe parfois des choses imprévisibles -et invisible. Et la grâce descend parfois par les fils les plus embrouillés, comme une flamme brûlante qui prendrait, pour tromper son (grand) monde, les formes les plus hiératiques et les plus épurées. Il n'y a pas de grâce, il n'y a que des preuves de grâce.
Au siècle avant-dernier, quand la télé n'existait pas encore, les artistes de théâtre et de cabaret étaient les rois des Boulevards parisiens. Voici une femme et trois hommes qui sortent de la foule anonyme : un acteur sûr de lui, un aristocrate sûr de sa fortune, un mime-poète sûr de rien. Elle préfère le poète, bien sûr. Mais Paris (réinventé par Prévert) s'en mèle et la vie sépare ceux qui s'aiment. Car l'amour des uns fait le malheur des autres. Pour de mystérieuses raisons (c'était un de mes sujets de dissert' au lycée), les histoires d'amour impossible sont celles qui nous touchent le plus... A force d'art et de poésie, ce film envoie direct ceux qui le regardent au paradis des spectateurs.
Voix off distinguée qui commente avec une brillante ironie les méfaits d'un vaurien : le procédé n'est pas complètement surprenant (c'est parce qu'on a vu avant Noblesse oblige et Barry Lyndon mais ce film-ci est plus ancien) ; il est toujours efficace. Nous voici donc partis pour la vie et les oeuvres du Lieutenant Rousseau, plus connu sous le nom de François Eugène Vidocq -qui n'était pas plus vrai que le précédent. Hollywood en fait une métaphore de l'éternel combat de l'homme contre ses propres démons (via St Georges et le dragon !)- mais sans se prendre trop au sérieux, heureusement. On soupçonne le récit, concentré sur 2 ans, d'être légèrement romancé -sans doute très en dessous de la vérité d'ailleurs ! George Sanders entame là sa brillante carrière de fripouille aristocratique. Mais, comme c'est lui le héros, il pousse pour une fois le bon goût jusqu'à s'amender in extremis pour les beaux yeux d'une marquise. On lui pardonne tout, même son honnêteté.
Bel(le) tronche et (faux) ami, George Duroy est un provincial sans le sou, arriviste et pique-assiette, promis à une belle carrière mondaine dans le Paris de la fin du XIXème. Son principal atout : il a l’air d’un gentleman distingué et il plait aux femmes. Son principal fardeau : la même chose. Grâce à un copain de régiment (et surtout à la femme du copain), il devient journaliste : couverture idéale pour aller partout et être au courant de tout. La politique, l’économie… rien ne lui échappe, surtout pas la rubrique people, qu’il invente au passage. Pour le reste, il préfère évidemment rater sa vie (amoureuse) que la gâcher (socialement). Les femmes -ses femmes- sont largement aussi intelligentes que lui -et nettement plus sympas-, mais ce sont des femmes. Il arrivera brillamment à tout foirer. Avec élégance. Le film est tout aussi élégant, et ne foire rien.
Le quai des orfèvres, c'est bien sûr le siège de la Police Judicière. Pourtant, ce film ne traite pas des moeurs de la police, mais de celles (plus légères, paraît-il) du milieu des cabarets de music-hall, avec ses numéros de cirque et de chansons populaires. Mais il y a bien un crime et beaucoup de suspects, pas mal de faux alibis et de vrais secrets. Avec son petit tralala, Suzy Delair n'a vraiment pas besoin de castagnettes et Blier -le père- fait sa mauvaise tête de mari jaloux (à tort, bien sûr). En flic roublard, Jouvet est le clou du spectacle. Au petit poil, comme on disait alors !
De l'humour noir et de l'absurde à l'anglaise (à la mode Frenchy façon Drôle de drame), un Fernandel en mode parano persécuté : attention perle méconnue ! Le cadavre (d'une vieille tante insupportable) est dans le placard, ou plutôt au fond d'une armoire insaisissable. Elle est passée par les déménageurs, elle repassera par le bordel, les truands et l'armée du salut... Les démarches les plus compliquées pour la récupérer n'arrivent qu'à compliquer l'affaire - ou à la faire filer encore plus entre les doigts comme une poignée de sable fin. Le film, plein de rimes et de paradoxes, se prend à merveille à son propre contre-pied, comme un acte manqué qui durerait 1h30. Une espèce de comédie macabre (ou de cauchemar drôle) pas du tout manquée.
A la sortie de la guerre, c'est bien connu, les jeunes étaient zazous. Ca veut dire qu'ils n'avaient pas encore tombé la veste, mais qu'ils commençaient à oser se passer de cravate. Qu'ils fréquentaient des caves obscures, résonnant d'une musique nouvelle venue d'Amérique. Ca veut dire surtout qu'ils étaient comme tous les jeunes de toutes les époques : ils avaient des rêves (en gros : voyager, aimer et faire l'artiste) qui ne plaisaient pas à leurs parents... Ils vivaient en bande, ils avaient un monde à explorer et à reconstruire. C'était une génération insubmersible (cf. leur voiture). C'est un film indémodable.
Vue d'Amérique, Paris est un rêve, un mirage, un pays merveilleux, un Brigadoon sur Seine. En fait, Paris n'existe pas, ce sont les peintres qui l'ont inventée rien que pour la peindre (même les décorateurs du film se sont fait avoir : on aperçoit la Tour Eiffel, dans le fond, qui repose sur un socle...). Prenez un peintre américain misérable, par exemple, qui vit sous les toits et tente laborieusement de vendre ses tableaux aux pieds de Montmartre, hé bien, il chante et il danse comme un Dieu (c'est-à-dire comme Gene Kelly), il fait des rencontres fabuleuses à chaque coin de rue, il n'a pas un sou et il est heureux (c'est vraiment n'importe quoi). Un film carte-postale, donc, de celles qu'on s'envoie à soi-même pour se dire qu'on pourrait être heureux.
Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils dansent bien ensemble. Elle s'appelle Marie, il est charpentier. Pour cela et pour leur bonne bouille, on leur donnerait volontiers le bonheur sans confession. Mais elle est maquée, il est fiancé. Ils sont pauvres, le monde est contre eux. Le monde, c'est ceux de la bande à Félix, des loulous d'arrière-boutique et de ruelles sombres. Paris : ses pavés, ses guinguettes et sa belle époque, réinventés pour nous. Noir comme ses rues noires, clair comme le soleil sur la Seine, comme notre mémoire l'imaginera à jamais. En prime, un mélo intense sur la seule chose qui compte : le prix du bonheur.
Rien de tel qu'un grand viennois pour adapter notre Maupassant national (maison Tellier comprise, mais je ne crois pas que ce soit celle de mes ancêtres). On y voit des humains de toutes conditions (bourgeois, putains ou artistes, c'est tout comme) errer dans le labyritnthe de leur vie, coincés qu'ils sont dans des désirs frustrés et des destins étriqués. Et qui, parfois, trouvent tout de même une petite voie, un petit passage secret qui mène à leur innocence, un raccourci inattendu vers la grâce qu'ils ont perdue. Un petit moment de plaisir derrière les barreaux de leur morne existence. Ephémère ou illusoire, cela va sans dire, mais c'est déjà ça, juste le temps d'apercevoir ce qui aurait pu être. Et on voit ça par l'oeil d'une caméra malicieuse, plus libre qu'eux puisqu'elle traverse les murs et le temps -et les âmes aussi, parfois. C'est beau comme une partie de campagne, c'est triste pareil. Mais le bonheur (même celui du spectateur) n'est pas toujours gai...
Une blonde et une brune de Little Rocks (Arkansas) partent à la pêche au coeur et au gros poisson dans une croisière transatlantique. L'une est fiancée et intéressée (et blonde), l'autre sentimentale. Bref, libres comme l'air. L'équipe olympique américaine (on ne sait pas trop de quoi, d'ailleurs) est aussi sur le bateau. Fausse piste : les sportifs se couchent à 9h et, avec leur entrainement à la grecque, on ne peut vraiment pas compter sur eux (cf. The Celluloid Closet). Et surtout (à l'époque en tout cas), ils ne gagnent pas un rond. Mais les amateurs ne manquent pas quand Marilyn -sexy comme jamais, blonde comme toujours, pétasse comme personne- est dans les parages. La pertinence de sa conversation fait d'ailleurs des bonds insoupçonnés quand il est question des choses importantes de l'existence : l'argent, les bijoux (Girls' Best Friends) et les fortunes personnelles. Même poursuivies par des juges intègres dans la ville d'Un Américain à Paris (à ne pas confondre avec Paris en France), pas de quoi s'en faire pour elles. Le rire est everyone's best friend.
Madame de… est la très délicieuse épouse très gâtée d’un galant général. Pour régler de mystérieuses dettes, elle décide de revendre à un bijoutier des boucles d’oreilles -des diamants en forme de coeurs-, que son mari lui avait offertes « juste après leur mariage »… C’est, de tout son attirail à coquette, ce à quoi elle tient le moins, pense-t-elle. Le bijou passe de mains en mains, avant de lui revenir, en cadeau, de celles d’un très galant diplomate italien, par ailleurs très bon danseur de valses. Ce sont bien les mêmes, et pourtant ça n’a plus rien à voir. Cette fois, elle donnerait tout au monde pour les garder. C’est qu’entre temps, Mme de… a un peu changé. Elle a appris la valeur sentimentale des choses. Elle était superficielle ? Superficiellement seulement. Comme l'ambiance de l'époque. Comme la caméra, qui dessine des arabesques infiniment raffinées dans le temps et l’espace. Comme les personnages, et comme les dialogues, et comme la paire de boucles d’oreilles. Ils dansent tous très bien la valse à travers les pièces et à travers les coeurs. Les diamants en forme de coeur, ou les coeurs en forme de diamant…
Si Pépé le Moko avait survécu et était rentré à Paris, il se serait sans doute appelé Max. Il aurait pris un peu de bouteille et aurait continué à régner sur son petit monde : des gars du milieu -pourtant pas loin du bout du rouleau, mais avec de beaux restes-, et des mômes enjoleuses qui savent lever la jambe. Il aurait parlé le pigalais, fréquenté le restau des copains, le cabaret des copines. Et il aurait connu Riton, l'ami de 20 ans, le seul à qui on fait confiance pour la chasse au grisbi -non, ce n'est pas un ours brun mais il attire les mouches, les renards et les abeilles. Un patriarche qui a de la classe, des débuttants prometteurs (une certaine Moreau, un certain Ventura), une belle histoire d'amitié virile et pudique.
Paris, quelque part entre l’arrivée des troupes allemandes et la libération. Les gens font mine de vivre comme si de rien n’était, mais en fait rien ne va. Tout le monde se suspecte et s’observe, le moindre morceau de savon est une denrée rare, les rognons un plat de luxe. Dans un café à l’ambiance lourde, un pauvre type en embauche un autre à la nuit tombée, pour transporter des grosses valises à pieds, d’Austerlitz à Montmartre. Des valises pleines de morceaux d’un cochon tout juste égorgé dans une cave -autant dire de l’or, mais de l’or qui a une odeur. Une odeur qui attire les chiens. Les chiens de toutes sortes et de toutes espèces… Cette longue nuit où il se passe des trucs pas très clairs, c’est comme une métonymie de l’occupation toute entière. Une sale période qui révèle le côté obscur de ceux qui la traversent. Une nuit qui manque singulièrement de héros, mais pas complètement de braves types.
Sous l'influence survoltée de sa patronne, un photographe de mode se pique de dénicher un nouveau top model top QI (pour changer). Ils squattent une librairie à l'ancienne (décor exotique garanti) et tombent sur leur perle rare : une adepte charmante de l'empathologie (sorte de version dégénérée de l'existentialisme rive gauche, vue de Hollywood). Le développement des photos (et de l'histoire) repose ensuite sur le rapprochement de la culture livresque savante et de la haute couture fashion : le poids des mots contre (tout contre) le choc des photos -à Paris bien sûr, capitale des deux pôles. Drôle de film (sorte de version dégénérée de la comédie musicale à l'ancienne, vue de Paris) qui, comme Fred, semble pourtant avoir encore des jambes de 20 ans.
Bienvenue sur une planète étrange : Paris en 1900. Les autochtones y sont terriblement exotiques et raffinés -en un mot : français. Et ils cotoient une autre race encore plus mystérieuse : la française. Là, par exemple, dans ce petit appartement à l'intérieur purpurin, vivent 3 générations de cocottes -enfin, la dernière, Gigi n'a pas 17 ans, elle est encore en couveuse. Elle ne montre d'ailleurs pas beaucoup de dispositions naturelles pour l'affectation requise par son futur emploi, dont elle ignore encore a peu près tout. A coup de somptueux tableaux vivants (recyclés de My Fair Lady) et de chansons enjouées (idem), et en ayant l'air de ne pas y toucher, Minnelli tape fort là où ça va mal. Il montre la cruelle élégance d'une broyeuse de jeunes filles en gants blancs : la bonne société bourgeoise, cette grande mère maquerelle de si bonne compagnie.
A la fin des années 50, déjà, les djeun's, comme on ne le disait pas encore, posaient problème. Toujours à traîner dans les cafés, à boire et à draguer, au lieu d'avoir envie de bosser comme tout le monde. Parfois, ils faisaient des boums dans le château de leurs parents toujours absents, et manifestaient leur révolte en vidant la cave et en couchant avec n'importe qui dans le lit des parents toujours absents -l'horreur. En ce temps-là, déjà, venir de la banlieue était infamant, mais parce que ça voulait dire à l'époque porter une cravate et crêcher à Neuilly -l'horreur. Décidément, il y avait bien quelque chose de pourri au royaume du cinéma français : ces jeunes-là ont déjà mille ans, ils n'ont pas l'air de croire à leur cynisme. On ne prédit aucun avenir intéressant aux acteurs : à part au second rôle à longue figure, qui s'empressera de fuir cette galère au théâtre, et à un quasi-figurant à grandes oreilles qui ne tardera pas à passer à l'ennemi, dans le camp de la jeunesse qui se filme elle-même. Le film d'un vieux ronchon donneur de leçons.
Une paire d'yeux sur un champ de course. Des mains qui ne font pas ce qu'elles ont l'air de faire. Un corps qui ne fait rien comme on dirait qu'il fait. Il est de l'élite des bandits en douce. C 'est un artiste, un aristocrate du vol sans préavis et sans violence, un magicien de l'entourloupe. Il n'a de compte à rendre à personne, même pas à sa mère, même pas au policier qui le traque. Même pas à ses amis, même pas à celle que son coeur traque sans le savoir. Même pas à son âme qu'il ignore. Il embrouille, il manipule, il ne sait que leurrer les corps et dérober les choses. Il ne sait que se tromper lui-même. Comme la grâce, en somme, qui finit fatalement par lui tomber dessus.
Michel Poiccard est aux abois, traqué par la police. De toute façon, il l'a bien cherché. Dès le début, il a tué un flic et il a préféré la vendeuse du "Hérald Tribune" à celle des "Cahiers du cinéma"... Deux erreurs fatales. Il voudrait ressembler à Bogart, il n'aura droit qu'au destin maudit de ses personnages. Quelques notes jazzy obsédantes rythment ses dernières bravades inutiles. Godard filme le Paris qu'il connaît : les cinémas des Champs Elysées, les cafés et les chambres de bonne. Il y case ce qu'il connaît aussi fort bien : une intrigue à l'américaine sur un vague scénario de série noir. La greffe prend grâce à un jeune inconnu à grandes oreilles qui nous balance en face : "si vous n'aimez pas, allez vous faire foutre !". Une grande vague (nouvelle) d'insolence et de liberté.
Le titre est devenu quasi-incompréhensible aux oreilles contemporaines. En traduction d'aujourd'hui, ça donnerait à peu près "Revenge of the gros naze". Le milieu, c'est celui des arnaqueurs d'opérette à prétentions aristocratiques. Le naze, c'est le brave artisan consciencieux qui fera le boulot pour leur poche. La combine, c'est une affaire de fausse monnaie un peu trop grosse pour eux... Alors, pour tenir le choc, ils font appel à l'ex-pape du domaine, un certain "Dabe", que seule une revanche perso parvient à faire sortir de son paradis fiscal. Le reste importe bien moins que les tronches enfarinés de la bande, et que les mots qu'Audiard leur fait dire. Ce qui est bien, dans ce genre de ciné à l'ancienne, c'est que les vrais cons et les faux culs sont faciles à distinguer des honnêtes crapules compétentes. Et la fausse subversion finale ne surprendra personne : "in the baba" qu'ils l'auront, les tontons monnayeurs !
Chez M. JLG, la femme est une femme est un petit animal charmant. Un peu pute, un peu conne, mais tellement charmante. Pour lui plaire, on a le droit de l'insulter un peu, mais gentiment. Elle a l'habitude. Pas fichue de faire correctement la cuisine, mais capable de répondre. Le seul vrai problème est que, cette conne, elle n'attend que de se faire épouser et d'avoir des enfants. En cas de refus du compagnon officiel, elle peut demander ça au premier voisin venu. J'vous jure, des fois. Et en chantant, s'il vous plait. Et on est heureux, et on rigole, et le monde est coloré et enchanté comme chez Jacquot. Des fois, M. JLG oublie un peu, ce con, que l'humour et la légèreté ne sont pas son fort. C'est un homme est un homme.
Dans la première partie, elle s'appelle Cléo Victoire. C'est une chanteuse à la mode et à robe à pois, une poupée un brin capricieuse et superficielle vers laquelle les regards d'hommes se tournent avec un brin d'insistance. Le problème, c'est qu'elle pourrait bien être très malade. Mademoiselle Victoire sent le boulet de la mort lui défaire le brushing. Alors, dans la deuxième partie, elle fait sa mue. Elle s'appelle Florence, elle s'habille en noir comme déjà en deuil d'elle-même, et elle se met à regarder les autres, avec un brin d'insistance bienveillante. Les artistes, les garçons de café et les soldats en permission, même ceux qui ne savent pas qu'elle chante dans les juke-box. En 1h30 de vie et de film, elle réussit à parcourir quelques kilomètres de pavés parisiens : quelques petits pas pour une femme, un grand bond dans son humanité.
Mon premier est une jolie veuve. Mon second un séduisant divorcé qui n'a jamais été marié. Mon troisième une bande de Pieds Nickelés menaçants. Le Mc Guffin : un mystérieux magot introuvable... Indices : le générique rappelle Vertigo, et certaines scènes ressemblent furieusement à celles de Les Enchaînés. Mais non, ce n'est pas du Hitchcock. On se croirait parfois dans Un Américain à Paris, les chansons en moins. Et mon tout aurait pu finir comme dans Les 39 marches ou La Dame de Shanghai, avec un poil de démesure en plus. De toute façon, l'art de brouiller les pistes aura rarement été porté aussi loin. Et l'éloge du mensonge rarement été aussi élégamment illustré.
Dans les années 60, on pouvait apparemment être un parfait bourgeois respectable, écrire des bouquins sur Balzac et avoir une notoriété de rock-star. A moins que ce ne soit possible que dans les films de François Truffaut. M. Lachenay, en tous cas, est cet intello idéal. Alors, quand il rencontre Nicole, modèle tout aussi parfait de poupée-hôtesse-de-l'air, c'est comme si deux fantasmes se rencontraient. Etincelles. Sauf qu'ils sont dans la vraie vie, avec ses contraintes et ses petites contrariétés, et que les fantasmes ne sont pas très utiles pour affronter la vraie vie. Sauf que Balzac, ça ne suffit pas longtemps à alimenter les discussions avec une hôtesse de l'air. Sauf que Monsieur est lâche comme un mari, mufle comme un amant, faible comme un homme. Sauf que Nicole sait tout de même faire la différence entre une vraie rock-star et un intello un peu chiant. Grandeur et misère de l'adultère ordinaire, celui qui finira forcément tué par les détails -à coups de carabine. Les détails, comme antidotes au fantasme.
Lemmy Caution, il vient d'une autre galaxie et il parle comme les livres. Une nuit, il débarque à Alphaville, cette ville d'ombres et de lumières qui ressemble à Paris mais qui n'est pas Paris, avec une osbcure mission d'espionnage poétique. A Alphaville, tout est régi par un grand ordinateur, alpha60. Mais à quoi bon un alpha qui ne tend pas vers l'oméga de l'amour ? Pendant qu'alpha60 donne des cours de sémantique générale (pompés à Borgès), Lemmy Caution, toujours filmé à hauteur d'ascenceur, tente d'enseigner la littérature (celle d'Eluard, entre autres) et l'amour aux séductrices de niveaux 1 à n qui tiennent lieu de jeunes filles. Cette uchronie de science-politique-fiction-polar plagie par anticipation 2001, Brazil et Playtime, tout en annonçant de façon visionnaire Metropolis et 1984.
Dans "masculin", il y a "masque" et "cul" ; dans "féminin" il n'y a rien (extrait du dialogue). Dans les bistrots, il y a des dragueurs, et des jeunes filles à draguer. Préoccupations politiques pour les hommes (la conscience ouvrière, la guerre au Vietnam), chansons et cosmétiques pour les femmes (Salut les copains, mais surtout ne me mets pas enceinte). Une mort violente tous les 1/4h. Portrait d'une France qui s'ennuie mais ne le sait pas encore. Portrait d'une jeunesse concernée, portrait d'une jeunesse qui s'en fout. Enfants de Marx et de Coca-Cola (extrait des intertitres). Des gestes, des choses, des sondages : inventaire avant liquidation. Dans féminin, finalement, il y a "fin".
Madame rêve. Elle rêve de traverser en calèche une forêt obscure avec son gentil mari. Elle rêve de se faire humilier, attacher, fouetter, violer. Avec la complicité du gentil mari. Elle rêve qu'il lui arrive quelque chose. Madame vit dans un joli appartement. Elle ne fréquente que des gens raisonnables. A part peut-être ce Husson, passeur pervers vers d'autres mondes. Un jour, cédant à de douces suggestions, Madame va se décider. Elle va s'adonner à un très respectable petit artisanat local. Madame va faire la pute. Mais en maison bourgeoise. A mi-temps, dans ses heures creuses, avant 5h. Pendant le turbin de son gentil mari. Là, c'est comme si elle pénétrait enfin dans les coulisses du monde. Et dans les siennes. Comme si elle vivait une autre vie, enfin. Madame rêve, madame vit ses rêves, carambolage garanti. Et malaise assuré chez tous les spectateurs, dont la vocation est de se contenter de rêver.
Ils sont cinq, ils vivent ensemble confortablement dans un grand appart bourgeois mais attention, ce sont des révolutionnaires -tendance Mao foncé. Des vrais, des pros, à peine camouflés derrière des activités officielles (étudiants, artistes…). Leur occupation principale est de se former et de s’entretenir dans la connaissance approfondie d’un inépuisable petit livre (rouge). Ils causent beaucoup, font un peu d’atelier artistique, n’ont pas l’air de beaucoup baiser. Des espèces de moines modernes, en fait. A vrai dire, on ne comprend pas grand chose à leurs débats, et c’est pas sûr qu’eux mêmes y comprennent quelque chose. Qu’ils répondent à un interviewer invisible (le maître du logis et du film, bien sûr) ou se coupent la parole, ils frôlent souvent le ridicule d’assez près, et ne donnent pas des masse envie de les suivre. Le film-tract-collage qui annonce mai 68 mais aussi les attentats terroristes, le pop-art, les communautés foireuses, l’activisme, les gueules de bois qui suivent et le naufrage de Godard. Respect (mais en rigolant en coin).
1968. Antoine Doinel, l'ado turbulent des 400 coups est devenu un jeune homme romantique. Enthousiaste et maladroit, éternel étonné doutant de tout. De belles mains qui bougent beaucoup, et inventent des gestes qui n'appartiennent qu'à elles. Toujours amateur de littérature -surtout Balzac, Stendhal et Flaubert- et de jolies femmes -surtout celles chez qui on mange du fromage, et qui ont des parents sympas. Il essaie tous les métiers, tous les lits, toutes les humeurs. Instable mais pas révolté -sa mèche est ce qu'il a de plus rebelle. L'adolescence grave a fait place à une jeunesse étourdie et pétillante : le plus léger de la série des Antoine Doinel, le plus drôle et le plus euphorisant. Un personnage qui a bien vieilli, regardé avec indulgence, comme en arrière, avec la nostalgie de ce qu'il n'a pas encore vécu.
Y a-t-il une vie après le mariage ? Telle est la question pour Antoine Doinel -celui des 400 coups et Christine -celle des Baisers volés. Christine donne des leçons de violon. Antoine, lui, teint des fleurs pour le marchand du coin, dans sa cour avec vue sur fenêtres. Mais, après avoir échoué dans sa tentative d'atteindre le "rouge absolu", il doit se reconvertir dans la manipulation d'Atalantes miniatures pour une compagnie américaine. Il devient papa, veut écrire un roman, s'intéresse aux femmes japonaises. Il pratique toujours la mauvaise foi et la dérobade avec grand art. Il a vieilli mais pas beaucoup grandi, comme le M. Hulot qu'il croise dans le métro. Comme une chronique du temps qui ne passe pas tant que ça.
L’ours vit en pleine campagne -en fait, à quelques kilomètres de Paris, mais il y règne perpétuellement un microclimat tellement normand que ça paraît très loin. Il exerce le délicieux et désuet métier de contrebassiste de l’ORTF et élève tous seul une ribambelle d’enfants -pas tous à lui mais on s’en fiche. Il porte des pulls à cols roulés et circule en 2CV, une vraie caricature de bobo hypster avant que ce soit vintage. La poupée habite seule un loft design et classieux, occasionnellement envahis de prétendants distingués et de gourous enfumés. Elle collectionne les toiles de maître et les ex-maris, a un corps à faire rougir sa baignoire immaculée. Un papa poule et une poule ultra branchée : deux France qui ne vivent pas dans le même monde. Le hasard et/ou le caprice d’un Dieu malicieux fait se croiser leur voiture sur une route de campagne. Elles se frôlent un peu trop fort. Les conducteurs mettront un peu plus de temps à faire la même chose, à croire que c'est pour ça que le cinéma a été inventé…
1, rue Jules Verne. C'était au temps béni où on trouvait, à Paris, des apparts vides de 120 m2 avec Marlon Brando dedans en cadeau Bonux. Jeanne passe par là, visite (l'appart), essaie (le bonhomme). Emballée, elle revient régulièrement. Dans leur île déserte, la petite française pimpante et le mâle américain vieillissant explorent leurs mystères. Lui en a gros sur la patate depuis le suicide de sa femme. Il est pas mauvais en français, le bougre, mais c'est son vocabulaire anglais qui impressionne ("God" et plein d'insanités qui ne sont même pas dans mon Harrap's). Chair triste, etc. Elle, on se demande comment elle supporte son fiancé-cinéaste exalté qui espère refaire l'histoire du cinéma rien qu'en la regardant. Le film qui inventa le genre psycho-mélo-érotico-intello-dépressif.
Au commencement était la pochade : Agnès et Catherine, enceintes toutes les deux, auraient involontairement suggéré le sujet à Jacquot jaloux : et si l'homme pouvait tomber enceint, lui aussi !? Aussitôt dit, aussitôt fait, Demy ne fait pas les choses à moitié (quoique). Le couple le plus glamour du moment, au lieu de glander dans son Olympe, se retrouve avec plus ou moins les occupations de ses parents (papa dans les autos, maman dans les shampoings), et l'aîné blondinet qu'il fut, c'est le fils de Michel Legrand qui l'incarne. Voilà déjà pas mal de perturbations en vue dans la Sainte Famille. Pour ajouter à la confusion des genres, il multiplie les seconds couteaux à l'identité trouble -mais c'est pour de rire. Le tract féministe déconnant et un peu désinvolte aurait pu être explosif, mais il fait un peu pchitt. Tout n'est pas, hélas, accompli pour les siècles des siècles. Mais pour le début des années 70, c'est déjà pas si mal.
Nom : Stavisky, prénom : Affaire… En général, on en a vaguement entendu parler, mais de là à savoir exactement de quoi il s’agit… D’ailleurs, même à la fin du film, c’est pas sûr qu’on en sache beaucoup plus. Récap : en 1934, un escroc multicarte meurt dans des circonstances pas claires, ce qui provoque des émeutes et fait tomber un gouvernement. Resnais se concentre sur les derniers mois de la vie du bonhomme et lance le compte-à-rebours de sa mort annoncée. Ce qui l’intéresse, c’est l’agent multiple : français de l’étranger, juif à un moment où c’était pas hyper recommandé, dépressif enjoué, comédien en perpétuelle quête d’un nouveau rôle, arnaqueur multirécidiviste fidèle en amitié (et en amour). Insaisissable, comme l’argent qui apparemment lui file entre les phalanges. Comme le montage, qui joue à saute-mouton avec le temps. Stavisky, c’est une sorte de catalyseur et de révélateur d’une période passablement agitée (Trotsky fait un caméo dans le film). Un mystère, un oignon dont on n’atteindra jamais vraiment le coeur. Un homme-film.
Assignée à résidence par son accouchement (ça, c'est ce qui n'est pas raconté dans le film, mais c'est dans les boni), Agnès décide de consacrer un petit docu à ses voisins, les types et typesses de tous types de la rue Daguerre où elle habite. Il y a là des boulangers, des bouchers, des coiffeurs et divers épiciers, dans leurs propres rôles. Elle se planque dans leur boutique, les regarde accueillir leurs clients, refaire chaque jour les mêmes gestes du travail et leur pose finalement des questions bizarres sur leur province natale ou sur leurs rêves. Elle les invite aussi au café du coin à la représentation d'un magicien-médium un peu étrange, qui fait les mêmes gestes qu'eux sauf que lui en fait un spectacle. Comme elle, en fait, avec d'autres moyens mais pas moins de magie.
Etienne est en peignoir sur une terrasse, en face de l'Arc de Triomphe. Flash-back : 6 semaines plus tôt, dans un parking souterrain, Etienne surprend une dame en rouge rejouer le coup de la jupe de Marilyn dans Sept ans de réflexion. Il se sent illico le coeur en vacances. Ce qu'il se garde bien de dire à sa famille et à ses potes de tennis et de toujours : Simon, le docteur hypocondriaque et son encombrante maman, Bouly et ses femmes, Daniel et son secret. Etienne, donc, voudrait bien revoir sa dame en rouge. Il la drague à l'ancienne : en forêt, sur sa jument Belle de jour, lors de RDV clandestins et anonymes. La voix off distanciée, une fois de plus, fait merveille. Vaudeville relooké, film de potes, chronique sociologique. Tournage est un peu sans surprises mais comédiens impecs et répliques qui tuent. Qu'on ne s'y trompe pas : on apprécie énormémement.
Etienne et sa bande d'Un Eléphant ça trompe énormément tente un revers et monte au filet. Encore des histoires de copains (entre mecs exclusivement) plus ou moins inséparables, d'infidélités conjugales plus ou moins fantasmées et de petits arrangements avec la vie. Etienne se prend pour l'inspecteur Clouseau, Bouly hésite entre Dom Juan et papa Poule, Simon choisit ses patientes en connaisseur et Daniel veut se marier. C'est comme si on les connaissait depuis toujours. C'est comme si on était déjà sûr de les retrouver un jour au paradis des personnages.
Il était une fois au XVIIIème siècle, un aristocrate old school qui en a marre de faire des filles, et qui décide donc d'appeler la dernière Oscar. La demoiselle, qui en prend pour 20 ans de psychanalyse, devient donc une escrimeuse redoutable au service très rapproché de Marie-Antoinette. Elle affole son nigaud de copain d'enfance roturier, trouble l'amant de la reine et pas mal d'autres courtisan(ne)s, mais reste inflexible sur les principes, allant même jusqu'à boxer un certain Maximilien de Robespierre qui lui a manqué de respect. Mais un petit coeur bat pourtant sous son uniforme d'opérette. Les malheurs de la France et les beaux yeux d'André (le copain d'enfance) ne la laissent finalement pas indifférente. Après qu'une telle forteresse soit tombée, la prise de la Bastille est presque une formalité. Mais c'est une autre Histoire...
Se faire passer, le temps d'un numéro de music-hall, pour un homme qui se ferait passer pour une femme : voilà la géniale idée soufflée à Victoria, artiste lyrique fauchée, par un impressario vieillissant, sans emploi, plaqué et homosexuel. Chiche ! D'autant que ce jeu des apparences devient vite un brillant prétexte pour faire émerger la bissexualité qui sommeille en chacun de nous. A l'image des personnages du film, le Paris d'avant guerre qui sert de décor à l'histoire est un réjouissant labyrinthe de faux-semblants. Blake Edwards se régale (et nous avec !), mélange les genres et les sexes, et offre à sa chère Julie Andrews son plus beau rôle.
Louise vit en banlieue avec Rémi. Mais Louise habite aussi Paris, et sort avec Octave, qu'elle adore tout en se refusant à lui. Elle aime aussi aller danser dans des soirées ; elle se laisse draguer par Damien. Les soirs où elle préfère être seule, c'est parce qu'elle n'a réussi à débaucher personne au téléphone. Elle ne sait pas ce qu'elle veut, Louise ? Si, elle sait très bien : elle veut autre chose, pour s'assurer qu'elle a bien ce qu'elle a. Elle veut être libre. En fait, Louise, d'abord, elle fait. Après, elle raisonne. Et elle s'explique si bien qu'elle arrive à se croire elle-même (mais être libre, c'est vouloir ce que l'on peut et pas pouvoir ce que l'on veut, disait Jean-Paul). Et la lune, là-dedans ? C'est peut-être la vraie cause de tout, mais on ne le saura jamais.
C'est les vacances : Rohmer, il aime bien les vacances. C'est propice à la parole et à la chair. Delphine, elle, ça dépend. Son copain l'a lachée il y a deux ans, la copine qui devait l'accompagner en Grèce vient de la lacher, elle est toute seule. Elle se fait inviter par-ci, elle s'ennuie par-là. Elle cherche la consolation dans les forces de la nature, mais la consolation n'est pas dans les forces de la nature. Elle croit pourtant aux jeux de l'amour et du hasard, mais sans concession, sans compromis. Pas de maître du jeu explicite, pour une fois, si ce n'est un joueur de cartes étourdi qui laisse traîner des indices sur son chemin -et le parrainage de Jules Verne. Le portrait gagne en liberté ce qu'il perd en maîtrise, les paroles gagnent en chair ce qu'elles oublient en style.
Tiens, une femme qui pense. Parler, ça, oui, elles ont toujours su faire, chez Rohmer. Mais penser comme une philosophe qu'elle est, en citant Kant et Hegel, c'est plus rare. En plus, Jeanne est jeune et jolie, momentanément éloignée de chez elle et de son copain officiel. Libre quoi, à tout point de vue. A une soirée emmerdante, elle sympathise avec une autre égarée qui tient beacoup à lui faire rencontrer son père. Il faut attendre pas mal pour voir venir le climax du film : le temps de compter jusqu'à trois, Jeanne va vivre un petit, tout petit moment d'égarement. Il y a une histoire de collier, aussi, dont on ne sait pas ce qu'il est devenu. Perdu, volé ou caché, c'est les trois options possibles. Et c'est à peu près tout. Trois fois rien. Ca ne fait pas un pitch très sexy mais ça sufit à faire un film. Jeune et joli, éloigné de tout. Libre quoi.
Le temps de quelques plans presque abstraits, Julie perd son mari et sa fille dans un accident de voiture. Elle n'arrive pas à vouloir mourir : elle va donc devoir réapprendre à vivre. A écouter, à aimer. Tout recommencer. En laissant venir, d'abord, et presque malgré elle (c'est en refusant de signer une pétition qu'elle se fait une amie). Puis de façon plus active, en ouvrant les yeux et les oreilles pour sortir de son bocal. A quoi sert la liberté de ne rien faire, de pouvoir vivre en autiste ? D'habiter un aquarium ? Pas grand chose... Ce film est le premier volet d'une double trilogie : bleu-blanc-rouge/liberté-égalité-fraternité. Il n'y a que Kieslowski pour imaginer de jouer ainsi en même temps avec des couleurs et des valeurs. Pour faire de la psychologie, de la morale et de la politique tout ensemble. Il n'y a surtout que lui pour le réussir aussi bien.
Paris la nuit comme un écosystème, la niche écologique naturelle de tous les déplacés, les déclassés, les déphasés, tous ceux qui ne devraient pas y être et qui y sont quand même. Par malchance, par amour ou par hasard, ce qui revient souvent au même. Pour tenir, ils ne se battent pas tous avec les mêmes armes (l'action, le charme, le silence ou le couteau, à votre guise), mais tous ils essaient. Ca ne réussit pas souvent, ou pas longtemps. Entre eux, ils se croisent beaucoup et se ratent encore plus. Avec eux-mêmes, c'est pareil. Claire Denis sait capter comme personne des corps, des décors et des ambiances, et comment tout s'assemble et se mélange. Les gueules et les atmosphères, c'est son créneau. Son film a le goût des nuits blanches amères et la texture des petits matins passés au javel.
Elle s'appelle Nathalie, elle vit officiellement avec Antoine mais harcèle Eric, son ex, et cherche à coucher avec Fabrice, son rien du tout. Rien que des gentils garçons, pourtant. Elle veut tout, dit le contraire de tout et ne sait plus ce qu'elle veut. La parole est sa principale arme, elle s'en sert pour séduire et pour faire mal, mais elle se blesse au moins autant que les autres avec. Elle fait n'importe quoi et ne va sans doute pas fort, elle énerve même ses meilleures amies. Portrait virtuose de chieuse en majesté, de celles qu'on aurait du mal à supporter plus que le temps d'un film. Portrait aussi, par la même occasion, d'une nouvelle génération d'acteurs, de celle qu'on va adorer pendant les 20 années qui viennent. Noémie commence sans fard, par sa pilule la plus amère ; elle apprendra plus tard à napper ses déprimes du sucre de son humour.
Dans mon album de famille de cinéma, mes grands-parents habitaient le village de Jour de fête. Mes parents ont bien connu Vincent, François, Paul et les autres. Et moi, j'ai fait mes études avec les zigottos de ce film, du genre à se nourrir de mots et à ne jamais s'arrêter de penser. On a fréquenté les mêmes librairies, discuté des heures dans les mêmes cafés, arpenté les mêmes rues et les mêmes allées des mêmes parcs parisiens. Et nul doute que si j'avais croisé Mathieu Amalric, normalien philosophe "nul avec les filles", je l'aurais trouvé craquant (comme 3 des filles du film). Le montage, brillant, multiplie les effets de mémoire. Et une voix off très littéraire (on la croirait sortie de chez Mme de la Fayette - ou de chez La Collectionneuse) parvient à donner une dimension épique et romanesque au quotidien de ces jeunes gens. Notre vie était donc si passionnante et on ne le savait pas !
Ce n'est pas une comédie musicale mais il y a des chansons, ou plutôt des morceaux de tubes de variété mimés en play-back par les acteurs. L'histoire ? Un vaudeville qui ne dit pas son nom, quelques péripéties dérisoires dans la vie d'une demi-douzaine de bobos parisiens plus ou moins névrosés-dépressifs, mais suffisamment bien éduqués pour faire bonne figure. En public, ils soutiennent des thèses ou causent crise du chômage ou de l'immobilier. Ils se font la cour à l'ancienne. Mais c'est Sylvie Vartan, France Gall ou Alain Bashung qui chantent sur la BO de leurs petits cinémas intérieurs. Resnais pose sur ce petit monde un regard d'entomologiste compatissant. Depuis Maupassant, on sait que le bonheur n'est pas gai -mais la dépression des autres, des fois, oui...
Jallel est un étranger sans papiers à Paris. Un passager clandestin de la vie. Au début, il fait mine. D'être quelqu'un d'autre. Petits boulots, gros sacrifices. Il touche presque du doigt l'objet de son désir : une femme, un statut, des papiers, le gros lot. Presque. En fait, c'est là qu'il perd tout. Détour par la case hôpital psy, tout à refaire. Il n'a plus envie de rien mais ce sont les autres (surtout une autre) qui vont avoir envie de lui. Alors, c'est son corps qui va le reconquérir. Lui permettre de retrouver son équilibre au milieu du déséquilibre. De réapprendre à marcher, quoi. Jusqu'à ce qu'un jour, à la station de métro Nation on lui fasse comprendre qu'il n'est toujours pas le bienvenu... C'est un film du genre râpeux, pas cool, pas sympa, pas marrant. Pas feelgood du tout. Avec des scènes trop longues et quelques éclairs de fraternité cabossée. Un film de passager clandestin de la vie, comme tout le monde.
Voyage à l'intérieur d'une carte postale de Paris. En compagnie d'Amélie, ange gardienne postulante au statut de jeune fille, et de Nino, jeune homme postulant au statut d'ange gardien d'Amélie. Elle a toujours le nez en l'air, il passe son temps à fouiller par terre. Le scénariste a beaucoup ramé pour retarder de 2h leur rencontre. Il a pour cela compilé tous ses carnets de notes, ses blagues de potaches et ses élans d'ado. Il a joué à Marabout-bout de péloch'. Réalisé par un perfectionniste, poncé au cliché, poli au chromo, verni au numérique. Mais beaucoup de petites choses en font-elles une grande ? On verrait mieux la grâce, si elle avait besoin de moins de pigeons. Ca me serait plus sympathique, si ça cherchait un peu moins à l'être sans arrêt.
C'est un vieil homme que tout le monde appelle "M. Le Président". On dirait que Mitterrand lui ressemble. Il vit dans les ors de son Palais. Il est amoureux de l'éternité. Et puis, il y a un jeune homme, aussi. On dirait qu'il ressemble à tout le monde. Il vit dans les tracas de la banalité. Il est amoureux du vieil homme, qui lui fait l'honneur de quelques-unes de ses paroles. Le dernier Roi de la Vème République se meurt. Il pontifie, donne des leçons de séduction, joue la coquette et l'érudit qu'il était. Le jeune homme écoute, enquête, encaisse, n'arrive pas à jouer au méchant qu'il n'est pas. Comme lui, Guédiguian (ex-militant communiste proclamé) ne peut s'empêcher d'avoir de la tendresse pour le vieil homme (il envoie sa fille lui faire la bise). Hommage de l'idéaliste au pragmatique qu'il n'a pas eu envie d'être.
Mme Chantal est une grande avocate de la cause des sans-papiers. Le genre bobo, gauche-guacamol (son truc, c'est plutôt les sud-américains). Quand Mme Chantal plaide, elle se transforme en sorcière bien-aimante : irrésistible. Chez elle, elle met ses convictions en pratique. Puisqu'un petit ravalement d'intérieur est nécessaire, autant employer les hommes sans papiers (et sans qualités -surtout pour le travail manuel) qu'elle défend devant les tribunaux. Mais là, le charme opère à l'envers : Mme Chantal a l'art de transformer tous ses employés en empotés façon Impossibles M. Bébé. Luxe, calme et volupté valent bien un petit chaos d'appartement. Difficile de faire plus bidonnant sur la crise des logements parisiens.
Sur la scène de sa petite télé intérieure, Stéphane est un homme orchestre. Images, sons, cuisine : il sait tout faire. Dans la vraie vie, c'est pareil en un peu moins bien. Il est de retour à Paris auprès de sa maman, qui prétend lui avoir trouver un boulot "créatif" dans une boîte de calendriers. Dans ses rêves, il révolutionne le concept et subjugue ses collègues de travail. Dans la vraie vie, c'est pareil en un peu moins bien. Et puis, il croise sur son palier la charmante Stéphanie, sa voisine, sa semblable, sa soeur. Il la séduit en lui fabriquant sur mesure des machines mirobolantes. Mais on ne sait jamais trop dans quelle vie ses machines et ses charmes marchent correctement. Stéphane, il a le don d'être un magicien de lui-même : il arrive à se faire croire à peu près n'importe quoi. D'une non-histoire d'amour, il fait simplement une belle histoire. Dans la vraie vie, Michel Gondry aussi, en encore mieux.
Ils sont jeunes et beaux, ils s'aiment (à deux et plus) de toutes les façons possibles, sans jamais en faire un drame. Ils ont des amis, une famille sympa, bossent dans le créatif, vivent à Paris dans un monde en-chanté qui ressemble (beaucoup) à ceux de Demy et de Truffaut -en version légèrement upgradée... Qu'est-ce qu'il va bien pouvoir leur arriver d'un peu intéressant ? Un drame-un vrai : la mort brutale et inattendue, le deuil. Et la reconstruction quand même, par l'amour toujours plus -légèrement upgradé encore. Et toujours en musique et en chansons, s'il vous plaît, douces et mélancoliques si possible. L'air et la couleur du temps (d'un temps où les seules vraies crises étaient intimes), en douce. Un film sur la porosité des désirs, la fluidité des sentiments, la tragédie de l'existence et la comédie du bonheur. La vie en version légèrement upgradée.
Ah Paris, Paris…! Ah, les douze coups de minuit…! Conte de fée au carré, donc, pour Woody, plus Américain à Paris que jamais. Parce que ce qu’il aime à Paris, au fond, c’est quand les meilleurs américains de leur temps (Fitzgerald, Hemingway, Gertrude Stein, Joséphine Baker, j’en passe et des pas moins bons…) y faisaient la fête loin de chez eux. Alors, quand il y envoie un jeune couple américain côte ouest bien propre sur lui, c’est pour le subvertir à coup de trou noir temporel en forme de carrosse de cendrillon shooté à la culture. Un peu Belles de nuit, un peu Quelque part dans le temps, beaucoup de jazz et de fayotage francophile. Pas sûr qu’il ait dépassé le périph’ ni la page 1930 de son encyclopédie, l’oncle Woody, mais il a à coup sûr parcouru tout le bottin des stars du moment. Et on pardonne tout à ceux qui font les même rêves que nous.