Les 775 films en DVD d'Isabelle
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film(s) relevant du genre : jeu dans le jeu

166 réponses classées par dates


Foolish Wives - Folies de femmes

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Réalisé par : Erich von Stroheim (1885 - 1957)
En : 1922, USA
Acteurs principaux : Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 117 mn, NB

Critique perso :

Un soit-disant comte russe (qui se fait appeler Karamazin) est en villégiature près de Monaco, avec deux soit-disant cousines aussi aristocrates que lui. Il s'intéresse de près à l'ambassadeur U.S. -et à son épouse. Et à quelques autres, plus ou moins friquées. Boutonné et galonné dans les règles, il a toujours l'air en campagne militaire, Karamazin. Et il a toujours quelques chose à tripoter dans les mains : une arme, une canne, un gland de rideau, une main de femmes. Il fait confiance à son charme, à son regard et à son destin. La folie des femmes, c'est de faire confiance aux hommes de son genre. Mais à Monaco, c'est assez souvent que rien ne va plus.

Circus (The) - Cirque (Le)

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Réalisé par : Charles Chaplin (1889 - 1977)
En : 1928, USA
Acteurs principaux : Charles Chaplin (1889 - 1977)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 71 mn, NB

Critique perso :

Un vagabond à la silhouette familière erre dans une fête foraine. Pas très loin derrière, d'autres silhouettes familières en uniforme et casquette. Maître de l'esquive, notre Guignol préféré se réfugie dans un palais des glaces (comme le fera plus tard une certaine Dame de Shanghai), puis dans un cirque (auquel ressemblera celui de Freaks). Là, il est accueilli (entre autres) par une charmante écuyère maltraitée par son papa, par une troupe de Calvero qui ne font plus rire personne et par un gentil lion qu'il vaut tout de même mieux ne pas réveiller. Il y apprend à mettre en scène quelques unes de ses géniales impro inspirées par les silhouettes en uniforme et casquette. Puis, d'autres inspirations le poussent à jouer au funambule, et l'entrainent jusqu'à un strip-tease de haut vol. Tenté par le ménage à trois, il finit par sortir du cercle après avoir, décidément, inventé tout le cinéma.

Chelovek s kino-apparatom - Homme à la caméra (L')

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Réalisé par : Dziga Vertov (1896 - 1954)
En : 1929, Russie
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /entre Berlin et Moscou /jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

C'est un film sans décor, sans comédien et sans histoire - ou plutôt, un film dont Odessa est le studio, le cameraman et les habitants les personnages et la vie le scénario. C'est un documentaire sur comment on fait un documentaire. Un cours-TD-TP sur la force des images et le pouvoir du montage, fait la même année que La Ligne générale (ces russes : toujours une révolution d'avance !). Un film sur la vie du cinéma, le cinéma de la vie. C'est comme une journée de 80mn, un flash qui durerait longtemps, une expérience avec la vue et le temps, une poésie pour les yeux. C'est une image inimaginable, comme seul le cinéma pouvait en inventer.

Animal Crackers - Explorateur en folie (L')

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Réalisé par : Victor Heerman (1893 - 1977)
En : 1930, USA
Acteurs principaux : Margaret Dumont (1889 - 1965), Groucho Marx (1890 - 1977), Harpo Marx (1888 - 1964), Chico Marx (1887 - 1961), Zeppo Marx (1901 - 1979)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /la parole est d'or
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Réception chez Mrs Rittenhouse, tenue de (non) rigueur exigée. Il y a là un grand professeur qui ne dit jamais rien, un petit escroc qui démasque les imposteurs et un grand explorateur qui n'arrête pas de dire le contraire de ce qu'il dit. Il prétend entre autres revenir d'Afrique, où il a croisé des ours polaires et débusqué un éléphant dans son pyjama... Il y a là aussi un tableau pompier représentant un cavalier "après la chasse" : apparemment un chef d'oeuvre insurpassable, dont deux des invités ont réalisé une copie supérieure à l'original, qui passent tous entre pas mal de mains. Bref, c'est du théâtre de l'absurde en concentré énergétique, du délire acoustico-visuel en décors de carton pâte, de la plongée en apnée dans les vertiges de l'artifice. Supérieur à l'original qu'il est, sans aucun doute.

Monkey Business - Monnaie de singe

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Réalisé par : Norman Z. McLeod (1898 - 1964)
En : 1931, USA
Acteurs principaux : Groucho Marx (1890 - 1977), Harpo Marx (1888 - 1964), Chico Marx (1887 - 1961), Zeppo Marx (1901 - 1979), Thelma Todd (1905 - 1935)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 77 mn, NB

Critique perso :

Les paquebots les plus sérieux -ceux, par exemple, qui transportent Maurice Chevalier- ne sont pas toujours à l'abris des passagers clandestins. On ne se méfie jamais trop des frères Marx : philosophes de l'absurde squatteurs de tonneaux, passeurs de bons mots et de mauvais esprit en bonne société, trafficants d'incongruités dans un monde sérieux. De dangereux contrebandiers, capables tout en même temps de draguer les dames, duper les truants et de cloner Maurice Chevalier en son absence... Jamais en cale sèche d'inspiration. Bon, c'est pas leur meilleur film mais, dans la succession des sketchs, il y a des perles (glissées en douce, comme tout le reste) où la croisière s'amuse (vraiment, pour une fois).

Blonde Venus

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Réalisé par : Josef von Sternberg (1894 - 1969)
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Marlene Dietrich (1901 - 1992), Cary Grant (1904 - 1986), Herbert Marshall (1890 - 1966)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

En bonne Vénus qui se respecte, elle est née des eaux, Hélène. Se baignant nue dans un lac de la Forêt Noire, elle a rencontré un américain (un certain Faraday) et l'a suivi dans sa cage dorée new-yorkaise. Leur histoire est devenue le conte préfére qu'ils rejouent à leur fiston, le soir au coin du lit. Mais Marlène, on la connaît : c'est quand elle est en tablier dans sa cuisine qu'elle a l'air déguisée. Bientôt, le gentil mari scientifique est victime de ses radiations, il doit aller se faire soigner en Allemagne. Pour sauver les meubles, Hélène remonte sur les planches. Succès immédiat, conquête immédiate du dandy local, compromis et états d'âme. Allemande et Américaine, Hélène incarne les contradictions de son époque : elle est à la fois la belle et la bête, l'étoile et le ver de terre, la maman et la putain. Une statue de chair, avec un chapeau. Toutes les femmes à la fois, mais en mieux.

Horse Feathers - Plumes de cheval

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Réalisé par : Norman Z. McLeod (1898 - 1964)
En : 1932, USA
Acteurs principaux : Groucho Marx (1890 - 1977), Harpo Marx (1888 - 1964), Chico Marx (1887 - 1961), Zeppo Marx (1901 - 1979), Thelma Todd (1905 - 1935)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 68 mn, NB

Critique perso :

Marabout - boutes-en-train - train d'enfer - fer à cheval : c'est (en gros) le script. Ca se passe accessoirement dans un prestigieux College U.S. : Groucho est le doyen, Zeppo son (grand) fiston, les deux autres auraient pu/dû être les fers de lance de l'équipe de football locale. Mais, au lieu de bosser, tout le monde dit I love you à la vamp du coin. Tout le monde fait n'importe quoi. Les Marx ne sont jamais aussi à l'aise que quand on leur laisse les clés d'une institution : un Etat, une école. Les clés, c'est sûr qu'on les retrouvera jamais sous le paillasson (eux, éventuellement, c'est possible). Mais elles ouvrent des portes insoupçonnées. Comme chantait l'autre : s'en passer, I'm against it !

Duck Soup - Soupe au canard (La)

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Réalisé par : Leo McCarey (1898 - 1969)
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Louis Calhern (1895 - 1956), Margaret Dumont (1889 - 1965), Groucho Marx (1890 - 1977), Harpo Marx (1888 - 1964), Chico Marx (1887 - 1961), Zeppo Marx (1901 - 1979)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 70 mn, NB

Critique perso :

Ca commence avec une riche rombière qui réalise notre voeux le plus secret : imposer Groucho à la tête de l'Etat. Ca continue avec un chef d'Etat voisin qui doit faire face à notre pire cauchemar : confier à Harpo et Chico une mission délicate... On passe les détails (dommage, c'est ce qu'il y a de meilleur, les détails), tout finit comme prévu : une guerre stupide et abracadabrant-gigantesque entre les deux Etats. Entre-temps, une leçon fondamentale : nous sommes tous des Groucho Marx. On est dans un autre monde possible, affranchi de la logique et du sérieux. Dans ce monde possible-là, l'année 1933 restera un excellent cru.

King Kong

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Réalisé par : Cooper & Schoedsack
En : 1933, USA
Acteurs principaux : Fay Wray (1907 - 2004)
Genre(s) : New York - New York /conte de fées relooké /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Dans une île lointaine, une peuplade humaine survit sur une petite portion de territoire. Le reste est isolé par un haut mur et il s'y passe de drôles de choses. Le roi de ce monde perdu primitif s'appelle Kong : 6m de force brute et d'instincts à l'état pur. Des fois qu'on n'aurait pas compris, il est précisé que l'île a la forme d'un crâne... Les petits blancs qui y débarquent apportent avec eux les atouts de la civilisation occidentale : des armes lourdes, une caméra et une blonde. Avec elle, Kong va apprendre à jouer à la poupée Barbie, et à faire son plus beau sourire... Après, il est presque impossible d'ignorer qu'il finira sa vie dans une autre jungle (celle de New-York), au sommet de l'Empire State Building (où on peut encore se faire photographier en sa compagnie), avec toute notre sympathie. C'était au temps béni où les effets spéciaux n'étaient pas encore ennemis de la poésie et de l'émotion.

Night at the Opera (A) - Nuit à l'opéra (Une)

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Réalisé par : Sam Wood (1883 - 1949)
En : 1935, USA
Acteurs principaux : Margaret Dumont (1889 - 1965), Allan Jones (1907 - 1992), Groucho Marx (1890 - 1977), Harpo Marx (1888 - 1964), Chico Marx (1887 - 1961)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 96 mn, NB

Critique perso :

L'opéra c'est beau, c'est noble, c'est le grand art par excellence. En plus, la jeune première est jolie. Sauf que son copain, le gentil ténor, est un figurant sans le sou tandis que le jeune premier officiel est un salaud qui la colle de trop près. Enfin, on s'inquiète pas trop quand même. Ils partent tous en tournée sur l'océan, agents, doublures et agents doubles plus ou moins officiels compris. On nous avait promis du spectacle première classe et on se retrouve embarqués dans une croisière d'opérette, à partager une cabine à 25 (attention scène culte) et à danser la polka sur le pont. Au nez et à la barbe (surtout la barbe) de héros de guerre en vadrouille. En fait, l'opéra, c'est beau et un peu emmerdant, sauf quand on en confie la machinerie et tous les rouages à une bande de brothers déchaînée. Le vrai grand art, c'est eux.

Top Hat - Danseur du dessus (Le)

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Réalisé par : Mark Sandrich (1900 - 1945)
En : 1935, USA
Acteurs principaux : Fred Astaire (1899 - 1987), Eric Blore (1887 - 1959), Edward Everett Horton (1886 - 1970), Ginger Rogers (1911 - 1995)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 101 mn, NB

Critique perso :

Le danseur du dessus est un Américain à London. Le danseur du dessus fait du bruit -enfin, de la musique- avec ses pieds. En fait, justement, il connaît le secret de la transmutation de l'un en l'autre. Même, il sait transformer les pas en danse, en pas de danse. En plus, il est plutôt mignon. Dommage qu'il soit marié avec son producteur -enfin, avec la femme de son producteur -enfin, apparemment. Sa voisine du dessous est une amazone, aussi à l'aise sur un cheval que dans un costume de plumes. Dommage qu'elle soit mariée avec la femme du producteur du danseur du dessus -ou avec son couturier -enfin, apparemment. Ce vaudeville sautillant est un hymne aux plaisirs de l'artifice, qui ne sont pas des plaisirs pour de faux.

Sabotage - Agent secret

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1936, Angleterre
Acteurs principaux : Oskar Homolka (1898 - 1978), John Loder (1898 - 1988), Sylvia Sidney (1910 - 1999)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 76 mn, NB

Critique perso :

A Londres, la nuit, se promènent de drôles d'oiseaux. Ce M. Verloc, par exemple : il fuit tellement la lumière qu'il vient de saboter l'éclairage public ; il fuit tellement la lumière qu'il vit dans un cinéma. M. Verloc a une épouse, aussi, qui ne se doute de rien, et un enquêteur de Scottland Yard aux fesses qui, lui, a les plus noirs soupçons. Derrière l'écran (de son cinéma et de ses nuits blanches), devant un étrange aquarium (qui en anticipe un autre), se trament de sombres complots. Il s'agit cette fois de faire exploser une bombe en plein coeur de Londres (décidément très en avance, les gars). Une histoire à tiroirs et à double fonds, qui permet à Hitchcok d'aiguiser ses meilleurs crayons : le suspense des comptes à rebours, la victime innocente, la surprise du destin qui abolit les surprises... Sans oublier les oiseaux, qui n'y sont pour rien et qui se vengeront.

Drôle de drame

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1937, France
Acteurs principaux : Pierre Alcover (1893 - 1957), Jean-Pierre Aumont (1911 - 2001), Jean-Louis Barrault (1910 - 1994), Louis Jouvet (1887 - 1951), Françoise Rosay (1891 - 1974), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 94 mn, NB

Critique perso :

Drôle de drame, bazar bizarre (si si, cousin, vous l'avez dit !), craquante confiserie classique... Dans un drôle de pays qui prétend être l'Angleterre (mais sans cette langue barbare qui s'y pratique) évoluent de drôles de gens qui prétendent ne pas être ce qu'ils sont (ou le contraire). Qu'ils s'affichent comme pasteur, scientifique excentrique, policier ou serial-(butchers)-killer, ils ont toujours une identité de rechange en cas de besoin. Le meilleur alibi des tordus est la bienséance sociale -surtout en Angleterre, vraie ou fausse. Une seule chose est sûre : tous coupables ! A un petit détail près tout de même : pas moyen de dénicher le moindre cadavre -mais ce n'est pas faute d'essayer, ni d'y penser. A force de se cacher dans le double-fond de leurs arrières-pensées, ces pantins pas malins finissent par ne plus trop savoir où ils en sont. L'intrigue est donc impossible à résumer, tant mieux !

Stage Door - Pension d'artistes

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Réalisé par : Gregory La Cava (1892 - 1952)
En : 1937, USA
Acteurs principaux : Katharine Hepburn (1907 - 2003), Adolphe Menjou (1890 - 1963), Ann Miller (1923 - 2004), Ginger Rogers (1911 - 1995)
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /la parole est d'or
Caractéristiques : 92 mn, NB

Critique perso :

Ouvrez bien les oreilles : distribution gratuite de vacheries jubilatoires à la mitraillette ! On est entre filles pas nunuches, dans une pension pour postulantes comédiennes fauchées pas sûres d'avoir une carrière devant -ou derrière- elles. Débarque là-dedans une gosse de riches qui fait un caprice : Miss Katharine Hepburn herself. Bon, nous on se doute qu'elle va finir par assurer sur les planches, mais a priori il y a du boulot : il lui faudra éviter quelques pièges et quelques producteurs intéressés. Il lui reste surtout à apprendre la grande loi des artistes : il faut souffrir pour être bonne ! Drôle mais pas dupe, péchu et amer : un excellent film injustement oublié.

Entrée des artistes

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Réalisé par : Marc Allégret (1900 - 1973)
En : 1938, France
Acteurs principaux : Bernard Blier (1916 - 1989), Julien Carette (1897 - 1966), Marcel Dalio (1900 - 1983), Claude Dauphin (1903 - 1978), Louis Jouvet (1887 - 1951), Odette Joyeux (1914 - 2000), Noël Roquevert (1892 - 1973)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

C'est l'effervescence dans les couloirs du conservatoire d'art dramatique : aujourd'hui, on recrute les p'tits jeunes de la prochaine promotion. Se presse donc là une bande de postulants cabotins, tous plus insupportables les uns que les autres. Comme on pouvait le craindre, ce sont les pires qui sont pris -enfin, non, les pires, ce sont ceux qui ont été pris l'année d'avant. Ils sont tous jeunes, bêtes et beaux, c'est-à-dire, vus par ceux qui ne le sont plus (voir aussi Les Tricheurs), du genre à jouer avec leurs coeurs qu'ils pensent avoir déjà blasés, du genre à faire des paris stupides sur les sentiments auxquels ils pensent échapper. Mais qui n'hésitent jamais pour autant à en faire des tonnes avec leur peu (de talent) qu'ils ont. Pour paraphraser leur maître (à l'envers), ils mettent un peu trop de jeu dans leur (pseudo) vie, et pas assez de vie dans leur (imitation de) jeu. Ah, le maître... C'est bien simple, ses 10mn de présence à l'écran sont les seules dont on se souvienne. Y'a encore du boulot, les p'tits jeunes...

Room Service - Panique à l'hôtel

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Réalisé par : William A. Seiter (1890 - 1964)
En : 1938, USA
Acteurs principaux : Groucho Marx (1890 - 1977), Harpo Marx (1888 - 1964), Chico Marx (1887 - 1961), Ann Miller (1923 - 2004)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 78 mn, NB

Critique perso :

En bons camarades, les frères Marx(istes) ont inventé le partage du rire (entre l'intello, le mime et le magouilleur). Ils sont ici chefs d'une troupe de théâtreux fauchés, flanqué d'un beau-frère compatissant et d'un auteur provincial encore plus fauché qu'eux. Un odieux capitaliste propriétaire d'hôtel ose leur réclamer des notes de frais. Alors, ils font ce qu'ils savent le mieux faire au monde : berner, truquer, jouer pour nous une pièce bien meilleure que celle qu'ils font mine de préparer. Ce qui inclut : faire mine d'être partis, faire mine d'être malades, faire mine d'être morts (apparemment, il n'y a que comme ça qu'on tolère les artistes...). On ne fait pas mine de rire.

His Girl Friday - Dame du vendredi (La)

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Réalisé par : Howard Hawks (1896 - 1977)
En : 1940, USA
Acteurs principaux : Ralph Bellamy (1904 - 1991), Cary Grant (1904 - 1986), Rosalind Russell (1907 - 1976)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 92 mn, NB

Critique perso :

Hildegaard -Hildy, pour tout le monde- a été une excellente journaliste, et l'épouse d'un grand patron de presse. Le divorce à peine consommé, elle vient présenter à son ex, dans les bureaux de son journal, son nouveau fiancé (qui ressemble à Ralph Bellamy). Officiellement, elle envisage désormais avec lui une brillante carrière de femme au foyer. Mais l'au-revoir à sa vie d'avant dure plus longtemps que prévu. L'ex, pas très fair-play, essaie de la faire replonger dans la dope du scoop. Il met les ficelles de son grand art (bidonnage et coups fourrés) au service de sa cause. Et, pour réveiller les plus bas instincts (journalistiques) d'Hildy, il la pousse à parler comme une machine à écrire, exercice où elle bat tout le monde. Jeu virtuose sur le pouvoir des mots et des regards.

Shop Around the Corner (The) - Rendez-vous

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Réalisé par : Ernst Lubitsch (1892 - 1947)
En : 1940, USA
Acteurs principaux : Felix Bressart (1892 - 1949), James Stewart (1908 - 1997), Margaret Sullavan (1911 - 1960)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

Au coin d'une rue de Budapest, années 30 : c'est chez Matuschek, on y vend de la maroquinerie (des ceintures, des sacs à main...). Alfred, brave garçon poli, est le chef des vendeurs ; Klara, gentille fille enthousiaste, est la nouvelle vendeuse. Pourtant, ils ne s'entendent sur rien. Il y a autant de différences entre eux qu'entre une boîte à cigares et une boîte à bonbons (entre un homme et une femme, quoi). Ils n'ont pas leur langue dans leur poche mais, dans leurs poches, ils gardent précieusement les lettres enflammées qu'ils s'envoient sous pseudo (boîte à lettres numéro 237). Subtiles variations sur les intermitences de la vie sociale et le petit commerce de la vie privée, ces théâtres où tout le monde est un agent double.

Lady Eve (The) - Coeur pris au piège (Un)

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Réalisé par : Preston Sturges (1898 - 1959)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Eric Blore (1887 - 1959), Charles Coburn (1877 - 1961), Henry Fonda (1905 - 1982), Eugene Pallette (1889 - 1954), Barbara Stanwyck (1907 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 97 mn, NB

Critique perso :

Voici l'homme. Il vient de passer un an dans la jungle. Naïf, timide, maladroit. Papa dans la bière, très riche. Voici la femme. Elle passe sa vie à plumer des gogos. Perfide, tricheuse, aguicheuse. Papa dans les jeux de cartes, très malin. Il élève des serpents. Elle lui fait avaler des couleuvres. Il ne rate pas une seule peau de banane qui traîne. Elle ne rate pas une seule occasion de les laisser trainer. Ils sont forcément faits pour éviter de ne pas s'entendre -et plutôt deux fois qu'une. Au pays de la comédie romantique loufoque, tout est toujours pareil et prévisible -sauf quand ça n'a rien à voir. Dans les couples, c'est pareil.

Shanghai Gesture (The)

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Réalisé par : Josef von Sternberg (1894 - 1969)
En : 1941, USA
Acteurs principaux : Eric Blore (1887 - 1959), Marcel Dalio (1900 - 1983), Walter Huston (1884 - 1950), Victor Mature (1915 - 1999), Gene Tierney (1920 - 1991)
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

A l'entrée : un cerbère enturbanné à poils longs et une enseigne lumineuse ("never closes"). A l'intérieur : une foule cosmopolite agglutinée sur des paliers en cercles concentriques jusqu'à une table de casino. Bienvenue en enfer... La patronne s'apelle Mother Gin Sling's (ça aurait très bien pu être Mother Whisky Soda) et, à en juger par sa coiffure, l'intérieur de son crâne a besoin de ventilation. On mettra du temps à comprendre pourquoi elle en veut tant à sa nouvelle cliente, la distinguée Poppy, et pourquoi elle la pousse dans les coussins d'un nonchalant à tarbouche qui se fait appeler Dr. Omar. Elle mettra encore plus de temps à comprendre que ce n'était peut-être pas une si bonne idée que cela... L'histoire est tordue à souhait, les personnages retors, le décor somptueux (et vice-versa). Qu'importe la vraisemblance : même en smoking et en très bonne compagnie, on ne s'évade pas si facilement du petit enfer portatif coincé dans sa mémoire.

Assassin habite au 21 (L')

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Réalisé par : Henri-Georges Clouzot (1907 - 1977)
En : 1942, France
Acteurs principaux : Suzy Delair (1917 - ), Pierre Fresnay (1897 - 1975), Pierre Larquey (1884 - 1962), Noël Roquevert (1892 - 1973)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 84 mn, NB

Critique perso :

Ca a brièvement l'apparence d'un film noir à l'anglo-saxonne mais en fait, c'est une comédie à la française, sorte de Drôle de drame parisien. Un murder case (whodunit, comme dirait Agatha) en vase clos, vu que l'assassin -un serial killer à cartes de visites (avec meurtres en caméra subjective, s'il vous plait !)- a eu le bon goût de laisser les traîner (ses cartes) à son adresse. Au 21 (3 puissance 3), donc, il y a une pension de (sans-)familles excentriques : la vieille fille qui écrit des romans policiers, le magicien qui ne se produit plus nulle part, l'ex-boxeur aveugle (et son infirmière), le militaire en retraite d'on ne sait où (même pas lui) -j'en passe et des pires, tous le genre potentiel suspect, comme dans Le Corbeau, mais en plus drôle. Déguisé en pasteur, l'inspecteur Vorobechik -bientôt rejoint par son exubérante fiancée- n'est pas le moins pittoresque de la bande. Ils ne seront d'ailleurs pas trop de deux pour affronter un aussi ubiquitaire assassin... Un bon divertissement qui date d'une époque où ça en manquait un peu (de divertissement pas de serial killers...).

To Be or Not to Be

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Réalisé par : Ernst Lubitsch (1892 - 1947)
En : 1942, USA
Acteurs principaux : Felix Bressart (1892 - 1949), Carole Lombard (1908 - 1942), Robert Stack (1919 - 2003), Henry Victor (1892 - 1945)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /jeu dans le jeu /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 99 mn, NB

Critique perso :

Comment peut-on être nazi, telle est la question ?! Et en 42, il y avait de quoi se la poser... Là où Lubitsch est gonflé, c'est qu'il traite en comédie un thème pareil. Là où il est carrément génial, c'est qu'il choisit pour héros une troupe de comédiens plus familiers des répliques de Shakespeare que des méthodes d'interrogatoire du contre espionnage. Mais tant qu'à se jeter dans la gueule de la Gestapo, autant se déguiser en loup ! Et pour démasquer des imposteurs, rien ne vaut une plus grande imposture encore (ça pourraît bien être, d'ailleurs, une excellente définition du théâtre). Tout cela nous vaut une perle quasi-unique (avec Le Dictateur, bien sûr) : un film de propagande hilarant.

Stage Door Canteen - Cabaret des étoiles (Le)

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Réalisé par : Frank Borzage (1894 - 1962)
En : 1943, USA
Acteurs principaux : Ralph Bellamy (1904 - 1991), Katharine Hepburn (1907 - 2003)
Genre(s) : New York - New York /en avant la musique /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 132 mn, NB

Critique perso :

Soit disant que, pendant World War II, le monde du spectacle a contribué à l’effort de guerre en s’occupant d’une cantine-salle de spectacle réservée aux GI en plein New York. Soit disant qu’on pouvait y croiser plein de people du théâtre ou du cinéma : les vaguement connus faisaient le service, les has been le ménage, les stars le spectacle ou le management en coulisse. Gros régiment de jeunes filles pour faire -heu…- la conversation. Enfin, quand on dit gens « connus » ou « stars » dans le personnel, c’est avec les critères des bobos américains de l’époque : au regard d’un(e) français(e) même extrêmement cinéphile d’aujourd’hui (au hasard : moi), c’est tout juste si on en reconnait deux ou trois. On a plutôt l’impression d’assister à une interminable soirée « Maritie et Gilbert Carpentier » (désolée, ça en dit long sur mon âge : disons Drucker pour les plus jeunes) avec vagues intrigues pour faire patienter entre deux shows. Réservé aux historiens du music hall, ou aux masos de la cinéphilie.

Dames du Bois de Boulogne (Les)

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Réalisé par : Robert Bresson (1901 - 1999)
En : 1945, France
Acteurs principaux : Paul Bernard (1898 - 1958), Maria Casares (1922 - 1996), Elina Labourdette (1919 - 2014)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

On n'a pas été introduits dans les formes mais, visiblement, ils sont amants (il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour...). Ils font aussi partie du grand monde -celui dans lequel ça ne se fait pas de se plaindre. Alors, quand elle sent qu'il s'éloigne, elle le quitte. C'est son genre. En fait, elle enrage et ne veut que sa perte. Mais il faudra y mettre les formes. Son atout, c'est qu'elle a l'art de bien parler, c'est-à-dire de ne rien dire qui la compromette tout en incitant les autres à agir dans le sens contraire à ce qu'elle semble dire -trop forte, quoi. Elle a quelques marionnettes en réserve, elle s'en sert. Mais dans le coeur des marionnettes, il se passe parfois des choses imprévisibles -et invisible. Et la grâce descend parfois par les fils les plus embrouillés, comme une flamme brûlante qui prendrait, pour tromper son (grand) monde, les formes les plus hiératiques et les plus épurées. Il n'y a pas de grâce, il n'y a que des preuves de grâce.

Dead of Night - Au coeur de la nuit

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Réalisé par : film à sketchs
En : 1945, Angleterre
Acteurs principaux : Michael Redgrave (1908 - 1985)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 102 mn, NB

Critique perso :

Un petit architecte débarque dans un cottage anglais où on l'appelle pour réaménager les plans du domaine. Officiellement, c'est la première fois qu'il vient là. Mais le lieu et les gens qu'il y croise, il les connaît par coeur : il n'arrête pas de les voir en rêve. Un rêve qui, apparemment, se termine très mal... Pour conjurer le mauvais sort (et à défaut de jouer au Cluedo), tout le monde se met à raconter une histoire qui fait peur. Des histoires d'objets, de maisons ou de gens hantés, à votre guise. Des histoires (l'une d'elle est dûe à M. Hamer) de prémonitions, de possessions et de perditions. Des histoires à dormir debout et à crier couché, tellement saisissantes que, des fois, on a l'impression de les avoir déjà vues en rêve. Le petit architecte arrivera-t-il à mettre un peu d'ordre dans ce chaos ? Rien n'est moins sûr...

Matter of Life and Death (A) - Question de vie ou de mort (Une)

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Réalisé par : Powell (& Pressburger) (1905 - 1990)
En : 1946, Angleterre
Acteurs principaux : Kim Hunter (1922 - 2002), David Niven (1909 - 1983)
Genre(s) : conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 104 mn, NB/couleur

Critique perso :

Ca commence avec un travelling de quelques années-lumières sur l'univers, la terre et tout le reste. Ca enchaîne avec un coup de foudre par ondes radio et par temps de guerre, et une mort suspendue par le fog. Après, c'est une Near Death Experience d'1h30 en direct live et en images de rêve, à laquelle ne manque que l'odeur d'oignons frits. Autour du charmant petit couple en sursis, s'affairent d'étonnants personnages : un représentant de l'au-delà amateur d'échecs, comme dans Le 7ème sceau, et un sympathique et mystérieux neurologue, observateur omniscient de son village et de l'esprit humain, comme Im-ho-tep. Ce film, c'est la matrice du fantastique métaphysique à la Solaris (qui lui a piqué quelques plans), et du mysticisme amoureux façon Pandora (qui lui en a piqué quelques autres). Bref, l'accomplissement de tout ce que j'attends du cinéma : qu'il nous donne des images d'un autre monde qui serait aussi le nôtre.

Lady in the Lake - Dame du lac (La)

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Réalisé par : Robert Montgomery (1904 - 1981)
En : 1947, USA
Acteurs principaux : Robert Montgomery (1904 - 1981), Audrey Totter (1918 - 2013)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

Dans la peau de Philip Marlowe ! C'est ce que promet clairement ce film, (presque) entièrement tourné en caméra subjective. Ca commence, en fait, quand Marlowe essaie de caser la nouvelle qu'il a écrite à l'éditrice d'une revue. "Au cas où il y aurait une vie avant la mort", que ça s'appelle (ou peut-être le contraire). Peut-être bien un traité sur l'histoire du cinéma... En fait, l'éditrice se fout pas mal de sa prose, mais pas de son métier de détective privé. Elle a une affaire à lui soumettre, concernant une certaine Chrystal Kingsby. Marlowe rechigne, mais pas longtemps. Comme c'est un homme-un vrai, il fume beaucoup (effet "fumée blanche" en bord de cadre), reçoit et donne pas mal de gnons (effet caméra qui tremble), se retourne sur les filles (panoramique), en embrasse une (jusqu'à l'écran noir, mais pas le carré blanc). Mais la vie en plans séquences, en fait, c'est surtout un peu chiant, on connaît déjà trop bien. Quant à Chrystal Kingsby, il suffit de lire le générique : Ellay Mort... On pensait entrer dans la peau du seul vrai Marlowe, et on se retrouve surtout dans l'oeil (un peu éteint) de Robert Montgomery (effet déception garanti).

Armoire volante (L')

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Réalisé par : Carlo Rim (1905 - 1989)
En : 1948, France
Acteurs principaux : Fernandel (1903 - 1971)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

De l'humour noir et de l'absurde à l'anglaise (à la mode Frenchy façon Drôle de drame), un Fernandel en mode parano persécuté : attention perle méconnue ! Le cadavre (d'une vieille tante insupportable) est dans le placard, ou plutôt au fond d'une armoire insaisissable. Elle est passée par les déménageurs, elle repassera par le bordel, les truands et l'armée du salut... Les démarches les plus compliquées pour la récupérer n'arrivent qu'à compliquer l'affaire - ou à la faire filer encore plus entre les doigts comme une poignée de sable fin. Le film, plein de rimes et de paradoxes, se prend à merveille à son propre contre-pied, comme un acte manqué qui durerait 1h30. Une espèce de comédie macabre (ou de cauchemar drôle) pas du tout manquée.

Foreign Affair (A) - Scandaleuse de Berlin (La)

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1948, USA
Acteurs principaux : Jean Arthur (1900 - 1991), Marlene Dietrich (1901 - 1992), Jonh Lund (1911 - 1992)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 116 mn, NB

Critique perso :

Berlin en 1945 : un peu comme un gros tas de légos dans lequel quelqu'un aurait mis un grand coup de pieds. Pas évident d'y caser une comédie. Mais tout n'est pas perdu, voici une délégation Républicaine du Congrès US qui débarque par les airs, avec pour mission de contrôler le (ou la, c'est pas très clair) moral(e) des troupes. Et, en son sein, une sénatrice de l'Iowa qui prend sa charge très à coeur, surtout depuis qu'elle est escortée d'un bel officier qui lui rappelle le pays. Côté moral(e), on ne demande pas trop leur avis aux autochtones, déjà trop heureux d'avoir survécu au gros coup de pied. Y'en a même qui sont encore debout, voire même sexy et bien habillée, et qui chante depuis toujours. Trop heureuse d'avoir pris très à coeur ses relations avec l'occupant, et particulièrement un bel officier qui n'est pas du pays. Le choc des cultures a déjà eu lieu (il a fait quelques millions de morts), il ne reste plus qu'à savoir laquelle est le côté pile, laquelle est le côté face, et de quel côté tombe la pièce quand c'est un bel officier qui la lance. Laquelle sauvera la face et le (ou la) moral(e) des troupes.

Rope - Corde (La)

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Réalisé par : Alfred Hitchcock (1899 - 1980)
En : 1948, USA
Acteurs principaux : Farley Granger (1925 - 2011), James Stewart (1908 - 1997)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 80 mn, NB

Critique perso :

Vue sur une rue de New-York très calme. Un cri. La caméra se tourne vers l'intérieur de l'appart. Contrechamp de l'autre côté des rideaux, où deux élégants jeunes hommes en étranglent un troisième. On ne quittera plus ni l'appart (3 pièces-cuisine, mais on ne voit jamais la chambre) ni le plan (8 bobines de 10mn chacune, mais on voit à peine les transitions) -enfin, il m'a bien semblé apercevoir une coupe et un contrechamp, mais ils font sans doute partie du jeu. Et pour raconter quoi, ce simili plan-séance traficoté ? Le buffet froid donné par les deux dandys-assassins sur le cadavre encore tout chaud de leur victime. Le lien qui les attache ne se réduit sans doute pas à la corde qui leur a servi d'arme. Pour les démasquer, on ne pourra guère compter sur la vieille excentrique de service : elle a vu Les Enchaînés mais ne vaut pas Miss Marple. Mais leur prof en toutes choses, lui, a le regard bien affuté. Comme quoi il ne faut jamais croire avoir dépassé son maître.

On the Town - Jour à New-York (Un)

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Réalisé par : Stanley Donen (1924 - )
En : 1949, USA
Acteurs principaux : Gene Kelly (1912 - 1996), Ann Miller (1923 - 2004), Frank Sinatra (1915 - 1998)
Genre(s) : New York - New York /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 98 mn, couleur

Critique perso :

Trois marins en perm' de 24h dans le port de New-York : en moins d'une matinée, ils ont épuisé toutes les curiosités qu'il m'a fallu une semaine pour parcourir ; il ne leur reste que 3/4 de journée pour draguer quelques millions de jeunes filles. Alors que deux d'entre eux se font assez rapidement sauter dessus par deux girls pas nunuches et pas farouches (dont une Impossible Miss Baby), le troisième, lui, a plus de mal. Il tourne autour d'une "Miss Tourniquet" qui lui donne le tournis : poursuites, mensonges, RDV obligé (depuis Elle et lui) en haut de l'Emprire State Building , avant la tournée des bars de nuit. Un concentré de vie, d'énergie et de musique, comme si la forme d'une ville posait déjà sa marque sur le coeur des mortels qui arpentent ses rues.

All about Eve - Eve

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Réalisé par : Joseph L. Mankiewicz (1909 - 1993)
En : 1950, USA
Acteurs principaux : Anne Baxter (1923 - 1985), Bette Davis (1908 - 1989), Marilyn Monroe (1926 - 1962), George Sanders (1906 - 1972)
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 138 mn, NB

Critique perso :

Eve, jeune et charmante actrice, reçoit un prix d'interprétation au milieu de VIP en pingouins. Applaudissements, remerciements. Flash-back : moins d'un an avant, Eve (la même), dans le rôle de la fan anonyme faisant (pour de vrai) le pied de grue à la sortie des théâtres. Que s'est-il passé entre les deux ? Bette Davis, dans le rôle d'une célèbre actrice vieillissante et capricieuse (qui, bizarrement, lui va comme ses gants), arrivera dans l'intervalle à se rendre plus sympathique que l'onctueuse Eve, c'est dire. Mankiewicz prouve par l'exemple que manipulations, faux-semblants et mises en scènes sont les clés d'un spectacle réussi. Impeccable leçon de misanthropie (voire de misogynie) et de cynisme, pour ne plus jamais regarder les cérémonies des Oscar, César, Molière et patapon de la même façon.

Beauté du diable (La)

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Réalisé par : René Clair (1898 - 1981)
En : 1950, France
Acteurs principaux : Gérard Philipe (1922 - 1959), Michel Simon (1895 - 1975)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, NB

Critique perso :

Le vénérable Docteur Faust se voit remettre une médaille pour l'ensemble de son oeuvre. Autant dire qu'il a raté sa vie et qu'il n'en a plus pour longtemps. A peine le temps de remercier toute l'équipe qu'il n'eut jamais et voilà Méfisto, démon de second plan mais bien cabotin quand même, qui lui montre le miroir de ce qu'il aurait pu être. Et voici qu'apparaît sur un écran magique (sans doute fabriqué à Hollywood) : beauté, gloire et fortune. L'amour est aussi disponible en option, mais pas forcément compatible avec le reste du scénario. Le mythe est donc revisité en version vaguement post-atomique et néo-poétique, mais en conservant princesse, bohémienne et sacs d'or. De la bonne vieille ouvrage qualité française, donc, avec les meilleurs cabotins du moment, mais qui a tout de même un peu de mal à croire à sa jeunesse éternelle. Et qui sera bientôt bien perturbé par un truc nouveau venant de la mer...

Luci del varietà - Feux du music-hall (Les)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1950, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

En ce temps-là, le Maestro n'était qu'un apprenti. Il a fait l'assistant pour Rosselini, il a besoin de l'oublié Latuada pour oser co-signer son premier film qui déjà, pourtant, lui ressemble. Il y est question d'une troupe d'artistes de dernière catégorie : ceux des cabarets minables et des publics à rire gras. Il y a là un fakir, un bonimenteur et un chanteur de charme (d'ailleurs, ce sont les mêmes), de quelques playmettes plus ou moins affriolantes. Juste assez pour tout de même donner envie à une jeune première de se joindre à la troupe : une Eve du pauvre, en quête de gloire en polystyrène. Ses jambes retiennent l'attention du bellâtre vieillissant de la bande -pas sûr que ce soit une bonne pioche. Dans cette version méditerranéenne de La Nuit des forains, les OS du bastringue rament pour ne pas mourir de faim. Mais il n'est sans doute pas de plus grand maestro que celui qui met son grand art au service des plus merdiques de ses collègues.

Manèges

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Réalisé par : Yves Allégret (1907 - 1987)
En : 1950, France
Acteurs principaux : Bernard Blier (1916 - 1989), Simone Signoret (1921 - 1985)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Au début : un mari éploré à l'hôpital, au chevet de sa femme chérie : larmes, désespoir et souvenirs. Fausse piste. Belle-maman débarque et vend la mèche : sa fille n'en voulait qu'à son argent, elles se sont bien foutues de lui. Le mélo tourne vinaigre, le grand déballage commence... Pas joli joli pour la gente féminine, ce Rashômon en costume de cheval (le mari tente de faire vivre un manège). Pas terrible non plus pour les mâles, qui se partagent en salauds de pauvres et en pauvres salauds. Comme dans Le Mépris, les relation sociales se résument à la prostitution. Comme dans Lettre d'une inconnue, celui qui a tout compris est celui qui parle le moins. Bio cynique d'une Comtesse aux pieds nus un peu trash, dont l'élégance sentira toujours l'écurie. Noir c'est noir.

Rashômon

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1950, Japon
Acteurs principaux : Machiko Kyô (1924 - ), Toshirô Mifune (1920 - 1997), Masayuki Mori (1911 - 1973), Takashi Shimura (1905 - 1982)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

Réfugiés sous une porte de Kyoto (Rashômon, c'est la "porte des démons") pour échapper au déluge, trois hommes se racontent une histoire. Une sombre histoire, qui met en scène un couple traversant tranquillement la forêt, et le bandit bondissant qu'ils y rencontrent. L'histoire se termine mal, un procès vient d'avoir lieu. Face au tribunal invisible de l'Histoire, chacun des protagonistes donne sa version des faits. Les images, chaque fois, lui donnent raison. L'homme est mort, la femme a été violée, le bandit jugé. Mais c'est à peu près tout ce qu'il y a de sûr. Pour le reste, chacun sa vérité et honneur pour tous. L'histoire prend l'eau, comme tout le reste. Si on ne peut plus faire confiance aux images, où va-t-on ! Quant aux hommes... Un grand coup de de modernité dans les côtes, largement pompé depuis.

Sunset Blvd. - Boulevard du Crépuscule

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1950, USA
Acteurs principaux : Cecil B. DeMille (1881 - 1959), William Holden (1918 - 1981), Buster Keaton (1895 - 1966), Gloria Swanson (1897 - 1983), Erich von Stroheim (1885 - 1957)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

Voix off d'outre-tombe pour le premier flash-back post-mortem de l'histoire du cinéma : Joe, donc, est mort. Noyé dans l'objet de son désir : une piscine sur Sunset Blvd., Hollywood. Et avec trois balles dans la peau. Un peu avant, Joe se contentait d'être comme la moitié des habitants de L.A. : un scénariste raté. Jusqu'au jour où sa voiture crève devant chez Norma, richissime ex-star du muet, en pleine préparation ultra-secrète de son come-back. Il devient courtisan, puis courtisé. Complice, compromis, corrompu. Condamné... Victime, comme Norma, de l'illusion à laquelle il a consacré sa vie. Billy Wilder, coté obscur. Derrière l'hommage aux pionniers du cinéma, aux Griffith, DeMille et Stroheim (et au fantôme de Buster Keaton qui joue aux cartes), se profile une féroce satire et une vision fulgurante, qui désigne la rubrique people et les faits divers comme avenir possible de son art.

Juliette ou la clef des songes

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Réalisé par : Marcel Carné (1906 - 1996)
En : 1951, France
Acteurs principaux : Jean-Roger Caussimon (1918 - 1985), Suzanne Cloutier (1923 - 2003), Roland Lesaffre (1927 - 2009), Gérard Philipe (1922 - 1959), Yves Robert (1920 - 2002)
Genre(s) : conte de fées relooké /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Un jeune homme en prison, beau comme Gérard Philippe, s'évade en douce pendant son sommeil, en rejoignant en rêve un mystérieux village où le temps s'est arrêté et où tout le monde est à la recherche de sa mémoire. Il a bien envie d'y rester, d'autant qu'il vient d'y rencontrer la jeune fille de ses rêves (c'est bien la moindre des choses), belle comme Suzanne Cloutier. Il a assez de mémoire pour tout le monde, mais ça présente aussi quelques inconvénients. Bon, on n'est pas vraiment dans Paprika ou dans Inception, mais il y a de ça quand même. En fait, c'est plutôt un remake caché du Jour se lève, où l'imagination prend la place du passé -avec le même mode d'emploi au début, pour ne pas larguer les spectateurs. Un poil de Magicien d'Oz, aussi, sans les couleurs. Tentative pour passer du réalisme poétique à la poésie réaliste. La magie et les grands sentiments sont un peu laborieux mais il y a de ça quand même.

Royal Wedding - Mariage royal

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Réalisé par : Stanley Donen (1924 - )
En : 1951, USA
Acteurs principaux : Fred Astaire (1899 - 1987), Peter Lawford (1923 - 1984), Jane Powell (1929 - )
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 93 mn, couleur

Critique perso :

Tom et Ellen sont partenaires sur scène et inséparables dans la vie. Pas mariés pour autant -ça ne se fait pas, ils sont frère et soeur. Leur impressario new-yorkais les envoie à son frère jumeau de Londres pour jouer leur spectacle, juste quelques semaines avant que future Queen Elisabeth et Prince Philippe ne jouent le leur. Ca fait déjà pas mal de couples d'opérettes. Tom et Ellen s'empressent bien sûr d'en constituer deux autres avec d'authentiques autochtones -un vrai Lord et la fille d'un tenancier de bistrot qui est en fait celle de Winston Churchill (dans la vraie vie, pas dans le film !). Tout finira par des chansons -mais vu que ça commençait déjà comme ça, on n'est pas trop surpris. J'oubliais : 15 ans avant les spationautes de 2001, l'Odyssée de l'espace et 50 ans avant Spider-man, Fred Astaire, l'homme qui danse comme il respire, passait déjà sans effort des murs au plafond.

Show Boat

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Réalisé par : George Sidney (1916 - 2002)
En : 1951, USA
Acteurs principaux : Joe E. Brown (1892 - 1973), Ava Gardner (1922 - 1990), Agnes Moorehead (1900 - 1974)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 107 mn, couleur

Critique perso :

Un steamboat sur le Mississipi sert de salle de spectacle flottant pour comédies musicales à volants et à frou-frou. Papa est capitaine-metteur en scène, maman gère les coulisses. La vedette a les beaux yeux d'Ava (mais la voix de quelqu'un d'autre). Un dandy errant et fauché fait semblant de se prendre de passion pour la fille du patron et tout le monde y croit, même lui. A peine débarqué dans l'histoire, il embarque avec la troupe. Dehors, un vieux black chante Ol' man river. La vie, même en volants et en frou-frou, c'est pas drôle tous les jours. Sidney, spécialiste de ballets nautiques, a bien du mal à rester à flot avec cette adaptation très décorative d'un spectacle de Broadway qui échoue à inspirer la moindre émotion. On fait pas que semblant de s'emmerder.

Tales of Hoffmann (The) - Contes d'Hoffmann (Les)

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Réalisé par : Powell (& Pressburger) (1905 - 1990)
En : 1951, Angleterre
Acteurs principaux : Moira Shearer (1926 - 2006)
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 128 mn, couleur

Critique perso :

Dans l'arrière salle des coulisses d'un théâtre de cinéma, l'acteur d'un personnage de romancier se met à nous raconter l'histoire d'une histoire -ou plutôt de trois histoires, en fait. Pour entrer dans ce genre de films en forme de livre d'images qui bougent, il vaut mieux ne pas avoit oublié ses yeux d'enfant au vestiaire, et ne pas craindre de plonger la tête la première dans tous les pays des merveilles du monde. Les trois histoires, d'ailleurs, ne parlent que de ça : des abîmes de l'âme, des ballets des sentiments, des bords vertigineux du réel. Des chausse-trapes et des doubles-fonds de l'esprit humain, ce théâtre de marionnettes dont chacun serait le propre manipulateur. Et le tout, bien sûr, en chansons, en danses, en cartons pâte et en maléfices. C'est complètement surfait et absolument sublime, comme de l'opéra à la puissance cinéma. Comme si on tirait un feu d'artifices flamboyant dans la caverne de Platon.

Belles de nuit (Les)

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Réalisé par : René Clair (1898 - 1981)
En : 1952, France
Acteurs principaux : Martine Carol (1920 - 1967), Gina Lollobrigida (1927 - ), Jean Parédès (1914 - 1998), Gérard Philipe (1922 - 1959)
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Claude a deux vies : le jour, c'est un professeur de musique rêveur -et chahuté-, le soir c'est un compositeur d'opéra, rêveur aussi -et bien sûr complètement ignoré. Un ange musicien égaré dans un monde de cacophonie. Comme aucune de ces vies n'a l'air satisfaisante, il en a même une troisième : en fait, la bonne, c'est quand il dort. Gérard Philippe, à peine sorti du pays des merveilles de Juliette, replonge. Accro aux rêves dont il est le héros, encore. Ici, ils sont plus variés dans le temps et l'espace (la Révolution, les colonies, la Belle Epoque..), on sent qu'il est plus allé au cinéma. On dirait même qu'il a vu le Minuit in Paris de Woody Allen, tellement qu'on s'y croirait (Hemingway et Gertrud Stein en moins). Les réalisateurs vieillissants des années 50 n'aimaient décidément pas leur époque, ils espéraient encore que le cinéma les en sauvent.

Narrow Margin (The) - Enigme du Chicago Express (L')

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Réalisé par : Richard Fleischer (1916 - 2006)
En : 1952, USA
Acteurs principaux : Marie Windsor (1919 - 2000)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 71 mn, NB

Critique perso :

Partie de cache-cache avec flingues, dans le dernier train pour L.A. C'est drôles, les trains, pour se cacher : c'est plein de coins, de portes et de vitres, ça s'arrête presque jamais. Participent à la partie quelques policiers qui protègent un ou deux mouchards, un ou deux mouchards pas rassurés par les mauvaises fréquentations des wagons, et des mauvaises fréquentations un peu fachées avec les policiers. Chacun est le chat et la souris de quelqu'un d'autre, mais pas toujours de ceux qu'on croit. D'ailleurs, ce n'est pas très facile de jouer à la ronde dans un alignement de compartiments. Chapeau au réalisateur qui, lui, a l'air aussi à l'aise sur cette poutre étroite que dans un décor confortable. Et puis, les trains, c'est pas parce que ça file droit que ce n'est pas propice aux bons films, et aux retournements de situations.

Sceicco bianco (Lo) - Cheik blanc (Le)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1952, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994), Alberto Sordi (1920 - 2003), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

Ils sont provinciaux, ils débarquent pour leur voyage de noces à Roma la Grande. Monsieur a fait le planning : retrouvailles avec un vieil oncle, marathon touristique et audience papale. Mais Madame a des plans cachés : elle ne songe qu'à rencontrer le héros de son coeur, un Cheik blanc de pacotille (non, ce n'est pas le pape) qui parade dans les romans-photos qu'elle dévore en cachette. Alors qu'elle voulait simplement lui offrir un petit cadeau perso, son fantasme le plus secret se réalise : elle se fait kidnapper par (l'équipe technique de) son Cheik. Pendant ce temps, Monsieur se bat avec l'énergie de son désespoir pour sauver la face de son honneur baffoué. Le Maestro a déjà toutes ses cordes à sa lyre : les yeux exorbités d'un provincial monté à la capitale, un coeur de midinette, une verve de cartooniste, une patte d'artiste pour qui les rêves sont les meilleurs miroirs.

Singin' in the Rain - Chantons sous la pluie

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Réalisé par : Stanley Donen (1924 - )
En : 1952, USA
Acteurs principaux : Cyd Charisse (1921 - 2008), Jean Hagen (1923 - 1977), Gene Kelly (1912 - 1996), Debbie Reynolds (1932 - 2016)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

La grâce, comme la pluie, tombe du ciel, et ce film-là a été copieusement arrosé. Normal, en fait, parce qu'il ne parle que d'une chose : comment échapper à la pesanteur ? Recensement des réponses possible : la danse, la musique, le rire, l'amour, l'enfance et l'art (ou plutôt l'enfance de l'art -du cinéma en l'occurrence). Et la synthèse de tout ça s'appelle Gene Kelly (crédité aussi du statut de co-réalisateur). Il n'a jamais été aussi jeune et aussi beau qu'ici, et personne n'a plus jamais aussi bien que lui barbotté dans une flaque en hurlant son bonheur.

Band Wagon (the) - Tous en scène

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Réalisé par : Vincente Minnelli (1903 - 1986)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Fred Astaire (1899 - 1987), Cyd Charisse (1921 - 2008), Oscar Levant (1906 - 1972)
Genre(s) : New York - New York /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Un certain M. Truffaut (ou son double de cinéma) dit quelque part qu'un film est comme un train dans la nuit. Un "musical" à l'américaine, c'est pareil : ça embarque tout un tas de monde pour on ne sait trop où, et ça y va à toute vitesse. Des fois, ça fait rire en voulant impressionner, des fois ça impressionne en voulant faire rire. Des fois, ça déraille. Des associations de talents les plus hétéroclites peuvent y réussir à s'entendre, ou bien exploser, et les cabots les plus incompatibles devenir inséparables (enfin, c'est un "musical", tout de même, pas la vraie vie). L'art d'attraper la chance et la grâce, c'est un bricolage de pros. Et quand ça rend heureux, on se fiche de savoir si c'est notre double de spectateur ou dans la vraie vie.

Beat the Devil - Plus fort que le diable

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Jennifer Jones (1919 - 2009), Gina Lollobrigida (1927 - ), Peter Lorre (1904 - 1964), Robert Morley (1908 - 1992)
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Un port italien après la guerre, cuit à l'étouffé. Un yankee désabusé, flanqué de trois complices pas tout à fait à la hauteur et d'une brune épouse explosive, fait la connaissance d'un couple de faux aristocrates so british avec qui il doit voyager. Ca s'observe, ça s'agite, ça se raconte des histoire. Ca cause chateaux en Espagne et uranium en Afrique. Les femmes et les mensonges circulent un peu trop vite. La pompe à récit déraille parfois autant que celle du bateau pourri censé les accueillir à son bord (dès que le capitaine aura déssoulé). Que vont-ils donc faire dans ce raffiot ? Se raconter d'autres histoires, of course. Un African Queen pour rire, hommage à la fiction qui ne mène nulle part et au plaisir du voyage immobile dans un bateau ivre.

Man on a Tightrope - Cirque en révolte

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Réalisé par : Elia Kazan (1909 - 2003)
En : 1953, USA
Acteurs principaux : Gloria Grahame (1923 - 1981), Frederic March (1897 - 1975), Adolphe Menjou (1890 - 1963)
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

En 1952, il s’est passé un truc embêtant dans la vie d’Elia Kazan. C’est à ce moment-là qu’il a évoqué quelques noms de potes communistes devant une certaine commission. C’est aussi à partir de là qu’il a commencé à faire des films intéressants, des films où il est question d’agents doubles et de légitimes trahisons. Ici, c’est carrément une troupe entière de cirque (dompteur de lions, clowns, acrobates et musiciens, familles comprises), qui, manque de bol, opère en Tchécoslovaquie, du mauvais côté du rideau de fer. Et rêve de passer de l’autre côté, en bloc et en musique, si possible. Pour éviter d’avoir à faire rire sur les prolétaires méritants et les méchants capitalistes. Si c’est pas de la belle justification a posteriori, ça y ressemble beaucoup. Apparemment, en tout cas, c’est pas le collectivisme qui le rebutait, Kazan, surtout pas celui d’une troupe soudée par le spectacle. Et coup de bol ou pas, il savait décidément faire du très bon cinéma avec (suspense, héros et traitres compris).

Barefoot Contessa (The) - Comtesse aux pieds nus (La)

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Réalisé par : Joseph L. Mankiewicz (1909 - 1993)
En : 1954, USA
Acteurs principaux : Humphrey Bogart (1899 - 1957), Ava Gardner (1922 - 1990), Edmond O'Brien (1915 - 1985)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /la parole est d'or /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, couleur

Critique perso :

Comme toujours avec Mankiewicz, c'est un film sur la duplicité. Mais la duplicité sincère, la duplicité comme fidélité à ses origines. Ava Gardner, au top de sa beauté, y est une danseuse de cabaret espagnole devenue star hollywoodienne. Elle parvient sans mal à nous faire croire à cette histoire de Cendrillon qui ne renonce pas totalement à ses haillons, et poussera le paradoxe jusqu'à tromper son mari par amour pour lui. Son histoire nous est racontée en flash-back par plusieurs personnes qui assistent à son enterrement (on se doute donc que ça ne finira pas très bien). Un conte de fées spéculaire et désenchanté avec Bogart dans le rôle de la marraine, ça ne se refuse pas !

Star Is Born (A) - Etoile est née (Une)

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Réalisé par : George Cukor (1899 - 1983)
En : 1954, USA
Acteurs principaux : Judy Garland (1922 - 1969), James Mason (1909 - 1984)
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 181 mn, couleur

Critique perso :

Déjà plus si jeune et une étoile qui jusqu'à présent n'a ébloui personne : c'est l'apprentie chanteuse Esther Blodgett (en plus, impossible de caser un nom pareil en tête d'affiche). Dommage, la Star Ac n'existe pas encore. Mais elle tombe, en la personne de Norman Maine, sur un protecteur qui eut, un siècle avant, son heure de gloire à Hollywood. Maintenant, il a quelques beaux restes mais fréquente surtout les bouteilles de whisky. Il est un peu passé de l'autre côté de la pente... A eux deux, il vont pourtant trouver la formule magique du succès -à défaut de celle du bonheur. Un peu mélo et longuet à mon goût, mais avec quelques morceaux fulgurants et savoureux (le tour du monde dans le salon est mon préféré).

Bidone (Il)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1955, Italie
Acteurs principaux : Richard Basehart (1914 - 1984), Broderick Crawford (1911 - 1986), Franco Fabrizi (1926 - 1995), Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, NB

Critique perso :

Ils opèrent en groupe et en province. Leur spécialité (bien avant l'invention d'Internet, des spams et des hoax), c'est l'arnaque à la nigérianne : extorquer quelques sous à ceux qui n'en n'ont déjà pas assez pour vivre, en faisant miroiter des histoires mirobolantes et des trésors extravagants. En costumes respectables, pour mieux faire passer leurs pilules amères, ils jouent des sketchs qu'ils sont les seuls à apprécier. Ce sont des acteurs largués de leur vraie vie, cyniques par profession, minables et touchants, des Misifits avec du bagout, des Vitelloni qui ont mal tourné. Ils ont déjà grillé pas mal de leurs cartouches, ils sont unis comme les doigts de mains différentes. Ils ne touchent à la Dolce vita qu'avec les yeux. Et à leur nullité avec le ventre. Et nous avec le coeur.

Girls (Les)

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Réalisé par : George Cukor (1899 - 1983)
En : 1957, USA
Acteurs principaux : Taina Elg (1931 - ), Mitzi Gaynor (1931 - ), Gene Kelly (1912 - 1996), Kay Kendall (1926 - 1959)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 114 mn, couleur

Critique perso :

Encore un scandale, encore un procès dont Londres est le théâtre. Personne n'est mort, mais il s'en est fallu de peu. Il s'agit de savoir qui, des trois girls de Barry, dit la vérité. Ensemble, ils ont dansé sur les scènes de tous les cabarets d'Europe. Mais laquelle des trois avait sa préférence, qui était la chouchoute secrète ? Bien sûr, c'était la française libérée, sa très intime partenaire de répétitions qui s'éternisaient. Evidemment, c'était l'anglaise portée sur la bouteille, qui connaissait ses manies de très très près. Of course, c'était la discrète américaine intello-bio, grande consommatrice de fruits et légumes. Trois visions de l'amour, trois versions de la vie (mais on ne saura jamais qui a gardé la montre). Un Rashômon glamour et rigolo qui ne sème le doute que pour récolter le tempo.

Smultronstället - Fraises sauvages (Les)

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1957, Suède
Acteurs principaux : Bibi Andersson (1935 - ), Gunnar Björnstrand (1909 - 1986), Victor Sjöström (1879 - 1960), Ingrid Thulin (1926 - 2004), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

A 78 ans, Isaac Borg est devenu le type de grand professeur auquel j'espère bien ne jamais ressembler : sec, maniaque, arrogant par habitude. Aujourd'hui, à l'autre bout du pays, on lui fête son jubilée : 50 ans de bons et loyaux diagnostics médicaux. Pour se sentir encore jeune, sans doute, il fait un caprice, renonce à l'avion et part en voiture. Le temps de cette journée particulière, il rêve de ce qu'il est déjà devenu -un homme mort-, et imagine les souvenirs d'enfance qui ont échappé à sa mémoire. Sur la route, il remonte à l'envers le cours de sa vie. Il rencontre celui qu'il a été, la famille dont il est issu, celle qu'il n'a pas su fonder, les libertés qu'il n'a jamais osé prendre. Au bout du chemin, il a droit à sa médaille mais il sait, qu'en fait, il a été recalé à son certif de belle vie. Le bilan est impitoyable : c'est celui qu'un homme encore jeune fait à son avenir, et c'est encore plus troublant.

Anatomy of a Murder - Autopsie d'un meurtre

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1959, USA
Acteurs principaux : Ben Gazzara (1930 - 2012), Lee Remick (1935 - 1991), George C. Scott (1927 - 1999), James Stewart (1908 - 1997)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 160 mn, NB

Critique perso :

Paul Biegler est un pêcheur à la ligne assez performant -et un avocat occasionnel pas mauvais non plus. Alors, quand une certaine Laura vient lui demander très gentiment de défendre son cher assassin de mari, il flaire le gros poisson. Le mari est coupable, personne (même pas lui) ne le conteste, mais était-il responsable au moment des faits ? Ca, ça se discute. Et les américains ne discutent jamais aussi bien que dans une cour d'assise. Paul est assez bon pour diriger les projecteurs de la procédure là où il faut, pour coacher son casting de témoins et pauffiner leur texte sans avoir l'air d'y toucher (la clé de l'affaire, c'était à prévoir, est dans la culotte de Laura). Preminger aussi.

Some Like It Hot - Certains l'aiment chaud

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1959, USA
Acteurs principaux : Joe E. Brown (1892 - 1973), Tony Curtis (1925 - 2010), Jack Lemmon (1925 - 2001), Marilyn Monroe (1926 - 1962), Pat O'Brien (1899 - 1983)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Deux musiciens traqués et fauchés (qui ne trouvent rien de mieux que de se produire dans les tripots de Chicago en pleine Prohibition) se voient proposer, en dernier recours, un contrat à Miami... dans un orchestre féminin. Travestis incognito, ils font la connaissance de la joueuse de yukulélé de la bande, une fondante Sugar... On dirait des gamins dans une patisserie, déguisés en grandes personnes. Après, la mécanique des intrigues, déguisements, embrouilles et quiproquos s'emballe, d'autant que la sweet Sugar ne ménage pas ses efforts pour réchauffer l'atmosphère ("poo poo pee dou..."). Humour farfelu, situations et répliques d'anthologie : une comédie presque (parce que personne ne l'est vraiment, n'est-ce pas) parfaite.

Peeping Tom - Voyeur (Le)

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Réalisé par : Powell (& Pressburger) (1905 - 1990)
En : 1960, Angleterre
Acteurs principaux : Karlheinz Böhm (1928 - 2014), Moira Shearer (1926 - 2006)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 101 mn, NB

Critique perso :

Mark l'égorgeur vit à Londres, dans les années 60. Il est photographe et apprenti cinéaste, il a un vague accent prussien. Peut-être un ancêtre qui s'appelait M du côté de Berlin. Comme le caméraman de King Kong, il a une prédilection pour le filmage de la femelle hurlante de type homo sapiens. Comme le proprio dérangé de Psychose, il a la pulsion scopique au bout du couteau. Alors, pour combiner les deux, il a mis un couteau au bout de son pied de caméra. C'est un serial-matteur du type le plus dangereux. Comme tous les cinéphiles compulsifs, c'est aussi un petit garçon qui n'a jamais grandi, un taré au doux regard qui tue. Cette enquête sur le visage de la terreur, miroir déformant, baroque et glaçant, fait l'effet d'un coup de projecteur dans l'âme. Comme si l'oeil était dans la caméra et nous regardait.

Rokudenashi - Bon à rien

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Réalisé par : Kiju Yoshida (1933 - )
En : 1960, Japon
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 88 mn, NB

Critique perso :

Ce sont des vitelloni de capitale. Il y a un fils à papa (patron, le papa), qui entretient un peu les autres en ralant. Il y a l'étudiant éternel, le bidouilleur-magouilleur et l'acteur raté. Gueules d'anges, inquiétudes métaphysiques et comportements de gougeats. Il y a la secrétaire du papa du fils à papa, aussi, réputée pas commode parce qu'elle ne rêve pas de devenir bobonne et qu'elle est la seule qui leur tient tête. Ils s'ennuient beaucoup, ne savent pas quoi faire de l'énergie qu'ils n'ont pas, mais sauraient très bien quoi faire avec l'argent qu'ils n'ont pas non plus. Ils sont déjà las de la vie qu'ils n'ont pas encore vécue, à bout de souffle à force de glander. Ils jouent avec le feu, l'amour et le fric, jamais raccords avec leurs désirs, que d'ailleurs ils ignorent. Ils sont jeunes, quoi.

Année dernière à Marienbad (L')

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1961, France
Acteurs principaux : Delphine Seyrig (1932 - 1990)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pas drôle mais beau
Caractéristiques : 94 mn, NB

Critique perso :

Au jeu de Marienbad, quand on connaît le truc et qu'on joue en premier, on est sûr de gagner. Mais les humains, on ne sait jamais trop à quel jeu ils jouent. Ces pingouins en cage dans un chateau, par exemple, qu'est-ce qu'ils font à ne jamais rien faire ? Et ce type, là, toujours en train d'essayer de parler à cette statue de chair en forme de Delphine Seyring, qu'est-ce qu'il cherche ? A la faire descendre de son piedestal ? A l'emmener dans les limbes ? A la piéger dans sa toile d'araignée de mots ? A l'hypnotiser pour qu'elle retrouve la mémoire ? A réveiller la somnambule qui sommeille en elle ? Petit jeu de cache-cache en labyrinthe mental. Petite leçon de jubilation gelée.

Hustler (The) - Arnaqueur (L')

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Réalisé par : Robert Rossen (1908 - 1966)
En : 1961, USA
Acteurs principaux : Piper Laurie (1932 - ), Paul Newman (1925 - 2008), George C. Scott (1927 - 1999)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 134 mn, NB

Critique perso :

Dans le jargon local, un arnaqueur est un type qui fait mine de mal jouer au billard pour faire monter les paris, et envoie finalement tout le monde au tapis en empochant la mise. C'est un sport dangereux, qui ne marche qu'une fois. C'est le métier de Fast Eddie : beau comme Brando, sorti de nulle part, pas d'avenir très clair. Mental fragile quand il joue pour de vrai. A priori, donc : une histoire de boules et de queues, une histoire de mecs. Heureusement, il y a aussi Sarah, séduite par Eddie -et par les alcools forts : belle comme Liz, sortie de nulle part, pas d'avenir très clair. Mental fragile quand elle aime pour de vrai. Une histoire de fuites et de combats, une histoire d'anges déchus.

Yojimbo - Garde du corps (Le)

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1961, Japon
Acteurs principaux : Toshirô Mifune (1920 - 1997), Takashi Shimura (1905 - 1982)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant
Caractéristiques : 110 mn, NB

Critique perso :

Sanjuro est un samouraï free-lance, pas empoté du manche. Il débarque dans un petit village de gaulois nippons, scindé entre le clan du fabriquant de saké, et celui du fabriquant de soie. Sanjuro n'est pas très en fonds, et pas empoté de la langue. Il se vend donc au plus offrant -c'est-à-dire aux deux camps. D'où, très vite : provocations, intimidations, menaces, préjudices, représailles contre préjudices, enlèvement contre représailles, contre-enlèvement contre retour de représailles. Eastern nouilles-sautées qui sera repris en western spaghetti (avec pas mal de ketchup). Et le type de l'autre coté de la caméra, il n'est pas non plus empoté du manche.

Advise & Consent - Tempête à Washington

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Réalisé par : Otto Preminger (1906 - 1986)
En : 1962, USA
Acteurs principaux : Henry Fonda (1905 - 1982), Charles Laughton (1899 - 1962), Peter Lawford (1923 - 1984), Walter Pidgeon (1897 - 1884), Gene Tierney (1920 - 1991)
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 142 mn, NB

Critique perso :

Emoi à Washington : le Président vient de nommer un nouveau secrétaire d'Etat sans consulter personne. Le Sénat doit valider. L'heureux nominé a apparemment tout pour inspirer confiance : quand il était jeune, il a été Young Mr. Lincoln. Enfin, dans l'histoire, il est plutôt suspecté d'avoir fréquenté des communistes -vous imaginez l'horreur. D'où : commission d'enquête, tractations, appel à témoins. Deux camps s'affrontent : celui de la "majorité", tiraillé de contradictions internes (très plurielle, en fait), et celui de "l'opposition", mené par le sénateur Cooley, vieux renard des tribunes depuis au moins 2000 ans (cf. Spartacus). Cela nous vaut une petite visite guidée des coulisses du pouvoir, en passant par les sous-sols de la politique et les égouts des luttes d'influence. Il semble, hélas, parfois, que le service de l'Etat importe un peu moins que les ambitions perso, et la vérité que les effets de manche. Heureusement, c'est pas chez nous que ça se passerait comme ça.

Doulos (Le)

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Réalisé par : Jean-Pierre Melville (1917 - 1973)
En : 1962, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Jean Dessailly (1920 - 2008), Michel Piccoli (1925 - ), Serge Reggiani (1922 - 2004)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Une gueule d'ange qui cache peut-être un salaud qui cache peut-être un vrai ange. Allez savoir ce qu'il mijotte sous son chapeau, le doulos ! En tous cas, là où il surpasse tout le monde, c'est dans la mise en scène. Les autres -les truands qu'il fréquente-, on retrouve toujours leur piste. Mais avec lui, la Police -qu'il fréquente aussi- n'y voit que du (coup de) feu. Et nous, pauvres spectateurs, itou (c'est souvent bon signe, au cinéma, de ne pas tout comprendre). Un bon petit noir qui en rappelle pas mal d'autres, bien serré, corsé et savoureux.

Tsubaki Sanjûrô - Sanjuro

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Réalisé par : Akira Kurosawa (1910 - 1998)
En : 1962, Japon
Acteurs principaux : Toshirô Mifune (1920 - 1997)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /vers le soleil levant
Caractéristiques : 96 mn, NB

Critique perso :

Le samouraï free-lance mal léché du Garde du corps est de retour. Il traîne toujours là où il ne faut pas, en plein conciliabule de conspirateurs. Cette fois, c'est pour une histoire de corruption dont s'accusent mutuellement deux clans : celui d'un chambellan, et celui de son intendant. Mais le film est tout sauf une enquête policière. C'est plutôt une leçon de stratégie, une partie d'échecs grandeur nature, menée entre grands maîtres par apprentis interposés : d'un côté, une poignée de gamins, de l'autre une armée. Bien sûr, parce qu'il a le panache dans le sang, c'est avec les gamins que joue le samouraï. Mais, comme c'est aussi un incorrigible marginal, il est toujours à manger et à dormir quand les autres parlementent, debout quand ils se cachent, assis quand ils se précipitent au combat. Il est seul mais il a la ruse, la force des faibles. Et seuls les plus faibles et plus rusés encore (les femmes) sont capables de le désarmer. A la fin, il révèle sa vraie nature : une jolie fleur (de camélia, c'est ce que veut dire "Sanjuro") dans une peau de guerrier.

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Anouk Aimée (1932 - ), Claudia Cardinale (1938 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 138 mn, NB

Critique perso :

En rêve il étouffe, s'asphixie, s'échappe par le haut, s'écrase dans la mer. Dans la vraie vie, c'est un réalisateur célèbre en cure dans une ville d'eau, incognito. Chapeau, lunettes noires, courtisans, toute la panoplie. Il prépare un film avec un astronef, mais ça a l'air d'avoir du mal à décoller. C'est pourtant pas comme l'imagination, qui s'emballe vite. C'est pas non plus faute d'être bien entouré. Une maîtresse, des ex, des peut-être. Et (Allo chérie bobo !) une épouse dévouée, jamais très loin. Plein de muses, de fées ou de sorcières. Abracadabra, a(sa)ni(sa)ma(sa) ! Et v'là l'enfance qui débarque. Des fois, c'est les fantasmes qui prennent le relai. Le théâtre d'un esprit ressemble parfois à un drôle de cirque. Drôle de M. (dé)loyal. En tout cas, capable du genre de films qui fait décoller les âmes. Et s'échapper par le haut, avec ou sans astronef.

Baie des anges (La)

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1963, France
Acteurs principaux : Claude Mann (1940 - ), Jeanne Moreau (1928 - 2017)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 82 mn, NB

Critique perso :

Entraîné par un collègue un peu plus audacieux que lui, Jean, jeune banquier comme il faut, entre pour la première fois dans un casino à Enghein. Il a commis son péché originel, son grand horloger de père le chasse de chez lui. Mais il a gagné de quoi s'offrir des vacances sur la côte d'azur, avec pour viatique sa veine de débutant. Son nombre fétiche, c'est 17 (impair et manque), comme dans Pension Mimosas. C'est comme ça qu'il croise Jackie, blonde platine simili-Marilyn, imprévisible petite boule blanche poussée par on ne sait quoi à errer sans fin vers une case toujours provisoire. Jackie, évidemment, mise tout sur la roulette. Elle a un grain auquel Jean n'est pas si étranger qu'il le voudrait bien -grain que Demy a malicieusement mis sur leur deux joues, au même endroit (d'ailleurs, Jean ne l'aurait-il pas refilé, par hasard et sans le faire exprès, à des demoiselles qui l'ont au creux des reins -c'est fou !- ?). Ils se coltinent ensemble les montagnes russes de la passion et du jeu. Qu'ils gagnent ou qu'ils perdent, le film, lui, sec et impitoyable, raffle toujours la mise.

Mépris (Le)

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Réalisé par : Jean-Luc Godard (1930 - )
En : 1963, France
Acteurs principaux : Brigitte Bardot (1934 - ), Fritz Lang (1890 - 1976), Jack Palance (1919 - 2006), Michel Piccoli (1925 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Sans doute la seule fois où B.B. a été actrice (où, du moins, son absence de jeu a servi un vrai personnage). En blonde ou en brune-Louise Brooks, elle trimballe son mystère avec une opacité têtue, sous le regard désarmé de son mari-Dean Martin. La première scène est un "blason" devenu scène d'anthologie. Après, il est question de cinéma, de l'argent qui pourrit les relations humaines, de l'Ulysse d'Homère et de vie quotidienne. Il y a une longue scène de ménage, beaucoup d'effets de distanciation, quelques statues antiques et les plages de Capri. Godard fait son Voyage en Italie. La géniale musique de Georges Delerue arriverait à rattraper n'importe quel navet. En l'occurrence, rien à rattrapper, juste à ajouter un peu de mythe dans un film déjà mythique. Pour les non-initiés, c'est le Godard le plus visible. A aimer totalement, tendrement, tragiquement (les initiés comprendront).

Hard Day's Night (A) - Quatre garçons dans le vent

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Réalisé par : Richard Lester (1932 - )
En : 1964, Angleterre
Acteurs principaux : George Harrison (1943 - 2001), John Lennon (1940 - 1980), Paul McCartney (1942 - ), Ringo Starr (1940 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Quatre garçons (plus un grand-père) sont dans un train. Le scénario tombe à l'eau. Que reste-t-il ? Du collage, du bricolage, tout sauf du train train. Faut dire que les garçons exercent la profession d'icônes débutantes et qu'ils sont attendus (c'est peu de le dire) à tous les tournants de leur tournée (qui tournait plutôt bien) par des hordes blondes, hurlantes et court-vêtues. Prétextes à courir plus vite, semelles de vent, et à chanter plus fort. Faut dire qu'ils chantent bien et qu'ils sont marrants, cheveux aux vents. C'est marrant, on jurerait de les avoir déjà entendus quelque part dans sa tête. Et s'ils font encore un peu peur aux grands-mères, ils aiment bien leur grand-père, ça les rend fréquentables par tout le monde. Au tournage : un autre débutant, qui a tout de même déjà fait débuter un autre débutant prometteur. Le making of étourdi (et presque sans le faire expres) d'une légende en marche (et en train) qui feint (presque) de s'ignorer encore.

Kiss Me, Stupid - Embrasse-moi, idiot

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Réalisé par : Billy Wilder (1906 - 2002)
En : 1964, USA
Acteurs principaux : Dean Martin (1917 - 1995), Kim Novak (1933 - ), Ray Walston (1914 - 2001)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, NB

Critique perso :

A Climax, Nevada (nulle part entre Las Vegas et Hollywood), il ne se passe jamais rien. Comme quoi : se méfier de la pub... Mais il suffit d'y parachuter, sous un prétexte mécanique quelconque, un crooner très célèbre et très libidineux pour que la population locale atteigne la température d'ébullition. Enfin, pas n'importe qui tout de même mais, pour Orville J. Sponner, natif névrosé aspirant à son 1/4h d'heure de gloire, artiste aussi inspiré que frustré, cette présence est la chance de sa vie. Et le pire risque aussi pour sa charmante épouse, fan de la première heure du crooner libidineux. Pour optimiser ses chances (c'est-à-dire garantir ses gains tout en limitant ses risques), Orville se lance dans le plan le plus foireux de sa vie qui, apparemment, n'en manque pas. Beethoven, le nombril de Polly et le pamplemousse de L'Ennemi public : tout est bon pour arriver à ses fins. Mais Climax est si petit que tourner le dos au pire est le plus sûr moyen d'y arriver. Comme quoi : se méfier de tout, de tout le monde, et surtout de soi-même.

Falstaff

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Réalisé par : Orson Welles (1915 - 1985)
En : 1965, France
Acteurs principaux : John Gielgud (1904 - 2000), Jeanne Moreau (1928 - 2017), Fernando Rey (1917 - 1994), Marina Vlady (1938 - ), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /épique pas toc
Caractéristiques : 119 mn, NB

Critique perso :

Enorme. Il est énorme, en poids du corps et en poids des mots. Il gagne sa vie en déchargeant les bourses de quelques uns de ses semblables, et surtout en régalant les autres des récits de ses énormes exploits. En les exagérant ou en les inventant, si besoin. Il paie en mots ce qu'il ne peut pas payer en monnaie sonnante, c'est le plus généreux des bavards. En plus, il a d'excellentes fréquentations qui font de lui, aussi, un potentiel poids lourd politique. Le fils du Roi himself l'accompagne dans ses chasses, et lui prête des oreilles qui valent l'or de la couronne qu'il ne porte pas encore. Le Prince apprend avec Falstaff la seule chose que son père est incapable de lui payer ou de lui transmettre : jouer, et rire. Mais rien n'échappe à la raison d'Etat, surtout pas la bonne humeur de sang royal... Le budget fut sans doute modeste mais les mots sont de l'énorme Shakespeare, et les comédiens font le poids. Sans aucune lourdeur, et comme à la vitesse d'un cheval au galop.

Giuletta degli spiriti - Juliette des esprits

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1965, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

A quoi pense la ménagère (italienne, bourgeoise) de moins de 50 ans ? A se faire belle pour son mari, à entretenir son intérieur, à sourire tout le temps. Mais le mari, semble-t-il, a d'autres préoccupations. Depuis quelques années, Fellini est passé maestro dans l'art de filmer la vie intérieure. Ici, il tente, avec beaucoup de bonne volonté, de trouver une forme aux fantasmes raisonnables de la sainte femme qui partage sa vie. Pour elle, il fait parler des esprits frappeurs et un gourou hermaphrodite. Il ridiculise ses copines pétasses, sa famille de pétasses, sa pétasse de voisine. Il moque ses souvenirs de petite fille modèle et sourit de son grand-père volage. Il lui offre plusieurs figures d'amant idéal sur un plateau (elle ne se sert même pas). Il lui dit d'être, enfin, actrice de sa vie. Espérons qu'elle a entendu le message qu'elle a joué.

Blowup

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1966, Angleterre
Acteurs principaux : Jane Birkin (1946 - ), David Hemmings (1941 - ), Vanessa Redgrave (1937 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Vive le DVD (et la touche "Pause") ! Après 2 tentatives sur grand écran, j'ai enfin vu quelque chose dans les clichés du photographe... Reprenons au début. Un photographe très fashion, donc, et ses trois vies : celle du peuple et des ouvriers, auxquels il se mèle pour faire de l'art. Celle des postulantes top-models court-vêtues du swinging London années 60, auxquelles il se mèle aussi, pour faire de la pub. Et une 3ème, où il se mèle de ce qui ne le regarde pas. C'est celle qu'il imagine derrière les images, prises à la dérobée, d'un couple bourgeois dans un parc tranquille. Où, peut-être, se cache un meurtrier. Et un cadavre. Si le monde est un leurre et si la nature, comme dans L'Eclipse et le Désert rouge, ressemble à une peinture abstraite, dans quel sens faut-il regarder le tableau, quel est le bon angle ? Un labyrinthe avec plein de coins, un inquiétant vertige en couleur, un étrange malaise pop,

Casino Royale

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Réalisé par : John Huston (1906 - 1987)
En : 1967, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Ursula Andress (1936 - ), Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Jacqueline Bisset (1944 - ), Charles Boyer (1899 - 1978), William Holden (1918 - 1981), John Huston (1906 - 1987), Deborah Kerr (1921 - 2007), David Niven (1909 - 1983), Peter Sellers (1925 - 1980), Orson Welles (1915 - 1985)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /entre Berlin et Moscou /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 131 mn, couleur

Critique perso :

Patchwork parodique improbable et décousu (Huston n'est pas le seul responsable de la mise en scène, mais c'est le plus connu), cette James-Bonderie de pacotille pompe allègrement dans les séries anglo-saxonnes de l'époque, le cinéma allemand (au moins Caligari et Fritz Lang) et, sans doute aussi, les vrais "James Bond" -mais je n'en ai pas vu assez pour les reconnaître. La moitié du casting joue James Bond (d'où une certaine discontinuité dans l'intrigue), l'autre moitié joue aux guests stars qu'ils sont. Plein de jolies jambes, de poursuites et de bagarres, évidemment. On n'y comprend pas grand chose, mais ça fait partie du jeu. A égale distance entre le nanard et l'art abstrait post-moderne.

Chinoise (La)

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Réalisé par : Jean-Luc Godard (1930 - )
En : 1967, France
Acteurs principaux : Juliette Berto (1947 - 1990), Jean-Pierre Léaud (1944 - ), Anne Wiazemsky (1947 - 2017)
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Ils sont cinq, ils vivent ensemble confortablement dans un grand appart bourgeois mais attention, ce sont des révolutionnaires -tendance Mao foncé. Des vrais, des pros, à peine camouflés derrière des activités officielles (étudiants, artistes…). Leur occupation principale est de se former et de s’entretenir dans la connaissance approfondie d’un inépuisable petit livre (rouge). Ils causent beaucoup, font un peu d’atelier artistique, n’ont pas l’air de beaucoup baiser. Des espèces de moines modernes, en fait. A vrai dire, on ne comprend pas grand chose à leurs débats, et c’est pas sûr qu’eux mêmes y comprennent quelque chose. Qu’ils répondent à un interviewer invisible (le maître du logis et du film, bien sûr) ou se coupent la parole, ils frôlent souvent le ridicule d’assez près, et ne donnent pas des masse envie de les suivre. Le film-tract-collage qui annonce mai 68 mais aussi les attentats terroristes, le pop-art, les communautés foireuses, l’activisme, les gueules de bois qui suivent et le naufrage de Godard. Respect (mais en rigolant en coin).

Histoires Extraordinaires

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Réalisé par : film à sketchs
En : 1968, France
Acteurs principaux : Brigitte Bardot (1934 - ), Alain Delon (1935 - ), Anny Duperey (1947 - ), Jane Fonda (1937 - ), Peter Fonda (1940 - ), Terence Stamp (1939 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /conte de fées relooké /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 121 mn, couleur

Critique perso :

Un film en trois parties comme ça se faisait beaucoup à l'époque, trois coups de Poe, trois histoires de dandys décadents qui finissent en tragédie plus ou moins grandiloquente, par trois plus/moins grands cinéastes. Le premier sketch, de Roger Vadim, verse dans le porno-soft et kitsch. C'est un pre-Barbarella pas drôle qui se situerait au Moyen-Age, avec chatelaine perverse et beau brun ténébreux de voisin (tiens, n'est-ce pas donc son frère ? plus ou moins...). La contribution de Louis Malle est plus torturée. Elle porte le sérieux hautain et orgueilleux de son Delon de héros -en double exemplaire s'il vous plait- (et la Bardot en prime !). Comme il doit beaucoup courir, et dans des lieux sublimes en plus, il est souvent essoufflé et ça lui évite de dire trop de conneries. Quant au segment du Maestro : total respect ! Cette fois, on change vraiment de monde, on est passé de l'autre côté du rideau de fumée (de la gloire, et des rêves), on est à la fois dans le paradis du cinéma et dans l'enfer du showbiz, on s'y perdrait bien encore pendant des heures...

Je t'aime je t'aime

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1968, France
Acteurs principaux : Bernard Fresson (1931 - 2002), Olga Georges-Picot (1940 - 1997), Claude Rich (1929 - 2017)
Genre(s) : c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 94 mn, couleur

Critique perso :

Claude Ridder ne va pas fort, il vient d'essayer de se suicider. C'est ce qui en fait le cobaye idéal pour une étrange expérience scientifique : un mini-voyage dans le temps, la possibilité de revivre une petite minute de son passé, il y a un an, quand il allait mieux. Les souris font apparemment ça très bien, mais elles ne racontent pas grand chose en revenant. Claude, amateur de Magritte et de bons mots (il a écrit un livre, sur le temps en plus), sera certainement plus intéressant. Alors, il se laisse entrainer dans un sous-sol clandestin par des gens en costards qui ont l'air très sérieux, il se laisse enfoncer dans un gros pouf rose simili-organique et le flash-back commence. Mais la fonction Replay a des ratés, la minute dure, repasse en boucle, saute ailleurs dans la mémoire de Claude. La tête de lecture bégaie, s'emballe, s'enraye. Les images se suivent et ne se ressemblent pas toujours -la faute à Catrine, surtout, son grand amour disparu. Et à quelques autres aussi. L'afflux de souvenirs dure finalement le temps d'un film dont il est le héros (toujours plein cadre, au milieu), ce qu'il a eu bien du mal à faire de sa vie. L'art de faire une grande fresque intime avec des petits morceaux de pas grand chose, une vie dans la tête d'un homme, sans doute pas beaucoup plus intéressant qu'une souris, mais avec des images, des mots et du temps en plus -du cinéma, quoi.

Sayat Nova - Couleur de la grenade (La)

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Réalisé par : Sergei Parajanov (1924 - 1990)
En : 1968, Géorgie
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 79 mn, couleur

Critique perso :

Officiellement, c'est le biopic d'un (obscur) poète arménien du XVIIIème siècle, le genre dont, visiblement, même les spécialistes ne savent pas grand chose. En vrai, c'est une installation d'art contemporain réalisée en matériaux de récup' (tendance marché aux puces et fripes folkloriques) et en tableaux vivants, pleins de silence et de symboles. Le poète y est "joué" - visualisé serait plus adapté - par différents acteurs (dont une femme) - Todd Haynes et sa version spéculaire de Bob Dilan n'a rien inventé ! Tout passe facile parce que c'est surtout son oeuvre, et en fait sans doute plutôt son âme, qui tient le premier rôle. Elle s'est réincarnée en objets : en livres, en tapis et en instruments de musique. Elle est curieuse, sensuelle, passionnée, mystique. Belle, amoureuse de la beauté et de l'amour, de Dieu et de l'art. Biographie de l'art, plus que d'un artiste. D'un homme, un beau. Nous sommes tous d'obscurs poètes arméniens du XVIIIème siècle...

Que la bête meure

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Réalisé par : Claude Chabrol (1930 - 2010)
En : 1969, France
Acteurs principaux : Caroline Cellier (1945 - ), Michel Duchaussoy (1938 - 2012), Maurice Pialat (1925 - 2003), Jean Yanne (1933 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en France profonde /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Les deux personnages principaux de cette histoire n'auraient jamais dû se rencontrer. D'ailleurs, ils mettent du temps à se trouver. Mais l'un a malencontreusement (et brièvement) croisé le fils de l'autre sur une route de campagne bretone. Le fils ne s'en est jamais relevé. Alors, l'autre s'est mis à parcourir (avec acharnement) toutes les villes de France pour retrouver l'un. Coup de bol, les rôles sont parfaitement distribués : le méchant chauffard est un serial connard idéal, le papa contrarié un gentleman écrivailleur. Et le scénar est poli aux meilleures écoles : c'est même une belle Hélène qui sera le cheval de Troie de la vengeance. Mais, même dans le meilleur des mondes possibles (c'est-à-dire au cinéma), c'est pas évident de tuer un homme, en bluffant un policier-cinéaste extra-lucide. Bluffer les spectateurs comme moi, c'est nettement plus facile.

Appunti per un'Orestiade africana - Carnet de notes pour une Orestie africaine

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Réalisé par : Pier Paolo Pasolini (1922 - 1975)
En : 1970, Italie
Genre(s) : culte ou my(s)tique /docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu /à l'antique
Caractéristiques : 65 mn, NB

Critique perso :

Ce serait comme le projet d'un film rêvé, imaginé, conceptualisé. Un brouillon, le making off des repérages, des vagues velléités de casting. Ca adapterait l'Orestie d'Eschyle en Afrique. Parce que l'Orestie ça raconterait, en fait, la fin de la vengeance tribale et l'avènement de la justice des hommes, le début de la modernité (c'est la version Pasolini de l'histoire, il venait de traduire le texte pour le théâtre). Et parce que les pays d'Afrique, 10 ans avant, avaient presque partout acquis leur indépendance. On a la thèse, donc, la problématique et le plan. En guise d'illustration, quelques images d'archives de guerres locales bien barbares. On a aussi le débat d'après projection, avec des étudiants africains de Rome, et même un happening jazz qui fait intermède. Avant, pendant et après, le docu sur une fiction qui n'existe pas, tout ce qui entoure un film sans en faire vraiment partie, tout en en inventant un quand même. Assez fort quand même, en fait.

Genou de Claire (Le)

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Réalisé par : Eric Rohmer (1920 - 2010)
En : 1970, France
Acteurs principaux : Jean-Claude Brialy (1933 - 2007), Fabrice Luchini (1951 - ), Béatrice Romand (1952 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Xavier se marie dans un mois : par amour raisonné ou raison amoureuse, c'est pas très clair. En attendant, il est en vacances au bord du lac de Genève, loin de sa fiancée mais tout près de charmantes voisines -dont une vieille copine écrivaine qui adore mettre en scène le désir des autres. Ils se racontent leurs histoires, ça leur donne envie d'en vivre. Et comme les voisines, bien que souvent en maillot de bain, se révèlent assez fuyantes, Xavier se fixe un objectif raisonnable : un genou. Par désir raisonné ou raison désirante, c'est pas très clair. Au jeu dont il est le héros, Xavier ne sait pas lui-même quel est son personnage. Mais quel genou !

Nachalo - Début (Le)

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Réalisé par : Gleb Panfilov (1934 - )
En : 1970, Russie
Acteurs principaux : Inna Churikova (1943 - )
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Pasha est une provinciale complexée, une jeune femme persuadée quelle n'a pas grand chose pour elle, dans une petite ville qui n'a pas non plus grand chose à vendre. Doublement has been donc, avant même d'avoir commencé à vivre. Le film la prend quand il commence à lui arriver des choses. D’abord, un homme la remarque. Bon, OK, il est marié, velléitaire et pas très élégant, mais c’est un début. Pour la première fois, elle est choisie. Le meilleur reste à venir. Elle fait du théâtre amateur (le rôle de la sorcière !) et là, c'est carrément un metteur en scène de cinéma qui la repère. Cette fois, c'est pour jouer Jeanne d'Arc, une débutante idéaliste assez prometteuse, elle aussi. Ce film est l'histoire d'une transformation, donc, du moment où une chenille des champs se mue en papillon des villes. Du moment où un cinéaste découvre et invente sa muse qui s'ignore encore. Un film qui remonte à sa propre source, en douceur et en délicatesse.

Ours et la poupée (L')

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Réalisé par : Michel Deville (1931 - )
En : 1970, France
Acteurs principaux : Brigitte Bardot (1934 - ), Jean-Pierre Cassel (1932 - 2007), Daniel Ceccaldi (1927 - 2003)
Genre(s) : Paris /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

L’ours vit en pleine campagne -en fait, à quelques kilomètres de Paris, mais il y règne perpétuellement un microclimat tellement normand que ça paraît très loin. Il exerce le délicieux et désuet métier de contrebassiste de l’ORTF et élève tous seul une ribambelle d’enfants -pas tous à lui mais on s’en fiche. Il porte des pulls à cols roulés et circule en 2CV, une vraie caricature de bobo hypster avant que ce soit vintage. La poupée habite seule un loft design et classieux, occasionnellement envahis de prétendants distingués et de gourous enfumés. Elle collectionne les toiles de maître et les ex-maris, a un corps à faire rougir sa baignoire immaculée. Un papa poule et une poule ultra branchée : deux France qui ne vivent pas dans le même monde. Le hasard et/ou le caprice d’un Dieu malicieux fait se croiser leur voiture sur une route de campagne. Elles se frôlent un peu trop fort. Les conducteurs mettront un peu plus de temps à faire la même chose, à croire que c'est pour ça que le cinéma a été inventé…

clowns (I) - Clowns (Les)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1970, Italie
Acteurs principaux : Anita Ekberg (1931 - 2015), Federico Fellini (1920 - 1993)
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 92 mn, couleur

Critique perso :

Un matin, un petit garçon qui s'appelle Federico assiste émerveillé à l'émergence d'un chapiteau géant sous ses fenêtres. Le cirque a aussi dans ses bagages des Hercule de foire, une panthère au milieu des tigres... et des clowns. Depuis ce jour-là, le petit garçon se rend compte que son village est une piste grandeur nature. Depuis ce jour-là, il passe son temps à essayer de reproduire indéfiniment cette scène primitive. D'abord, il s'y prend façon "clown blanc", c'est-à-dire sérieux, rationnel, autoritaire -et un peu foireux. Mais où sont les clowns d'antant ? Enquête, interviews, témoignages. Ratages. Et puis, à bout d'infos exploitables, il lâche le "clown Auguste" qui est en lui au milieu d'une piste et il imagine son grandiose enterrement, dans un chaos génial qui n'appartient qu'à ses mises en scène. Intro, thèse, antithèse (la synthèse, c'est lui !) : ce type-là est vraiment le meilleur docteur possible en sciences clowneriestiques.

Warnung vor einer heiligen Nutte - Prenez garde à la sainte putain

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Réalisé par : Rainer Werner Fassbinder (1945 - 1982)
En : 1971, Allemagne
Acteurs principaux : Lou Castel (1943 - ), Eddie Constantine (1917 - 1993), Rainer Werner Fassbinder (1945 - 1982), Hanna Schygulla (1943 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Une équipe de cinéma allemande prise en flagrant délit de non tournage dans le hall d'un hôtel espagnol désert. On attend, on s'emmerde, on drague. On vide des verres et après on les casse -c'est plus drôle. Faut dire que le producteur est fauché et l'assistant débordé. Le réalisateur est absent, mais quand il arrive tout le monde regrette quand il n'était pas là. La pin-up blonde du casting est la seule à ne pas dire de conneries. La vedette américaine n'a pas besoin de dire un mot pour l'emballer. Ambiance de fin du monde déjà arrivé -paraît qu'il faut bien ça pour faire un film (allemand surtout). Ca ressemble à un anti-making of : un où tout le monde fait la tronche, s'engueule, dit du mal des copains et du film en train de se faire. On dirait un anti-film qui en serait tout de même un (mais très allemand tout de même).

Play It Again, Sam - Tombe les filles et tais-toi

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Réalisé par : Herbert Ross (1927 - 2001)
En : 1972, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Diane Keaton (1946 - ), Tony Roberts (1939 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 85 mn, couleur

Critique perso :

Allan (pas si) Felix (que ça) est de ceux qui rêvent de faire de leur vie un remake de Casablanca. Au moment où commence le film, il est en pleine déconfiture sentimentale, En fait, vu qu'il foire tout ce qu'il entreprend, il est plutôt bien parti pour suivre l'exemple de Nick (celui de Casablanca, justement) . Ses meilleurs amis, les Christie's, jouent au coach en essayant de lui refiler toutes les célibataires névrosées de Manhattan qu'ils connaissent (y'a le choix, pourtant). Mais Allan a un gros problème : son sur-ça (c'est-à-dire à la fois son ça et son surmoi freudiens) a la tête et la voix de Bogart et c'est pas commode tous les jours. Ecrit (pour le théâtre) et joué par Woody, mais officiellement réalisé par un obscur tâcheron : ça aurait presque pu être un pré-make de La Rose pourpre du Caire. Pas si mal pour un brouillon par procuration.

Roma - Fellini Roma

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1972, Italie
Acteurs principaux : Federico Fellini (1920 - 1993), Anna Magnani (1908 - 1973)
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 128 mn, couleur

Critique perso :

Pour faire le portrait d'une ville -surtout d'une capitale éternelle !- il faut commencer par la regarder de loin : de la province et de l'enfance. Après, on peut commencer à s'approcher, mais tout doucement et par des chemins détournés. En donnant des coups de sonde historiques (l'antiquité, la guerre, maintenant) et géographiques, verticalement (les sous-sols, les rues, les escaliers et les ascenceurs) et horizontalement (à pied, à cheval, en voiture... en métro et en moto, aussi). Ne pas oublier de montrer, surtout, que cette ville est en perpétuelle représentation d'elle-même, que le goût du spectacle traverse les époques et contamine aussi bien ses filles de joie que ses hommes de Dieu (ils sont fous ces romains !). Si tout y est, le résultat pourrait bien être génial.

Espiritu de la colmena (El) - Esprit de la ruche (L')

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Réalisé par : Victor Erice (1940 - )
En : 1973, Espagne
Acteurs principaux : Ana Torrent (1966 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 97 mn, couleur

Critique perso :

C'est dans un petit village perdu de la campagne espagnole, c'est dans les années 40, c'est loin de la guerre civile, quoique. Un soir, le plus grand monstre de l'histoire du cinéma débarque dans les yeux et les oreilles des villageois, et dans ceux d'Ana et d'Isabel, et le monde ne sera plus jamais comme avant. Bien sûr il existe, ce monstre, bien sûr il habite dans la grange abandonnée d'à côté. Bien sûr, c'est que dans leurs têtes, quoique. Quand on n'a même pas 7 ans, tout est vrai, tout est grand et mystérieux, tout fait peur, quoique. Papa, maman, l'école, rien que des endroits envahis par des esprits, des fantômes. A cet âge-là, le cinéma, c'est comme un mode d'emploi de la vie des grands. Et après aussi. Et même les censeurs de Franco, ils sont pas fichus de voir ce qu'on pourrait y trouver à redire, tellement c'est subtil. Tellement c'est peut-être bien le plus beau film du monde...

Nuit américaine (La)

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Réalisé par : François Truffaut (1932 - 1984)
En : 1973, France
Acteurs principaux : Jean-Pierre Aumont (1911 - 2001), Nathalie Baye (1948 - ), Jacqueline Bisset (1944 - ), Jean-Pierre Léaud (1944 - ), François Truffaut (1932 - 1984)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Encore un film qui raconte une grande histoire d'amour... Sauf que là, il s'agit de celle d'un homme (François Truffaut) fou amoureux du cinéma depuis l'enfance, qui a réalisé son rêve : devenir réalisateur. Portrait de l'artiste en lui-même (ou presque), portrait de groupe aussi, puisque cette création-là est forcément collective (avec intrigues amoureuses et caprices de stars inclus), manuel de bricolage et d'improvisation, surtout. Ce film pourrait être le making of d'un autre qu'on ne verra pas (pas sûr qu'on en ait envie d'ailleurs), mais il est bien mieux, évidemment, puisque le cinéma est toujours plus beau que la vie. Puisqu'il rend les femmes magiques...

Westworld - Mondwest

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Réalisé par : Michael Crichton (1942 - 2008)
En : 1973, USA
Acteurs principaux : Yul Brynner (1915 - 1985)
Genre(s) : c'était demain /carrément à l'ouest /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 88 mn, couleur

Critique perso :

Disneyland, c'est bon pour les enfants. Dans pas longtemps, les grands auront bien mieux pour s'amuser : Mondwest. A Mondwest (ou Westworld, sans doute une traduction de Hollywood en langage de l'époque) on peut choisir son thème : le western (pour tuer à l'aise), l'empire romain (pour baiser tranquille) ou le Moyen Age (pour les deux). C'est un peu cher mais on est traité comme des stars de cinéma et on ne craint rien : le personnel local n'est composé que de robots consentants et pas syndiqués -et de savants fous bien planqués. D'ailleurs, les pistolets ne marchent pas sur les vrais humains. Mais, comme dans tous les Edens, il y a parfois des créatures qui se détraquent. Des robots qui refusent d'obéir à leur cahier des charges -et, ma foi, on serait pas loin de leur donner raison. La piste métaphysique est légère mais le film d'action-science-fi bien troussé pour l'époque. Terminator s'est évadé direct de ce parc-là, et pas mal d'autres films qui ont suivi.

Phantom of the Paradise

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Réalisé par : Brian De Palma (1940 - )
En : 1974, USA
Genre(s) : conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /en avant la musique /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 92 mn, couleur

Critique perso :

Un Faust musicien rencontre un Dorian Gray déguisé en pop star qui, après lui avoir tout piqué (entre autres : sa musique, son corps et son âme), le transforme en zombie à sa botte (de rocker) en s'alliant avec un Frankenstein punk. Mais le Faust, qui aime une Phoenix, se mue en oiseau de proie et devient le fantôme de l'Opéra rock qu'il a écrit (je résume en gros). Il n'y va pas avec le dos de la guitare, le De Palma. Il met des caméras et des miroirs partout, cite, pille et recycle tous ses Dieux et ne nous cache rien du rouge Paradis(e) des vengeances assassines dans le milieu pourri-gâté du show-biz. Une mise en abîme speedée de toutes les mises en abîmes possibles, qui donne le vertige des miroirs parrallèles.

Stavisky...

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1974, France
Acteurs principaux : Jean-Paul Belmondo (1933 - ), Charles Boyer (1899 - 1978), Gérard Depardieu (1948 - ), Anny Duperey (1947 - ), Michael Lonsdale (1931 - ), François Périer (1919 - 2002), Claude Rich (1929 - 2017)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Nom : Stavisky, prénom : Affaire… En général, on en a vaguement entendu parler, mais de là à savoir exactement de quoi il s’agit… D’ailleurs, même à la fin du film, c’est pas sûr qu’on en sache beaucoup plus. Récap : en 1934, un escroc multicarte meurt dans des circonstances pas claires, ce qui provoque des émeutes et fait tomber un gouvernement. Resnais se concentre sur les derniers mois de la vie du bonhomme et lance le compte-à-rebours de sa mort annoncée. Ce qui l’intéresse, c’est l’agent multiple : français de l’étranger, juif à un moment où c’était pas hyper recommandé, dépressif enjoué, comédien en perpétuelle quête d’un nouveau rôle, arnaqueur multirécidiviste fidèle en amitié (et en amour). Insaisissable, comme l’argent qui apparemment lui file entre les phalanges. Comme le montage, qui joue à saute-mouton avec le temps. Stavisky, c’est une sorte de catalyseur et de révélateur d’une période passablement agitée (Trotsky fait un caméo dans le film). Un mystère, un oignon dont on n’atteindra jamais vraiment le coeur. Un homme-film.

Professione: reporter - Profession Reporter

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1975, Italie
Acteurs principaux : Jack Nicholson (1937 - ), Maria Schneider (1952 - 2011)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 126 mn, couleur

Critique perso :

Le film se déroule dans le temps qui sépare les deux morts de M. Robertson : la vraie et la fausse (à moins que ça ne soit le contraire). Le genre fuyard, le Robertson. Sa (vraie) femme ne le connaît pas, ses (faux) frères ne veulent que les armes qu'il n'a pas (vu qu'en fait il était journaliste). A peine mort, tout le monde le traque en lui réclamant des comptes, le temps de quelques jours de déambulations dans les limbes du monde occidental. Le film se déroule aussi dans l'espace qui sépare deux déserts : le vrai et le faux (à moins que ça ne soit le contraire). Entre les deux : plein de belles pierres, mais pas beaucoup de chaleur humaine. Un vrai road movie à travers le purgatoire. Et en cadeau bonus : un avant-dernier plan, filmé du point de vue d'une âme, qui est le plus beau de l'histoire du cinéma.

Three Days of the Condor - Trois jours du Condor (Les)

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Réalisé par : Sydney Pollack (1934 - 2008)
En : 1975, USA
Acteurs principaux : Faye Dunaway (1941 - ), Robert Redford (1936 - ), Max von Sydow (1929 - )
Genre(s) : New York - New York /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 117 mn, couleur

Critique perso :

C'est un agent de la CIA version bobo-cool, qui vient au boulot en motocyclette et qui sait lire - pas trop comme James Bond, donc. Son boulot, c'est même de lire des romans toute la journée, pour y dénicher des histoires qui pourraient provenir -ou être destinées à- d'autres agents comme lui. Faut vraiment être scénariste à la CIA pour inventer un truc pareil. Le pire, c'est que c'est à cause de ça que tous ses collègues se font zigouiller. Dans le genre polar-politique-parano des années 70, le film se pose là. Mais quand il commence à évoquer le pétrole du Moyen-Orient, on tend l'oreille. A croire que Pollack a trouvé son scénario en lisant les journaux des années 90. En voyant qu'il a logé son noeud de vipères dans une des deux grandes tours qui pavoisaient alors au sud de Manhattan, on se dit même qu'il a sacrément bien visé, le bougre. Au bout du compte, on est tout à fait convaincu qu'inventer la réalité, c'est un boulot dangereux.

Trollflöjten - Flûte enchantée (la)

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Réalisé par : Ingmar Bergman (1918 - 2007)
En : 1975, Suède
Genre(s) : conte de fées relooké /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 135 mn, couleur

Critique perso :

Dans une forêt, un chevalier errant et quelques nymphes, un oiseleur écolo. Une princesse prisonnière, ses parents qui se la disputent. On n'y comprend pas grand chose, sauf que chaque machino cherche sa machina, et que la vie est un grand mystère. Or, le mystère, ça se mérite. D'habitude, Bergman est asez fort pour se rendre la vie plus compliquée. Mais preuve est faite qu'il sait aussi, parfois, rendre l'exigence plus facile. Ici, tout paraît simple. Puisque l'histoire est à rêver debout, autant la laisser vivre là où elle est née : sur un plateau de théâtre. Avec accessoires bricolés et trucages d'amateurs. Avec rien que des copains dans la salle. Et que la magie ne vienne que par la musique.

Io sono un autarchico - Je suis un autarcique

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Avant d'être un quadragénaire minoritaire, Nanni a été un vingtenaire autarcique -ce qui semble vouloir dire, ici, minoritaire parmi les minoritaires. Papa isolé, marié mais séparé, autonome mais vivant de subventions paternelles, individualiste mais toujours au milieu de sa bande : le parfait emmerdeur. Il ne manque pas une occasion de faire la tronche, surtout quand il s'agit de participer au n-ième spectacle de théâtre expérimental fauché -et engagé, naturalmente- monté par son pote le plus intello. Son ex lui reproche de ne jamais réussir à avoir l'air tendre, elle a bien raison. Lui aussi, c'est comme ça qu'il est le meilleur. Cinéphile, déjà, et déjà pas très sympa avec certains de ses futurs confrères. Un brouillon de Journal intime filmé en super 8, mais déjà du vrai cinéma.

Obsession

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Réalisé par : Brian De Palma (1940 - )
En : 1976, USA
Acteurs principaux : Geneviève Bujold (1942 - ), Cliff Robertson (1923 - 2011)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 98 mn, couleur

Critique perso :

Monsieur aime les belles choses : sa maison, son épouse, les églises de Florence (où il l'a connue) et la fille qu'ils ont faite ensemble. Tout irait parfaitement dans le meilleur des paradis possibles s'il était un peu moins riche. Kidnapping de l'épouse et de la fille, demande de rançon, intervention de la police qui foire : il perd tout (sauf sa maison). Seize ans plus tard, il est toujours riche, de nouveau à Florence et face au sosie de son épouse décédée. On rembobine le film, la copie sera-t-elle meilleure que l'originale ? Ce remake sur les remakes pompe explicitement Vertigo, Rebecca, Marnie et quelques autres, en un poil plus pervers, dans l'esthétique kitsch des années 70 parfois au bord du ridicule (et pas toujours du bon côté du bord). Il se prendrait pas pour la réincarnation du gros bonhomme du cinéma, le De Palma ? C est son obsession à lui...

Annie Hall

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1977, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Jeff Goldblum (1952 - ), Diane Keaton (1946 - ), Tony Roberts (1939 - )
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 93 mn, couleur

Critique perso :

Woody Allen joue Alvie Singer, un comique dépressif qui habite Manhattan (rien de bien surprenant, donc) ; Diane Keaton joue Annie Hall, une apprentie chanteuse aux goûts vestimentaires très personnels. Le temps d'une partie de tennis et d'une mémorable chasse à l'écrevisse dans une cuisine, ils deviennent amants. Elle a peur des araignées et fume des joints pendant l'amour. Il aime Bergman, est lâche et inconstant, mais aussi capable de grands sacrifices (comme d'aller se perdre quelque temps en Californie pour la retrouver !). Le film est une chronique constamment inventive, drôle, ironique et émouvante, de leur relation : ses hauts, ses bas, ses à côté... et surtout, ce qu'il en reste, après : des lieux à jamais marqués, des situations qu'on essait de reproduire (les écrevisses...), l'envie d'en parler et de la reconstruire en écrivant une pièce de théâtre. Comme presque tous ceux de son auteur, ce film raconte à sa manière sa propre génèse. Comme presque tous ceux de son auteur, il est excellent.

Cet obscur objet du désir

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Réalisé par : Luis Bunuel (1900 - 1983)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Carole Bouquet (1957 - ), Angela Molina (1955 - ), Fernando Rey (1917 - 1994)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Dans le compartiment d’un train, Mathieu raconte à ses compagnons de voyage (qui, bizarrement, se connaissent tous : le monde est décidément petit), comment il en est arrivé à adorer et à détester une femme. En fait, vu qu’elle l’encourageait et se dérobait sans cesse, l’objet de son désir à lui n’est pas difficile à deviner. Il attrape très bien les souris et les mouches mais, avec elle, il a plus de mal. Il a l’esprit tellement obscurci qu’il ne voit même pas que cette femme aux deux visages a aussi, littéralement, deux incarnations (deux actrices se partagent le rôle, en alternance, sans logique claire). A vrai dire, vu que Fernando Rey est doublé par Michel Piccoli, on a un peu l’impression que Matthieu est double, lui aussi. Quant au monde autour, dont tout le monde se fiche, il est obscurci d’étranges attentats terroristes. L’obscurité, c’est comme la lumière : dans l’oeil de tous les spectateurs.

Providence

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1977, France
Acteurs principaux : Dirk Bogarde (1921 - 1999), Ellen Burstyn (1932 - ), John Gielgud (1904 - 2000), David Warner (1941 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Jours étranges. Pendant qu'une épidémie d'hommes-loups semble couver, un avocat grand bourgeois -et très britannique- s'acharne à encourager l'idylle fantomatique de son épouse avec le jeune homme vaguement hippy qu'il a échoué à faire condamner. Ils ont tous l'air de s'ennuyer, ou de ne pas savoir ce qu'ils font là. Chronique d'un changement d'époque ? Oui mais en fait, non, tout ça c'est rien que dans la tête bien imbibée d'un vieil écrivain malade -mais toujours très britannique- pendant une nuit d'insomnie. Il a des comptes à régler et les idées pas très claires, ce qui explique sans doute les incongruités de son scénario balbutiant. Et comme il vit à Providence, sa magnifique propriété, pas étonnant qu'il se prenne pour un démiurge. Chronique d'une fin de vie annoncée ? Oui mais en fait non, c'est encore un peu plus compliqué que ça, mais on laisse le suspens aux néophytes. En fait, de toute façon, c'est tout ça en même temps, et plus encore. Une superposition de banalités, conventions et lieux (plus ou moins) communs, qui finit par donner de la profondeur à la surface des choses.

Ecce bombo

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1978, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella, le filmeur en super 8 de Je suis un autarcique (qui ressemble toujours terriblement à Nanni Moretti) vit encore chez ses parents (avec sa soeur). Il doit avoir un peu plus de sous, il tourne avec une meilleure caméra. Mais il se prend de plus en plus pour le metteur en scène de sa propre vie, et de celle des gens qui l'entourent. Il leur demande de rejouer certaines scènes, invente leurs répliques quand elles ne lui plaisent pas, accessoirement visite le tournage d'autres (ou officie sa copine) ou une espèce de festival rock en plein air dont il semble être le seul participant. Il choisit toujours avec goût les filles avec qui il joue (même quand elles sont mariées à un copain). Et c'est sans doute pour alimenter le making of de sa petite existence qu'il invente avec sa bande de potes un groupe « d'autoconscience » pas excessivement productif. En fait, c'est comme s'il se faisait passer des bouts d'essais à lui-même, comme s'il préparait le casting de son propre biopic. C'est sa manière à lui de faire de la radio libre, comme elles commencent à apparaître à l'époque. Un autoportrait en Vitelloni cinéphile de capitale, un petit film libre.

Prova d'orchestra - Répétition d'orchestre

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1978, Italie
Genre(s) : en avant la musique /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 70 mn, couleur

Critique perso :

Un lieu prestigieux et chargé d'histoire. Des hommes et des femmes qui ont consacré leur vie à un grand art. Un chef esthète et inflexible. Non non, on n'entre pas pour autant dans les coulisses guindées d'un événement mondain. C'est juste la petite repet' privée d'un orchestre symphonique. Pourtant, y'a un(e) intrus(e) : une caméra de télé. Invisible, mais toujours là. Insaisissable, intrusive. Devant elle, les musiciens ne se sentent plus de joie. Chacun devient plus bavard que sa musique. Chacun a sa petite théorie pour justifier la prééminence de son instrument au sein du groupe, et ne se prive pas de la donner. On sent que c'est mal parti pour le jeu collectif. Et d'ailleurs, bientôt, la révolte gronde de derrière les pupitres. Le travail à peu près sérieux tourne au happening beatnik - à moins que le maestro ne parvienne à rétablir l'équilibre sur la balance de l'art... En mineur, pas reposant mais pas désagréable.

All That Jazz - Que le spectacle commence

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Réalisé par : Bob Fosse (1927 - 1987)
En : 1979, USA
Acteurs principaux : Jessica Lange (1949 - ), Roy Scheider (1932 - 2008)
Genre(s) : en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 123 mn, couleur

Critique perso :

Joe Gideon est un chorégraphe surdoué de Broadway. Et aussi surbooké, surmené, surdopé. Il prépare un spectacle qui pourrait bien s'appeler Chicago, tout en montant un film qui pourrait bien s'appeler Lenny. Assailli par ses producteurs, ses danseurs, sa fille, son ex-femme, son ex-maîtresse, sa prochaine maîtresse, son ex-ex-maîtresse... il arrive pourtant, souvent, à faire assez bonne figure. Mais, la bonne figure, il passe de plus en plus de temps à la préparer le matin, devant sa glace. Il passe beaucoup de temps, aussi, à négocier un sursis avec une belle dame qui cherche à l'emmener définitivement en coulisses. Bob Fosse, maître ès malaise qui se danse, se fait à lui-même une opération à coeur ouvert. Il invente avec ce film le genre de l'agonie musicale autofictionnée. Surréaliste, survoltée, survitaminée. Il est vraiment surdoué, le bonhomme.

Being There - Bienvenue Mr. Chance

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Réalisé par : Hal Ashby (1929 - 1988)
En : 1979, USA
Acteurs principaux : Melvyn Douglas (1901 - 1981), Shirley MacLaine (1934 - ), Peter Sellers (1925 - 1980)
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 130 mn, couleur

Critique perso :

Le "vieil homme" meurt. Son jardinier, un certain Mr. chance (il en aura bien besoin), se retrouve à la rue avec pour seul héritage un beau costume et des bonnes manières. Un grand amour des plantes, aussi. Etant donnés ses capacités intellectuelles, son capital culturel et ses compétences relationnelles proches de celles du hamster, on ne lui donnerait pas deux jours de survie en milieu urbain normal. Mais Mr. Chance (il en a) ne vit pas en milieu urbain normal : il habite Washington, où il tombe le plus naturellement du monde dans le haut du gratin du panier du ghotta politicien mondial. Et là, miracle, ses maximes botaniques d'almanach passent pour de la divination à triple fond. L'habit ferait-il le crac ? Rien n'aurait changé depuis Le Magicien d'Oz ? En tous cas, les américains y croient toujours.

Lady Oscar

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1979, Japon
Acteurs principaux : Catriona MacColl (1954 - ), Lambert Wilson (1958 - )
Genre(s) : Paris /du Moyen-Age à 1914 /jeu dans le jeu /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Il était une fois au XVIIIème siècle, un aristocrate old school qui en a marre de faire des filles, et qui décide donc d'appeler la dernière Oscar. La demoiselle, qui en prend pour 20 ans de psychanalyse, devient donc une escrimeuse redoutable au service très rapproché de Marie-Antoinette. Elle affole son nigaud de copain d'enfance roturier, trouble l'amant de la reine et pas mal d'autres courtisan(ne)s, mais reste inflexible sur les principes, allant même jusqu'à boxer un certain Maximilien de Robespierre qui lui a manqué de respect. Mais un petit coeur bat pourtant sous son uniforme d'opérette. Les malheurs de la France et les beaux yeux d'André (le copain d'enfance) ne la laissent finalement pas indifférente. Après qu'une telle forteresse soit tombée, la prise de la Bastille est presque une formalité. Mais c'est une autre Histoire...

Stardust Memories

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1980, USA
Acteurs principaux : Woody Allen (1935 - ), Marie-Christine Barrault (1944 - ), Charlotte Rampling (1946 - ), Tony Roberts (1939 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 91 mn, NB

Critique perso :

Sandy Bates, clnéaste américain, la quarantaine. Fut drôle en début de carrière, mais plus au mieux de sa forme. Assailli par les chasseurs d'autographes et les groupies amoureuses, traqué par les fans, les exégètes et les extras-terrestres, il déprime sec (et pas toujours sec, d'ailleurs). Il ne sait plus où donner de la tête et du désir. Il a pourtant toujours excellent goût dans le choix de ses muses-actrices (même s'il a décidément un faible pour les névrosées), mais elles n'ont pas toujours le bon goût d'avaler tous ses atermoiements. Alors, il se verrait bien jouer son propre rôle dans son propre film (même si le seul qui lui plairait vraiment, c'est celui de Dieu). Il imagine un truc un peu surréaliste, sous influence italienne années 60. Pas du tout indigne du maestro du genre, sur le mode désespérément drôle et drôlement désespéré.

Terrazza (La) - Terrasse (La)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1980, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Serge Reggiani (1922 - 2004), Remo Remotti (1924 - 2015), Ugo Tognazzi (1922 - 1990), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Un grand buffet avec des pâtes et des haricots, sur une grande terrasse romaine. Les convives sont nombreux, intelligents, énervés. En majorité : des intellos-bobos, caviar-cocos. Ils bossent dans la culture politique, ou dans la politique culturelle. Ils ont tout vu, tout lu, tout connu, ils se sont tant aimé. Il y a Enrico, qui n'arrive pas à écrire le scénario du film en 5 sketchs, qui pourtant se déroule devant nous. Luigi et Amedeo, qui n'arrivent pas à retenir leur femme, qui pourtant leur doit tout. Sergio, qui n'arrive pas à retenir le semblant de vie qu'il a pourtant sauvé de la guerre. Et Mario qui, en amour comme en politique, n'arrive clairement pas à écrire des textes clairs. Des mâles drôlement tragiques, tragiquement drôles. On a beau les voir de plusieurs point de vue, sous plusieurs angles : ils sont toujours aussi las, lâches et fuyants. Portrait de l'artiste en hommes vieillissants.

French Lieutenant's Woman (The) - Maîtresse du Lieutenant français (La)

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Réalisé par : Karel Reisz (1926 - 2002)
En : 1981, Angleterre
Acteurs principaux : Jeremy Iron (1948 - ), Meryl Streep (1949 - ), David Warner (1941 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 127 mn, couleur

Critique perso :

Point de Lieutenant français dans ce film. Quant à celle censée avoir été sa maîtresse, jamais ne le fut. Mais on est au cinéma, alors ne nous étonnons de rien, surtout qu'on est dans ce type particulier de films qui racontent la fabrication d'un autre film, dans une histoire d'amour qui en cache une autre -la même sans doute- et d'autres temps et d'autres lieux. Subtil entrelacement de sentiments retenus et de fantasmes entretenus, de libertés compromises et de liaisons dissimulées, hommage raffiné à l'intensité du vécu et à celle -encore plus grande ?- du souvenir et de la représentation.

Sogni d'oro

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1981, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Remo Remotti (1924 - 2015)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella -toujours lui !- a (un peu) grandi. Il a fait un film sur la jeunesse (qui ressemble sans doute beaucoup à Ecce bombo), et est invité à en parler lors de projections publiques. Un emmerdeur a le chic d'y venir toujours lui poser la même question emmerdante (en gros : en quoi votre film emmerdant intéresse-t-il le peuple italien, le vrai ?) auquel il mettra le temps du film à répondre (en cinéma). Ca y est, donc, Michele a réalisé son rêve, il est un cinéaste, un vrai. Il vit encore avec sa maman tout en préparant son prochain film sur Freud et son complexe d'Oedipe, donc il se soigne. Il est aussi harcelé par deux frères-postulants assistants qui ne l'assistent pas beaucoup. Et enfin, il a des collègues-concurrents pas avares de compromissions qu'il peut affronter à sa guise et à armes égales (enfin presque). Il n'est jamais aussi bon qu'avec ses ennemis (lui-même et les autres), Michele, et qu'avec sa meilleure arme (en cinéma)…

Draughtsman's Contract (The) - Meurtre dans un jardin anglais

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Réalisé par : Peter Greenaway (1942 - )
En : 1982, Angleterre
Acteurs principaux : Anthony Higgins (1947 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Au début, les joueurs décident de la règle du jeu et la signent devant témoin. L'équipe du château joue en blanc, le visiteur extérieur (un artiste bien conscient de sa valeur) en noir. Au milieu du film, ils changent de côté, de maillots et même de règles... Le terrain est une belle propriété, l'époque la fin du XVIIIème siècle anglais. Il est, officiellement, question de dessiner le château sous tous ses angles, tout en profitant de la châtelaine par tous les bouts. Mais, à force de dessiner ce qu'il a devant les yeux, notre challenger finit par capter ce qu'il ne devrait pas : ce qui est là et ce qui est caché, et le temps qui passe. En fait, il invente la caméra à 12 images par semaine. Pour autant, ce n'est pas toujours lui qui évalue le mieux les coups à l'avance. Pour son premier film, l'esthète Greenaway soigne tout : le scénario brillamment tarabiscoté, les dialogues subtilement enluminés, les costumes soigneusement asticotés et les cadres bien sûr, savamment géométrisés (il a même fait les dessins lui-même). Il donne cette impression de maîtrise suprème qu'il refuse à son personnage. Mauvais joueur, mais excellent cinéaste !

Tron

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Réalisé par : Steven Lisberger (1951 - )
En : 1982, USA
Acteurs principaux : Jeff Bridges (1949 - ), David Warner (1941 - )
Genre(s) : animation /c'était demain /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Tron, c'est un Voyage fantastique sous influence Star Wars à l'intérieur de HAL. On y suit Flynn, informaticien-donc-génial, passé de l'autre côté de l'interface graphique, faire connaissance avec la virtualité réelle. Transformé en avatar à son image, il se retrouve condamné à combattre les algorithmes-gladiateurs qu'il a lui-même conçus, afin de neutraliser le Great Master Control, un ex-programme d'échecs qui a buggé mégalo. Bon, pour les explications sur l'architecture de Von Neumann, je conseille plutôt mon poly de cours. Mais aucun informaticien -et aucun spectateur- ne peut être insensible à la poésie d'une discussion -forcément un peu binaire- avec un bit errant, ou aux éclairs bleutés d'une donnée en transit dans les mornes plaines numériques.

E la nave va - Et vogue le navire

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1983, Italie
Acteurs principaux : Freddie Jones (1927 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 132 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au commencement était le cinéma. Il était muet, en noir et blanc et plein d'innocence. Et puis tout le reste est arrivé. Le son, la couleur, les officiels et les officiers, et l'innocence a dû mettre les voiles, avant de se faire rattraper par le monde en haute mer. C'est à peu près ça que le film raconte et aussi, sans doute, beaucoup d'autres choses. Autant que de spectateurs. Par exemple, une autre version pourrait être : quelque part avant la première guerre mondiale, un prince étranger (et sa cour), quelques fils à papa/maman, des jeunes premièr(e)s ingénu(e)s, des génies incompris et incompréhensibles, un journaliste, un rhinocéros gris et les cendres d'une célèbre cantatrice sont sur un bateau. Toute la civilisation, quoi, plus quelques passagers clandestins. A la fin, tout le monde tombe à l'eau, sauf le cinéma. Insubmersible comme le jouet de grand enfant génial.

Videodrome

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Réalisé par : David Cronenberg (1943 - )
En : 1983, Canada
Acteurs principaux : James Woods (1947 - )
Genre(s) : c'était demain /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro
Caractéristiques : 87 mn, couleur

Critique perso :

Videodrome est un programme télé qui vise tout ce qu'il y a de plus bas chez les spectateurs. En gros, pour ce qu'on peut en voir : des nanas à moitié à poil qui se font gentiment torturer, mutiler, assassiner. Ca coûte pas cher, c'est excitant, ça pourrait rapporter gros à Max et à sa chaîne de troisième sous-sol, exactement ce qu'il cherche. Videodrome est un programme télé qui rend con et accro. On y goûte en faisant mine d'être dégoûté, on y revient, on n'en sort pas. Du trash-reality show avant l'heure, une espèce de Goulag de la tentation. Videodrome est un programme télé qui rend fou. Ca rentre par les yeux, ça dérègle les sens, ça modifie le corps. Avec ça, le mythe de la fiction catharique, c'est vraiment de la bonne blague. Attention, Videodrome is watching you, tous les soirs à 20h30.

Vie est un roman (La)

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1983, France
Acteurs principaux : Fanny Ardant (1949 - ), Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - ), André Dussolier (1946 - ), Vittorio Gassman (1922 - 2000), Ruggero Raimondi (1941 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

C'est un beau roman, c'est trois belles histoires. Ca se passe dans un drôle de chateau hybride, hanté par un drôle d'esprit appelé Utopie -celui qui pousse les grandes personnes à vouloir redevenir des enfants... La première histoire est une utopie 1920, menée par un étrange Comte venu d'East-Europa. La deuxième est une utopie d'aujourd'hui : un colloque, genre stage MGEN pour profs zèlés en vacances. La troisième -la seule qui ne fait de mal à personne- est une utopie de toujours, avec chevalier, dragon et princesse. Le tout fait forcément un film hybride, qui en plus fait feu de tous arts en mêlant la BD et la comédie musicale, l'architecture et le conte de fée. Ma conclusion perso : pour faire le bonheur des autres, mieux vaut miser sur l'art, les beaux romans et les belles histoires.

Parking

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1985, France
Acteurs principaux : Francis Huster (1947 - ), Jean Marais (1913 - 1998), Hugues Quester (1948 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 95 mn, NB/couleur

Critique perso :

Orphée n'est pas encore rangé des voitures : il s'est réincarné en pop-star-idôle des jeunes à pantalons blancs et pulls en laine, époux d'une artiste conceptuelle japonaise et amant d'un ingénieur du son qui, pour réussir à le supporter, doit manquer un peu d'oreilles. Sur scène, il porte déjà le costume des damnés du dernier sous-sol mais, une fois vraiment en enfer, il ne cesse de clamer qu'il n'est pas à sa place. Comment choisir, pourquoi choisir ? C'est lui qui le dit, mais au moins le réalisateur aurait-il pu lui donner des idées (ou des chansons), au lieu de le faire bégayer toutes ses répliques. Demy se serait-il égaré sur une voie de garage ? Il a perdu toutes ses couleurs en route et ne décolle pas vraiment du purgatoire

Purple Rose of Cairo (The) - Rose pourpre du Caire (La)

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 1985, USA
Acteurs principaux : Danny Aiello (1933 - ), Jeff Daniels (1955 - ), Mia Farrow (1945 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 84 mn, couleur

Critique perso :

Qui n'a osé rencontrer personnellement, "pour de vrai", les héros de ses films fétiches ? Bon début d'idée. Et si maintenant, en plus, ces héros pouvaient sortir physiquement de l'écran, si de la salle obscure on pouvait les voir nous voir, réagir à nos réactions et improviser face aux contretemps, comme au théâtre. Ca, on n'a jamais osé l'imaginer et Woody en fait un film génial. Il transforme l'écran de cinéma en porte magique et poreuse entre deux mondes que tout oppose. Lequel est le mirroir, le leurre de l'autre ? Qui, dans chacun d'eux, tire les ficelles ? Ce conte de fée cruel est un fabuleux hommage au mythe même du cinéma, à son ambiguïté, au plaisir que nous prenons tous à nous tromper nous-mêmes en faisant mine de croire à ses histoires.

Ginger e Fred - Ginger et Fred

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1986, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Giulietta Masina (1920 - 1994), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 125 mn, couleur

Critique perso :

Dans ses derniers films (et celui-ci est sans doute le premier de ses derniers films), Fellini combat son ennemi intime : la télé-Berlusconi (petit jeune plein de cheveux et d'avenir, à l'époque). Pour Noël, elle ratisse large, la TV : elle se transforme en fête foraine, en foire aux sosies, en marché aux héros et en Freaks en tout genre (bienvenue au pays des monstres gentils !). Au milieu d'eux : un vieux faux couple composé d'une ex-pseudo Ginger et d'un ancien simili Fred. Ils ont eu leur 1/4h de gloire avec leur show dansant, quand tout le monde savait encore à qui leur nom d'artiste faisait référence. Mais le monde petit écran n'est plus le leur. Il n'est pas non plus tout à fait le nôtre : les rues sont pleines de poubelles fumantes façon Soleil vert, il y a des télés dans toutes les pièces, conformément à la prédiction de Charly. Nous sommes dans une sorte de science fiction sauce bolognaise, un enfer pavé de publicités vulgaires. Le terreau puant est bien là ; les éclats de poésie qui y poussent aussi.

Intervista

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1987, Italie
Acteurs principaux : Anita Ekberg (1931 - 2015), Federico Fellini (1920 - 1993), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Le cinéma mode d'emploi : des rêves et des studios, des grues et des conféttis, de la mémoire et des projecteurs. Il faut aussi, c'est mieux, quelques éléphants, une baleine (prénommée Anika), et un acteur-magicien (prénommé Marcello). Et, au milieu du chaos comme un poisson dans l'eau de son bocal préféré : un grand type en chapeau à la voix douce, qui ne feint pas d'en être l'organisateur (il l'est !). Il suffit qu'il ait tout prévu pour que l'imprévisible dont il avait besoin surgisse. Il suffit qu'il rêve de l'Amérique (celle de Kafka et de DeMille) pour les indiens de ses westerns viennent à lui tout seuls. Il suffit qu'il soit là pour me rendre heureuse. C'est un film qui serait à la fois son propre making-of, sa propre pub (interviews, bande-annonce et bêtisier compris), et sa propre négation (par la télévision), sans jamais cesser d'être lui-même, c'est-à-dire introuvable.

Family Viewing

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Réalisé par : Atom Egoyan (1961 - )
En : 1988, Canada
Acteurs principaux : David Hemblen , Arsinée Khanjian (1958 - ), Gabrielle Rose (1954 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 86 mn, couleur

Critique perso :

Aline, jeune femme esseulée et Van, jeune garçon perturbé, se rencontrent dans un hospice, aux chevets respectifs de leur mère vs. grand-mère, toutes deux aussi mal en point. La jeune femme vie en faisant semblant d'aimer des hommes au téléphone. Le jeune garçon a une gentille famille recomposée qui a l'air de sortir d'un mauvais sitcom. Mais, dans leur chambre, son père et sa belle-mère se fabriquent d'autres feuilletons amateurs, plus personnels, en effaçant sur des vieilles cassettes vidéos les images de la mère, qui s'est tirée, et de la grand-mère malade. Des fois, avec l'aide de la voix d'Aline. Les images effacent les images, les gens remplacent les gens, la vie est une grande aventure par procuration. Egoyan, qui n'en est qu'à son deuxième film, se préoccupait déjà pas mal des trous de mémoire de l'histoire personnelle, et des traces qui se supperposent.

Trois places pour le 26

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Réalisé par : Jacques Demy (1931 - 1990)
En : 1988, France
Acteurs principaux : Françoise Fabian (1932 - ), Catriona MacColl (1954 - ), Mathilda May (1965 - ), Yves Montand (1921 - 1991)
Genre(s) : en France profonde /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 106 mn, couleur

Critique perso :

M. Yves Montand himself se paie un petit flash-back sur son début de carrière, dans un musical autobiographique monté à Marseille, sa ville d'enfance. Il en profite pour chercher à retrouver son amour de jeunesse, trouve sans le chercher un amour de vieillesse, avant de découvrir que l'une est la fille de l'autre -voire pire. Il y a du lemon incest dans le pot aux roses. Le spectacle lui-même a l'air pas mal, mais la vie autour semble s'être figée dans les années 60-70 et la musique -hélas- engluée dans les harmonies de synthétiseurs. Le film n'arrête pas de chercher à se trouver beau dans tous les miroirs du passé (et d'essayer de se reconnaître en Tous en scène, par exemple), en retard d'un TGV sur son époque. Montand lui-même a l'air un peu trop vieux pour jouer son propre rôle (de père un peu indigne). Comme testament, ça reste malgré tout largement au-dessus du minimum notarial.

Jésus de Montréal

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Réalisé par : Denys Arcand (1941 - )
En : 1989, Canada
Acteurs principaux : Lothaire Bluteau (1957 - ), Rémy Girard (1950 - ), Yves Jacques (1956 - )
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Quelle mouche a bien pu piquer l'auteur du Déclin de l'empire américain pour qu'il se lance ainsi, lui le chantre des intellos libertins, dans un Jésus au pays du show-biz -anticlérical certes, mais très fidèle aux Evangiles ? En fait, il parle toujours de la même chose : des fondements de la civilisation occidentale (la raison, la foi) et de ce qui la menace (l'argent, le commerce des corps). Et par la même occasion, il rend hommage aux acteurs de théâtre, à Dostoievski, à l'Homme qui en savait trop et à To Be or Not to Be. Pour tout cela, il lui sera beaucoup pardonné.

Atame ! - Attache-moi !

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Réalisé par : Pedro Almodovar (1949 - )
En : 1990, Espagne
Acteurs principaux : Victoria Abril (1959 - ), Antonio Banderas (1960 - ), Francisco Rabal (1926 - 2001)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Au désespoir de tout le personnel féminin de l'établissement, Ricki est enfin autorisé à quitter l'institution psychiatrique où il a passé sa jeunesse. Il n'a qu'une idée en tête : épouser Marina, la belle actrice porno qu'il a déjà croisée (et même un peu plus) une fois. Pour lui démontrer ses qualités de mari idéal, il la traque, lui offre des chocolats puis finalement la sequestre chez elle et l'attache sur son lit, tout en la pourvoyant à volonté en psychotropes divers. Jaloux, possessif, attentionné : pas de doute, il a la vocation d'époux modèle à la mode espagnole de l'époque. Le mariage comme syndrôme de Stockholm librement consenti (bien plus horrible que les films d'horreur que tournait Marina avant de connaître Ricki) : la pilule est tellement colorée qu'on l'avale sans s'en rendre compte.

Adjuster (The)

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Réalisé par : Atom Egoyan (1961 - )
En : 1991, Canada
Acteurs principaux : David Hemblen , Arsinée Khanjian (1958 - ), Elias Koteas (1961 - ), Gabrielle Rose (1954 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Noah est un agent d'assurance. Pas le genre vendeur-arnaqueur à bagout. Non, lui ce serait plutôt le genre sérieux-compatissant. Il n'intervient qu'après les sinistres, pour s'occuper des clients qui avaient souscrit avec lui. Et il s'en occupe bien de ses clients (avec une préférence certaine pour les victimes d’'incendies). Il les soigne, les loge dans le motel du coin, leur rend visite, les bichonne et (souvent) plus si affinités. Il a une jolie femme modèle, aussi, avec un travail tout ce qu'il y a de plus sérieux et officiel : pour le compte du gouvernement, elle passe son temps à visionner des cochonneries (elle fait partie d'une espèce de commission de classification des images pornos). Ils forment une famille modèle, avec enfant et sa soeur à elle, et vivent dans une maison modèle au milieu de nulle part. Un maison qui a l'air d'avoir servi d'exposition pour un lotissement qui ne s'est jamais construit. Bon, l'histoire évidemment ne se réduit pas à ça. Il y a beaucoup d'autres personnages. Des visiteurs, des passants, des figurants, Ou bien des rodeurs, des mystificateurs, des prédateurs, allez savoir… Pas beaucoup de différences entre tout ça, la frontière est mince et poreuse entre la vie et son cauchemar. La vie, ce truc fourni sans garanties et sans assurances, et sans modèle...

Barton Fink

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Réalisé par : frères Coen
En : 1991, USA
Acteurs principaux : Steve Buscemi (1957 - ), Judy Davis (1955 - ), John Goodman (1952 - ), John Turturro (1957 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 116 mn, couleur

Critique perso :

Barton, dramaturge qui en a sous la tignasse, vient de triompher sur les planches de New-York avec sa pièce : une histoire de vrais gens. Hollywood, en plein âge d'or, l'appelle. Sur place, sans doute pour ne pas perdre le contact avec les vrais gens, il prend un hôtel hors du temps. Un nabab lui passe commande d'un scénario de film de catch - c'est dans ses cordes, ça le catch, avec des vrais gens... Barton retourne à ses p(l)ages blanches et au papier peint de sa chambre. Hors le monde, hors la vie -sauf celle de son encombrant et bavard voisin de pallier. Quand, enfin, il arrive à attirer dans son lit la muse d'un grand-écrivain-du-sud-alcoolo (toute ressemblance avec un auteur dont le nom commence par Faulk...), la mécanique dramatique folle démarrre enfin. Barton se laisse alors un peu déborder par son encombrant et bavard voisin de synapse... Méfiez-vous des réalisateurs à tignasse : ils sont capables de faire de grands films avec des tocards.

Double vie de Véronique (La)

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Réalisé par : Krzysztof Kieslowski (1941 - 1996)
En : 1991, France
Acteurs principaux : Irène Jacob (1966 - ), Philippe Volter (1959 - 2005)
Genre(s) : conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 98 mn, couleur

Critique perso :

C'est l'automne, on a l'impression de tout voir en vert, comme de derrière une bouteille. En Pologne, vit une jeune femme à la voix d'ange prénommée Weronica. Douce, aimée, mais fragile du coeur. Si fragile... A Paris, vit une jeune femme à la voix d'ange prénommée Véronique. Un soir, elle se sent bizarre, comme en deuil d'elle-même. Pour comprendre ce qui lui arrive, il lui faudra suivre la piste d'un tireur de ficelles qui lui envoie des signes, pour pouvoir écrire le roman de sa (double) vie. La métaphore, comme tout le reste, est double : politique (l'est et l'ouest, pays frères), ou psychanalitico-théologique. C'est un peu lourd et appuyé mais (en même temps, évidemment) sauvé par une multitude de détails subtils.

Toto le héros

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Réalisé par : Jaco van Dormael (1957 - )
En : 1991, Belgique
Acteurs principaux : Michel Bouquet (1925 - ), Bouli Lanners (1965 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 91 mn, couleur

Critique perso :

Au moment de sa sortie (j'étais jeune), j'avais adoré. Evidemment, maintenant que je vois les sources (Boulevard du Crépuscule, Sueurs froides, Le Mépris entre autres, et quelques poèmes) et les coutures (tout arrive 2 fois, comme dans Little Big Man), ça m'impressionne moins. N'empêche, l'idée de départ est formidable : le héros, Toto von Chickensoup, belge pur frites, est persuadé d'avoir été échangé à sa naissance, et d'avoir donc vécu une vie qui n'était pas faite pour lui. Il a le complexe de l'imposteur à l'envers, il se sent déguisé malgré lui en type banal. Il faut dire que son horloge interne s'est arrêtée quand il avait sept ans, pour le punir d'avoir un peu trop aimé sa grande soeur. Cette histoire d'une vie sans histoire - et sans vie - a le charme et la maladresse d'un conte pour ceux qui n'ont jamais appris à faire la différence entre leurs rêves et leurs souvenirs.

Player (The)

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 1992, USA
Acteurs principaux : Karen Black (1939 - 2013), John Cuzack (1966 - ), Peter Falk (1927 - 2011), Peter Gallagher (1955 - ), Jeff Goldblum (1952 - ), Angelica Huston (1951 - ), Jack Lemmon (1925 - 2001), Andie MacDowell (1958 - ), Malcolm McDowell (1943 - ), Sydney Pollack (1934 - 2008), Tim Robbins (1958 - ), Alan Rudolf (1943 - ), Greta Scacchi (1960 - ), Dean Stockwell (1936 - ), Bruce Willis (1955 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Griffin Mill (Mr. M pour les intimes) est un enfoiré de 1ère classe de Sunset Blvd. Il assure la lourde tâche de choisir, pour le compte d'un grand studio hollywoodien, les quelques heureux Lauréats dont le scénario sera produit. Evidemment, son costume de Citizen Kane fait des rancuniers et des envieux : il travaille au milieu d'une bande de Freaks qui ne pensent qu'à prendre sa place. Un soir, dans un accès de panique, il fait une grosse connerie irréparrable (de plus). Certes il a eu, juste avant, le temps d'échanger quelques mots au téléphone avec un Ange bleu. Mais, le moindre Témoin à charge pourrait le faire tomber. En fait, il a La Corde au cou... Quant à Altman, lui, il s'amuse : non content de battre haut la main le record, précédemment détenu par La Soif du mal, du plus long plan séquence d'ouverture, il s'attaque aussi à celui du plus grand nombre de citations (visuelles ou sonores) de films anciens dans un film (j'ai oublié : il y a aussi Le Voleur de bicyclette). Et il montre par la même occasion que le cinéma n'est pas -toujours- fait par des cons.

Twin Peaks: Fire Walk with Me - Twin Peaks - les 7 derniers jours de Laura Palmer

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Réalisé par : David Lynch (1946 - )
En : 1992, USA
Acteurs principaux : Sheryl Lee (1967 - ), David Lynch (1946 - ), Kyle MacLachlan (1959 - ), Harry Dean Stanton (1926 - 2017)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 135 mn, couleur

Critique perso :

Evidemment, avant le film il y a eu la série, qui raconte ce qui se passe après. Alors, dès le début, le rouge est mis. C'est comme si le compte à rebours était enclenché, la bombe à retardement amorcée, mais au ralenti. Pourtant, filmer le destin en marche ne suffit pas, il faut aussi en montrer les esprits maléfiques et les demi-Dieux, les démiurges et les oracles. Or, les oracles ne sont pas fameux, on prédit qu'une jeune fille sera sacrifiée. Que d'ailleurs, c'est déjà fait, et qu'en plus la jeune fille est de toute façon pervertie jusqu'au trognon. Le FBI est sur le coup, avant même qu'il se soit passé quelque chose. Lynch inaugure ici son costume de grand chamane de l'inconscient, et s'offre une apparition en personnage aussi sourd qu'Homère était aveugle. Twin Peaks -le film-, c'est un peu l'Olympe assassiné par le soap opéra, et brillamment repêché par le cinéma.

Ba wang bie ji - Adieu ma concubine

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Réalisé par : Chen Kaige (1952 - )
En : 1993, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Leslie Cheung (1956 - 2003), Gong Li (1965 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 171 mn, couleur

Critique perso :

A 10 ans, Douzi est abandonné par sa maman dans les coulisses de l'opéra de Pékin. Pour le faire accepter, elle a dû lui couper au couteau un petit doigt surnuméraire. Bientôt, on le force à chanter que (sans contrefaçon) il est une fille. Forcément, faut pas s'étonner après tout ça s'il a des problèmes d'identité sexuelle. Il devient, donc, chanteur d'opéra. Son rôle fétiche, c'est celui de la concubine malheureuse d'un roi. Son acteur fétiche, c'est le roi. Mais lui, hélas (l'acteur), lui préfère une vraie concubine. Bref, le coup classique des comédiens qui prennent le rôle de leur vie un peu trop à coeur. Mais, derrière les sentiments éternels, derrière la tradition immuable de l'opéra chinois, la vie politique de leur pays au XXème siècle connaît quelques rebondissements et coups de théâtre -qu'ils traversent comme des ombres. Fresque intimiste, mélo énorme ; à la largeur de son ambition.

Demoiselles ont eu 25 ans (Les)

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Réalisé par : Agnès Varda (1928 - )
En : 1993, France
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 64 mn, NB/couleur

Critique perso :

Quelle est donc la recette de la potion magique du bonheur (celle concoctée le temps d'un été à Rochefort, dans les années 60) ? De la musique, des couleurs, des stars. Du Cinéma. Et, au centre : l'oeil d'un magicien, impassible mais résolu, qui a décidé un jour de réinventer le monde à son image. Un monde tel qu'il existe déjà, mais repeint avec de la musique. Avec des vrais gens, mais habillés de lumière. Varda, elle aime les gens, aussi, même sans lumière et sans musique. Elle a filmé les coulisses du tournage, elle était là aussi au pot de retrouvailles, 25 ans et quelques morts plus tard. C'est sûr, elle s'y connaît en secret de fabrication du cake d'amour. Le making off du bonheur, c'est encore du bonheur en bonus.

Much Ado About Nothing - Beaucoup de bruit pour rien

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Réalisé par : Kenneth Branagh (1960 - )
En : 1993, Angleterre
Acteurs principaux : Kate Beckinsale (1973 - ), Kenneth Branagh (1960 - ), Michael Keaton (1951 - ), Keanu Reeves (1964 - ), Emma Thompson (1959 - ), Denzel Washington (1954 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /la parole est d'or
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Ca ressemble à la Toscane -ou au Paradis, ce qui est à peu près pareil. Mais c'est trop tard : les humains ont déjà appris à parler, pour s'aimer ou pour se tromper. Les hommes reviennent de guerre, de la gloire plein les poches. Les femmes les attendent -plus ou moins-, des fleurs plein les bras. Ils se parlent, ils jouent à jouer, à s'aimer et à se tromper. Ils en font toute une histoire, ils n'ont que ça à faire. Les acteurs, eux, jouent à jouer à jouer et à se faire prendre au jeu avec délices. "Shakespeare, Shakespeare..." c'était pas le nom d'un scénariste de Howard Hawks, ça ? Ah non ! Plutôt de Mankiewicz et de Wise -entre autres. Une espèce d'ancêtre commun, de nègre universel à tous les peintres de la tragédie de l'existence, et de la comédie du bonheur.

No Smoking

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1993, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, couleur

Critique perso :

De l'influence d'une petite clope (Smoking or No Smoking ?) -ou d'une petite parole en l'air- sur le déroulement d'une vie. Ou bien : la Théorie du Chaos appliquée au destin des hommes, dans un théâtre en plein air déguisé en campagne anglaise. 9 personnages, 2 acteurs en majesté, 3 ou 4 décors et le regard muet d'un chat égyptien sans doute échappé du Portrait de Dorian Gray : une multitude de combinaisons possibles. Pour les explorer, le récit est un sentier aux chemins qui bifurquent (et, en bonne informaticienne que je suis, j'ajouterai que l'arbre des possibles est parcouru en "profondeur d'abord"). Cette variation-ci est centrée sur un couple mal assorti : Miles et Rowena Coombes. Lui a choisi l'option conformisme timoré, elle est plutôt du genre excentrique excitée. Ils sont en pleine crise de vaudeville ; une remise au fond du jardin de leurs amis Teasdale va jouer le rôle du placard. On suit, comme dans un feuilleton qui bafouille, les aléas de leurs amours, de leurs amitiés, de leurs projets. Mais, la plupart du temps, après un petit dérèglement passager, tout rentre dans l'ordre des choses, l'ordre des classes, l'ordre des couples. En fait, c'est simple : ou bien on aime, ou bien on adore.

Smoking

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 1993, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, couleur

Critique perso :

De l'influence d'une petite clope (Smoking or No Smoking ?) -ou d'une petite parole en l'air- sur le déroulement d'une vie. Ou bien : la Théorie du Chaos appliquée au destin des hommes, dans un théâtre en plein air déguisé en campagne anglaise. 9 personnages, 2 acteurs en majesté, 3 ou 4 décors et le regard muet d'un chat égyptien sans doute échappé du Portrait de Dorian Gray : une multitude de combinaisons possibles. Pour les explorer, le récit est un sentier aux chemins qui bifurquent (et, en bonne informaticienne que je suis, j'ajouterai que l'arbre des possibles est parcouru en "profondeur d'abord"). Cette variation-ci est centrée sur un couple BCBG au bord de la névrose : Celia et Toby Teasdale. Elle a choisi l'option conformisme fleuri, lui le rôle du bougon imbibé. En embuscade : deux outsiders qui attendent que passe l'ascenceur social, façon Tout ce que le ciel permet pour Lionel Hepplewick, façon My Fair Lady pour Sylvie Bell. On suit, comme dans un feuilleton qui bafouille, les aléas de leurs amours, de leurs amitiés, de leurs projets. En fait, c'est simple : ou bien on aime, ou bien on adore.

Ed Wood

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Réalisé par : Tim Burton (1958 - )
En : 1994, USA
Acteurs principaux : Patricia Arquette (1968 - ), Johnny Depp (1963 - ), Jeffrey Jones (1946 - ), Martin Landau (1931 - 2017), Bill Murray (1950 - ), Sarah Jessica Parker (1965 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 127 mn, NB

Critique perso :

Le plus mauvais réalisateur du monde -vu par l'un des meilleurs de son temps- était un spécialiste ès mauvais genres et mauvais goût, dans sa vie comme dans son oeuvre. Il choisissait ses copines en fonction des fringues qu'il pouvait leur piquer, ses sujets et ses collaborateurs pour produire le maximum d'effets avec le minimum de moyens. Il était gentil, naïf, enthousiaste et incompétent. Il rêvait d'égaler Citizen Kane, il réussit tout de même à réaliser Plan 9 from Outer Space, c'est pas donné à tout le monde. Tim Burton le montre, en pleine crise, enfiler une jupe moulante et un pull angora pour aller recevoir la bénédiction de son Dieu Orson. Paradoxal et jubilatoire hommage d'un perfectionniste au dilettante qu'il ne sera jamais.

Celluloid Closet (The)

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Réalisé par : Epstein & Friedman
En : 1995, USA
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 102 mn, NB/couleur

Critique perso :

Petite leçon d'histoire du cinéma et de décryptage d'images -petit sermon militant de la cause gay, aussi. Tout, nous saurons donc (presque) tout sur les homos vus par Hollywood : des inoffensives tapettes des débuts du cinéma aux inquiétants criminels névrosés des années 60, en passant par les vampires lesbiennes et autres amitiés viriles cachées sous les jupettes des péplums et les colts des westerns. Bon, le film ne balance pas tant que ça (il reste sûrement plein d'affaires dans le placard), mais permet d'apprendre un peu à voir derrière les images, et à entendre derrière les paroles. Pour, par exemple, ne plus jamais regarder Rebecca et Ben-Hur de la même façon.

Univers de Jacques Demy (L')

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Réalisé par : Agnès Varda (1928 - )
En : 1995, France
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 90 mn, NB/couleur

Critique perso :

Dans le monde merveilleux de Jacquot de Nantes, on croise des princesses et des putains, des camionneurs et des saltimbanques qui, des fois, sont les mêmes personnes. Agnès, elle, s'est choisie le double rôle de la marraine-marketing, de l'enchantée enchanteresse, et elle nous fait la visite guidée des coulisses de son grand homme. Elle ouvre le grand livre de ses images, où chaque chapitre serait une oeuvre, mais dans un savant désordre. Ca passe du coq à Peau d'âne, de ville en ville et de port en port. Surtout pas une thèse, plutôt un hommage malicieux et complice. Cette grande dame-là connaît visiblement l'art de recevoir et de donner plein d'amour, et le plus grand art encore de rendre son don contagieux.

Ta'm e guilass - Goût de la cerise (Le)

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Réalisé par : Abbas Kiarostami (1940 - 2016)
En : 1997, Iran
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Il est au volant de sa voiture, il a de grands yeux inquiets qui font un peu peur, il cherche un homme à embarquer. Un homme solitaire qui aurait besoin d'argent facile. Non non, pas pour ça. Pour un service très bien rémunéré. Honnête, mais qui demande un peu de courage d'âme. Un service existentiel, métaphysique, un service d'homme libre. Mais c'est pas facile à trouver, à Téhéran, un homme libre. Il faut remuer ciel et terre pour réussir à trouver quelqu'un qui accepterait de remuer un peu de ciel et de terre. D'abord, il ne récupère que des gamins. Un apprenti soldat, un séminariste débutant, pour qui ce service n'est visiblement pas au programme de leurs études. Et puis, il rencontre un homme, un homme vrai. Et puis, et puis... Après pas mal de virages en formes de point d'interrogation, on aboutit à une fin indécidable. Comme la vie, quoi.

Aprile

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1998, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 78 mn, couleur

Critique perso :

En Italie comme ailleurs, il est de mauvais avrils -celui de 94, qui a vu l'élection d'un certain Berlusconi- et il en est de plus joyeux -la naissance de Pietro Moretti 1er, deux ans plus tard. Moretti-le père fait du cinéma. Pendant cette période, il hésite entre le documentaire sur l'état de son pays où l'appelle son devoir, et cette comédie musicale sur un pâtissier trotskiste des années 50, dont il rêve depuis Journal intime. Filmer les foules en manif ou son bébé en couches culottes ? Quella è la questiona ! Mais son art poétique, lui, est fixe -comme sa caméra- comme sa capacité intacte à s'énerver devant la lâcheté, le mensonge et les mauvais films américains. Autoportrait narquois en papa névrosé, journal à ciel ouvert, succulente gâterie "de gauche" d'un artisan-expert.

Truman Show (The)

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Réalisé par : Peter Weir (1944 - )
En : 1998, USA
Acteurs principaux : Jim Carrey (1962 - ), Ed Harris (1950 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Tru(e)man Burbank, héros malgré lui, 24h/24, d'un reality show dont il est le seul candide, vit dans un total false world. Comme le personnage de La Vie est belle, c'est un explorateur qui n'est jamais parti de chez lui. C'est un prisonnier volontaire. C'est un clown parfaitement conditionné pour jouer son rôle, dans le scénario qu'on a écrit pour lui. C'est une marionnette dans les mains d'un réalisateur mégalo qui ne s'est jamais remis d'avoir vu Persona et Blade Runner. Bref, c'est un parfait américain, gentil, poli, honnête. Quand il atteint les frontières de son univers de poche, il donne tout à coup raison aux croyances moyennageuses sur les bords du monde, et au couvercle de Beaudelaire. Le film aurait pu s'appeler Imitation of Life, mais le titre était déjà pris.

Being John Malkovich - Dans la peau de John Malkovich

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Réalisé par : Spike Jonze (1969 - )
En : 1999, USA
Acteurs principaux : John Cuzack (1966 - ), Cameron Diaz (1972 - ), Catherine Keener (1959 - ), John Malkovich (1953 - )
Genre(s) : New York - New York /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

De l'art de la marionnette, considérée comme une métaphore de la manipulation, considérée comme une métaphore de l'amour, considéré comme une métaphore du jeu de l'acteur, considéré comme une métaphore de la transmigration des âmes, considérée comme une métaphore de la condition humaine, considérée comme une métaphore de la succession des générations, considérée comme une métaphore de l'art de la marionnette. John Malkovich est le parfait caméléon de cet incroyable embrouillamini à la logique implacable. On entre et on sort de sa tête comme dans un moulin, et on a même droit à une visite guidée de son inconscient (au pas de charge, mais vaut mieux pas s'attarder dans ces endroits-là). Tellement brillant qu'on en sort tout ébloui.

EXistenZ

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Réalisé par : David Cronenberg (1943 - )
En : 1999, Canada
Acteurs principaux : Willem Dafoe (1955 - ), Ian Holm (1931 - ), Jennifer Jason Leigh (1962 - ), Jude Law (1972 - )
Genre(s) : c'était demain /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 97 mn, couleur

Critique perso :

EXistenZ, c'est un jeu à plusieurs, genre réalité virtuelle en immersion totale : cherchez vos alliés et vos ennemis, cherchez le but du jeu. Mais on est bien loin du virtuel glacé et métallique : ici, ça gicle, ça grouille, c'est mou et gluant -et bien plus inquiétant, du coup. L'organique est l'avenir du numérique, on le sait au moins depuis Videodrome. Ce film a été l'un des premiers à multiplier les jeux dans le jeu, en casant le réel comme un niveau parmi d'autres. Si parfois le scénar est un peu laborieux, c'est la faute au manque d'inspiration des joueurs. Et si on perd à eXistenZ, on peut toujours attendre TranscendanZ pour se consoler, qu'y disent dans la pub.

Matrix

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Réalisé par : frères/soeurs Wachowski
En : 1999, USA
Acteurs principaux : Laurence Fishburne (1961 - ), Carrie-Anne Moss (1967 - ), Keanu Reeves (1964 - )
Genre(s) : c'était demain /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 136 mn, couleur

Critique perso :

Le grand secret nous est révélé au bout d'1/2h. Comme il s'est un peu éventé depuis, je peux bien le dire : le monde est un jeu vidéo. La réalité vraie, pas belle à voir, c'est que les hommes sont en faits cultivés dans des cuves par des machines qui parasitent ainsi leur énergie, en maintenant leur esprit en servitude dans un leurre numérique. C'est Néo le novice que nous suivons, au moment où il fait le grand saut de l'autre côté du miroir. Morpheus, son prof de philo et de Ju Jitsu, croit que c'est lui the One, celui qui libérera les hommes de leur esclavage. Faut dire, comme il a été pirate informatique durant sa vie virtuelle, il saute les niveaux de jeu plus vite que tout le monde dans sa nouvelle. Ca vous rappelle quelque chose ? C'est normal, c'est pompé dans Alice au pays des merveilles, le Magicien d'Oz, la caverne de Platon, Descartes, Dennett, EXistenZ et, of course, LA Bible. Les images, elles, viendraient plutôt de Il était une fois dans l'ouest, des Blues Brothers, de Star Wars et de 2001, l'Odyssée de l'espace, mais à la mode PlayStation. Recyclage bluffant malgré tout.

Dancer in the dark

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Réalisé par : Lars von Trier (1956 - )
En : 2000, Danemark
Acteurs principaux : Jean-Marc Barr (1960 - ), Björk (1965 - ), Catherine Deneuve (1943 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 125 mn, NB

Critique perso :

C'est l'histoire de deux stars top glamour qui essaient de nous faire croire qu'elles sont OS dans une usine américaine pourrie, habillées en guenilles, à s'échiner de nuit pour gagner des clopinettes dans un trou perdu où, en plus, des nazes prétendent leur donner des leçons de chant et de danse pour monter une comédie musicale amateur. On rêve. C'est surtout l'histoire d'un cinéaste sadique qui a l'air de prendre plaisir à inventer les pires malheurs possibles qui puissent accabler les meilleurs braves gens possibles. Et faudrait que ça nous plaise, en plus, et qu'il passe pour un humaniste. Non, trop c'est trop, too much for me. C'est l'un des très rares films qui m'ait donné envie d'étrangler son auteur à plusieurs reprises. Sur ce coup là, je lui suis juste reconnaissante de m'avoir parlé d'Oldrich Novy, sinon, je ne lui dis pas merci.

Goût des autres (Le)

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Réalisé par : Agnès Jaoui (1964 - )
En : 2000, France
Acteurs principaux : Anne Alvaro (1951 - ), Jean-Pierre Bacri (1951 - ), Alain Chabat (1958 - ), Agnès Jaoui (1964 - ), Gérard Lanvin (1950 - )
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

Les préjugés, aveuglements et petites intolérances sans conséquences sont les défauts du monde les mieux partagés, et n'épargnent ni les chefs d'entreprise ni les artistes. C'est sur cette idée simple qu'Agnès Jaoui a bâti son film en prenant soin -ce qui est beaucoup moins simple- de donner sa chance à chacun de ses personnages. Et ils sont nombreux, les personnages ! Tout un microcosme, et quelques lieux clés (un café, une entreprise) où les identités sociales se croisent à défaut de se rencontrer. Il faut des agents doubles (une actrice prof d'anglais pour arrondir ses fins de mois, un ancien flic garde du corps) et un peu d'art aussi (la peinture, le théâtre) pour briser l'étanchéité des univers où chacun évolue. Des rôles taillés sur mesure dans un scénario de haute couture : de la belle et réjouissante ouvrage !

Gosford Park

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Réalisé par : Robert Altman (1925 - 2006)
En : 2001, USA
Acteurs principaux : Alan Bates (1934 - 2003), Helen Mirren (1945 - ), Kristin Scott Thomas (1960 - ), Maggie Smith (1934 - ), Emily Watson (1967 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

Les voitures sont de 1930, le manoir et ses meubles sont victoriens, ses occupants le temps d'un week-end de la plus haute lignée du genre homo britannicus. Il y a une armée de domestiques, aussi, mais à l'étage au dessous. Les infos, les services, les frustrations et les désirs circulent dans tous les couloirs et tous les escaliers, de bouche à bouche et de mains en mains, de haut en bas et de bas en haut. Ca mange et ça parle, aussi. Le maître de céans a tellement d'ennemis dans la place qu'il réussit à se faire assassiner plusieurs fois... On dirait parfois le script de La Règle du jeu rewrité par Agatha Christie. A d'autres, c'est un ballet de marionnettes en maison de poupées grandeur nature. Tout le temps, c'est une caméra en liberté dans une prison dorée.

Mulholland Dr. - Mulholland drive

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Réalisé par : David Lynch (1946 - )
En : 2001, USA
Acteurs principaux : Ann Miller (1923 - 2004), Naomi Watts (1968 - )
Genre(s) : Los Angeles & Hollywood /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 145 mn, couleur

Critique perso :

L'affiche du film promettait "une histoire d'amour dans la cité des rêves". L'histoire d'amour, ce sera entre deux femmes sublimes (une brune et une blonde) et la cité des rêves (de gloire), c'est bien sûr Hollywood, Olympe contemporain et miroir aux allouettes. Mais ce film est aussi bien plus que cela : il y a des morts, des embrouilles mafieuses, un cow boy et une piscine (mais Sunset Blvd en a vu d'autres !). Et encore : plusieurs histoires en parrallèle, un récit qui bifurque, des personnages qui se dédoublent, deux répétitions -très différentes- d'une même scène digne des pires feuilletons américains (comme dans Pension d'artistes), des sueurs froides et des effets de miroir... Pour retrouver son chemin dans ce somptueux labyrinthe narratif, baigné de musique en apesanteur, il faudra guetter les clés (l'une est bleue !). Mais Maître Lynch a excellemment fait les choses : interdit de critiquer ce film avant de l'avoir vu au moins deux ou trois fois car le puzzle est complet (et beau).

Siu lam juk kau - Shaolin soccer

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Réalisé par : Stephen Chow (1962 - )
En : 2001, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Stephen Chow (1962 - )
Genre(s) : animation /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants /vers le soleil levant
Caractéristiques : 87 mn, couleur

Critique perso :

C'est une sorte de Trézeguet à moustache : un soir de finale, il a foiré le pénalty qui tue. Les supporters n'ont pas pardonné à sa jambe d'avoir flanché... Mais la défunte jambe en or s'est, semble-t-il, réincarnée quelques années plus tard dans la chaussure (pourtant pas très fraîche) d'un SDF adepte du Kung-fu. Le Kung-fu, c'est une discipline exigeante et efficace, un truc capable de changer la vie. Le seul probème, semble-t-il, c'est qu'il ne nourrit pas son homme (ni sa femme). Pourtant, avec une équipe de tocards bien initiés à ses mystères, tous les espoirs de revanche sont permis... Tex Avery s'est, semble-t-il, converti à Bouddha et réincarné quelque part en Chine à la fin du XXème siècle. Il a bien fait.

8 femmes

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Réalisé par : François Ozon (1967 - )
En : 2002, France
Acteurs principaux : Fanny Ardant (1949 - ), Emmanuelle Béart (1963 - ), Danielle Darrieux (1917 - 2017), Catherine Deneuve (1943 - ), Isabelle Huppert (1953 - ), Ludivine Sagnier (1979 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 111 mn, couleur

Critique perso :

Dans la grande-famille-du-cinéma-français, on demande la grand-mère, la mère, sa (trop-)belle-soeur-rivale, sa soeur-pas-belle, ses filles, et quelques bonnes à tout faire qui attendent leur tour de casting. Dans le rôle du (grand-)père-parrain absent (assassiné ?), on prendra Cukor, Sirk, Demy et Truffaut... Rien que du beau monde. Lourd héritage pour un petit jeune. Il fait jouer ces dames au Cluedo, donc, en mode immersion totale. En grandes pros, elles bluffent et se donnent mutuellement des leçons de comédie, mais c'est en débutantes qu'elles poussent chacune une petite chansonnette. Pour le plaisir d'entendre les pires vacheries dans les plus belles bouches.

Chicago

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Réalisé par : Rob Marshall (1960 - )
En : 2002, USA
Acteurs principaux : Richard Gere (1949 - ), John C. Reilly (1965 - ), Renée Zellweger (1969 - ), Catherine Zeta-Jones (1969 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /en avant la musique /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 113 mn, couleur

Critique perso :

And now, ladies and gentlemen : le show ! C'est-à-dire le film, c'est-à-dire la vie en mieux. En Amérique, c'est là la mesure de toutes choses : de la justice, de la presse, du bizness. Brillante illustration dans le Chicago des années 20, sous le signe du Magicien d'Oz, de Cukor et de Minnelli, qui nous ont appris à faire chanter nos rêves. Chiche, donc : fantasmes à gogo sous forme de montage parrallèle généralisé, pour illustrer les rêves de starlette de Roxy Hart, la jolie meurtrière emprisonnée. Un peu des Hommes préfèrent les blondes, beaucoup de Cabaret (hommage à Bob Fosse, créateur du spectacle, oblige), une tonne de paillettes. Et le pire arrive forcément : le show (c'est-à-dire le rêve) devient réalité. Must go on...

Dolls

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Réalisé par : Takeshi Kitano (1947 - )
En : 2002, Japon
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /vers le soleil levant
Caractéristiques : 114 mn, couleur

Critique perso :

Il serait une fois une troupe de Bunraku (des marionnettes tradis japonaises) qui nous raconterait une histoire. Ou plutôt trois histoires. Plus celle de la troupe, c'est-à-dire celle du réalisateur, c'est-à-dire celle du lien entre les histoires. Ca ferait donc un triptique aux formes épurées : des couleurs fortes, des saisons franches, des costumes de gala. Des personnages de Dieux vivants, mais errants, comme en deuil de leur grâce perdue. Des gestes héroïques, des sentiments de grand chemin. Quasiment aucun mot mais une plainte infinie au fond de la gorge. Un abîme de tristesse au fond du regard où ils manquent (mais pas toujours) de se noyer. Des pantins en quête de liens, et qui n'arrivent qu'à s'emberlificoter dans leurs ficelles (un peu grosses, d'ailleurs). Des poupées de chair, quoi.

Esquive (L')

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Réalisé par : Abdellatif Kechiche (1960 - )
En : 2003, France
Acteurs principaux : Sara Forestier (1986 - )
Genre(s) : en France profonde /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /la parole est d'or
Caractéristiques : 117 mn, couleur

Critique perso :

Des têtes d'ados dans un décor de barres d'immeubles : une banlieue anonyme, ailleurs, à côté (où sont les voitures qui brûlent ?). Les têtes parlent, beaucoup, très vite, toutes en même temps, avec de drôles de mots. Elles ont toujours quelque chose à négocier, des intrigues compliquées à mener. Lydia, Rachid et Frida, eux, utilisent comme ils peuvent les mots de Marivaux : ils répètent Les jeux du kif et du hasard (un truc de ouf qui embrouille grave). Krimo voudrait bien faire partie de la bande, changer de costume, toucher la main de Lydia. Mais sa prof de français n'est pas très encourageante. Dans le langage de sa tribu, elle lui dit qu'il devrait sortir de lui-même, que le bonheur, ça se travaille. Il est long, le chemin jusqu'à lui-même. Le mode d'emploi, il est peut-être bien écrit dans la langue de Marivaux. Pas sûr que tout le monde arrive à le décoder.

Pas sur la bouche

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Réalisé par : Alain Resnais (1922 - 2014)
En : 2003, France
Acteurs principaux : Pierre Arditi (1944 - ), Sabine Azéma (1949 - ), Darry Cowl (1925 - 2006), Jalil Lespert (1976 - ), Isabelle Nanty (1962 - ), Daniel Prévost (1939 - ), Audrey Tautou (1978 - ), Lambert Wilson (1958 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Au départ, c’est une opérette légère de 1925. Elle est montée comme le serait un classique, sans « modernisation », sans condescendance mais pas sans malice. De quoi est-il question ? D’amour, toujours, par tous les bouts et tous les « trous » (de la serrure). De sexe, en fait, pour être clair. Tout le monde a sa petite théorie sur la question - et ses petites pratiques. Tout le monde ne parle que de ça, même en parlant d’autre chose. Alors, la mise en scène va en rajouter dans les sous-entendus. Ce serait peut-être plutôt des « sous-vus », d’ailleurs, parce que j’ai bien l’impression d’avoir reconnu, planqués dans les décors et dans les effets de perspective, tous les organes concernés. Quant aux acteurs, en costume d’époque, rien de mieux pour les mettre à poil que de les faire chanter eux-mêmes. Un film délicieux et malicieux, décidément, à regarder par le trou (de la serrure).

2046

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Réalisé par : Kar-wai Wong (1958 - )
En : 2004, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Chen Chang (1976 - ), Carina Lau (1964 - ), Tony Leung Chiu Wai (1962 - ), Gong Li (1965 - ), Faye Wong (1969 - ), Zhang Ziyi (1979 - )
Genre(s) : c'était demain /culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /poésie en image /vers le soleil levant
Caractéristiques : 129 mn, NB/couleur

Critique perso :

Cette fausse suite d'In the mood for love prolonge en fait tout autant Nos années sauvages. On y retrouve brièvement Lulu -alias Mimi- et surtout M. Chow qui s'est laissé pousser la moustache. Il écrit des romans de science fiction érotiques, invite des filles chez lui et croise la route de trois femmes sublimes et impossibles qui ont toutes quelque chose en elles de Mme Su (ses robes, son nom, son imagination, allez savoir...). Mais, avec elles, il ne parle qu'argent ou départs. Répétitions, incantations. 2046, c'est le pays d'où l'on ne revient jamais, la chambre où le temps s'est arrêté, la date vers laquelle les trains du futur filent sans fin. Un film-univers peuplé d'hommes désenchantés et d'androïdes à émotions différées, en rouge et vert comme l'impossible réunion des contraires, en spirales ovoïdes comme l'impossible retour du temps perdu. Personne n'avait aussi bien fantas-filmé les femmes depuis Sternberg, autant aimé leurs jambes depuis Truffaut ni traqué aussi délicatement leurs larmes depuis Almodovar.

Cha no aji - Taste of Tea (The)

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Réalisé par : Katsuhito Ishii (1966 - )
En : 2004, Japon
Acteurs principaux : Tadanobu Asano (1973 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /poésie en image /vers le soleil levant
Caractéristiques : 143 mn, couleur

Critique perso :

Une petite famille japonaise typique, juste un peu plus cinglée sur les bords que la moyenne. Papa est thérapeute-hypnotiseur, maman dessine des mangas, comme son beau-père (à qui il commence à manquer quelques cases). Grand-frère a des soucis de coeur et de vélo, petite-soeur des problèmes d'(alter)-ego encombrant. J'oubliais le frère de maman, adepte zen de rencontres en tous genres. Et le frère de papa, dandy snob qui, heureusement pour lui, n'a jamais peur de se couvrir de ridicule. Tous apprennent à vivre avec leurs démons, à cohabiter avec pas mal de fantômes. Tous avancent, avec armes et bagages, en équilibre toujours précaire, à la recherche de leur sens du mouvement idéal. Et ils le trouvent. Et le film trouve et invente sans arrêt le sien. Et il est juste, heureusement, beaucoup plus brillant que la moyenne.

Eternal Sunshine of the Spotless Mind

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Réalisé par : Michel Gondry (1963 - )
En : 2004, USA
Acteurs principaux : Jim Carrey (1962 - ), Kirsten Dunst (1982 - ), Kate Winslet (1975 - )
Genre(s) : c'était demain /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, couleur

Critique perso :

Après nous avoir plongé en apné Dans la peau de John Malkovich, un scénariste fou récidiviste nous embarque pour un voyage au centre de la tête. La tête appartient à un certain Joel, elle dort et en même temps elle est en panique, parce qu'on s'attaque, avec son consentement officiel, à tous les souvenirs qu'elle a engrangés de Clementine, l'ex de Joel. Vous suivez ? Normal, ça va plus vite que dans Solaris. Pas facile tous les jours de voyager sur les voies de l'association libre, à la vitesse des synapses. Pour éviter le syndrôme de la surcharge cognitive et profiter des trouvailles et inventions visuelles qui se cachent dans les coins, on conseille la télécommande (touches "pause" et "replay"). RDV dans 10 ans pour voir ce qu'il en restera quand on aura tout oublié.

Podium

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Réalisé par : Yann Moix (1968 - )
En : 2004, France
Acteurs principaux : Dominique Besnehard (1954 - ), Julie Depardieu (1973 - ), Benoît Poelvoorde (1964 - ), Jean-Paul Rouve (1967 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /en France profonde /en avant la musique /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

J'avoue : aux environs de mes 7 ans, j'ai été amoureuse de Claude François (c'était avant -ou après, je ne sais plus trop- Thierry Le Luron, Gérard Majax et mon prof d'histoire). J'ai grandi. Bernard Frederic, lui, est resté à l'heure de Marity et Gilbert Carpentier. C'est un ex-fan des seventies, docteur ès cloclo avec félicitations du jury. Un coup de téléphone qui pleure et son ancien pseudo-pote (un certain Cousous PolnarG) le rappellent à sa vie de clône pour participer à une "nuit des sosies" plus vraie que nature. C'est qu'entre temps, notre imposteur professionnel s'était reconverti en banquier, essayant de jouer dans sa maison en toc un semblant de vie de famille. Il replonge dans la Valse des pantins. Revoilà les tournées en camionnette miteuse, l'élection de Miss Pizza sur un parking de supermarché, les néons, les paillettes et la vie en couleur (vives). Nettement plus drôle et plus kitch que Kagemusha. J'avoue : j'ai aimé !

Wallace & Gromit in The Curse of the Were-Rabbit - Wallace & Gromit et le Mystère du lapin-garou

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Réalisé par : studios Aardman
En : 2005, Angleterre
Genre(s) : jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pour petits et grands enfants /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 85 mn, couleur

Critique perso :

Ca se passe dans une petite communauté de la campagne anglaise, qui ne vit que pour son prestigieux concours annuel de grosses légumes. Cette année, la récolte miraculeuse semble menacée par une attaque coordonnée de hordes de lapins affamés. Heureusement, Wallace & Gromit, inventeurs omni-compétents, veillent. Mais ce serait négliger un peu vite que, derrière le moindre sujet vivant de sa Gracieuse Majesté, sommeille un Mr. Hyde-Hulk ou un Jack-Dorian Gray Kong, animal à poils longs et à idées courtes, éventreur (de citrouilles) et trucideur (de carottes). Après avoir acclimaté la haute technologie et le film noir à la mortelle banalité des provinces britishs, voilà que Wallace et son chien laissent le thriller envahir leur potager, et le monstre végétarien dévoiler la monstruosité carnivore de ses concitoyens. Les anglais ont trouvé le(s) superhéro(s) en pantoufles à la hauteur de leur flegme immortel.

Caimano (Il) - Caïman (Le)

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 2006, Italie
Acteurs principaux : Margherita Buy (1962 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Silvio Orlando (1957 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

C'est le film où Nanni fait le tour de ses meilleurs ennemis. D'abord, il se déguise en son contraire : un ex-producteur de nanars anticommunistes, un has been névrosé, incompétent, fauché et en retard d'une ou deux époque(s). Aussi papa en instance de divorce, mais ça, ça le rendrait plutôt sympathique, c'est par là que Nanni pourrait bien ne pas être si différent. Pour brouiller les pistes, il se regarde aussi dans le miroir d'une jeune postulante cinéaste aussi motivée que stressée par sa propre ambition. Le genre citoyenne concernée, altère egotte en plus jeune et moins blasée. Enfin, il affronte sa bête noire, l'espèce d'hydre bronzé à la tête d'à peu près tout en Italie. Il lui pique son texte, le dé-joue et le dé-sincarne en lui otant tout folklore. Et là, ça ne fait plus rire du tout. Autoportrait en négatif, en creux et en décalé. C'est en s'éloignant de lui-même que Moretti s'en rapproche le mieux.

Paprika

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Réalisé par : Satoshi Kon (1963 - 2010)
En : 2006, Japon
Genre(s) : animation /c'était demain /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants /vers le soleil levant
Caractéristiques : 90 mn, couleur

Critique perso :

C'est une invention géniale qui met le feu aux neurones. Ca vient d'un labo high tech peuplé de geeks à un stade plus ou moins avancé. Ca contient la clé du passage secret qui permet de passer à travers tous les écrans (des rêves, des ordinateurs et des salles de cinema). Ca a la forme d'un point d'interrogation et ça répond à la question qui tue : qu'est-ce qu'il se passe dans une tête ? C'est une espèce de caméra-scanner connectée direct sur l'esprit, qui renvoie des images de l'âme en action. Evidemment, la chose intéresse pas mal de monde : des flics, des psys, des scientifiques, des artistes et des cinglés. Et éventuellement, ceux qui sont un peu tout ça à la fois. Evidemment, la chose rend fou. Et comme elle libère les doubles inconscients de ses utilisateurs, ça fait du (pas si) beau monde à s'agiter derrière le miroir du réel. Petite visite sans guide et sans filet au pays des mondes parralèles : vertiges aléatoires garantis, troubles en tous genres aussi.

Science des rêves (La)

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Réalisé par : Michel Gondry (1963 - )
En : 2006, France
Acteurs principaux : Alain Chabat (1958 - ), Charlotte Gainsbourg (1971 - ), Gael Garcia Bernal (1978 - ), Miou-Miou (1950 - )
Genre(s) : Paris /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Sur la scène de sa petite télé intérieure, Stéphane est un homme orchestre. Images, sons, cuisine : il sait tout faire. Dans la vraie vie, c'est pareil en un peu moins bien. Il est de retour à Paris auprès de sa maman, qui prétend lui avoir trouver un boulot "créatif" dans une boîte de calendriers. Dans ses rêves, il révolutionne le concept et subjugue ses collègues de travail. Dans la vraie vie, c'est pareil en un peu moins bien. Et puis, il croise sur son palier la charmante Stéphanie, sa voisine, sa semblable, sa soeur. Il la séduit en lui fabriquant sur mesure des machines mirobolantes. Mais on ne sait jamais trop dans quelle vie ses machines et ses charmes marchent correctement. Stéphane, il a le don d'être un magicien de lui-même : il arrive à se faire croire à peu près n'importe quoi. D'une non-histoire d'amour, il fait simplement une belle histoire. Dans la vraie vie, Michel Gondry aussi, en encore mieux.

Se, jie - Lust, Caution

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Réalisé par : Ang Lee (1954 - )
En : 2007, Chine-Hong-Kong
Acteurs principaux : Tony Leung Chiu Wai (1962 - ), Wei Tang (1979 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /portrait d'époque (après 1914) /vers le soleil levant
Caractéristiques : 157 mn, couleur

Critique perso :

Shanghai et Hong-Kong, début du XXème siècle, alors que la Chine est occupée par les japonais. Comme toujours dans ces cas-là, il y a des collabos et des résistants. M. Yee est un collabo de haut rang très très méchant et très très séduisant, un tortionnaire en chef et un homme raffiné qui a le charme noir de Tony Leung. Le rôle des résistants très très gentils qui veulent le tuer est pris par une troupe de comédiens amateurs, nationalistes et idéalistes, et par leur jeune première ingénue, la jolie Wong Chia Chi. Pour faire illusion, elle va devoir passer pro et donner -de plus en plus- de sa personne. Quand elle joue au Mah-jong avec les amies de Mme Yee, elle joue à jouer au Mah-Jong -ce qui nuit d'ailleurs sensiblement à ses performances dans ce jeu. Avec M. Ye, elle joue carrément avec le feu -en improvisant pas mal sur les règles... Avec ce Lorenzaccio érotique, l'éclectique Ang Lee refait le coup du caméléon mal dans sa peau, du taiseux dont le corps menace sans cesse de dévoiler ce que l'esprit s'acharne à dissimuler. Quelque chose à cacher, M. Lee ?

Plages d'Agnès (Les)

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Réalisé par : Agnès Varda (1928 - )
En : 2008, France
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 110 mn, couleur

Critique perso :

Agnès, mamie-pas-gâteau du cinéma français vient d'avoir 80 balais (dont quelques balayettes). Elle les raconte à sa manière, inventant par la même occasion de genre de l'auto-docu-fiction-bio-pic. Faut dire qu'elle a eu une vie exceptionnelle : des rencontres, des voyages, de la création top niveau. Tout cela est illustré à la fois très littéralement (on remonte le temps ? je marche à l'envers), très métaphoriquement (j'égrène le sable, j'envoie des trapèzes volants sur la plage) et de façon très éclatée (façon puzzles, façon miroirs, façon patchwork). Avec une malice de vieux matou, la voilà qui se déguise (en charbonnier ou en patate), se reconstitue (en petite fille ou en jeune artiste), se réinvente (en mère abandonnée et en femme libre). Elle tape l'incruste dans des tableaux célèbres (Picasso, Magritte), ou invite ses potes arty (Calder, Jim Morrison, Chris Marker et un certain Jacquot) dans les siens. Des vieilles dames indignes comme ça, on en voudrait bien pour grand-mère ou comme petite-fille !

Where the Wild Things Are - Max et les Maximonstres

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Réalisé par : Spike Jonze (1969 - )
En : 2009, USA
Acteurs principaux : Catherine Keener (1959 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 101 mn, NB

Critique perso :

Max, 10 ans, toutes ses dents et pas mal de morgue, n'est pas content de sa chieuse de petite soeur, ni de sa gentille maman débordée. Un soir, il s'enfuit de chez lui en costume de (petit gentil) loup, et se retrouve au pays des (grands méchants) monstres gentils : une île peuplée uniquement de maximonstres. Les maximonstres, c'est des peluches géantes anthropophages qui vivent en tribus anarchiques dans les bois -un beau ça en pagaille, quoi. Après épreuve initiatique de rigueur, il est élu roi de la bande, chargé des opérations militaires -un petit moi en construction, quoi. Avant, of course, de retrouver sa bienveillante famille inquiète -le surmoi qu'il lui faut pour grandir. Un gentil petit film pour petits grands enfants, avec un petit Freud dedans.

Midnight in Paris - Minuit à Paris

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Réalisé par : Woody Allen (1935 - )
En : 2011, USA
Acteurs principaux : Kathy Bates (1948 - ), Adrien Brody (1973 - ), Marion Cotillard (1975 - ), Marcial Di Fonzo Bo (1968 - ), Rachel McAdams (1978 - ), Léa Seydoux (1985 - ), Owen Wilson (1968 - )
Genre(s) : Paris /conte de fées relooké /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 94 mn, couleur

Critique perso :

Ah Paris, Paris…! Ah, les douze coups de minuit…! Conte de fée au carré, donc, pour Woody, plus Américain à Paris que jamais. Parce que ce qu’il aime à Paris, au fond, c’est quand les meilleurs américains de leur temps (Fitzgerald, Hemingway, Gertrude Stein, Joséphine Baker, j’en passe et des pas moins bons…) y faisaient la fête loin de chez eux. Alors, quand il y envoie un jeune couple américain côte ouest bien propre sur lui, c’est pour le subvertir à coup de trou noir temporel en forme de carrosse de cendrillon shooté à la culture. Un peu Belles de nuit, un peu Quelque part dans le temps, beaucoup de jazz et de fayotage francophile. Pas sûr qu’il ait dépassé le périph’ ni la page 1930 de son encyclopédie, l’oncle Woody, mais il a à coup sûr parcouru tout le bottin des stars du moment. Et on pardonne tout à ceux qui font les même rêves que nous.

Is the Man Who Is Tall Happy ? - Conversation animée avec Noam Chomsky

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Réalisé par : Michel Gondry (1963 - )
En : 2013, USA
Genre(s) : animation /docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu /la parole est d'or
Caractéristiques : 85 mn, couleur

Critique perso :

Un cinéaste-bricolo-geek interviewe une star intello-linguiste, en fait un film avec quelques crayons feutres, et crée un genre à lui tout seul : quelque chose comme le docu-essai d’animation. La bouille vieillissante de Chomsky est bien là, parfois, derrière, mais devant ce sont des idées, des concepts, des objets, des exemples, tout un théâtre de la pensée qui s’anime pour nous. Ils (les concepts) débattent, se confrontent, se mélangent, font la farandole et saluent à la fin, comme les vrais personnages d'un film qu'ils sont ici, Il est question des langues et du langage, de syntaxe (la spécialité du bonhomme), de sémantique, de cognition, d’épistémologie, d’histoire des sciences, de méthodologie de la recherche, des difficultés de l’interaction (ça, c’est plutôt la contribution spécifique de Gondry), bref, c'est exactement tout ce que j’adore et c'est passionnant ! En mots (écrits), en paroles (dites), en images (vues), un vrai feu d’artifices de l’esprit pour l’esprit.

Sin-se-gae - New World

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Réalisé par : Hoon-jung Park
En : 2013, Corée
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /les chocottes à zéro /pauvre espèce humaine /vers le soleil levant /épique pas toc
Caractéristiques : 134 mn, couleur

Critique perso :

Effervence dans une tentaculaire mafia coréenne. Le big boss vient de mourir (de façon pas trop naturelle), va falloir désigner son successeur, sans doute parmi les boss des diverses branches de la holding. Un problème de mecs, évidemment. Parmi les moyens-boss a priori pas vraiment éligibles mais au début de carrière prometteur, y'a Jung-jae Lee. En fait, lui serait surtout soutenu par la police locale, qui est son vrai employeur, mais évidemment c'est pas une campagne très officielle. Alors, Jung-jae Lee fait comme il peut pour satisfaire ses divers boss. Il est très bon pour garder un visage impassible en toutes circonstances et pour ne pas trop tâcher son parfait costume d'homme d'affaires, ce qui lui sera extrêmement utile. Beaucoup manoeuvrer, tout cacher à tout le monde le plus longtemps possible, that is the problem pour à peu près tout le monde, dans ce film. Y compris aux spectateurs, si possible... Mission accomplie...

3 1/2

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Réalisé par : Chauveau, Holveck & Tellier
En : 2014, France
Acteurs principaux : Dominique Tellier (1963 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Hum, là j'avoue, j'ai un peu de mal à prétendre à l'objectivité. Non, c'est pas tout à fait un hasard si l'acteur-scénariste-co-réalisateur-monteur (sous pseudo) et homme à tout faire de l'affaire porte le même nom que moi. Et même, que c'est pas le seul à porter ce nom-là dans la distribution. En plus, on dirait qu'il s'est amusé, pour l'occasion, à réinventer l'histoire de quelqu'un d'autre que je connais aussi très bien, et même d'encore un peu plus près (désolée, pas possible d'en dire plus..!). En gros, le film un road movie paresseux : l'histoire de Stanislas, un mec qui lit 3 bouquins en même temps -voire un peu plus- et mène une vie un peu compliquée -voire un peu plus. Il est chargé par son boss de trimballer un bizarre instrument indien à 3 octaves -voire un peu plus- à 30km de là, et n'est pas pressé d'y arriver. Stanislas, il est super bon pour se faire inviter, désirer, servir... toujours en douceur et sans s'énerver. Il peut être très chiant, pédant et lâche -voire un peu plus- mais aussi plus innocent et naïf qu'il en a l'air. En fait, il est comme tout le monde, Stanislas, il rêve d'une vie qui soit aussi, encore, toujours un peu plus... A voir gratos ici !

Arrival - Premier contact

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Réalisé par : Denis Villeneuve (1967 - )
En : 2016, USA
Acteurs principaux : Amy Adams (1974 - ), Jeremy Renner (1971 - ), Michael Stuhlbarg (1968 - ), Forest Whitaker (1961 - )
Genre(s) : c'était demain /conte de fées relooké /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 116 mn, couleur

Critique perso :

Si un jour des extra-terrestres intelligents frappent à la porte de notre planète, le gros problème, ce sera de pouvoir causer avec eux. Le vrai héros d’un film de SF réaliste, ce sera donc forcément un-e linguiste : voilà un point de départ qui ne peut que me plaire ! Bon, dans le film y’a aussi un physicien qui est mis sur le coup, mais vu que les aliens jouent avec la gravité comme avec des baballes, il est vite dépassé par les événements. Vraiment bizarres, ces bébêtes venues de l’espace. Pour elles, le haut et le bas, l’endroit et l’envers, l’avant et l’après, c’est du pareil au même. Elles ont l’air à la fois de venir de l’âge de pierre et de maîtriser la high tech la plus avancée. Mais la vraie star c’est Louise, spécialiste ès-xénolinguistique générale et appliquée, confrontée aux énoncés en forme d’oeuvres d’art circulaires qu’elles produisent pour s’exprimer. Les déchiffrer et comprendre leur fonctionnement, ce sera l’oeuvre de sa vie à elle (et ça la changera à jamais, comme dirait la tagline…). Le film pousse le bouchon de la thèse de Sapir-Whorf (selon laquelle, en gros, la langue que l’on parle influe sur notre façon de penser) un peu loin, mais c’est pas tous les jours qu’on trouve un pitch inspiré d’une théorie scientifique. De la SF sérieuse et poétique en même temps, de la gourmandise pour l’oeil et l’esprit.

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