Au début, il est question d'un concours de chiens, d'héritages et de mésalliances - mais on s'y perd un peu parce que les hommes portent tous la moustache réglementaire, et que les chiens sont du même poil. Et puis le type qui était apparemment le plus riche, le plus vieux et le plus détesté de tout le monde se suicide, enfermé dans son bureau, avec un couteau dans le dos. Et ce n'est que le début. Il y aura d'autres cadavres -et d'autres chiens. La police est sur les lieux mais elle manque singulièrement de flair. Heureusement pour elle, il y a aussi un certain Philo Vance, éleveur de chiens et détective amateur (et à moustache) de son état. L'histoire est du genre à tiroir à double fond sous le double fond : tout le monde a quelque chose à cacher derrière sa moustache, il y a toujours un cadavre derrière chaque cadavre, une femme derrière chaque homme. Et une petite truffe fouineuse derrière toutes les bonnes petites énigmes.
Avant d'être Philip Marlow, Bogart a été un Sam Spade très crédible. Qui, bien sûr, est assailli de belles dames à son bureau dès qu'il arrive le matin. Et, évidemment, envoie son associé au casse-pipe le soir même. A la suite de quoi, naturellement, il est embarqué dans une sombre affaire passablement emberlificotée, plein de de faux jetons et de gros dégueulasses. Ce qui le sauve, c'est qu'il est un parfait metteur en scène de lui-même et qu'il a toujours l'air d'en savoir plus qu'il n'en a l'air. Ce qui nous accroche, of course, c'est la même chose.
J'ai enfin retrouvé les ancêtres de mes Demoiselles préférées : elles habitaient St. Louis (Missouri), chantaient déjà pas mal et lorgnaient déjà sur les boys next door en attendant avec impatience leur expo universelle de 1904. C'était le bon temps. L'époque d'Autant en emporte le vent était déjà loin, et pourtant les filles se serraient encore le corset, et avaient encore l'air de faire leurs robes avec des rideaux. Les hommes, eux, ne quittaient jamais leur cravatte pour manger, ni leur smoking pour danser. Tout ça pour quoi ? Presque rien. Une morale nostalgique convenue (le "there is no place like home" du Magicien d'Oz), un hymne à la famille tout ce qu'il y a de plus tradi. Et pourtant, la douce euphorie du "musical" n'y a jamais été aussi douce, ni aussi euphorisante.