Un (très) bel avocat doit assurer la défense d'une (très) belle veuve accusée d'avoir empoisonné son mari aveugle -à moins que le (très) beau valet du défunt n'ait quelque chose à se reprocher... Une moitié du film pour l'enquête, une autre pour le procès, déguisements et perruques comprises (ça se passe à Londres). Dialogues subtils, effets de manche, ombres menaçantes, cadrages brillants. Mais on comprend vite que le verdict n'est pas l'enjeu majeur du récit, puisque les personnages sont déjà tous, avant qu'il ne tombe, condamnés à perpet' à la douleur d'aimer sans retour.
Les ruines de Vienne après la deuxième guerre, un air de cythare et un train qui entre en gare. En descend un candide écrivain américain, à la recherche d'un ami qui lui a promis du travail. L'ami est mort, l'officier anglais qui régit les lieux n'est guère accueillant, les comparses qui suivent l'enterrement n'inspirent pas la sympathie, sauf une très belle femme... Bref, que de très bonnes raisons de ne surtout pas s'attarder en ville. Il reste, il ose même aller mettre le nez dans les égouts du passé. Mensonges, trafics, chantages, trahisons, manipulations, guerre de l'ombre et de la lumière, distorsion des valeurs : on aura droit à tout. D'ailleurs, tout est tellement sens dessus-desous qu'il n'y a pas moyen de mettre la caméra à l'horizontale. Le temps d'une scène de 10 mn et d'une réplique d'anthologie sur les coucous suisses (de son invention, paraît-il), Orson Welles incarne à jamais la séduction et le cynisme absolu du mal.
Elle adore l'opéra. Elle est belle comme une actrice, noble comme une héroïne et elle vit à Venise qui, même occupée par les autrichiens, est le plus beau décor du monde. Elle a un cousin qui résiste avec panache et un mari qui collabore avec veulerie. Autrement dit : elle est mûre à point pour un destin de Bovary de 1ère catégorie. Sûr qu'elle ne demanderait pas mieux que de s'abandonner au premier uniforme ennemi à jolie figure venu. Il vient, et il est beau. Ah l'amour... impossible, interdit si possible, c'est ce qui fait les meilleures histoires. Mais tout de même, il abuse un peu, des fois, le bel officier. Il a besoin de sous. Tout de même, il a l'art de faire avaler les couleuvres. Jusqu'au trognon, A l'opéra aussi, les (meilleures) histoires d'amour finissent mal (en général). Elle n'a pas tiré le bon rôle, elle n'a droit qu'au malheur et à l'humilation. Elle va tout perdre, elle a tout perdu. Sauf, comme les meilleures tragédiennes, l'art d'être à la hauteur de toutes les trahisons qu'elle s'est déjà faites à elle-même.
Des jeunes filles disparaissent autour de Paris. Quand on les retrouve, elles sont affreusement défigurées. Un grand chirurgien mondain reconnaît pourtant l'une d'elle comme sa fille. Mais la vérité pourrait bien être un peu plus complexe et plus tordue. Dans son antre, après avoir passé plein de portes et monté plein d'escalier, notre Dr. Moreau de banlieue cache d'horribles secrets. Une poupée de porcelaine vivante, une secrétaire-rabatteuse en 2CV, un savant fou et un chenil : ces personnages sortent tout droit du cinéma expressionniste muet - ou de Frankenstein. Le film, lui, est de ceux qui va voir ce qu'il y a derrière les faces et les façades lisses. Il est plein de bruits et de douleurs, et de poésie noire.