Il y a des films qui deviennent mythiques pour de mauvaises raisons : une vague atmosphère d'époque, une réplique qui permet à des générations entières de draguer, les premiers pas d'une star... Quai des brumes possède tout cela, mais sa poésie s'est un peu égarée en chemin dans le brouillard. A moins d'être encore sensible à la poésie des quais, à la poésie des brumes, à la fatalité qui lie les destins des jeunes filles pas encore perdues à celui des mauvais garçons pas encore pourris. Pas gagné d'avance. Encore heureux qu'il lui reste quelques ingrédients indémodables : un méchant jublatoire (Michel Simon) et un couple éternel (Gabin/Morgan). Juste de quoi échapper de peu aux limbes de l'histoire, tout en restant à quai...
Au siècle avant-dernier, quand la télé n'existait pas encore, les artistes de théâtre et de cabaret étaient les rois des Boulevards parisiens. Voici une femme et trois hommes qui sortent de la foule anonyme : un acteur sûr de lui, un aristocrate sûr de sa fortune, un mime-poète sûr de rien. Elle préfère le poète, bien sûr. Mais Paris (réinventé par Prévert) s'en mèle et la vie sépare ceux qui s'aiment. Car l'amour des uns fait le malheur des autres. Pour de mystérieuses raisons (c'était un de mes sujets de dissert' au lycée), les histoires d'amour impossible sont celles qui nous touchent le plus... A force d'art et de poésie, ce film envoie direct ceux qui le regardent au paradis des spectateurs.
La période est à peu près claire -la 2ème guerre mondiale. Le pays est mystérieux -quelque part à l'est, sans doute. Le parti n'est jamais nommé mais se laisse aussi bien deviner que le métier d'une certaine p... respectueuse. Le héros est un homme. Enfin, héros c'est à voir, c'est toute la question. Il a eu une mission à accomplir, il a l'air de s'en être sorti, mais pas sans mal. C'est un agent double, peut-être aussi un double traitre. A sa classe et à ses camarades. A ses camarades traitres. A sa femme et, évidemment, à lui-même. Ou peut-être que les vrais traites, ce sont les femmes, comme toujours. Bref, c'est la guerre et tout le monde se pose beaucoup de questions. C'est un film de guerre, mais où on n'oublie pas de ramasser les copies à la fin. Faut croire qu'on se battait beaucoup à coups de mots, en ce temps là...
Rien de tel qu'un grand viennois pour adapter notre Maupassant national (maison Tellier comprise, mais je ne crois pas que ce soit celle de mes ancêtres). On y voit des humains de toutes conditions (bourgeois, putains ou artistes, c'est tout comme) errer dans le labyritnthe de leur vie, coincés qu'ils sont dans des désirs frustrés et des destins étriqués. Et qui, parfois, trouvent tout de même une petite voie, un petit passage secret qui mène à leur innocence, un raccourci inattendu vers la grâce qu'ils ont perdue. Un petit moment de plaisir derrière les barreaux de leur morne existence. Ephémère ou illusoire, cela va sans dire, mais c'est déjà ça, juste le temps d'apercevoir ce qui aurait pu être. Et on voit ça par l'oeil d'une caméra malicieuse, plus libre qu'eux puisqu'elle traverse les murs et le temps -et les âmes aussi, parfois. C'est beau comme une partie de campagne, c'est triste pareil. Mais le bonheur (même celui du spectateur) n'est pas toujours gai...
Des jeunes filles disparaissent autour de Paris. Quand on les retrouve, elles sont affreusement défigurées. Un grand chirurgien mondain reconnaît pourtant l'une d'elle comme sa fille. Mais la vérité pourrait bien être un peu plus complexe et plus tordue. Dans son antre, après avoir passé plein de portes et monté plein d'escalier, notre Dr. Moreau de banlieue cache d'horribles secrets. Une poupée de porcelaine vivante, une secrétaire-rabatteuse en 2CV, un savant fou et un chenil : ces personnages sortent tout droit du cinéma expressionniste muet - ou de Frankenstein. Le film, lui, est de ceux qui va voir ce qu'il y a derrière les faces et les façades lisses. Il est plein de bruits et de douleurs, et de poésie noire.
Attention aux faux amis : ce Walerian-là ne va pas dans l’espace et son île d’amour n’est pas aussi sexy que certaines des autres oeuvres qu’il fera plus tard. Là, c’est plutôt du film politico-anar en mode bricolo conceptuel, fauché mais jamais en manque d’idées. Dans l’île, donc, règne un dictateur-de-père-en-fils méfiant, jaloux, cocu (de-père-en-fils aussi, sans doute) et très bête. Ca s’est déjà vu ailleurs. Les moeurs y sont étranges et rudes. On suit la destiné de quelques autochtones : le roi, la reine, son cher maître d’équitation, quelques écoliers étourdis et un ex-bagnard ambitieux. Celui-là a été gracié de justesse d’une mort funeste, et il escalade rapidement les barreaux de l’échelle sociale par son ingéniosité en pièges à mouches. Ca, c’est nettement moins banal. En fait, les dictatures, c’est des endroits où tout peut arriver. Dans les films de Boro aussi, mais c’est plus amusant à vivre.