Le Lieutenant-détective McPherson -type homme d'action taciturne-, rend visite au chroniqueur mondain Waldo Lydecker -type homme de lettres fielleux-, dans sa baignoire. Et sourit. La guerre du carnet de notes contre la machine à écrire commence. L'enquête porte sur le meurtre d'une certaine Laura, avec qui Waldo a joué à Pygmalion. Il y a aussi Shelby, qui était son ex-futur potentiel époux. Elle valait le coup, Laura, à en juger par son portrait dans le salon, qui a l'air d'aimanter tous les hommes qui passent à proximité (en le regardant, ils finissent tous par se servir un whisky). Une femme de rêve, un rêve de femme, une musique entêtante qui s'insinue partout. Le temps s'inverse, se retourne et n'en finit pas de ne pas s'arrêter : on appelle ça un classique.
Evidemment, avant le film il y a eu la série, qui raconte ce qui se passe après. Alors, dès le début, le rouge est mis. C'est comme si le compte à rebours était enclenché, la bombe à retardement amorcée, mais au ralenti. Pourtant, filmer le destin en marche ne suffit pas, il faut aussi en montrer les esprits maléfiques et les demi-Dieux, les démiurges et les oracles. Or, les oracles ne sont pas fameux, on prédit qu'une jeune fille sera sacrifiée. Que d'ailleurs, c'est déjà fait, et qu'en plus la jeune fille est de toute façon pervertie jusqu'au trognon. Le FBI est sur le coup, avant même qu'il se soit passé quelque chose. Lynch inaugure ici son costume de grand chamane de l'inconscient, et s'offre une apparition en personnage aussi sourd qu'Homère était aveugle. Twin Peaks -le film-, c'est un peu l'Olympe assassiné par le soap opéra, et brillamment repêché par le cinéma.