Paris la nuit comme un écosystème, la niche écologique naturelle de tous les déplacés, les déclassés, les déphasés, tous ceux qui ne devraient pas y être et qui y sont quand même. Par malchance, par amour ou par hasard, ce qui revient souvent au même. Pour tenir, ils ne se battent pas tous avec les mêmes armes (l'action, le charme, le silence ou le couteau, à votre guise), mais tous ils essaient. Ca ne réussit pas souvent, ou pas longtemps. Entre eux, ils se croisent beaucoup et se ratent encore plus. Avec eux-mêmes, c'est pareil. Claire Denis sait capter comme personne des corps, des décors et des ambiances, et comment tout s'assemble et se mélange. Les gueules et les atmosphères, c'est son créneau. Son film a le goût des nuits blanches amères et la texture des petits matins passés au javel.
Une petite prostituée maghrebine tabassée dans la rue par ses proxénètes : un fait divers banal et tragique dont Hélène est l'involontaire complice. Alors, elle va la rechercher dans les hopitaux, rester à son chevet, accompagner son rétablissement. Et elle récupère vite, la petite prostituée : c'est bientôt une boule de rage et d'énergie qui, avec la complicité (active, cette fois !) d'Hélène, va faire exploser tous les cadres qu'elle rencontre : sa propre famille qui l'a reniée, celle d'Hélène, déjà bien perturbée, le réseau de prostitution qui l'a "dressée" et qui la recherche. Ca bouge beaucoup, dans toute l'Europe et tous les milieux sociaux, c'est drôle, émouvant, décapant, terrible tour à tour et en même temps, ça décoiffe et ça bouscule. Merci du voyage !