Un gentil jeune couple avec enfant en excursion touristique loin de chez lui sympathise un peu vite avec un type étrange (un champion de ski français, louche ça) et se retrouve bientôt avec un cadavre, un enlèvement et un lourd secret sur le dos. Ca vous rappelle quelque chose ? Non, ça n'est pas avec James Stewart mais avec un Peter Lorre à mèche blonde. Oui, pourtant, y'a bien le coup de (la) cymbale ! Heureusement d'ailleurs, parce que sinon le reste du scénar est un peu tissé de cordes blanches. Un dentiste louche, une secte louche, pas très discrets ces espions... Pourtant, le film est un peu plus brut, moins poli à l'americanwayoflife puritaine que l'autre. Ici, madame est championne de ball-trap, elle a moins peur des armes que la police anglaise. Non mais !
Pour dénoncer la guerre, Renoir a eu une intuition géniale : plutôt que de montrer une boucherie, il montre au contraire des soldats plus grands que la barbarie, des hommes qui ont su le rester, malgré tout. Ils sont aussi bien français qu'allemands, d'ailleurs. Et les batailles, d'ailleurs, sont toujours hors champs puisqu'on reste loin du front, dans un camp de prisonniers de la Grande Guerre. L'occasion de mener une grande enquête sur ce qui réunit et sépare vraiment les hommes. Et aussi sur le passage du XIXème au XXème siècle, quand même les gentilhommes d'antant se mettent à devenir républicains. Un monde en miniature, un changement de civilisation en condensé : parfois, le cinéma sait voir loin et grand...
Ca a brièvement l'apparence d'un film noir à l'anglo-saxonne mais en fait, c'est une comédie à la française, sorte de Drôle de drame parisien. Un murder case (whodunit, comme dirait Agatha) en vase clos, vu que l'assassin -un serial killer à cartes de visites (avec meurtres en caméra subjective, s'il vous plait !)- a eu le bon goût de laisser les traîner (ses cartes) à son adresse. Au 21 (3 puissance 3), donc, il y a une pension de (sans-)familles excentriques : la vieille fille qui écrit des romans policiers, le magicien qui ne se produit plus nulle part, l'ex-boxeur aveugle (et son infirmière), le militaire en retraite d'on ne sait où (même pas lui) -j'en passe et des pires, tous le genre potentiel suspect, comme dans Le Corbeau, mais en plus drôle. Déguisé en pasteur, l'inspecteur Vorobechik -bientôt rejoint par son exubérante fiancée- n'est pas le moins pittoresque de la bande. Ils ne seront d'ailleurs pas trop de deux pour affronter un aussi ubiquitaire assassin... Un bon divertissement qui date d'une époque où ça en manquait un peu (de divertissement pas de serial killers...).
Un corbeau, maintenant, tout le monde sait ce que c'est. Normal, c'est grâce à ce film (avant, c'était plutôt les écrivains qui inventaient de nouveaux mots). Un corbeau, donc, inonde de lettres anonymes et fielleuses les habitants d'un petit village en racontant plein d'horreurs. En plus, elles sont presque toutes vraies. Atmosphère, atmosphère (enfin, non, ça c'est dans un autre film). Sauf que, derrière les horreurs, il y a aussi pas mal de bonne volonté et beaucoup de souffrances. Mélange de portait collectif, de comédie de moeurs et d'intrigue policière, ce film a marqué son époque et valu quelques ennuis à Clouzot à la Libération. Il n'y a que la vérité humaine qui blesse...
La main du diable est une main gauche (évidemment). Elle ne coûte presque rien en argent (un peu de son âme en gage, quand même) et rapporte amour, gloire, richesse… et juste une petite malédiction éternelle en cas de possession prolongée. Roland Brissot, artiste peintre qui, sans elle, était médiocre, se coltine au cours d'une fuite dans un chalet de montagne le long récit en flash-back de sa fatale acquisition. Le flash remontera même jusqu'au Moyen Age, on ne mégote pas sur l'ambiance trouble. Evidemment, tout cela est assez pompé sur Faust (via Nerval), mais c'est aussi un des très beaux et rares exemples de cinéma fantastico-gothique-expressionniste français. Et au fait, en 1943, qui donc avait la main (gauche) sur le pays ? Ah, certes, ça n'a rien à voir puisque c'est la Continental, firme allemande, qui a produit le film. Quand même, il a l'air largement aussi métaphorique -et aussi bon !- que les Visiteurs du soir, dans le genre.