Le vénérable Docteur Faust se voit remettre une médaille pour l'ensemble de son oeuvre. Autant dire qu'il a raté sa vie et qu'il n'en a plus pour longtemps. A peine le temps de remercier toute l'équipe qu'il n'eut jamais et voilà Méfisto, démon de second plan mais bien cabotin quand même, qui lui montre le miroir de ce qu'il aurait pu être. Et voici qu'apparaît sur un écran magique (sans doute fabriqué à Hollywood) : beauté, gloire et fortune. L'amour est aussi disponible en option, mais pas forcément compatible avec le reste du scénario. Le mythe est donc revisité en version vaguement post-atomique et néo-poétique, mais en conservant princesse, bohémienne et sacs d'or. De la bonne vieille ouvrage qualité française, donc, avec les meilleurs cabotins du moment, mais qui a tout de même un peu de mal à croire à sa jeunesse éternelle. Et qui sera bientôt bien perturbé par un truc nouveau venant de la mer...
Toujours Vienne, toujours 1900 (mais ça n'a aucune importance). La ronde, c'est ce jeu supide -j'te prends la main, tu m'prends la main- que les humains apprennent dans les cours d'école -un gars, une fille, un gars, une fille- et auquel ils jouent toute leur vie. Par "amour de l'art de l'amour", ils rejouent tous et toujours les mêmes scènes, inconsolables de leurs souvenirs, obsédés par le temps qui passe trop ou pas assez vite. Bref, ils ne pensent qu'à ça et le plus dur, pour eux, est de ne pas en avoir l'air. Pour faire sa typologie des prélimaires amoureux, Ophuls met en place un dispositif très artificiel, avec maître de cérémonie tireur de ficelles et passages de témoin systématiques d'un couple à l'autre. On a compris : le monde est un théâtre dont tout le monde fait mine d'être dupe...
Un jeune homme en prison, beau comme Gérard Philippe, s'évade en douce pendant son sommeil, en rejoignant en rêve un mystérieux village où le temps s'est arrêté et où tout le monde est à la recherche de sa mémoire. Il a bien envie d'y rester, d'autant qu'il vient d'y rencontrer la jeune fille de ses rêves (c'est bien la moindre des choses), belle comme Suzanne Cloutier. Il a assez de mémoire pour tout le monde, mais ça présente aussi quelques inconvénients. Bon, on n'est pas vraiment dans Paprika ou dans Inception, mais il y a de ça quand même. En fait, c'est plutôt un remake caché du Jour se lève, où l'imagination prend la place du passé -avec le même mode d'emploi au début, pour ne pas larguer les spectateurs. Un poil de Magicien d'Oz, aussi, sans les couleurs. Tentative pour passer du réalisme poétique à la poésie réaliste. La magie et les grands sentiments sont un peu laborieux mais il y a de ça quand même.
Claude a deux vies : le jour, c'est un professeur de musique rêveur -et chahuté-, le soir c'est un compositeur d'opéra, rêveur aussi -et bien sûr complètement ignoré. Un ange musicien égaré dans un monde de cacophonie. Comme aucune de ces vies n'a l'air satisfaisante, il en a même une troisième : en fait, la bonne, c'est quand il dort. Gérard Philippe, à peine sorti du pays des merveilles de Juliette, replonge. Accro aux rêves dont il est le héros, encore. Ici, ils sont plus variés dans le temps et l'espace (la Révolution, les colonies, la Belle Epoque..), on sent qu'il est plus allé au cinéma. On dirait même qu'il a vu le Minuit in Paris de Woody Allen, tellement qu'on s'y croirait (Hemingway et Gertrud Stein en moins). Les réalisateurs vieillissants des années 50 n'aimaient décidément pas leur époque, ils espéraient encore que le cinéma les en sauvent.