Sans doute le premier film choral de l'histoire du cinéma. Décor idéal : le Grand Hôtel de Berlin, son grand hall circulaire, sa porte en tambour, ses sept étages en cercles concentriques. Tout tourne, comme le destin. C'est là qu'échouent toutes les élites financières et artistiques de la ville. Où débarquent aussi tous les jaloux qui ont échoué à en faire partie ou à s'y maintenir. Ou qui en rêvent. Rien que des grands cabotins de leur vie qui font des drames à tous les étages, comme il se doit (d'autant que les stars doivent rentabiliser le peu de temps d'écran qui leur est alloué). Le temps de quelques jours, ils vont donc s'échanger le peu qu'ils n'ont déjà plus vraiment : un peu d'argent, un peu d'amour, un peu de vie (un peu de gloire ?). En le criant un peu fort sur les tréteaux -pardon, le plancher- tout de même. Pas mal, pour l'époque. Mais où sont les blockbusters d'antan ?
Dans un riche ranch du Sud -façon Autant en emporte le vent, quelques années avant-, vivent un vieux sénateur réac et impotent, sa femme qui a tout le temps l'air de pleurer en silence, et leurs deux fils : le gentil progressiste et le séduisant vilain garçon. On leur met dans les pattes une jolie métisse -lointaine cousine à secourir. Et plein de beufs et de chevaux à déplacer, surveiller et dresser. Avec de telles bases, il ne faut pas s'attendre à beaucoup de nuances : de la passion et des coups de feu. Comme dans l'incroyable duel final, qui conjugue l'amour et la mort dans un bain de poussière et de soleil. Un joyau de sang dans un monde de brutes.
A quoi ça pourrait ressembler, un saint américain ? L'hypothèse George Bailey est ce qu'on propose de mieux sur le marché. Tout petit déjà, il sauve son frère et un petit commerce de la noyade. Il nourrit toute sa vie des ambitions de grand explorateur, sans jamais quitter son village natal. Il devient un père de famille fidèle et honnète, tout en exerçant la profession de banquier sympa. Tant de contradictions refoulées le mènent bientôt au bord de la dépression, et là il faut quand même qu'un ange stagiaire s'y colle pour le sauver du suicide. En lui montrant -sublime trouvaille- que le monde tourne nettement plus rond avec lui que sans. Quand le conte de Noël rencontre la mauvaise conscience américaine et que Capra s'en mèle, ça devient du grand art.
Il a 12 ans, est orphelin, a été élevé par son grand-père marin sans quasiment jamais mettre un pied à terre, et passe très laborieusement son certificat d'étude grâce à l'indulgence du jury. Il ré-embarque sur un baleinier dirigé par son grand-père, qui le confie à son second qui a fait des études. Toute l’histoire, ce sera : c'est quoi la meilleure école, celle de la vie ou celle de la culture, les baleines ou les livres ? La bonne réponse, ce sera : les deux, mon capitaine ! Mais attention, on n'est pas dans un livre, justement, on est dans un film avec des hommes des vrais dedans, beaucoup d'eau, de la sueur, du sang, des larmes et des baleines (sans doute un peu fausses, elles, mais on s’en fiche). De l'aventure, du panache, des héros des vrais. Du vrai cinéma, de la vie la vraie (et inversement).