Xavier se marie dans un mois : par amour raisonné ou raison amoureuse, c'est pas très clair. En attendant, il est en vacances au bord du lac de Genève, loin de sa fiancée mais tout près de charmantes voisines -dont une vieille copine écrivaine qui adore mettre en scène le désir des autres. Ils se racontent leurs histoires, ça leur donne envie d'en vivre. Et comme les voisines, bien que souvent en maillot de bain, se révèlent assez fuyantes, Xavier se fixe un objectif raisonnable : un genou. Par désir raisonné ou raison désirante, c'est pas très clair. Au jeu dont il est le héros, Xavier ne sait pas lui-même quel est son personnage. Mais quel genou !
Sabine a un amant, mais elle n'a plus l'air bien accro. Elle a décidé de se marier, mais surtout pas avec lui. En fait, elle ne sait pas encore du tout avec qui. Mais elle a une copine qui, elle, a l'air d'avoir un avis sur la question. La copine lui lance presqu'habilement son gentil cousin entre les pattes. Ca ne se passe exactement comme prévu, mais pas forcément pour les raisons prévues. En fait, les postulants-tourtereaux ont tout pour se plaire, et c'est ce qui les sépare le plus. Ils ne se fréquentent guère, parce qu'ils se comprennent peut-être trop bien. Bref, il ne se passe quasiment rien et pourtant c'est comme si on venait d'assister à une grande aventure. Rohmer plagie par anticipation son futur Conte d'automne. Ca, encore, c'est compréhensible. Mais comment donc fait-il pour inventer ce qui se passera plus tard dans la tête de filles comme moi qui n'en ont pas encore la moindre idée ? Ca, c'est le vrai mystère.
C'est les vacances : Rohmer, il aime bien les vacances. C'est propice à la parole et à la chair. Delphine, elle, ça dépend. Son copain l'a lachée il y a deux ans, la copine qui devait l'accompagner en Grèce vient de la lacher, elle est toute seule. Elle se fait inviter par-ci, elle s'ennuie par-là. Elle cherche la consolation dans les forces de la nature, mais la consolation n'est pas dans les forces de la nature. Elle croit pourtant aux jeux de l'amour et du hasard, mais sans concession, sans compromis. Pas de maître du jeu explicite, pour une fois, si ce n'est un joueur de cartes étourdi qui laisse traîner des indices sur son chemin -et le parrainage de Jules Verne. Le portrait gagne en liberté ce qu'il perd en maîtrise, les paroles gagnent en chair ce qu'elles oublient en style.
Opération : remarions la vigneronne (Magali, 45 a., veuve, 2gds. enfants, etc.). Deux anges-coquines s'y collent : Rosine, la copine du fils et Isabelle, l'amie d'enfance. Pas de concurrence -elles prennent l'initiative chacune de leur côté- mais quelques arrières-pensées qui trainent peut-être (elles seraient pas un peu agents doubles, des fois ?). Machinations, complots, intrigues : tous les moyens sont bons et surtout, comme toujours chez Rohmer, tout est matière à commentaires et analyses en direct, dans un flux continu de paroles. Les vendanges sont bonnes et le cru vieillit très bien.