Dans la Chine ancienne, deux valeureux combattants (est-ce lui le tigre, est-ce elle le dragon ? nous ne le saurons pas) s'aiment en secret au moins depuis Conficius. Il lui confie sa Destinée -une épée- pour la remettre à un notable qui se la fait voler illico par un voleur qui vole sur les toits. L'enquête commence. Le jour : visites de courtoisie diplomatiques et exquise politesse. La nuit : ballet d'armes et combats très singuliers -et élégants : il y a toujours au moins une dame concernée. Ca ressemble un peu à nos contes de fées (honneur, loyauté et amour courtois), avec tout ce qu'on attend de l'exotisme oriental (costumes somptueux et combats d'écoles entre grands maîtres très très sages) et tout ce qu'il faut de moyens hollywoodiens. En plus, souvent, la poésie résiste encore...
Cette fausse suite d'In the mood for love prolonge en fait tout autant Nos années sauvages. On y retrouve brièvement Lulu -alias Mimi- et surtout M. Chow qui s'est laissé pousser la moustache. Il écrit des romans de science fiction érotiques, invite des filles chez lui et croise la route de trois femmes sublimes et impossibles qui ont toutes quelque chose en elles de Mme Su (ses robes, son nom, son imagination, allez savoir...). Mais, avec elles, il ne parle qu'argent ou départs. Répétitions, incantations. 2046, c'est le pays d'où l'on ne revient jamais, la chambre où le temps s'est arrêté, la date vers laquelle les trains du futur filent sans fin. Un film-univers peuplé d'hommes désenchantés et d'androïdes à émotions différées, en rouge et vert comme l'impossible réunion des contraires, en spirales ovoïdes comme l'impossible retour du temps perdu. Personne n'avait aussi bien fantas-filmé les femmes depuis Sternberg, autant aimé leurs jambes depuis Truffaut ni traqué aussi délicatement leurs larmes depuis Almodovar.