Enorme. Il est énorme, en poids du corps et en poids des mots. Il gagne sa vie en déchargeant les bourses de quelques uns de ses semblables, et surtout en régalant les autres des récits de ses énormes exploits. En les exagérant ou en les inventant, si besoin. Il paie en mots ce qu'il ne peut pas payer en monnaie sonnante, c'est le plus généreux des bavards. En plus, il a d'excellentes fréquentations qui font de lui, aussi, un potentiel poids lourd politique. Le fils du Roi himself l'accompagne dans ses chasses, et lui prête des oreilles qui valent l'or de la couronne qu'il ne porte pas encore. Le Prince apprend avec Falstaff la seule chose que son père est incapable de lui payer ou de lui transmettre : jouer, et rire. Mais rien n'échappe à la raison d'Etat, surtout pas la bonne humeur de sang royal... Le budget fut sans doute modeste mais les mots sont de l'énorme Shakespeare, et les comédiens font le poids. Sans aucune lourdeur, et comme à la vitesse d'un cheval au galop.
Christian Gerber, sorte de Régis Debray populo qui, après avoir couru les maquis sud-américains pour interviewer des guerilleros barbus, retrouve à Paris son poste de journaliste-radio. Les années 70 battent leur plein de kitchitude. Le gadget du moment, c'est ce truc avec deux boules en plastique au bout d'une ficelle, qu'il faut faire se cogner entre elles le plus longtemps possible. Hair (le spectacle) fait un tabac, la Superstar du moment (sur les ondes de la radio, au moins) s'appelle Jésus-Christ. C'en est trop pour Gerber, libertaire dans l'âme (qu'il n'a pas) et mauvais esprit sur pattes (d'eph). Il se fait virer, puis, bientôt (opportunisme aidant), promu et, enfin (intégrité aidant), crucifié sur l'autel d'une société aux valeurs Kleenex. Une grosse farce narcissique, assez gonflée (à l'air du temps).