Les 775 films en DVD d'Isabelle
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film(s) produit(s) en Italie

64 réponses classées par dates


Ossessione - Amants diaboliques (Les)

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1943, Italie
Acteurs principaux : Massimo Girotti (1918 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 140 mn, NB

Critique perso :

Passager clandestin d'un camion, il débarque dans une station service. En tablier dans la cuisine, elle se vernit les ongles. Un regard suffit : début de l'histoire. Entre eux : un mari gras et vulgaire, une passion dévorante. Et la misère, comme une menace. Ils sont trop pauvres pour être honnêtes, mais trop petits pour leur destin. Il prendra des chemins détournés, le destin, mais il est le plus fort et il fait mal. Et l'éternel malentendu entre les hommes et les femmes ne tarde pas à se manifester. C'est une tragédie grecque tombée dans la boue : un film noir (un bon). Une date dans le cinéma italien, qui préfigure à la fois Rosselini (mais moins lyrique et compassionnel) et Visconti (avant ses coquetteries d'esthète).

Roma, città aperta - Rome, ville ouverte

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1945, Italie
Acteurs principaux : Anna Magnani (1908 - 1973), Marcello Pagliero (1907 - 1980)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 100 mn, NB

Critique perso :

Décors naturels, prises rapides, impression de vie palpitante : dans les derniers soubressauts de la guerre, Rossellini crée le cinéma moderne. Avec les modestes habitants d'un modeste immeuble romain, il fait des héros de la résistances. Il invente Anna Magnani. Non, assène-t-il : tous les italiens n'étaient pas fascistes. Pour sauver l'honneur, il y a eu des ouvriers, des enfants, des prêtres. 30 ans avant Aldo Moro, il voyait déjà ce qui pouvait rapprocher les cathos et les gauchos : leur même foi en l'humanité, pour contrer la barbarie des surhommes (qui n'y croyaient déjà plus, aux surhommes). Et il fait une fresque modeste et fervente, comme prise sur le vif et à la dérobée, devenue une étape cruciale de l'histoire du cinéma.

Paisa

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1946, Italie
Genre(s) : pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 120 mn, NB

Critique perso :

Le seul bon côté des guerres, c'est qu'elles permettent parfois à des peuples de se rencontrer -enfin, de se cotoyer plutôt, parce que la rencontre, c'est autre chose. Ainsi, en 44, les américains ont cotoyé les européens -et, à quelques exceptions près, les européens étaient bien contents de les voir arriver. Mais ça ne suffit pas forcément à faire des rencontres. Illustration italienne en six tableaux du sud au nord, du printemps 44 à l'hiver 45. Six sketchs, six quiproquos que ni la bonne volonté, ni la solidarité, ni même l'amour ou la foi ne permettent de lever complètement. Les êtres et les peuples restent le plus souvent opaques les uns aux autres, sauf face à la mort, peut-être. Les combats les plus durs se passent dans les coeurs et dans les têtes...

Sciuscià

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Réalisé par : Vittorio De Sica (1902 - 1974)
En : 1946, Italie
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Juste après Rome, ville ouverte, juste avant Le Voleur de bicyclette, juste en même temps que Paisa. Rome, qui a perdu la guerre -et tout le reste-, est devenue un repère de magouilleurs qui trafiquent leur misère avec les soldats américains. Ils sont deux amis, deux petits "shoeshine" des rues, qui ne rêvent que de cheval et de liberté. Ils ont le tort, comme tous les Olvidados du monde, de croire ce que leur racontent les adultes. Ils ont le temps d'un film pour apprendre comment fonctionne leur justice. Réquisitoire terrible et glaçant contre une société qui fait de ses petits Mozart des assassins.

Germania anno zero - Allemagne année zéro

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1948, Italie
Genre(s) : entre Berlin et Moscou /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 78 mn, NB

Critique perso :

Edmund est un ange blond d'une douzaine d'années. Edmund est né du mauvais côté -côté allemand- à une mauvaise période -les années 30. Dans les ruines post-apocalyptiques de Berlin dévastée, il cherche de quoi aider ce qui lui reste de famille à subsister : troc, marché noir et combines, dont il est plus souvent la victime que l'instigateur. Comme tous les enfants, c'est une éponge. Et le climat délétère de l'époque n'est pas très bon pour une poitrine d'enfant. Le chantre de la résistance italienne montre qu'il aime aussi ses ennemis : les nazis -du moins, qu'il n'a rien contre leurs rejetons. Parce que les premières victimes des guerres, ce sont les enfants. Ca rappelle vaguement quelque chose : l'éternelle histoire de l'innocent qui expie la faute de ses pères.

Ladri di biciclette - Voleur de bicyclette (Le)

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Réalisé par : Vittorio De Sica (1902 - 1974)
En : 1948, Italie
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Ce film est, quelques années après Rome, ville ouverte, le deuxième manifeste du néoréalisme italien, qui consista à sortir des caméras en plein air pour filmer la dignité des exclus et des perdants. Ricci, donc, est de ceux-là. Pas du genre causant. Au début, pourtant, il dégotte un bon boulot qui consiste à placarder des affiches de Gilda sur les murs de Rome. Mais, dès le premier jour, il se fait voler son indispensable outil de travail : sa bicyclette. Faire un chef d'oeuvre avec ça n'était pas gagné d'avance (j'en sais quelque chose : je viens de me faire voler mon vélo, aussi !). Mais Ricci a un fils aussi craquant que le Kid de Charlot. Mais il est brave et courageux, et la société cruelle. Mais les plus désespérés sont les plans les plus beaux.

Stromboli

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1949, Italie
Acteurs principaux : Ingrid Bergman (1915 - 1982)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 107 mn, NB

Critique perso :

Karen est très belle. Enfermée dans un camp de prisonniers, à la fin de la guerre, elle joue sa vie sur un coup de dé. Pas le droit d'émigrer en Argentine ? Elle épouse donc le bon gars qui la drague, de l'autre côté des barbelés, et le suit à Stromboli. Sauf que Stromboli, c'est tout sauf une retraite paisible. C'est une île et un volcan. A Stromboli la vie est rude, la nature sauvage, les traces humaines toujours menacées et provisoires. Les seules ressources y sont la pêche aux thons (qui donne lieu à une séquence documentaire mémorable) et ce qu'envoie la famille partie en Amérique. A Stromboli, la vertu essentielle est la modestie. Pas le fort de Karen, d'autant que son bon gars de mari se révèle tout juste un bon gars. Elle déprime sec. Elle vivra sa leçon de dépouillement comme un chemin de croix. Pour nous faire croire que la fin et un happy end, il faudra rien moins qu'un miracle (comme dans Voyage en Italie). Le cinéma, de toute façon, peut nous faire croire à tout.

Luci del varietà - Feux du music-hall (Les)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1950, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : en avant la musique /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

En ce temps-là, le Maestro n'était qu'un apprenti. Il a fait l'assistant pour Rosselini, il a besoin de l'oublié Latuada pour oser co-signer son premier film qui déjà, pourtant, lui ressemble. Il y est question d'une troupe d'artistes de dernière catégorie : ceux des cabarets minables et des publics à rire gras. Il y a là un fakir, un bonimenteur et un chanteur de charme (d'ailleurs, ce sont les mêmes), de quelques playmettes plus ou moins affriolantes. Juste assez pour tout de même donner envie à une jeune première de se joindre à la troupe : une Eve du pauvre, en quête de gloire en polystyrène. Ses jambes retiennent l'attention du bellâtre vieillissant de la bande -pas sûr que ce soit une bonne pioche. Dans cette version méditerranéenne de La Nuit des forains, les OS du bastringue rament pour ne pas mourir de faim. Mais il n'est sans doute pas de plus grand maestro que celui qui met son grand art au service des plus merdiques de ses collègues.

Sceicco bianco (Lo) - Cheik blanc (Le)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1952, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994), Alberto Sordi (1920 - 2003), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu
Caractéristiques : 86 mn, NB

Critique perso :

Ils sont provinciaux, ils débarquent pour leur voyage de noces à Roma la Grande. Monsieur a fait le planning : retrouvailles avec un vieil oncle, marathon touristique et audience papale. Mais Madame a des plans cachés : elle ne songe qu'à rencontrer le héros de son coeur, un Cheik blanc de pacotille (non, ce n'est pas le pape) qui parade dans les romans-photos qu'elle dévore en cachette. Alors qu'elle voulait simplement lui offrir un petit cadeau perso, son fantasme le plus secret se réalise : elle se fait kidnapper par (l'équipe technique de) son Cheik. Pendant ce temps, Monsieur se bat avec l'énergie de son désespoir pour sauver la face de son honneur baffoué. Le Maestro a déjà toutes ses cordes à sa lyre : les yeux exorbités d'un provincial monté à la capitale, un coeur de midinette, une verve de cartooniste, une patte d'artiste pour qui les rêves sont les meilleurs miroirs.

Pane, amore e fantasia - Pain, amour et fantaisie

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Gina Lollobrigida (1927 - ), Marisa Merlini (1923 - 2008)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 90 mn, NB

Critique perso :

Antonio est rentré dans la gendarmerie principalement, semble-t-il, pour le prestige supposé que l'uniforme confère auprès des dames. Le poil qui blanchit mais le coeur toujours vert, il trimballe ses galons, sa moustache et sa guitare au gré de ses affectations dans l'Italie profonde. A Sangliena, petit village (imaginaire) haut perché où il débarque, deux demoiselles retiennent son attention : une sauvageonne dévergondée qu'il laisse généreusement à son benet de subalterne, et une sage-femme plus mûre mais non moins gironde, qu'il trimballe généreusement partout sur son vélo -visiblement, il n'a que ça à faire. C'est un peu Don Juan chez Don Camillo, sans la dimension politique ni métaphysique - ni quoi que ce soit d'autre que pittoresque, d'ailleurs. Du pain et des jeux (de séduction) : tout ce que les italiens ont toujours aimé. Quant à la fantaisie, c'est à peu près celle de mes grands-parents.

Viaggio in Italia - Voyage en Italie

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Réalisé par : Roberto Rossellini (1906 - 1977)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Ingrid Bergman (1915 - 1982), George Sanders (1906 - 1972)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 79 mn, NB

Critique perso :

L'homme (se réveillant dans la voiture) : "Where are we ?". La femme (au volant) : "I don't know exactly !". Tout est dit. Où sont-ils, effectivement ? Quelque part en Italie, quelque part dans leur vie, à côté de leurs pompes anglaises. Le prétexte du voyage, c'est la vente d'un héritage. Le résultat, c'est la confrontation avec eux-mêmes, face à face. La femme en profite pour visiter les musées et les rues de Naples. L'homme tente un séjour à Capri. Leur couple, c'est fini. Pas à la hauteur de ceux qui gisent encore sous les cendres de Pompei. Et pourtant, le Vésuve fume encore... Voyager en Italie, c'est prendre l'éternité en pleine tronche. Le film est un hybride de parcours initiatique et de documentaire sur la vie à deux. Un alliage étrange qui fait des étincelles, la rencontre inoubliable de l'eau et du feu.

Vitelloni (I)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1953, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Alberto Sordi (1920 - 2003), Leopoldo Trieste (1907 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 104 mn, NB

Critique perso :

20 ans avant, le petit garçon de Amarcord avait déjà la trentaine. En fait, ils sont 5 mais parlent d'une seule voix (off) ; ce sont des vitelloni, c'est-à-dire des glandus, des bons-à-rien -poil dans la main. Ils habitent en couple avec leur mamma, ou leur papa, ou les deux. Ils font de grands projets en arpentant les pavés. Leur chef, c'est Faustau, celui qui plait aux dames. Plus intrépide que les autres, il tente le coup de se marier et, même, de travailler. Mais, pour vendre de la pacotille religieuse, il se fait la tête de El et on a décidément du mal à lui faire confiance. Les autres se contentent d'être des piliers de fêtes, blasés d'avance de la catastrophe tranquille de leur vie qui s'annonce. C'est pas drôle tous les jours, la Dolce vita de province.

Pane, amore e gelosia - Pain, amour et jalousie

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Gina Lollobrigida (1927 - ), Marisa Merlini (1923 - 2008)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Ca commence le lendemain matin de la dernière nuit du précédent : une vraie suite, quoi. Mais comment relancer les affaires de coeur, apparemment bien stabilisées à l'issue du premier épisode ? Bon sang mais c'est c'est bien sûr : instiller un peu de jalousie là-dedans, à coup de quiproquos (plus ou moins) bien sentis. Un peu de comedia del arte (mais pas trop quand même : faudrait pas que les filles prennent goût au spectacle non plus !), un peu de superstition tournée en dérision (mais le bon père est toujours bien bon !), un peu de morale bien pensante (la jolie sage-femme qui a retrouvé son amour de jeunesse n'a plus qu'à reboutonner son corsage !). Bref, après un peu de pagaille (et de pasta) passagère, tout rentre finalement dans le meilleur des ordres possibles. Difficile d'être très drôle sur de telles bases...

Senso

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Farley Granger (1925 - 2011), Christian Marquand (1927 - 2000), Alida Valli (1921 - 2006)
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 118 mn, couleur

Critique perso :

Elle adore l'opéra. Elle est belle comme une actrice, noble comme une héroïne et elle vit à Venise qui, même occupée par les autrichiens, est le plus beau décor du monde. Elle a un cousin qui résiste avec panache et un mari qui collabore avec veulerie. Autrement dit : elle est mûre à point pour un destin de Bovary de 1ère catégorie. Sûr qu'elle ne demanderait pas mieux que de s'abandonner au premier uniforme ennemi à jolie figure venu. Il vient, et il est beau. Ah l'amour... impossible, interdit si possible, c'est ce qui fait les meilleures histoires. Mais tout de même, il abuse un peu, des fois, le bel officier. Il a besoin de sous. Tout de même, il a l'art de faire avaler les couleuvres. Jusqu'au trognon, A l'opéra aussi, les (meilleures) histoires d'amour finissent mal (en général). Elle n'a pas tiré le bon rôle, elle n'a droit qu'au malheur et à l'humilation. Elle va tout perdre, elle a tout perdu. Sauf, comme les meilleures tragédiennes, l'art d'être à la hauteur de toutes les trahisons qu'elle s'est déjà faites à elle-même.

Strada (La)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1954, Italie
Acteurs principaux : Richard Basehart (1914 - 1984), Giulietta Masina (1920 - 1994), Antony Quinn (1915 - 2001)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 108 mn, NB

Critique perso :

Gelsomina est une simplette aux grands yeux vendue par sa mère à Zampano, artiste de foire misérable. Sa petite vie sera tiraillée entre cette brute qui n'en finira jamais de briser des chaînes devant le maigre public des villages italiens qu'ils traversent, et "le fou", un funambule au costume d'ange - entre la terre et le ciel, en somme. La route, c'est autant les kilomètres avalés par leur roulotte à moteur que l'espace qui reste à parcourir à ces êtres pour se rencontrer un jour. Aux dépens de sa vie et avec ses faibles moyens (en gros : trois plans de tomate et un air de trompette), Gelsomina réussira à faire germer un embryon d'âme dans la grande carcasse solitaire du colosse aux chevilles d'argile. Les coulisses amères du cirque de la vie, le plus petit et le plus misérable, donc le plus sublime.

Bidone (Il)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1955, Italie
Acteurs principaux : Richard Basehart (1914 - 1984), Broderick Crawford (1911 - 1986), Franco Fabrizi (1926 - 1995), Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 109 mn, NB

Critique perso :

Ils opèrent en groupe et en province. Leur spécialité (bien avant l'invention d'Internet, des spams et des hoax), c'est l'arnaque à la nigérianne : extorquer quelques sous à ceux qui n'en n'ont déjà pas assez pour vivre, en faisant miroiter des histoires mirobolantes et des trésors extravagants. En costumes respectables, pour mieux faire passer leurs pilules amères, ils jouent des sketchs qu'ils sont les seuls à apprécier. Ce sont des acteurs largués de leur vraie vie, cyniques par profession, minables et touchants, des Misifits avec du bagout, des Vitelloni qui ont mal tourné. Ils ont déjà grillé pas mal de leurs cartouches, ils sont unis comme les doigts de mains différentes. Ils ne touchent à la Dolce vita qu'avec les yeux. Et à leur nullité avec le ventre. Et nous avec le coeur.

Pane, amore e... - Pain, amour, ainsi soit-il

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1955, Italie
Acteurs principaux : Vittorio De Sica (1902 - 1974), Sophia Loren (1934 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, couleur

Critique perso :

On en prend d'autres (actrices, décor, réalisateur), et on recommence -en moins bien. Dans ce quasi remake paresseux du numero uno, Antonio, seul pilier encore en place est passé de la gendarmerie à la police municipale. Il a perdu (un peu) en prestige, quoique -toujours un bel uniforme et rien d'autre à glander que regarder passer les filles. Innovations : on est passé à la couleur, on a déménagé en Sicile, au bord de la mer, dans le village natal du héros et on lui a déniché un frangin prêtre, histoire de bien clarifier les enjeux dramatiques et moraux de l'affaire. Sinon, la typologie féminine ne s'est guère nuancée (bigotte coincée ou dévergondée affriolante, à votre guise, on n'a rien d'autre en rayon) et la subtilité du scénario pas des masses enrichie (plutôt l'une ? non plutôt l'autre !). Plus grand chose à croûter sur ces pains-là...

Soliti ignoti (I) - Pigeon (Le)

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Réalisé par : Mario Monicelli (1915 - 2010)
En : 1958, Italie
Acteurs principaux : Claudia Cardinale (1938 - ), Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Renato Salvatori (1934 - 1988), Toto (1898 - 1967)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 111 mn, NB

Critique perso :

Vol de voiture dans les rues de Rome ; arrestation en flagrant délit. Dans la banlieue : des gamins qui jouent dans un terrain vague, quelques minables qui trafficottent comme ils peuvent. On cherche un pigeon pour prendre spontanément la place du voleur en prison. On en trouvera un pour prendre, tout aussi spontanément, sa place dans le casse du siècle. Ils sont tous là, les archétypes italiens qu'on adore : le séducteur-frimeur-froussard, le sicilien ombrageux, le pique-assiettes encombrant (et quelques autres). Ils sont tous là, aussi, les acteurs italiens qu'on adore, tout jeunes encore (et, en prime, le sublime Toto, espèce de Fernandel local). Ils sont tous là, déjà, les ressorts comiques du cambriolage mirobolant qui tourne au foirage grandiose. Retour à la source cachée de tant de plaisirs cinématographiques à venir.

Magliari (I) - Profession: magliari

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Réalisé par : Francesco Rosi (1922 - 2015)
En : 1959, Italie
Acteurs principaux : Renato Salvatori (1934 - 1988), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 111 mn, NB

Critique perso :

On est dans le milieu des émigrés italiens venus chercher, avec papiers (plus ou moins) en règles, du boulot plus au nord, dans la froide Allemagne (un truc complètement démodé). Magliari, ça a l'air d'être (à peu près) la traduction de Bidone en dialecte napolitain de Hanovre. Ca veut dire débrouille, arnaques, (petits) arrangements avec la conscience. C'est la vocation de Totonne, (très) bon dans le métier. Il essaie d'y initier Mario, (nettement) moins doué. Mais Mario a une belle gueule ; il prend de l'avancement en plaisant à la patronne, tandis que Totonne se lance dans la carrière d'apprenti-parrain-marchand de tissus à son compte. Portrait de groupe (quasiment) sans solidarité, (presque) sans femmes et sans (beaucoup d') argent, pour qui la bonne volonté ne fait pas (du tout) le bonheur.

Vedovo (Il) - Veuf (Le)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1959, Italie
Acteurs principaux : Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 87 mn, NB

Critique perso :

Alberto, le veuf du titre, n'est en fait pas en mal de femmes. La vraie -l'officielle- est riche, brillante et cynique, et en a marre de payer avec sa fortune perso les pots cassés de ses projets foireux. L'autre -l'officieuse- est jeune, jolie et pauvre, et voudrait bien bénéficier (encore plus) des potentiels bénéfices desdits projets. La femme et l'argent, donc, les deux pôles de la vie d'Alberto (et pas que), dans une histoire de vases communicants avec dérivations multiples. Précisons au passage que le bonhomme est chef d'une petite entreprise de fabrications d'ascenseurs -ce qui montre bien son ambition (d'ascension) sociale- mais que ces derniers ont la fâcheuse habitude de causer de fâcheux accidents, ce qui l'empêche de payer ses ouvriers en grève, mais pas de promouvoir son douteux ingénieur en chef. Ce qui l'oblige, aussi, à avoir recours à divers subterfuges pour remettre la machine en marche... C'est un peu toute l'Italie qui est en panne dans ce film -à part son cinéma (surtout ses comédies sociales), qui commençait alors une fulgurante ascension dans l'estime des cinéphiles.

Avventura (L')

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Lea Massari (1933 - ), Monica Vitti (1931 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /culte ou my(s)tique /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 145 mn, NB

Critique perso :

Anna aime sandro qui aime Anna, tout en ayant l'air de s'ennuyer à mourir. Anna s'éclipse en douce, Sandro la cherche un peu, mais il a déjà trouvé Claudia qui était l'amie d'Anna. Claudia aussi cherche Anna et finit par trouver Sandro pas si mal. Ce film, c'est comme un brouillon qu'on raturerait devant nous, pour en ajouter ou en retirer un personnage. Pour les envoyer d'un côté, et puis finalement de l'autre. C'est aussi l'histoire d'un crime parfait : l'assassinat en direct d'un amour, et la naissance d'un autre qui ne vaut guère mieux. C'est un peu Stromboli et Voyage en Italie remontés à l'envers, comme en roue libre, en ayant l'air de s'en fiche mais avec la trouille (de ne pas être à la hauteur de sa vacuité) au ventre. Les paysages naturels et les couloirs des résidences sont d'une profondeur vertigineuse. L'abîme vide des êtres qui y déambulent aussi.

Dolce vita (La)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Anouk Aimée (1932 - ), Alain Cuny (1908 - 1994), Anita Ekberg (1931 - 2015), Yvonne Furneaux (1928 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Magali Noël (1932 - 2015)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 167 mn, NB

Critique perso :

Marcello, chroniqueur people de la Via Veneto, pratique avec son sujet la technique de l'observation participante : toujours là où il se passe quelque chose, au milieu des princes et des starlettes, dans leurs cafés préférés ou leur villa décrépite. Il connaît tous les moyens de ne pas passer la nuit chez lui, que ce soit en faisant trempette dans la fontaine de Trevi (cultissimo !) avec une simili Marilyn-Ingrid-Bardot, ou en causant poésie avec une clone de Gertrud Stein. Parfois, il lui faut aussi cotoyer le peuple, le vrai, qui n'arrive à attirer l'attention que parce qu'il croit encore aux miracles. Mais son vrai créneau, c'est le mondain désabusé, las de ses propres transgressions, qui n'est sans doute qu'une variante polie de Freaks de foire. Dieu est mort et l'aube est un supplice sans cesse recommencé.

Rocco e i suoi fratelli - Rocco et ses frères

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1960, Italie
Acteurs principaux : Claudia Cardinale (1938 - ), Nino Castelnuovo (1936 - ), Suzy Delair (1917 - ), Alain Delon (1935 - ), Annie Girardot (1931 - 2011), Roger Hanin (1925 - 2015), Renato Salvatori (1934 - 1988)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 168 mn, NB

Critique perso :

Quatre frères du sud débarquent un soir sans prévenir, avec mama et barda, à la soirée de fiançaille du cinquième frère, installé à Milan : début de l'exil. A cette époque, en Italie, le réalisme n'est déjà plus très neo, et Visconti commence à devenir ce qu'il est. Ses personnages habitent une cave, mais se promènent sur le toit des cathédrales. Parmi les cinq frères, il en pioche surtout deux : Rocco et Simone. Un saint et un salaud, le bon et la brute-truand dans la même famille. Et une femme, pour leur permettre de devenir ce qu'ils sont. Deux frères, deux boxeurs, deux anges en exil sur la terre.

Vita difficile (Una) - Vie difficile (Une)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1961, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Lea Massari (1933 - ), Alberto Sordi (1920 - 2003)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 118 mn, NB

Critique perso :

Silvio est un brave garçon. Pendant la guerre, il fait le bon choix : il se retrouve dans le camp des anti-fascistes et se terre bravement dans un moulin abandonné pendant des mois, aux bons soins d’Elena, paysanne locale qui a tué à sa place un méchant nazi. Reconnaissant, il embarque Elena à la fin de la guerre partager sa vie de journaliste romain intègre et misérable. Brave garçon il est, brave garçon il restera. Il consacre sa vie à dénoncer les puissants, même si les puissants le sont souvent plus que lui. Accessoirement, il passe aussi sa vie à reconquérir Elena, pas sûre, elle, d’avoir fait le bon choix, et plus prompte aux accommodements avec les transformations de l’Italie de l’époque. Une Italie décidément pas trop faite pour les braves garçons. Le film est, lui, infiniment drôle et cruel, pied de nez aux puissants et hommage désabusé aux braves garçons dépassés par les événements. Du tout meilleur choix !

Eclisse (L') - Eclipse (L')

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1962, Italie
Acteurs principaux : Alain Delon (1935 - ), Francisco Rabal (1926 - 2001), Louis Seigner (1903 - 1991), Monica Vitti (1931 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pas drôle mais beau /poésie en image
Caractéristiques : 118 mn, NB

Critique perso :

Elle met à peine 20mn à dire au revoir à son ex -qui s'accroche un peu- et à quitter sa maison pleine de murs, de miroirs et de silence. Ca va mal pour les solitaires. Elle erre un peu dans les rues. Dans un temple grec où l'on adore un Dieu étrange, elle retrouve sa maman ; c'est la Bourse, au moins là, il y a un peu plus d'ambiance. Elle rencontre un golden-boy sans parachute. Ils traversent presque sans changer de visage le crac de leur vie. Ca va mal pour les petits porteurs. Ils errent un peu, mais ensemble cette fois. Il l'emmène dans son appartement plein de portes, de vitres et de silence. Ils s'amusent un peu. Mais ça va mal dans le monde, ce truc plein à ras-bord de signifiants qui ont égaré leur signifié. On étouffe en plein air. Total eclipse of the heart, comme chantait l'autre... (ai-je assez fait comprendre que c'était génial ?).

Salvatore Giuliano

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Réalisé par : Francesco Rosi (1922 - 2015)
En : 1962, Italie
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 123 mn, NB

Critique perso :

Salvatore Giuliano est un bandit, un autonomiste, un mafieux, un bon fils (en Sicile, tout cela est un peu mélangé). Toute sa brève -mais brillante- carrière, il l'a passée dans les 10kms qui entourent sa maison natale. Et, malgré une débauche de moyens, la police a eu toutes les peines du monde à l'y dénicher (en Sicile, ça se passe souvent comme ça). Ses méthodes sont pourtant connues au moins depuis Pépé le Moko : réseau de complicités indémêlable, corruptions, intimidations... Salvatore Giuliano, ce sont les autres qui en parlent le mieux. En fait, il n'en parlent pas avec leurs mots (en Sicile, ça ne se fait pas), mais avec leurs corps, leurs gestes et leurs gueules burinées par le soleil et la misère. Salvatore Giuliano est un aimant invisible : ce film est son portrait en pieds mais de dos, dans l'ombre, sans qu'aucun plan ne permette d'identifier son visage. Sec, brut, magnifique (en Sicile...).

Sorpasso (Il) - Fanfaron (Le)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1962, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 105 mn, NB

Critique perso :

C'est une journée de 15 août dans Rome déserte. Il fait trop beau et trop chaud pour travailler, pourtant Roberto travaille son droit (romain, sans doute). Il fait trop beau et trop chaud pour ne rien faire, c'est un temps à attirer les mouches. Justement, voilà Bruno qui débarque dans la vie de Roberto. Et qui l'embarque illico pour un voyage vers nulle part dans sa voiture de frimeur, pédale au plancher et klaxon au vent. Bruno, c'est la fine fleur de la connerie locale. Sympa, rigolo et dupe de rien. Taxeur, glandeur et refileur de pots cassés. Roberto, c'est la fine fleur de la civilisation inutile. Poli, timide et réservé. Faible, aveugle et impuissant. Un pot de fer (en toc) et un vase de Chine. Le genre de types faits pour s'entendre à merveille tant qu'ils ne se connaissent pas. Une des premières strada pellicula (road movie en italien) du cinéma (un genre qui ira loin), mais qu'il est déjà bien dur de sorpasser (dépasser, en italien).

8 1/2

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Anouk Aimée (1932 - ), Claudia Cardinale (1938 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 138 mn, NB

Critique perso :

En rêve il étouffe, s'asphixie, s'échappe par le haut, s'écrase dans la mer. Dans la vraie vie, c'est un réalisateur célèbre en cure dans une ville d'eau, incognito. Chapeau, lunettes noires, courtisans, toute la panoplie. Il prépare un film avec un astronef, mais ça a l'air d'avoir du mal à décoller. C'est pourtant pas comme l'imagination, qui s'emballe vite. C'est pas non plus faute d'être bien entouré. Une maîtresse, des ex, des peut-être. Et (Allo chérie bobo !) une épouse dévouée, jamais très loin. Plein de muses, de fées ou de sorcières. Abracadabra, a(sa)ni(sa)ma(sa) ! Et v'là l'enfance qui débarque. Des fois, c'est les fantasmes qui prennent le relai. Le théâtre d'un esprit ressemble parfois à un drôle de cirque. Drôle de M. (dé)loyal. En tout cas, capable du genre de films qui fait décoller les âmes. Et s'échapper par le haut, avec ou sans astronef.

Gattopardo (Il) - Guépard (Le)

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Claudia Cardinale (1938 - ), Alain Delon (1935 - ), Burt Lancaster (1913 - 1994), Serge Reggiani (1922 - 2004)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /du Moyen-Age à 1914
Caractéristiques : 205 mn, couleur

Critique perso :

Ce film, c'est un peu le Autant en emporte le vent sicilien -en bien mieux ! C'est l'histoire de l'unification italienne vue du côté des perdants : dépassés mais fiers, lucides, désabusés. Aristocrates toujours. De ceux qui ont tout compris de l'âme de leur terre ancestrale, et qui savent anticiper son destin. Qui acceptent de "changer pour que rien ne change". Burt Lancaster est chargé d'incarner la noblesse à lui tout seul. Surprise : il passe à l'aise des dilligences du far ouest aux coupés princiers. Il pose un regard perçant de patriarche sur sa tribu familiale, sur ses pairs en pleine perdition, sur les nouvelles élites en pleine ascencion. On le suit volontiers jusqu'à son dernier bal (50mn, le dernier bal) tant la fresque est somptueuse.

Mostri (I) - Monstres (Les)

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1963, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marisa Merlini (1923 - 2008), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, NB

Critique perso :

Les monstres bipèdes forment une espèce animale assez répandue. Ils feraient des voisins très fréquentables s'ils n'étaient pas juste un peu pourris, veules et magouilleurs. Ils ont l'ego et le verbe hauts, très hauts même - mais tout le reste au ras des pâquerettes. Petits monstres de la dernière averse, vieux monstres des neiges d'antant (quand on est monstre, on est monstre). Tableau de famille avec voitures et prestige à entretenir : regardez comme ils font le beau, ces fiers mâles, tous unis dans le puissant syndicat de la connerie universelle. Des vrais coqs empâtés. Portrait de l'Italie comme un zoo où se serait installée une fête foraine pleine de miroirs déformants. Portraits d'humains ordinaires, mes semblables mes frères.

Deserto rosso (Il) - Désert rouge (Le)

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1964, Italie
Acteurs principaux : Richard Harris (1930 - 2002), Monica Vitti (1931 - )
Genre(s) : pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Dès le générique, le monde est flou. On n'est pas à la bonne distance. Trop loin, trop froid, trop poisseux, trop bruyant : c'est le monde de Giuliana. Ou plutôt, c'est le monde où Giuliana n'arrive pas à être. Pour la draguer, Corrado, le collègue de son mari, n'arrête pas de lui dire qu'il ressent la même chose. Mais personne ne se rend compte qu'il a les tripes à l'air, le monde. Sa nature est grise, pleine d'humus et d'humeurs. Ses boyaux sont en ferraille rouge, il crache de la fumée comme un dragon. L'espèce humaine n'est qu'un vulgaire parasite de ce biotope hostile qu'il a contribué à inventer. Le film se passe à Ravenne, la capitale italienne des mosaïques. La capitale de la couleur. La capitale de la douleur d'être.

Vangelo secondo Matteo (Il) - Evangile selon St Matthieu (L')

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Réalisé par : Pier Paolo Pasolini (1922 - 1975)
En : 1964, Italie
Genre(s) : culte ou my(s)tique /poésie en image /à l'antique
Caractéristiques : 133 mn, NB

Critique perso :

Un film dont les visages et les paroles sont la matière première. Des visages d'hommes, des visages de femmes, des visages d'enfants. Des visages magnifiques de paysans miséreux, de vrais gens pas beaux. Tout un peuple, aussi grand que celui des armées d'Alexandre Nevski. Son visage à Lui, c'est une force douce, un roc gracieux et un regard pointu. L'énergie d'un homme qui marche. Les riches et les puissants se reconnaissent, eux, à ce qu'ils ne bougent pas, et aux chapeaux démesurés qui rétrécissent leur visage. L'Homme parle, aussi. Ces paroles entendues mille fois, toujours fraîches. Sur un script éventé depuis 2000 ans, un film brut de dé-embaumage, plus vivant que toutes les hollywooderies sur le sujet. De l'eau de roche.

Giuletta degli spiriti - Juliette des esprits

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1965, Italie
Acteurs principaux : Giulietta Masina (1920 - 1994)
Genre(s) : jeu dans le jeu /poésie en image
Caractéristiques : 137 mn, couleur

Critique perso :

A quoi pense la ménagère (italienne, bourgeoise) de moins de 50 ans ? A se faire belle pour son mari, à entretenir son intérieur, à sourire tout le temps. Mais le mari, semble-t-il, a d'autres préoccupations. Depuis quelques années, Fellini est passé maestro dans l'art de filmer la vie intérieure. Ici, il tente, avec beaucoup de bonne volonté, de trouver une forme aux fantasmes raisonnables de la sainte femme qui partage sa vie. Pour elle, il fait parler des esprits frappeurs et un gourou hermaphrodite. Il ridiculise ses copines pétasses, sa famille de pétasses, sa pétasse de voisine. Il moque ses souvenirs de petite fille modèle et sourit de son grand-père volage. Il lui offre plusieurs figures d'amant idéal sur un plateau (elle ne se sert même pas). Il lui dit d'être, enfin, actrice de sa vie. Espérons qu'elle a entendu le message qu'elle a joué.

Incompreso (L') - Incompris (L')

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Réalisé par : Luigi Comencini (1916 - 2007)
En : 1966, Italie
Acteurs principaux : Anthony Quayle (1913 - 1989)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Dès le début et jusqu'à la fin des temps : une absence -injuste et horrible, comme toutes les absences. Au centre, au fond : l'absente qui fut, on le devine, délicate et douce. Ceux qui restent : Milo, Andrea et leur diplomate de père, une famille de gens beaux, riches et très malheureux -et même Florence (la ville) n'y peut rien, c'est dire. C'est surtout Andrea, 10 ans, que nous suivons. C'est celui dont la bulle, à égale distance de celle des autres, est la plus fragile. Derrière ses forfanteries d'enfant à la dérive, on le devine délicat et doux. Il est plein de bonne volonté, mais toujours à côté de la plaque continentale de son père. C'est un mélo sur des orphelins qui souffrent : un enfant de 5 ans, un enfant de 10 ans, un enfant de 40 ans. Des hommes sans femme, inguérissables de leur nostalgie du bonheur perdu.

C'era una volta il West - Il était une fois dans l'ouest

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Réalisé par : Sergio Leone (1929 - 1989)
En : 1968, Italie
Acteurs principaux : Charles Bronson (1921 - 2003), Claudia Cardinale (1938 - ), Henry Fonda (1905 - 1982), Jason Robards (1922 - 2000)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /carrément à l'ouest /culte ou my(s)tique /épique pas toc
Caractéristiques : 165 mn, couleur

Critique perso :

Il était une fois un réalisateur qui aurait vu et aimé Duel au soleil, Johnny Guitar, Rio Bravo et L'Homme qui tua Liberty Valance (entre autres). Il croirait donc au pouvoir hypnotique du cinéma. Il était une fois, donc, trois hommes de l'Ouest : un joueur d'harmonica taciturne, un bandit romantique et une brute sanguinaire. Il était une fois une femme qui serait à la fois une maman et une putain. Ils auraient tous des comptes à règler avec le passé, et des paris à faire sur l'avenir. Ils laisseraient pas mal de cadavres derrière eux. Pour eux, le temps se serait comme arrêté, suspendu, dilaté. Et le temps, au cinéma, c'est ce qui permet de parcourir les déserts mythiques de Monument Valley, de scruter les paysages tourmentés d'un visage, de laisser se deployer la géniale musique de Morricone. Le temps d'un merveilleux conte de fées pour grandes personnes.

Teorema - Théorème

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Réalisé par : Pier Paolo Pasolini (1922 - 1975)
En : 1968, Italie
Acteurs principaux : Massimo Girotti (1918 - 2003), Silvana Mangano (1930 - 1989), Terence Stamp (1939 - ), Anne Wiazemsky (1947 - 2017)
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine /poésie en image /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 98 mn, NB/couleur

Critique perso :

Hypothèse : une famille bourgeoise (bonne comprise).
1ère partie. Un télégramme : "Arrive demain". Un type est là, effectivement. Beau comme un ange, lit Rimbaud. En moins de 3/4 d'heure, il s'est fait toute la famille (bonne comprise) - enfin, c'est plutôt les autres qui lui sautent dessus, d'ailleurs.
2ème partie. Un autre télégramme, Il part. Les autres n'ont plus qu'à devenir ce qu'ils sont : saint, artiste ou débauché, ce qui bien sûr revient au même, pour Pasolini. Bon, on n'a sans doute pas appris les maths dans les mêmes écoles, mais il faut reconnaître que sa démonstration est claire et tranchante : un petit coup de grâce et hop, c'est toute la "petite bourgeoisie" (comme on disait à l'époque) qui explose.

Appunti per un'Orestiade africana - Carnet de notes pour une Orestie africaine

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Réalisé par : Pier Paolo Pasolini (1922 - 1975)
En : 1970, Italie
Genre(s) : culte ou my(s)tique /docu (plus ou moins fiction) /jeu dans le jeu /à l'antique
Caractéristiques : 65 mn, NB

Critique perso :

Ce serait comme le projet d'un film rêvé, imaginé, conceptualisé. Un brouillon, le making off des repérages, des vagues velléités de casting. Ca adapterait l'Orestie d'Eschyle en Afrique. Parce que l'Orestie ça raconterait, en fait, la fin de la vengeance tribale et l'avènement de la justice des hommes, le début de la modernité (c'est la version Pasolini de l'histoire, il venait de traduire le texte pour le théâtre). Et parce que les pays d'Afrique, 10 ans avant, avaient presque partout acquis leur indépendance. On a la thèse, donc, la problématique et le plan. En guise d'illustration, quelques images d'archives de guerres locales bien barbares. On a aussi le débat d'après projection, avec des étudiants africains de Rome, et même un happening jazz qui fait intermède. Avant, pendant et après, le docu sur une fiction qui n'existe pas, tout ce qui entoure un film sans en faire vraiment partie, tout en en inventant un quand même. Assez fort quand même, en fait.

clowns (I) - Clowns (Les)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1970, Italie
Acteurs principaux : Anita Ekberg (1931 - 2015), Federico Fellini (1920 - 1993)
Genre(s) : docu (plus ou moins fiction) /du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pour petits et grands enfants
Caractéristiques : 92 mn, couleur

Critique perso :

Un matin, un petit garçon qui s'appelle Federico assiste émerveillé à l'émergence d'un chapiteau géant sous ses fenêtres. Le cirque a aussi dans ses bagages des Hercule de foire, une panthère au milieu des tigres... et des clowns. Depuis ce jour-là, le petit garçon se rend compte que son village est une piste grandeur nature. Depuis ce jour-là, il passe son temps à essayer de reproduire indéfiniment cette scène primitive. D'abord, il s'y prend façon "clown blanc", c'est-à-dire sérieux, rationnel, autoritaire -et un peu foireux. Mais où sont les clowns d'antant ? Enquête, interviews, témoignages. Ratages. Et puis, à bout d'infos exploitables, il lâche le "clown Auguste" qui est en lui au milieu d'une piste et il imagine son grandiose enterrement, dans un chaos génial qui n'appartient qu'à ses mises en scène. Intro, thèse, antithèse (la synthèse, c'est lui !) : ce type-là est vraiment le meilleur docteur possible en sciences clowneriestiques.

In nome del popolo italiano - Au nom du peuple italien

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1971, Italie
Acteurs principaux : Yvonne Furneaux (1928 - ), Vittorio Gassman (1922 - 2000), Ugo Tognazzi (1922 - 1990)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Un petit juge italien intègre et barbu doit enquêter sur la mort d'une jeune fille. La jeune fille fréquentait des vieux messieurs, pour le plus grand profit de ses braves parents provinciaux. Parmi les fréquentations, le petit juge repère Lorenzo Santenocito, un industriel multicarte, pollueur-escroc-magouilleur multirécidiviste, le tout-Rome corrompu à lui tout tout seul. Tout ce qu'il adore. Il prend donc l'enquête à coeur et Lorenzo en grippe, et se lance dans une partie de cache-cache qui n'amuse que lui (et les spectateurs). Le combat entre les deux grands monstres se joue à armes inégales, voiture de luxe contre vespa. Il y a décidément quelque chose de pourri dans l'empire romain de l'après-guerre. Heureusement, au même moment, l'Italie gagne la coupe du monde de foot. L'honneur est donc sauf.

Ludwig - Ludwig - Le crépuscule des Dieux

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Réalisé par : Luchino Visconti (1906 - 1976)
En : 1972, Italie
Acteurs principaux : Helmut Berger (1944 - ), Trevor Howard (1913 - 1988), Silvana Mangano (1930 - 1989), Romy Schneider (1938 - 1982)
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 235 mn, couleur

Critique perso :

Ludwig est un prince charmant parfait : jeune, beau, intelligent et amateur d'art, que rêver de plus. Sa cousine, c'est Sissi et c'est encore Romy qui s'y colle. Le décor et les costumes sont donc ceux d'un conte de fées. Mais il y a des toujours des vers qui se cachent dans les meilleurs fruits. Cette Sissi-là n'est pas la même que l'autre, elle ne croit pas aux princes charmants, elle vient de l'autre côté du miroir. Et le frère de Ludwig, il est encore plus beau que lui mais pas extrêmement équilibré. Et puis, il va trop loin dans les belles idées, ce prince-là : soutenir Wagner (ce débauché), construire des châteaux (immenses, somptueux et vides) en Baviève... En fait, il aime décidément trop les belles choses (et les beaux jeunes hommes) pour être honnête. C'est comme un long long opéra, filmé au ralenti, sur la décomposition d'un empire, d'une famille, d'un homme.

Roma - Fellini Roma

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1972, Italie
Acteurs principaux : Federico Fellini (1920 - 1993), Anna Magnani (1908 - 1973)
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 128 mn, couleur

Critique perso :

Pour faire le portrait d'une ville -surtout d'une capitale éternelle !- il faut commencer par la regarder de loin : de la province et de l'enfance. Après, on peut commencer à s'approcher, mais tout doucement et par des chemins détournés. En donnant des coups de sonde historiques (l'antiquité, la guerre, maintenant) et géographiques, verticalement (les sous-sols, les rues, les escaliers et les ascenceurs) et horizontalement (à pied, à cheval, en voiture... en métro et en moto, aussi). Ne pas oublier de montrer, surtout, que cette ville est en perpétuelle représentation d'elle-même, que le goût du spectacle traverse les époques et contamine aussi bien ses filles de joie que ses hommes de Dieu (ils sont fous ces romains !). Si tout y est, le résultat pourrait bien être génial.

Ultimo tango a Parigi - Dernier tango à Paris

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Réalisé par : Bernardo Bertolucci (1940 - )
En : 1972, Italie
Acteurs principaux : Marlon Brando (1924 - 2004), Jean-Pierre Léaud (1944 - ), Maria Schneider (1952 - 2011)
Genre(s) : Paris /cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux
Caractéristiques : 136 mn, couleur

Critique perso :

1, rue Jules Verne. C'était au temps béni où on trouvait, à Paris, des apparts vides de 120 m2 avec Marlon Brando dedans en cadeau Bonux. Jeanne passe par là, visite (l'appart), essaie (le bonhomme). Emballée, elle revient régulièrement. Dans leur île déserte, la petite française pimpante et le mâle américain vieillissant explorent leurs mystères. Lui en a gros sur la patate depuis le suicide de sa femme. Il est pas mauvais en français, le bougre, mais c'est son vocabulaire anglais qui impressionne ("God" et plein d'insanités qui ne sont même pas dans mon Harrap's). Chair triste, etc. Elle, on se demande comment elle supporte son fiancé-cinéaste exalté qui espère refaire l'histoire du cinéma rien qu'en la regardant. Le film qui inventa le genre psycho-mélo-érotico-intello-dépressif.

Amarcord

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1973, Italie
Acteurs principaux : Magali Noël (1932 - 2015)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 127 mn, couleur

Critique perso :

Fellini plonge dans sa mémoire d'enfant. Il se souvient de ses profs fatigués, de ses camarades de classe et de leurs complots de pissotières. Il se souvient de son confesseur enrhumé. Il se souvient de tout ce qui tombe du ciel : les aigrettes du printemps, la neige des mauvais jours, les premiers désirs. Il se souvient de types en chemises noires à la gachette chatouilleuse. Il se souvient d'une dame en rouge qui attirait tous les regards. Il se souvient de Fred Astaire et de Gary Cooper. Il se souvient d'un prince arabe et de ses 40 sirènes. Il se souvient d'une buraliste généreuse. Il se souvient de sa famille : son père maçon, sa mère dévouée et leurs engueulades qui mettaient du sel dans le potage. Il se souvient d'un grand père encore vert. Il se souvient d'un oncle trop grand pour son âge, qui jouait à tonton perché en réclamant "una dona" pour passer l'été. Il se souvient de ses souvenirs et il invente un film au présent de la mémoire (Kusturica lui a tout piqué), grand et fou comme l'enfance.

Profumo di donna - Parfum de femme

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Réalisé par : Dino Risi (1916 - 2008)
En : 1974, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Voyage en Italie, vers le sud, d'un nain et d'un géant. Le géant est un aveugle extralucide, grande gueule intarrissable, grand amateur de femmes, suprêmement insupportable. Le nain est un jeune militaire timide qui lui est affecté comme guide officiel et souffre-douleur attitré. Un Fanfaron blessé et sa victime de compagnie, embarqués pour une drôle de mission dont on ne sait rien, qui les mène sur une Terrasse crâmée de soleil, où ils retrouvent des collègues et une nuée de jeunes filles. Là, les masques grimaçants tombent, la souffrance de ceux qui ont renoncé à aimer affleure. Une comédie-mélo dopée à l'énergie du désespoir.

Professione: reporter - Profession Reporter

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Réalisé par : Michelangelo Antonioni (1912 - 2007)
En : 1975, Italie
Acteurs principaux : Jack Nicholson (1937 - ), Maria Schneider (1952 - 2011)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /jeu dans le jeu /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 126 mn, couleur

Critique perso :

Le film se déroule dans le temps qui sépare les deux morts de M. Robertson : la vraie et la fausse (à moins que ça ne soit le contraire). Le genre fuyard, le Robertson. Sa (vraie) femme ne le connaît pas, ses (faux) frères ne veulent que les armes qu'il n'a pas (vu qu'en fait il était journaliste). A peine mort, tout le monde le traque en lui réclamant des comptes, le temps de quelques jours de déambulations dans les limbes du monde occidental. Le film se déroule aussi dans l'espace qui sépare deux déserts : le vrai et le faux (à moins que ça ne soit le contraire). Entre les deux : plein de belles pierres, mais pas beaucoup de chaleur humaine. Un vrai road movie à travers le purgatoire. Et en cadeau bonus : un avant-dernier plan, filmé du point de vue d'une âme, qui est le plus beau de l'histoire du cinéma.

Brutti sporchi e cattivi - Affreux, sales et méchants

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nino Manfredi (1921 - 2004)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 115 mn, couleur

Critique perso :

Affreux, certes. Sales, incontestablement. Méchants, à coup sûr. Mais d'abord et avant tout : pauvres. Entassés comme des rats dans un bric à brac de fortune, mais avec vue sur le Vatican. Dans les années 70, il y avait encore des bidonvilles à Rome (et ailleurs aussi). Et des pauvres. L'heure n'est plus à la dignité qu'ils manifestaient chez Rosselini, De Sica ou Pasolini. Ici, c'est plutôt Shakespeare dans un tas d'ordures, avec des gens pas sympas dont rien de bon ne sort. Miroir à peine déformant de la société normale, de ceux qui savent y mettre les formes (beaux, propres et gentils) mais qui, au fond, partagent les mêmes valeurs : l'argent, l'argent et l'argent (et le sexe, aussi). Et si l'on est parfois tenté de rire, c'est avec la grossièreté du désespoir.

Io sono un autarchico - Je suis un autarcique

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1976, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 95 mn, couleur

Critique perso :

Avant d'être un quadragénaire minoritaire, Nanni a été un vingtenaire autarcique -ce qui semble vouloir dire, ici, minoritaire parmi les minoritaires. Papa isolé, marié mais séparé, autonome mais vivant de subventions paternelles, individualiste mais toujours au milieu de sa bande : le parfait emmerdeur. Il ne manque pas une occasion de faire la tronche, surtout quand il s'agit de participer au n-ième spectacle de théâtre expérimental fauché -et engagé, naturalmente- monté par son pote le plus intello. Son ex lui reproche de ne jamais réussir à avoir l'air tendre, elle a bien raison. Lui aussi, c'est comme ça qu'il est le meilleur. Cinéphile, déjà, et déjà pas très sympa avec certains de ses futurs confrères. Un brouillon de Journal intime filmé en super 8, mais déjà du vrai cinéma.

Giornata particolare (Una) - Journée particulière (une)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1977, Italie
Acteurs principaux : Sophia Loren (1934 - ), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : pas drôle mais beau /portrait d'époque (après 1914) /vive la (critique) sociale !
Caractéristiques : 110 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au début : bandes d'actu d'époque, qui commentent la triomphale visite de courtoisie du Fuhrer au Duce. On se croirait dans un remake pas drôle de To Be or Not to Be ou du Dictateur. Puis : début d'une journée pas comme les autres pour Antonietta, une ménagère romaine de moins de 50 ans -mais avec 6 gamins et 2 000 ans de machisme sur le dos. Sa marmaille et son mari s'en vont faire le salut fasciste au camarade visteur, en compagnie de la totalité de leur immeuble. Tous ? Non, un homme est resté là, aussi, dans l'appartement d'en face, au milieu de ses livres, dans un autre monde. Grâce à un oiseau en cage, à une concierge à moustache et à quelques malentendus, Antonietta et Gabriel s'échangent quelques mots, et même un peu plus, et même ce qu'ils n'ont pas, sur fond de discours militaires et de musique martiale. A peine une étincelle, le temps de croire que Trois Mousquetaires peuvent quelque chose contre deux tyrans. Rien, mais qui sauve l'honneur. Rien, mais qui change la vie.
PS : Honte aux DVDs René Chateau, qui ne proposent que la VF, et même pas avec la voix de Mastroianni !

Ecce bombo

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1978, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 103 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella, le filmeur en super 8 de Je suis un autarcique (qui ressemble toujours terriblement à Nanni Moretti) vit encore chez ses parents (avec sa soeur). Il doit avoir un peu plus de sous, il tourne avec une meilleure caméra. Mais il se prend de plus en plus pour le metteur en scène de sa propre vie, et de celle des gens qui l'entourent. Il leur demande de rejouer certaines scènes, invente leurs répliques quand elles ne lui plaisent pas, accessoirement visite le tournage d'autres (ou officie sa copine) ou une espèce de festival rock en plein air dont il semble être le seul participant. Il choisit toujours avec goût les filles avec qui il joue (même quand elles sont mariées à un copain). Et c'est sans doute pour alimenter le making of de sa petite existence qu'il invente avec sa bande de potes un groupe « d'autoconscience » pas excessivement productif. En fait, c'est comme s'il se faisait passer des bouts d'essais à lui-même, comme s'il préparait le casting de son propre biopic. C'est sa manière à lui de faire de la radio libre, comme elles commencent à apparaître à l'époque. Un autoportrait en Vitelloni cinéphile de capitale, un petit film libre.

Prova d'orchestra - Répétition d'orchestre

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1978, Italie
Genre(s) : en avant la musique /jeu dans le jeu /la parole est d'or /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 70 mn, couleur

Critique perso :

Un lieu prestigieux et chargé d'histoire. Des hommes et des femmes qui ont consacré leur vie à un grand art. Un chef esthète et inflexible. Non non, on n'entre pas pour autant dans les coulisses guindées d'un événement mondain. C'est juste la petite repet' privée d'un orchestre symphonique. Pourtant, y'a un(e) intrus(e) : une caméra de télé. Invisible, mais toujours là. Insaisissable, intrusive. Devant elle, les musiciens ne se sentent plus de joie. Chacun devient plus bavard que sa musique. Chacun a sa petite théorie pour justifier la prééminence de son instrument au sein du groupe, et ne se prive pas de la donner. On sent que c'est mal parti pour le jeu collectif. Et d'ailleurs, bientôt, la révolte gronde de derrière les pupitres. Le travail à peu près sérieux tourne au happening beatnik - à moins que le maestro ne parvienne à rétablir l'équilibre sur la balance de l'art... En mineur, pas reposant mais pas désagréable.

Terrazza (La) - Terrasse (La)

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Réalisé par : Ettore Scola (1931 - 2016)
En : 1980, Italie
Acteurs principaux : Vittorio Gassman (1922 - 2000), Marcello Mastroianni (1924 - 1996), Serge Reggiani (1922 - 2004), Remo Remotti (1924 - 2015), Ugo Tognazzi (1922 - 1990), Jean-Louis Trintignant (1930 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 124 mn, couleur

Critique perso :

Un grand buffet avec des pâtes et des haricots, sur une grande terrasse romaine. Les convives sont nombreux, intelligents, énervés. En majorité : des intellos-bobos, caviar-cocos. Ils bossent dans la culture politique, ou dans la politique culturelle. Ils ont tout vu, tout lu, tout connu, ils se sont tant aimé. Il y a Enrico, qui n'arrive pas à écrire le scénario du film en 5 sketchs, qui pourtant se déroule devant nous. Luigi et Amedeo, qui n'arrivent pas à retenir leur femme, qui pourtant leur doit tout. Sergio, qui n'arrive pas à retenir le semblant de vie qu'il a pourtant sauvé de la guerre. Et Mario qui, en amour comme en politique, n'arrive clairement pas à écrire des textes clairs. Des mâles drôlement tragiques, tragiquement drôles. On a beau les voir de plusieurs point de vue, sous plusieurs angles : ils sont toujours aussi las, lâches et fuyants. Portrait de l'artiste en hommes vieillissants.

Sogni d'oro

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1981, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Remo Remotti (1924 - 2015)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 105 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella -toujours lui !- a (un peu) grandi. Il a fait un film sur la jeunesse (qui ressemble sans doute beaucoup à Ecce bombo), et est invité à en parler lors de projections publiques. Un emmerdeur a le chic d'y venir toujours lui poser la même question emmerdante (en gros : en quoi votre film emmerdant intéresse-t-il le peuple italien, le vrai ?) auquel il mettra le temps du film à répondre (en cinéma). Ca y est, donc, Michele a réalisé son rêve, il est un cinéaste, un vrai. Il vit encore avec sa maman tout en préparant son prochain film sur Freud et son complexe d'Oedipe, donc il se soigne. Il est aussi harcelé par deux frères-postulants assistants qui ne l'assistent pas beaucoup. Et enfin, il a des collègues-concurrents pas avares de compromissions qu'il peut affronter à sa guise et à armes égales (enfin presque). Il n'est jamais aussi bon qu'avec ses ennemis (lui-même et les autres), Michele, et qu'avec sa meilleure arme (en cinéma)…

E la nave va - Et vogue le navire

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1983, Italie
Acteurs principaux : Freddie Jones (1927 - )
Genre(s) : du Moyen-Age à 1914 /en avant la musique /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 132 mn, NB/couleur

Critique perso :

Au commencement était le cinéma. Il était muet, en noir et blanc et plein d'innocence. Et puis tout le reste est arrivé. Le son, la couleur, les officiels et les officiers, et l'innocence a dû mettre les voiles, avant de se faire rattraper par le monde en haute mer. C'est à peu près ça que le film raconte et aussi, sans doute, beaucoup d'autres choses. Autant que de spectateurs. Par exemple, une autre version pourrait être : quelque part avant la première guerre mondiale, un prince étranger (et sa cour), quelques fils à papa/maman, des jeunes premièr(e)s ingénu(e)s, des génies incompris et incompréhensibles, un journaliste, un rhinocéros gris et les cendres d'une célèbre cantatrice sont sur un bateau. Toute la civilisation, quoi, plus quelques passagers clandestins. A la fin, tout le monde tombe à l'eau, sauf le cinéma. Insubmersible comme le jouet de grand enfant génial.

Bianca

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1984, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Remo Remotti (1924 - 2015)
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 96 mn, couleur

Critique perso :

Michele Apicella (cf. épisodes précédents) est nommé prof de maths dans un collège romain modèle (juke box dans les salles de classe et psy à demeure pour les enseignants), et il continue à faire la tronche. Le monde tel qu'il est, ou devrait être, c’est toujours trop pour lui. Il serait peut-être un peu rigide sur les bords, d’ailleurs il n’aime que le chocolat et les chaussures des femmes. Même Bianca, la prof de français plus que modèle (d’ailleurs elle a de très jolies chaussures) qu’il arrive à draguer, elle est trop pour lui. Le couple, l’amour, c’est vraiment des trucs qui l’obsèdent et le dépassent. D'ailleurs, c’est jamais comme il faut, toujours trop ou pas assez bien. Eternel inadapté, rigide sur les bords, l'esprit pas très bianco. Débordé de partout, le Michele.

Ginger e Fred - Ginger et Fred

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1986, Italie
Acteurs principaux : Franco Fabrizi (1926 - 1995), Giulietta Masina (1920 - 1994), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 125 mn, couleur

Critique perso :

Dans ses derniers films (et celui-ci est sans doute le premier de ses derniers films), Fellini combat son ennemi intime : la télé-Berlusconi (petit jeune plein de cheveux et d'avenir, à l'époque). Pour Noël, elle ratisse large, la TV : elle se transforme en fête foraine, en foire aux sosies, en marché aux héros et en Freaks en tout genre (bienvenue au pays des monstres gentils !). Au milieu d'eux : un vieux faux couple composé d'une ex-pseudo Ginger et d'un ancien simili Fred. Ils ont eu leur 1/4h de gloire avec leur show dansant, quand tout le monde savait encore à qui leur nom d'artiste faisait référence. Mais le monde petit écran n'est plus le leur. Il n'est pas non plus tout à fait le nôtre : les rues sont pleines de poubelles fumantes façon Soleil vert, il y a des télés dans toutes les pièces, conformément à la prédiction de Charly. Nous sommes dans une sorte de science fiction sauce bolognaise, un enfer pavé de publicités vulgaires. Le terreau puant est bien là ; les éclats de poésie qui y poussent aussi.

Intervista

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1987, Italie
Acteurs principaux : Anita Ekberg (1931 - 2015), Federico Fellini (1920 - 1993), Marcello Mastroianni (1924 - 1996)
Genre(s) : jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 102 mn, couleur

Critique perso :

Le cinéma mode d'emploi : des rêves et des studios, des grues et des conféttis, de la mémoire et des projecteurs. Il faut aussi, c'est mieux, quelques éléphants, une baleine (prénommée Anika), et un acteur-magicien (prénommé Marcello). Et, au milieu du chaos comme un poisson dans l'eau de son bocal préféré : un grand type en chapeau à la voix douce, qui ne feint pas d'en être l'organisateur (il l'est !). Il suffit qu'il ait tout prévu pour que l'imprévisible dont il avait besoin surgisse. Il suffit qu'il rêve de l'Amérique (celle de Kafka et de DeMille) pour les indiens de ses westerns viennent à lui tout seuls. Il suffit qu'il soit là pour me rendre heureuse. C'est un film qui serait à la fois son propre making-of, sa propre pub (interviews, bande-annonce et bêtisier compris), et sa propre négation (par la télévision), sans jamais cesser d'être lui-même, c'est-à-dire introuvable.

Tè nel deserto (Il) - Thé au Sahara (Un)

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Réalisé par : Bernardo Bertolucci (1940 - )
En : 1990, Italie
Acteurs principaux : John Malkovich (1953 - ), Debra Winger (1955 - )
Genre(s) : heurs et malheurs à deux /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 138 mn, couleur

Critique perso :

Ca commence dans le New-York des années folles, ça se termine dans les dunes du Sahara. Y paraît que ce serait l'histoire d'un couple qui se noie dans les sables. En fait non, c'est l'histoire d'une femme qui tente la traversée de son désert intérieur. A la rame, en solitaire. Comme dans l'appart' désert du Dernier tango à Paris. De mari en amants, sur des terres de plus en plus arides, sauvages, étrangères, elle devient de plus en plus aride, sauvage, étrangère à elle-même. On ne sait pas trop si on la plaint ou si on l'envie. C'est comme un voyage dans le temps, aussi, ou une expédition à la recherche d'une source perdue. Pour voir ce qu'il reste quand la civilisation a sombré : de la sensualité, du soleil et du désespoir.

Voce della luna (La)

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Réalisé par : Federico Fellini (1920 - 1993)
En : 1990, Italie
Acteurs principaux : Roberto Benigni (1952 - )
Genre(s) : conte de fées relooké /pauvre espèce humaine /poésie en image
Caractéristiques : 120 mn, couleur

Critique perso :

Un poète à lunettes rondes et aux yeux en soucoupes entend la lune lui parler. Sa vie (ou sa mémoire ou son imagination ?) est peuplée de gens bizarres : un vieux con parano, des madonnes, des Cendrillon, des hommes pas à la hauteur, le roi et la reine des gnocchis (qui président à l'élection de Miss Farine), des cerbères policiers à poils longs, des jeunes qui aiment Michael Jackson (entre autres). La cacophonie règne. Sa vie (ou sa mémoire ou son imagination ?) est pleine de ronds, de trous, de trappes, de puits et de passages ovoides (quasiment un par plan) : c'est comme si la lune faisait des petit(e)s. Et quand, à la fin, trois frangins allumés finissent par la décrocher (la lune), cela n'étonne personne. La télé essaie bien de l'interviewer, mais, heureusement, elle ne parle qu'au poète. Elle lui conseille de faire silence -ce que Fellini, hélas, s'empresse de faire.

Caro diario - Journal intime

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1994, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 100 mn, couleur

Critique perso :

Nanni Moretti, superbe quadragénaire minoritaire, nous ouvre quelques pages de son journal, en images qui bougent et en musiques. D'abord, il nous fait son Roma à lui, en vespa et en musique -avec au passage un coucou à Flashdance (ça, désolée, je ne l'ai pas en stock) et un au-revoir à Pasolini. Après, il nous fait son Stromboli à lui -en musique aussi, mais moins dansant. Et puis, la musique s'arrête (lui aussi) et il frole la mort pour de bon, avant de nous réserver son plus beau sourire (avec les yeux). Ce truc inclassable à la pemière personne, toujours en mouvement, ne raconte rien et ne ressemble à rien. C'est une espèce de testament anthume qui laisse le sentiment d'avoir fait une rencontre inoubliable. Avec un superbe quadragénaire minoritaire, vraiment vivant.

Aprile

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 1998, Italie
Acteurs principaux : Nanni Moretti (1953 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /jeu dans le jeu /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 78 mn, couleur

Critique perso :

En Italie comme ailleurs, il est de mauvais avrils -celui de 94, qui a vu l'élection d'un certain Berlusconi- et il en est de plus joyeux -la naissance de Pietro Moretti 1er, deux ans plus tard. Moretti-le père fait du cinéma. Pendant cette période, il hésite entre le documentaire sur l'état de son pays où l'appelle son devoir, et cette comédie musicale sur un pâtissier trotskiste des années 50, dont il rêve depuis Journal intime. Filmer les foules en manif ou son bébé en couches culottes ? Quella è la questiona ! Mais son art poétique, lui, est fixe -comme sa caméra- comme sa capacité intacte à s'énerver devant la lâcheté, le mensonge et les mauvais films américains. Autoportrait narquois en papa névrosé, journal à ciel ouvert, succulente gâterie "de gauche" d'un artisan-expert.

Toto, che visse due volte - Toto, qui vécut deux fois

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Réalisé par : Cipri et Maresco
En : 1998, Italie
Genre(s) : culte ou my(s)tique /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 93 mn, NB

Critique perso :

Dans un inquiétant village cramé de soleil, apparemment oublié du reste du monde et du temps et bizarrement couillu, vit une bande particulièrement gratinée de tarés désargentés. Leurs principaux soucis, dans l'ordre : baiser des femmes, à défaut des hommes, à défaut des animaux, à défaut des anges, à défaut se masturber en groupe, à défaut se masturber tout seul. Les seules alternatives envisageables semblent être de devenir parrain ou de devenir saint dans une des deux institutions locales disponibles (au même visage), l'Eglise et la Mafia. Dans un tel environnent tout peut arriver, comme par exemple désirer une pute barbue, disputer du fromage aux rats ou une bague à son amant mort, ressusciter après avoir été dissout dans l'acide. L'image et les réalisateurs ont clairement pris un gros coup de soleil, là est leur génie.

Stanza del figlio (La) - Chambre du fils (La)

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 2001, Italie
Acteurs principaux : Laura Morante (1956 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Silvio Orlando (1957 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : cadavre(s) dans le(s) placard(s) /du rire aux larmes (et retour) /pas drôle mais beau /pauvre espèce humaine
Caractéristiques : 99 mn, couleur

Critique perso :

Tout va pour le mieux dans la meilleure des familles possibles. Maman dans la transmission de l'art, papa dans la guérison des âmes, fifille et fiston ados mais gentils quand même... Ils sont beaux et sains, ils font du sport et prennent leurs repas ensemble. Jusqu'au jour où le fiston a la bien mauvaise idée de ne pas remonter de sa dernière plongée sous-marine. Là, c'est tout le monde qui plonge. Maman ne transmet plus rien, sauf sa détresse, papa ne guérit plus personne, surtout pas lui-même. Fifille reste gentille mais elle souffre quand même. Le temps s'arrête quelque temps. Il en faudra pas mal pour remettre en route la clepsydre. Petit voyage en apnée, sans pathos et sans mélo -sans grande surprise non plus, mais beau et digne quand même.

Meglio gioventù (La) - Nos meilleures années

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Réalisé par : Marco Tullio Giordana (1950 - )
En : 2003, Italie
Acteurs principaux : Alessio Boni (1966 - ), Luigi Lo Cascio (1967 - ), Maya Sansa (1975 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 400 mn, couleur

Critique perso :

Mon film préféré de l'année 2003 : 6h, 40 ans de vie (des années 60 à nos jours) , un pays (l'Italie), une famille. Italienne, donc, certes, mais dont les membres préfèrent les livres et les voyages au football et à la télé. Une famille sur plusieurs générations : évidemment il est, au bout du compte, beaucoup question de transmission, d'héritage, de mémoire. L'esprit du temps et le vent du destin soufflent en coulisse. Le secret des meilleurs récits, de ceux qui font sens, c'est de tisser un réseau de rimes, de connexions, de fils qui relient les faits, les gestes et les êtres à travers le temps et l'espace, c'est d'entrelacer les vies individuelles avec les événements historiques, Stromboli , Rocco et ses frères et la musique des Parapluies de Cherbourg. Tel pas de porte plusieurs fois le décor d'un dernier adieu, tel voyage commencé par l'un et fini par un autre, une génération plus tard, telle rencontre qui mettra 20 ans à prendre sens. Ce film a un tissage tellement subtil qu'il se confond sans peine à la trame de nos propres souvenirs. Si le cinéma est un songe, nous sommes tous fait de l'étoffe de ce songe-là.

Caimano (Il) - Caïman (Le)

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Réalisé par : Nanni Moretti (1953 - )
En : 2006, Italie
Acteurs principaux : Margherita Buy (1962 - ), Nanni Moretti (1953 - ), Silvio Orlando (1957 - ), Jasmine Trinca (1981 - )
Genre(s) : du rire aux larmes (et retour) /heurs et malheurs à deux /jeu dans le jeu /pauvre espèce humaine /portrait d'époque (après 1914)
Caractéristiques : 112 mn, couleur

Critique perso :

C'est le film où Nanni fait le tour de ses meilleurs ennemis. D'abord, il se déguise en son contraire : un ex-producteur de nanars anticommunistes, un has been névrosé, incompétent, fauché et en retard d'une ou deux époque(s). Aussi papa en instance de divorce, mais ça, ça le rendrait plutôt sympathique, c'est par là que Nanni pourrait bien ne pas être si différent. Pour brouiller les pistes, il se regarde aussi dans le miroir d'une jeune postulante cinéaste aussi motivée que stressée par sa propre ambition. Le genre citoyenne concernée, altère egotte en plus jeune et moins blasée. Enfin, il affronte sa bête noire, l'espèce d'hydre bronzé à la tête d'à peu près tout en Italie. Il lui pique son texte, le dé-joue et le dé-sincarne en lui otant tout folklore. Et là, ça ne fait plus rire du tout. Autoportrait en négatif, en creux et en décalé. C'est en s'éloignant de lui-même que Moretti s'en rapproche le mieux.

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