Il est au volant de sa voiture, il a de grands yeux inquiets qui font un peu peur, il cherche un homme à embarquer. Un homme solitaire qui aurait besoin d'argent facile. Non non, pas pour ça. Pour un service très bien rémunéré. Honnête, mais qui demande un peu de courage d'âme. Un service existentiel, métaphysique, un service d'homme libre. Mais c'est pas facile à trouver, à Téhéran, un homme libre. Il faut remuer ciel et terre pour réussir à trouver quelqu'un qui accepterait de remuer un peu de ciel et de terre. D'abord, il ne récupère que des gamins. Un apprenti soldat, un séminariste débutant, pour qui ce service n'est visiblement pas au programme de leurs études. Et puis, il rencontre un homme, un homme vrai. Et puis, et puis... Après pas mal de virages en formes de point d'interrogation, on aboutit à une fin indécidable. Comme la vie, quoi.
Le cercle, hélàs, est souvent vicieux. C'est, dans ce film, le lieu symbolique de l'enfermement perpétuel des femmes en Iran, comme cette roue verticale où s'épuisent les souris en cage. Maudites dès leur naissance, voilées, battues, encadrées comme d'éternelles mineures, traquées et surveillées en permanence par des barbus en tenue militaire (sans doute les sinistres "gardiens de la révolution"), coupables, forcément coupables de tout, condamnées à perpet' à attendre le bon vouloir des hommes... Clandestines de leur propre vie, elles sont réduites, au mieux, à la précaire solidarités des humiliées. Dans ce Yol au féminin, on en suit 3, 5, 6, formant une Ronde sans fin : uniques dans leur personnalité, identiques dans leur soumission, toutes infiniment belles et terriblement malheureuses. Haletant comme un documentaire, accablant comme un pamphlet, vrai comme une fiction.